L’Essentiel : En 2013 et 2014, les époux [F] [Z] et [X] [E] ont contracté des prêts professionnels auprès de la BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 8], garantis par un contrat d’assurance souscrit par monsieur [E]. En février 2017, ce dernier a déclaré un sinistre suite à un arrêt de travail, mais la SAS CBP SOLUTIONS a refusé la garantie en 2018. Après le décès de monsieur [E], madame [E] a contesté ce refus, entraînant une procédure judiciaire. Le tribunal a finalement déclaré la nullité des contrats d’assurance, déboutant madame [E] de ses demandes et condamnant à des dépens.
|
Contexte de l’affaireLes époux [F] [Z] et [X] [E], d’origine laotienne, ont contracté deux prêts professionnels auprès de la BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 8] en 2013 et 2014. Pour garantir ces prêts, monsieur [E] a souscrit un contrat d’assurance de groupe couvrant la perte totale d’autonomie et l’incapacité de travail. À cette occasion, il a rempli des questionnaires de santé. Déclaration de sinistre et refus de garantieEn février 2017, monsieur [E] a été placé en arrêt de travail et a déclaré un sinistre à son assureur. Ce dernier a demandé des pièces médicales pour étudier la demande de prise en charge. Cependant, en février 2018, la SAS CBP SOLUTIONS a refusé la garantie pour les prêts concernés. Décès de monsieur [E] et contestation de la décisionMonsieur [E] est décédé en [Date décès 5] 2018, laissant son épouse et son fils. En mars 2018, madame [E] a contesté le refus de prise en charge, arguant que les pathologies non déclarées n’étaient pas liées au sinistre. Procédure judiciaireEn l’absence d’accord amiable, madame [F] [Z] a assigné la SA BPCE PREVOYANCE et la SA BPCE VIE devant le tribunal judiciaire de Paris en février 2020. Elle a demandé la validation des contrats d’assurance et le paiement de diverses sommes au titre des prêts. Arguments des partiesMadame [E] a soutenu qu’il n’y avait pas eu de fausse déclaration intentionnelle de la part de son époux. En revanche, les sociétés d’assurance ont demandé la nullité des adhésions, affirmant que monsieur [E] n’avait pas révélé des antécédents médicaux importants lors de la souscription. Décision du tribunalLe tribunal a constaté la nullité des adhésions au contrat d’assurance, déboutant madame [E] de toutes ses demandes en paiement et en dommages-intérêts. Il a également condamné madame [E] à payer les dépens et une somme pour les frais irrépétibles à la SA BPCE VIE et à la SA BPCE PREVOYANCE. ConclusionLe jugement a été rendu le 16 janvier 2025, confirmant la nullité des contrats d’assurance et le rejet des demandes de madame [E]. L’exécution provisoire a été déclarée de droit. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée des articles L.113-2 et L.113-8 du Code des assurances dans le cadre de la nullité des contrats d’assurance ?Les articles L.113-2 et L.113-8 du Code des assurances sont cruciaux pour déterminer la validité des contrats d’assurance, notamment en ce qui concerne les déclarations faites par l’assuré lors de la souscription. L’article L.113-2 stipule que : « Le prétendant à l’assurance doit répondre exactement aux questions posées par l’assureur au moment de la souscription. » Cet article impose une obligation de sincérité à l’assuré, qui doit fournir des informations précises et complètes. L’article L.113-8, quant à lui, précise que : « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l’article L.132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre. » Ainsi, la nullité du contrat peut être prononcée si l’assuré a fait une fausse déclaration intentionnelle, ce qui a pour effet de modifier la perception du risque par l’assureur. Il est donc essentiel que l’assureur prouve la mauvaise foi de l’assuré pour que la nullité soit applicable, conformément à l’article L.113-9, qui stipule que : « L’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie n’entraîne pas la nullité de l’assurance. » En résumé, la combinaison de ces articles impose une obligation de vérité à l’assuré, tout en protégeant celui-ci contre des sanctions injustifiées en l’absence de preuve de mauvaise foi. Comment la jurisprudence interprète-t-elle la notion de mauvaise foi dans le cadre des déclarations d’assurance ?La jurisprudence a établi que la mauvaise foi de l’assuré doit être prouvée par l’assureur, et cette preuve est appréciée souverainement par les juges du fond. L’article 2274 du Code civil précise que : « La bonne foi est présumée. » Cela signifie que, en cas de litige, c’est à l’assureur de démontrer que l’assuré a agi de mauvaise foi lors de ses déclarations. Pour établir la mauvaise foi, plusieurs critères peuvent être pris en compte, notamment les capacités de l’assuré et la clarté des questions posées dans le questionnaire de santé. Dans le cas présent, le