L’Essentiel : La société PREGO a réalisé des travaux pour Monsieur [L] [J] et Madame [Z] [C], réglés par deux chèques totalisant 24.111 euros. Après une opposition des débiteurs, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné la mainlevée de cette opposition le 29 mai 2024, condamnant les débiteurs à verser une provision de 10.620 euros. En décembre 2024, PREGO a assigné BNP Paribas et la Caisse d’Epargne en référé pour obtenir le paiement des sommes dues. Le tribunal a finalement jugé qu’il n’y avait pas lieu à référés, renvoyant PREGO à saisir le juge de l’exécution pour récupérer les fonds.
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Contexte de l’affaireLa société PREGO a réalisé des travaux de rénovation pour Monsieur [L] [J] et Madame [Z] [C], qui ont réglé ces travaux par deux chèques d’un montant total de 24.111 euros. Ces chèques ont été déposés à la Caisse d’Epargne le 29 mars 2023, mais une opposition a été faite par les débiteurs le 21 avril 2023. Décision du tribunal judiciaireLe 29 mai 2024, le président du tribunal judiciaire de Paris a ordonné la mainlevée de l’opposition sur les chèques, rendant cette décision opposable à la société BNP Paribas et à la Caisse d’Epargne. Il a également condamné in solidum Monsieur [L] [J], Madame [Z] [C] et la S.C.I. H§C à verser une provision de 10.620 euros, ainsi qu’une somme de 2.200 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Assignation en référé par la société PREGOLe 31 décembre 2024, la société PREGO a assigné en référé la S.A. BNP Paribas et la Caisse d’Epargne pour obtenir le paiement des sommes dues, ainsi que la reconnaissance de l’opposabilité de l’ordonnance de référé. Elle a également demandé des dommages et intérêts pour le préjudice subi. Arguments de la société PREGOLa société PREGO a soutenu que la banque avait une obligation de délivrer les fonds après la mainlevée de l’opposition. Elle a fait valoir que la société BNP Paribas avait commis une faute en ne respectant pas cette obligation, entraînant un préjudice financier pour sa société. Réponse de la société BNP ParibasEn réponse, la société BNP Paribas a contesté la demande de référé, arguant que les chèques étaient périmés depuis le 7 avril 2024 et que la mainlevée de l’opposition n’était plus possible. Elle a également demandé la condamnation de la société PREGO à lui verser des frais sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Décision finale du tribunalLe tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référés, considérant que la société PREGO devait saisir le juge de l’exécution pour obtenir la délivrance des fonds. La société PREGO a été condamnée aux dépens, et la demande de BNP Paribas sur le fondement de l’article 700 a été déboutée. L’exécution provisoire a été déclarée de droit. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de la banque tirée d’un chèque frappé d’opposition ?La banque tirée d’un chèque frappé d’opposition a des obligations précises en vertu de la jurisprudence et des dispositions légales. Selon la Cour de cassation, la banque est tenue d’immobiliser la provision jusqu’à la décision judiciaire sur la validité de l’opposition, si elle a été mise en cause dans l’instance en référé. En l’absence de mise en cause, cette obligation d’immobilisation dure pendant une année suivant l’expiration du délai de présentation du chèque. Après la mainlevée de l’opposition, la banque doit payer au bénéficiaire le montant jusqu’alors bloqué, sous réserve que le titre puisse lui être remis en contrepartie. Il est donc essentiel que la banque respecte ces obligations pour éviter d’engager sa responsabilité. Quels sont les délais de prescription applicables aux actions en recours concernant les chèques ?Les délais de prescription pour les actions en recours concernant les chèques sont régis par l’article L.131-59 du Code monétaire et financier. Cet article stipule que les actions en recours du porteur contre les endosseurs, le tireur et les autres obligés se prescrivent par six mois à partir de l’expiration du délai de présentation. Pour l’action du porteur du chèque contre le tiré, le délai de prescription est d’un an à partir de l’expiration du délai de présentation, qui est généralement de huit jours à compter de l’émission du chèque. Il est important de noter que, même en cas de déchéance ou de prescription, il subsiste une action contre le tireur qui n’a pas fait provision ou les autres obligés qui se seraient enrichis injustement. Comment la demande en justice affecte-t-elle le délai de prescription ?L’article 2241 du Code civil précise que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Cela signifie que si une partie engage une action en justice, le délai de prescription est suspendu jusqu’à ce que la décision soit rendue. Cette interruption s’applique également lorsque la demande est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé en raison d’un vice de procédure. Ainsi, dans le cas présent, l’assignation en mainlevée de l’opposition a interrompu la prescription de l’action contre le tiré, permettant à la société PREGO de faire valoir ses droits. Quelles sont les conséquences de la péremption des chèques sur les obligations