Obligation d’information et de conseil en matière d’assurance : enjeux et responsabilités.

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Obligation d’information et de conseil en matière d’assurance : enjeux et responsabilités.

L’Essentiel : Le 26 octobre 2012, un acheteur et une vendeuse ont acquis une maison avec jardin située à [Localité 1]. Le 6 mai 2018, la vendeuse a souscrit une police d’assurance multirisques habitation auprès de la société Sogessur. Le 3 novembre 2019, la tempête Amélie a causé un glissement de terrain, entraînant la mort d’une victime. Après la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, les époux ont déclaré le sinistre, mais la société Sogessur a refusé d’indemniser. Ils ont alors assigné la société en justice, demandant une indemnisation pour la perte de chance de couvrir les terres du jardin.

Acquisition de la maison

Le 26 octobre 2012, Mme [Z] [X] née [T] et M. [B] [X] ont acquis une maison avec jardin située à [Localité 1].

Contrat d’assurance

Mme [X] a souscrit une police d’assurance multirisques habitation n°86680352 auprès de la société Sogessur, prenant effet le 6 mai 2018.

Événement de la tempête Amélie

Le 3 novembre 2019, la tempête Amélie a provoqué de fortes précipitations, entraînant un glissement de terrain qui a causé la mort de la propriétaire d’une maison située en contrebas, ensevelie par une coulée de boue provenant de leur terrain.

Reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

La commune de [Localité 1] a été reconnue en état de catastrophe naturelle pour les inondations et coulées de boue par un arrêté du 12 décembre 2019, publié le 19 décembre 2019.

Déclaration de sinistre et refus d’indemnisation

M. et Mme [X] ont déclaré le sinistre à la société Sogessur, qui a refusé de les indemniser.

Assignation en justice

Le 28 octobre 2021, les époux [X] ont assigné la société Sogessur devant le tribunal judiciaire de Nice pour obtenir une indemnisation des travaux réalisés suite au sinistre.

Demandes des époux [X]

Dans leurs conclusions, les époux [X] demandent une indemnisation de 104.487,50 euros, ainsi que 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et le remboursement des dépens.

Arguments des époux [X]

Ils reprochent à Sogessur de se baser sur une proposition d’assurance non signée pour contester leur demande et affirment que la garantie « catastrophes naturelles » devrait couvrir leur maison et leur jardin.

Réponse de la société Sogessur

La société Sogessur a demandé le débouté des époux [X] et a réclamé 5.000 euros en application de l’article 700, arguant que le terrain n’était pas couvert par le contrat d’assurance.

Conditions du contrat d’assurance

Sogessur a précisé que le contrat ne couvrait que la maison et excluait les murs de soutènement et les terres, et que le « Pack Jardin » ne couvrait que certains équipements extérieurs.

Obligation de conseil de Sogessur

Le tribunal a noté que Sogessur avait une obligation de conseil envers M. et Mme [X], qui n’étaient pas des experts en assurance, et qu’elle n’avait pas suffisamment informé sur les risques liés à la topographie de leur terrain.

Responsabilité de Sogessur

La société Sogessur a été jugée responsable pour avoir manqué à son obligation d’information, entraînant une perte de chance pour les époux [X] de souscrire des garanties adaptées.

Indemnisation accordée

Le tribunal a condamné Sogessur à verser 31.346,25 euros aux époux [X] pour la perte de chance de couvrir les terres du jardin.

Décision finale

M. et Mme [X] ont été condamnés aux dépens, et leurs autres demandes ont été déboutées. La décision a été déclarée exécutoire à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la garantie « catastrophes naturelles » dans le contrat d’assurance multirisques habitation ?

La garantie « catastrophes naturelles » est définie dans les conditions générales du contrat d’assurance multirisques habitation souscrit par la propriétaire de l’habitation.

Elle couvre « la réparation pécuniaire des dommages matériels directs non assurables à l’ensemble des biens garantis par le contrat ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pas pu être prises. »

Il est important de noter que cette garantie ne s’applique qu’aux biens spécifiquement désignés dans le contrat.