tribunal a noté que les questions posées à monsieur [E] étaient claires et précises, ne laissant aucune place à l’interprétation. Il a également été observé que monsieur [E] avait une certaine expérience et formation, ce qui lui permettait de comprendre les enjeux de ses déclarations. Ainsi, le tribunal a conclu que les réponses inexactes de monsieur [E] étaient intentionnelles, car il connaissait son état de santé et avait omis de déclarer des pathologies antérieures. En conséquence, la jurisprudence exige que l’assureur prouve la mauvaise foi, mais si les éléments de preuve sont suffisants, la nullité du contrat peut être prononcée. Quelles sont les conséquences de la nullité des contrats d’assurance sur les demandes de paiement et d’indemnisation ?La nullité des contrats d’assurance a des conséquences directes sur les demandes de paiement et d’indemnisation formulées par l’assuré ou ses ayants droit. Lorsque le tribunal déclare un contrat d’assurance nul, comme cela a été le cas dans cette affaire, toutes les demandes d’exécution du contrat deviennent caduques. En effet, le tribunal a constaté que les adhésions au contrat d’assurance de groupe n°0901 étaient nulles, ce qui a conduit à débouter madame [F] [Z] de l’intégralité de ses demandes en paiement. Cela signifie que, même si madame [E] avait des créances à faire valoir, la nullité du contrat empêche toute obligation de paiement de la part des assureurs. De plus, la jurisprudence rappelle que, selon l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, ce qui implique que madame [E] devra supporter les frais de la procédure. Enfin, l’article 700 du même code permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir les frais non compris dans les dépens. Dans ce cas, madame [E] a été condamnée à verser 2.000 euros à la SA BPCE VIE et à la SA BPCE PREVOYANCE, ce qui illustre les conséquences financières de la nullité des contrats d’assurance sur les demandes d’indemnisation. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
4ème chambre
2ème section
N° RG 20/02948
N° Portalis 352J-W-B7E-CR53M
N° MINUTE :
Assignations du :
06 février 2020
JUGEMENT
rendu le 16 janvier 2025
DEMANDERESSE
Madame [F] [Z] veuve [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Bouya DIALLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0294
DÉFENDERESSES
S.A. BPCE PREVOYANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Olivia RISPAL-CHATELLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0516
S.A. BPCE VIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Olivia RISPAL-CHATELLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0516
Décision du 16 janvier 2025
4ème chambre 2ème section
N° RG 20/02948 – N° Portalis 352J-W-B7E-CR53M
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
Monsieur Fabrice VERT, Premier Vice-Président
Madame Emeline PETIT, Juge
assistés de Madame Salomé BARROIS, Greffière,
DÉBATS
À l’audience du 21 novembre 2024 tenue en audience publique devant Madame Nathalie VASSORT-REGRENY, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort
Les 18 septembre 2013 et 4 novembre 2014, madame [F] [Z] épouse [E] et monsieur [X] [E], d’origine laotienne, qui exerçait la profession de chauffeur de taxi après avoir exercé un certain nombre d’autres métiers ont contracté auprès de la BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 8] deux prêts professionnels :
l’un n° 07112511 d’un montant de 20.363 euros remboursable en 60 mensualités, le second n° 07118517 d’un montant de 21.820 euros remboursable en 48 mensualités.
Suite aux demandes d’adhésion datées des 14 août 2013 et 10 octobre 2014, monsieur [E] avait, pour garantir le remboursement de ces prêts, souscrit un contrat d’assurance de groupe n°0901 couvrant la perte totale et irréversible d’autonomie et l’incapacité de travail auprès des sociétés ASSURANCES BANQUE POPULAIRE VIE et ASSURANCES BANQUE POPULAIRE, contrat aujourd’hui assuré par la SA BPCE VIE. À l’occasion de ces demandes, monsieur [E] avait rempli les questionnaires de santé.
Le 23 février 2017, monsieur [E] a été placé en arrêt de travail ; il a déclaré le sinistre à l’assureur lequel a, par l’intermédiaire de son gestionnaire et délégataire la SAS CBP SOLUTIONS devenue CBP GROUP, sollicité l’envoi d’un certain nombre de pièces médicales pour l’étude de la demande de prise en charge. Les pièces ont été adressées par l’assuré.
Par courrier recommandé daté du 13 février 2018, la SAS CBP SOLUTIONS a refusé sa garantie pour les prêts n°07112511 et n°07118517.
Monsieur [E] est décédé le [Date décès 5] 2018 laissant pour lui succéder son épouse, madame [F] [Z] veuve [E] et son fils, monsieur [Y] [E].
Par courrier en date du 14 mars 2018, madame [E] a contesté le refus de prise en charge au motif que les pathologies non déclarées étaient sans rapport avec le sinistre déclaré.