de paiement ?La péremption des chèques a des conséquences significatives sur les obligations de paiement. Selon l’article L.131-59 du Code monétaire et financier, les actions en recours se prescrivent par six mois à partir de l’expiration du délai de présentation. Dans le cas où les chèques sont périmés, la banque tirée n’est plus tenue de procéder au paiement, car l’obligation de paiement est éteinte. Cela signifie que la société PREGO ne peut pas exiger le paiement des chèques périmés, ce qui complique sa situation. La société BNP Paribas a souligné que les oppositions au paiement des chèques ne peuvent plus faire l’objet d’une mainlevée, ce qui renforce l’idée que la péremption des chèques entraîne l’extinction de l’obligation de paiement. Quelle est la compétence du juge des référés dans ce type de litige ?Le juge des référés a une compétence limitée, comme le stipule l’article 835 du Code de procédure civile. Ce dernier précise que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peuvent prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état, même en présence d’une contestation sérieuse. Cependant, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier. Dans cette affaire, la société PREGO a tenté d’obtenir des dommages et intérêts et de faire constater une faute de la banque, mais le juge des référés a estimé que ces demandes ne relevaient pas de sa compétence. Il appartient donc à la société PREGO de saisir le juge de l’exécution ou le juge du fond pour faire valoir ses droits. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 25/50019 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6UZN
N° : 2
Assignation du :
31 Décembre 2024
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[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 17 janvier 2025
par Maïté FAURY, Première vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Estelle FRANTZ, Greffier.
DEMANDERESSE
La société PREGO, société par actions simplifiée à associé unique
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître Cécile BENOIT-RENAUDIN de la SELARL SELARL D’AVOCATS MARTIN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #P0158
DEFENDERESSES
S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Clément DEAN, avocat au barreau de PARIS – #R0029
CAISSE D’EPARGNE ET PREVOYANCE ILE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]
non représentée
DÉBATS
A l’audience du 10 Janvier 2025, tenue publiquement, présidée par Maïté FAURY, Première vice-présidente adjointe, assistée de Estelle FRANTZ, Greffier,
Après avoir entendu les conseils des parties,
La société PREGO a effectué des travaux de rénovation chez Monsieur [L] [J] et Madame [Z] [C] pour lesquels la S.C.I. dont ils étaient gérants a versé deux chèques de 15.000 euros et 9.111 euros, déposés à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France le 29 mars 2023.
Monsieur [J] et Madame [C] ont fait opposition sur les chèques le 21 avril 2023.
Par ordonnance de référé du 29 mai 2024, le président du tribunal judiciaire de Paris a :
– ordonné la mainlevée de l’opposition formée contre les chèques sus visés,
– dit que cette décision était opposable à la société BNP Paribas et à la Caisse d’Epargne afin que les fonds soient versés dans un délai de 8 jours calendaires à compter de la signification de l’ordonnance,
– condamné in solidum Monsieur [L] [J], Madame [Z] [C] et la S.C.I. H§C au paiement à titre provisionnel de la somme de 10.620 euros,
– condamné in solidum Monsieur [L] [J], Madame [Z] [C] et la S.C.I. H§C au paiement de 2 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
Par acte de commissaire de justice en date du 31 décembre 2024, la société PREGO a assigné en référé à heure indiquée la S.A. BNP Paribas et la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France aux fins d’obtenir :
– la condamnation de la S.A. BNP Paribas au paiement par provision des sommes de :
24.111 euros correspondant au montant cumulés des chèques émis par la société H§C et libellés à l’ordre de la société PREGO en raison de la mainlevée ordonnée, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2024774,55 euros au titre des frais engagés 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir avec pouvoir de liquider l’astreinte,
– l’opposabilité de l’ordonnance de référé à intervenir à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France,
– la condamnation de la société BNP Paribas au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
Lors de l’audience du 10 janvier 2025, la société PREGO, représentée par son conseil, maintient oralement ses demandes.
A l’appui de ses prétentions, la société PREGO se prévaut des dispositions des articles 835 du Code de procédure civile, L.131-35 du Code monétaire et financier et 1240 du Code civil.
Elle fait valoir que la banque tirée d’un chèque frappé d’opposition est tenue d’en immobiliser la provision jusqu’à la décision judiciaire sur la validité de l’opposition puis après mainlevée de l’opposition, de payer au bénéficiaire le montant jusque lors bloqué. Elle estime que la société BNP Paribas a commis une faute délictuelle engageant sa responsabilité en ne respectant pas son obligation de délivrance des fonds.