Dans le cas présent, le jardin d’agrément, dont une partie des terres s’est effondrée, ne fait pas partie des biens garantis par le contrat d’assurance, car il n’est pas inclus dans la définition du « bâtiment » tel que précisé dans les conditions générales.

Ainsi, la société Sogessur a pu légitimement refuser la couverture des dommages subis par le jardin au titre de cette garantie.

Quelles sont les obligations de l’assureur en matière de conseil et d’information ?

L’assureur a une obligation de conseil envers le preneur d’assurance, justifiée par l’inégalité des compétences entre un professionnel et un profane.

Cette obligation est fondée sur le principe selon lequel le preneur d’assurance doit recevoir des renseignements objectifs et précis sur le contenu des garanties proposées.

Il doit également être informé sur l’opportunité de contracter et sur les conditions à prendre en compte, en tenant compte de sa situation et de ses besoins.

L’article 1103 du Code civil stipule que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits », et l’article 1104 précise que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. »

Dans cette affaire, il a été établi que la société Sogessur n’a pas correctement informé le preneur d’assurance sur les risques liés à la configuration du terrain.

Elle a également manqué à son obligation d’information en ne précisant pas que les terres du jardin n’étaient pas couvertes par le contrat d’assurance, ce qui a causé un préjudice au preneur d’assurance.

Comment la responsabilité de l’assureur est-elle engagée en cas de manquement à l’obligation de conseil ?

La responsabilité de l’assureur peut être engagée en cas de manquement à son obligation de conseil, ce qui peut entraîner un préjudice pour le preneur d’assurance.

Dans le cas présent, la société Sogessur a été jugée responsable car elle n’a pas informé le preneur d’assurance des risques associés à la topographie spécifique des lieux.

Le tribunal a constaté que le preneur d’assurance avait été induit en erreur sur la couverture des terres du jardin, croyant à tort qu’elles étaient incluses dans le contrat d’assurance.

La perte de chance de souscrire des garanties adaptées a été estimée à 30 % en raison de la nature exceptionnelle de l’événement naturel survenu.

Ainsi, la société Sogessur a été condamnée à indemniser le preneur d’assurance pour les coûts des travaux de maintien des terres, justifiés par des factures produites lors des débats.

Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal sur les demandes accessoires ?

Le tribunal a statué sur les demandes accessoires en condamnant le preneur d’assurance aux dépens de l’instance, en raison de leur statut de parties perdantes.

Cependant, il a également décidé de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet de demander le remboursement des frais d’avocat.

Cette décision a été prise en raison de l’équité, aucune circonstance ne justifiant une telle condamnation.

Enfin, le tribunal a rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire, ce qui signifie qu’elle peut être mise en œuvre immédiatement, même en cas d’appel.

Cela souligne l’importance de la décision rendue et son impact sur les parties impliquées dans le litige.

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)

JUGEMENT : [Z] [T] Epouse [X], [B] [X] c/ S.A. SOGESSUR

N° 25/
Du 6 février 2025

4ème Chambre civile
N° RG 21/04046 – N° Portalis DBWR-W-B7F-NZ2K

Grosse délivrée à

Me Patrice BIDAULT

Me Jérôme CULIOLI
Me Philippe VAQUIER

expédition délivrée à

le 06 Février 2025

mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du six février deux mil vingt cinq

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame VALAT, Présidente, assistée de Madame HAUSTANT Jennifer, Greffier,

Vu les Articles 812 à 816 du Code de procédure civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;

DÉBATS

A l’audience publique du 6 juin 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 7 octobre 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction, les parties en ayant été préalablement avisées.

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 6 février 2025 après prorogation du délibéré, signé par Madame VALAT, Présidente, assistée de Madame Eliancia KALO, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDEURS:

Mme [Z] [T] épouse [X]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Jérôme CULIOLI, avocat au barreau de NICE, avocat postulant, Me Philippe VAQUIER, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

M. [B] [X]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Jérôme CULIOLI, avocat au barreau de NICE, avocat postulant, Me Philippe VAQUIER, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

DÉFENDERESSE:

S.A. SOGESSUR, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Patrice BIDAULT, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 26 octobre 2012, Mme [Z] [X] née [T] et M. [B] [X] ont acquis une maison avec jardin située [Adresse 2] à [Localité 1].

Mme [X] a souscrit une police d’assurance multirisques habitation n°86680352 auprès de la société Sogessur avec effet au 6 mai 2018.

Le 3 novembre 2019, le passage de la tempête Amélie a généré de fortes précipitations. Suite à un glissement de terrain, la propriétaire de l’habitation située en contrebas de leur maison a été ensevelie par une coulée de boue en provenance de leur fonds et elle est décédée.

L’état de catastrophe naturelle au titre du phénomène d’inondations et coulées de boue a été reconnu pour la commune de [Localité 1] par arrêté pris le 12 décembre 2019 et publié au Journal officiel le 19 décembre 2019.

M. et Mme [X] ont régularisé une déclaration de sinistre auprès de la société Sogessur et celle-ci a refusé de couvrir le sinistre.

Par acte d’huissier du 28 octobre 2021, les époux [X] ont fait assigner la société Sogessur devant le tribunal judiciaire de Nice afin d’obtenir sa condamnation à les indemniser pour les travaux réalisés suite au sinistre.

Par conclusions en réplique n°2 notifiées le 20 mars 2023, les époux [X] sollicitent la condamnation de la société Sogessur :
à les indemniser pour le préjudice subi et à leur payer la somme de 104.487,50 euros au titre de l’indemnité d’assurance leur revenant, avec intérêt de droit à compter de la demande en justice,à leur payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.Ils concluent en outre au débouté de la société Sogessur de ses demandes et sollicitent qu’il soit dit et jugé qu’à défaut de règlement spontané par la société Sogessur des condamnations prononcées à son encontre, l’exécution forcée devra être réalisée par le ministère d’un commissaire de justice, et que la débitrice devra donc supporter, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080.

M. et Mme [X] reprochent à la société Sogessur de produire une proposition d’assurance qu’ils n’ont pas signé en lieu et place des conditions particulières du contrat d’assurance dont elle se prévaut pour faire échec à leur demande. Ils estiment qu’elle ne rapporte ainsi pas la preuve que le terrain d’assise de leur maison ne serait pas couvert par la police d’assurance multirisque habitation.

Ils soutiennent ensuite que la société Sogessur leur doit garantie au titre de la garantie « catastrophes naturelles » couvrant les pertes pécuniaires et les frais complémentaires. Ils estiment que non seulement la maison, mais également le jardin formant avec la maison un tout indivisible et indissociable sont garantis, le jardin d’agrément se trouvant sur la même emprise immobilière que la maison.

En réplique aux conclusions adverses, ils font valoir que le contrat d’assurance que la société Sogessur leur a fait signer était manifestement inadapté à leurs besoins et aux caractéristiques intrinsèques du bien assuré en ce que les masses de terres en faisant partie ne sont pas garanties et qu’elle a donc manqué à son obligation de conseil en tant qu’assureur ce qui engage sa responsabilité contractuelle. Ils soutiennent également que les clauses d’exclusion de garantie n’étant pas rédigés en caractères « très apparents » ne leur sont pas opposables.

Ils affirment que le préjudice qu’ils ont subi ayant affecté leur jardin est établi et doit être pleinement indemnisé.

Par conclusions en réplique et récapitulatives notifiées le 8 septembre 2023, la société Sogessur conclut au débouté de M. et Mme [X] de l’ensemble de leurs demandes et sollicite reconventionnellement leur condamnation à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. Elle demande également au tribunal de dire n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société Sogessur fait valoir que le terrain ne fait pas partie du bien assuré par le contrat multirisques habitation et que les dommages dont ils sollicitent indemnisation n’entrent pas dans les prévisions contractuelles. Elle observe que le bien assuré défini en pages 12 et 14 des conditions générales du contrat d’assurance et dans le paragraphe intitulé « L’habitation assurée » des conditions particulières désigne uniquement la maison d’habitation stricto sensu, à l’exception du terrain qui l’entoure, et que les murs de soutènement non intégrés aux parties à usage d’habitation et servant à contenir la poussée de masses de terre, de roche ou d’eau sont expressément exclus du champ de la garantie en page 14 des conditions générales.