Elle déplore l’échec de ses mutliples tentatives amiables de recouvrement.
Elle prétend avoir subi un préjudice en raison du manque à gagner important pour une société de sa taille et rappelle ses difficultés de trésorerie.
Elle se prévaut de l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance du 29 mai 2024 et estime que plus aucun débat n’est possible sur la péremption des chèques.
En réponse, la société BNP Paribas, représentée par son Conseil, sollicite dire n’y avoir lieu à référés et la condamnation de la société PREGO à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
A l’appui de ses prétentions, la société BNP Paribas fait valoir les dispositions de l’article L.131-59 du Code monétaire et financier et explique que la mainlevée n’est plus possible dès lors que les deux chèques sont périmés depuis le 7 avril 2024.
Elle souligne que les oppositions au paiement des chèques litigieux ne peuvent plus faire l’objet d’une mainlevée étant donné la date d’émission des chèques.
Elle précise que l’appréciation de l’éventuel manquement de la société BNP Paribas à ses obligations ne relève pas de la compétence du juge des référés, tout comme la demande de dommages et intérêts.
Elle rappelle que le débiteur est en réalité la S.C.I. H§C et qu’il appartient à la demanderesse de se retourner contre celle-ci.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 17 janvier 2025.
Aux termes de l’article 835 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Aux termes de l’article L.131-59 du Code monétaire et financier, les actions en recours du porteur contre les endosseurs, le tireur et les autres obligés se prescrivent par six mois à partir de l’expiration du délai de présentation.
Les actions en recours des divers obligés au paiement d’un chèque les uns contre les autres se prescrivent par six mois à partir du jour où l’obligé a remboursé le chèque ou du jour où il a été lui-même actionné. L’action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit par un an à partir de l’expiration du délai de présentation.
Toutefois, en cas de déchéance ou de prescription, il subsiste une action contre le tireur qui n’a pas fait provision ou les autres obligés qui se seraient enrichis injustement.
Aux termes de l’article 2241 du Code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure.
Selon jurisprudence de la Cour de cassation, le bénéficiaire d’un chèque peut agir en mainlevée de l’opposition tant que celle-ci garde effet, jusqu’à la prescription de l’action contre le tiré, qui est d’un an à partir de l’expiration du délai de présentation, délai qui est lui-même en principe de huit jours à compter de l’émission du chèque. Comme tout délai de prescription, ce délai d’un an est susceptible d’interruption et l’assignation en mainlevée d’opposition interrompt la prescription de l’action contre le tiré.
La Cour de cassation précise que la banque tirée d’un chèque frappé d’opposition est tenue d’en immobiliser la provision jusqu’à décision judiciaire sur la validité de l’opposition, si elle a été mise en cause dans l’instance en référé engagée à cette fin, ou, sinon, pendant une année suivant l’expiration du délai de présentation du chèque et doit, après mainlevée de l’opposition au cours de ces périodes, soit dès la décision judiciaire de mainlevée, si elle a été elle-même en cause, soit dès qu’elle lui a été notifiée ou signifiée, payer au bénéficiaire le montant, jusqu’alors bloqué, de la provision du chèque, sous la seule réserve que le titre puisse lui être remis en contrepartie.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que l’assignation en mainlevée de l’opposition a été délivrée en juin 2023 et a donc interrompu la prescription de l’action contre le tiré. Selon jurisprudence rappelée ci-dessus, le banquier tiré devait bloquer la provision au profit du porteur et payer ce dernier dès lors qu’il lui présentait les titres au paiement. En revanche, la banque n’en devient pas directement débitrice de l’obligation permettant sa condamnation au paiement de la somme. Il appartenait à la société PREGO de saisir le cas échéant le juge de l’exécution d’une demande enjoignant la société BNP Paribas à délivrer les fonds sous astreinte, ou le juge du fond d’une demande tendant à constater l’existence d’une faute de la banque face à son inertie, le juge des référés n’étant pas compétent à cet effet.
En considération de ces éléments, il convient de dire n’y avoir lieu à référés.
La société PREGO qui succombe supportera le poids des dépens.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens.
L’exécution provisoire est de droit.
Statuant par ordonnance de référé réputée contradictoire et en premier ressort,
Disons n’y avoir lieu à référés ;
Condamnons la société PREGO aux dépens ;
Déboutons la société BNP Paribas de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Rappelons que l’exécution provisoire est de droit.
Fait à Paris le 17 janvier 2025
Le Greffier, Le Président,
Estelle FRANTZ Maïté FAURY
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