Elle ajoute que l’option « Pack Jardin » souscrit par Mme [X] ne couvre que les dommages occasionnés aux aménagements comprenant les marquises, les stores, les abris de jardin, les ameublements extérieurs, les installations maçonnées extérieurs et les serres, comme prévu en page 31 des conditions générales du contrat d’assurance.

Elle précise que le document intitulé « proposition d’assurance habitation – formule confort » a valeur de conditions particulières. Elle soutient que la garantie « catastrophes naturelles » ne s’applique qu’aux seuls biens mobiliers et immobiliers assurés par le contrat de base.

Elle souligne que la garantie « catastrophes naturelles » ne permet de couvrir autres biens immobiliers que ceux couverts par les biens couverts initialement par le contrat souscrit et donc la maison d’habitation.

La clôture de l’instruction est intervenue le 22 février 2024. L’affaire a été retenue à l’audience du 7 mars 2024 et le prononcé de la décision a été fixé au 7 octobre 2024 prorogé au 6 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Sur la mise en jeu de la garantie catastrophes naturelles

Par arrêté pris le 12 décembre 2019, publié au Journal officiel le 19 décembre 2019, la commune de [Localité 1] a été reconnue bénéficiaire de l’état de catastrophe naturelle au titre du phénomène inondations et coulées de boue survenu le 3 novembre 2019.

Il est acquis que le contrat d’assurance multirisques habitation n°86680352 souscrit par Mme [X] avec effet au 6 mai 2018 pour la formule Confort comprend la garantie « catastrophes naturelles ».

Cette garantie couvre selon les conditions générales du contrat d’assurance :

« La réparation pécuniaire des dommages matériels directs non assurables à l’ensemble des biens garantis par le contrat ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pas pu être prises. »

L’attestation d’assurance habitation établie par la société Sogessur le 14 octobre 2021 et produite par les époux [X] précise : « atteste que l’habitation située [Adresse 2], [Localité 1] [Localité 1] est garantie […] et ce avec effet du 6 mai 2018 ».

Le document intitulé « proposition d’assurance habitation » produit par la société Sogessur vaut Conditions particulières du contrat d’assurance puisque signé électroniquement par Mme [X] et précisant qu’à la date de sa signature, la proposition vaudra conditions particulières : « Date de conclusion de votre contrat : elle correspond à la date de signature de la présente Proposition, qui vaudra alors Conditions Particulières. »

Ces Conditions particulières précisent : « Il s’agit d’une maison, Adresse : [Adresse 2], [Localité 1] ».
Ensuite, les Conditions générales du contrat d’assurance se réfèrent en page 14 aux Conditions Particulières concernant la désignation du bien garanti : « […] si vous êtes propriétaire, le bâtiment désigné dans vos Conditions particulières […] ».

Enfin, le terme « bâtiment » est défini en page 12 des Conditions générales comme « Immeuble ou partie d’immeuble désigné aux Conditions Particulières dans le paragraphe ‘L’habitation assurée’. Il se compose des seules parties à usage d’habitation décomptées en pièces principales et pièces annexes, des dépendances, des portails et ouvrages maçonnés faisant office exclusivement de murs de clôture ainsi que des courts de tennis à usage privé dont vous êtes propriétaire et qui ont été construits par un professionnel. »

Il se déduit des ces stipulations contractuelles, lesquelles doivent être interprétées de façon stricte, que le jardin d’agrément dont une partie des terres se sont effondrées ne fait pas partie du bien garanti et ne peut pas être couvert par la garantie « catastrophes naturelles ».

Mme [X] a en outre souscrit le « Pack Jardin ». Les Conditions générales du contrat d’assurance énoncent en page 31 que ce pack comprend « les équipements [du] jardin » définis comme :
« Les dommages :
aux marquises, aux stores, aux abris de jardin, aux ameublements extérieurs, aux installations maçonnées extérieures, aux serres situés à l’adresse du bâtiment d’habitation mentionnée dans les Conditions Particulières »

Le Pack jardin souscrit ne couvre pas non plus les terres du jardin, mais uniquement les équipements de celui-ci.

Sur l’obligation de conseil de Sogessur

Le droit aux informations et aux conseils est justifié par l’inégalité des compétences entre un professionnel et preneur d’assurance profane.

Le preneur d’assurance doit recevoir des renseignements objectifs et précis sur le contenu des garanties proposées et des conseils sur l’opportunité pour lui de contracter et à quelles conditions en tenant compte de sa situation et de ses besoins.

C’est à l’assureur de démontrer qu’il a bien exécuté son obligation de conseil.

En l’espèce, il n’est pas contesté que M. et Mme [X] sont profanes en matière d’assurances. Il ressort de la partie intitulée « synthèse de l’entretien » figurant en page 2 de l’attestation d’assurance produite qu’un entretien a eu avant la signature du contrat d’assurance au cours duquel le représentant de la société Sogessur a dû recueillir des informations quant au bien à assurer et quant aux besoins de M. et Mme [X]  : « Conformément aux besoins et souhaits exprimés lors de notre entretien, nous vous proposons de signer en ligne un contrat d’Assurance Habitation auprès de Sogessur ».

La société Sogessur ne précise pas quels besoins ont été décrits et quels souhaits ont été exprimés par M. et Mme [X] au cours de cet entretien. Le fait qu’un Pack Jardin a été souscrit démontre que le jardin d’agrément de la maison a fait l’objet d’échanges spécifiques et que la société Sogessur avait connaissance de son existence.

La société Sogessur a manifestement conseillé à M. et Mme [X] de souscrite un Pack Jardin, sans les alerter sur les risques associés à la topographie spécifique des lieux et aux terres qui ne sont pas retenues par un dispositif de protection adapté.

Ce risque était manifestement essentiel pour M. et Mme [X]. Ils précisent notamment qu’ils étaient convaincus que les terres du jardin faisaient partie de leur maison et étaient couvertes par le contrat d’assurance multirisques habitation en cas d’éboulement, qu’ils avaient fait de la couverture du jardin une condition déterminante de leur engagement sans lequel ils n’auraient pas contracté, et qu’ils avaient particulièrement souscrit un Pack Jardin.

La société Sogessur ne devait pas méconnaître le fait que la maison était située sur les hauteurs de [Localité 1], sur un terrain en forte déclivité comportant de forts risques d’éboulements pouvant l’atteindre, et qu’elle surplombait en outre d’autres maisons.

La société Sogessur ne démontre cependant pas avoir clairement informé M. et Mme [X] quant aux risques liés à la configuration du terrain sur lequel a été construite leur maison et aux terres de leur jardin non maintenues par un dispositif de protection et non assurées, alors qu’elle leur a manifestement proposé la souscription facultative d’un Pack Jardin et un contrat multirisques habitation dont le nom est susceptible de prêter à confusion.

La société Sogessur a par conséquent manqué à son obligation d’information et de conseil envers M. et Mme [X] et leur a causé un préjudice qui s’analyse en une perte de chance de souscrire des garanties adaptées aux caractéristiques de leur bien et de couvrir la maison et le terrain d’assise de celle-ci dans leur intégralité.

La responsabilité de la société Sogessur est engagée et la perte de chance sera estimée à hauteur de 30 % eu égard au caractère exceptionnel d’un agent naturel d’une intensité anormale comme la tempête survenue le 3 novembre 2019.

La société Sogessur sera par conséquent condamnée à payer à M. et Mme [X] la somme de 31.346,25 euros (104.487,50 x 30%) à titre de dommages et intérêts pour les coûts des travaux de maintien des terres effectués et justifiés par des factures produites aux débats et comprenant des frais d’évacuation des terres, d’état des lieux, de géomètre, de topographe, d’investigations géotechniques, de conception du système de confortement et de supervision des travaux.

Sur les demandes accessoires

Parties perdantes principalement au procès, M. et Mme [X] seront condamnés aux dépens de l’instance.

L’équité commande en revanche de ne pas prononcer à leur encontre de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter les parties de leurs demandes formées de ce chef.

Aucune circonstance ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

CONDAMNE la SA Sogessur à payer à Mme [Z] [X] née [T] et à M. [B] [X], ensemble, la somme de 31.346,25 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de souscrire une garantie couvrant les terres du jardin ;

CONDAMNE Mme [Z] [X] née [T] et M. [B] [X] aux dépens ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire ;

Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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