C’est dans ce contexte qu’en l’absence de règlement amiable du différend, madame [F] [Z] veuve [E] a suivant actes du 6 février 2020 fait délivrer assignation à la SA BPCE PREVOYANCE et à la SA BPCE VIE, d’avoir à comparaître devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 21 mars 2023 ici expressément visées, madame [F] [Z] veuve [E] demande au tribunal judiciaire de Paris de :
« Vu les pièces produites ;
Vu les articles 1103 et 1231-1 du Code civil ;
Vu l’article L. 113-1 du Code des assurances ;
Constater l’absence de fausse déclaration intentionnelle de la part de Monsieur [X] [E] ;
Déclarer valides les contrats d’assurance emprunteur ;
Ordonner l’exécution par les assureurs des contrats d’assurance emprunteur ;
Constater que Mme [F] [E] a remboursé la totalité des deux créances litigieuses de la Banque Populaire Rives de [Localité 8] ;
Condamner les sociétés BPCE Vie et BPCE Prévoyance à payer à Madame [F] [E] les sommes suivantes au titre du prêt n° 07112511 d’un montant de 20.363 euros consenti par la Banque Populaire Rives de [Localité 8] le 18 septembre 2013 :
3.207,55 euros au titre de l’assurance incapacité pour la période du 24 mai 2017 au [Date décès 5] 2018, date du décès de Monsieur [E] ; 2.558,28 euros au titre de l’assurance décès qui couvre la période du 9 mars 2018 au 30 septembre 2019, date de remboursement de la totalité du prêt. Condamner les sociétés BPCE Vie et BPCE Prévoyance à payer à Madame [F] [E] les sommes suivantes au titre du prêt n° 07118517 d’un montant de 21.820 euros consenti par la Banque Populaire Rives de [Localité 8] le 4 novembre 2014 :
4.379,22 euros au titre de l’assurance incapacité de travail pour la période du 24 mai 2017 au [Date décès 5] 2018, date du décès de Monsieur [E] ; 3.825,68 euros au titre de l’assurance décès qui couvre la période du 09 mars 2018 au 31 octobre 2019, date de remboursement de la totalité du prêt. Vu l’article 1343-2 du code civil
Ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière ;
Condamner les sociétés BPCE Vie et BPCE Prévoyance au paiement de la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts dus en réparation du préjudice moral généré par le refus de garantie des assureurs ;
Condamner les sociétés BPCE Vie et BPCE Prévoyance au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner les défendeurs aux dépens. »
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 juin 2023 ici expressément visées, la SA BPCE VIE et BPCE ASSURANCE demandent au tribunal judiciaire de Paris de :
« A titre liminaire,
Constater la scission de la SA BPCE PRÉVOYANCE publiée au Journal officiel du 16 novembre 2022, BPCE VIE étant désormais seul assureur du contrat d’assurance de groupe facultatif n°0901.
A titre principal,
Vu les articles L 113-2 et L 113-8 du Code des assurances,
Vu les pièces médicales versées aux débats,
Prononcer la nullité des adhésions au contrat d’assurance de groupe n°0901 en date des 14 août 2013 et 10 octobre 2014
DEBOUTER Madame [E] de l’intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire,
Si par impossible le Tribunal estimait y avoir lieu à garantie,
Vu le quantum erroné des sommes sollicitées par Madame [E],
Dire qu’en application des garanties Incapacité de travail et Décès des prêts n°07112511 et n°07118517, la SA BPCE VIE procéderait au règlement, entre les mains de Madame [E], des sommes de 3.207,55 euros et 2.558,28 euros pour le prêt n°07112511 et les sommes de 4.379,22 euros et 3.825,68 euros pour le prêt n° 07118517.
DÉBOUTER Madame [E] de toutes autres demandes à ce titre.
En toute hypothèse,
DEBOUTER Madame [E] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
La DEBOUTER de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER Madame [E] à payer à la SA BPCE VIE la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER Madame [E] aux entiers dépens. »
Pour un complet exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures régulièrement communiquées conformément aux dispositions de l’article 455 alinéa 2 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 18 janvier 2024.
À titre liminaire, il est rappelé qu’en procédure écrite, la juridiction n’est saisie que des seules demandes reprises au dispositif récapitulatif des dernières écritures régulièrement communiquées avant l’ordonnance de clôture et que les demandes de « donner acte », visant à « constater », à « prononcer », « dire et juger » ou à « dire n’y avoir lieu » notamment, ne constituent pas des prétentions saisissant le juge au sens de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif du présent jugement.
Il est également rappelé qu’en application de l’article 768 du code de procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 2020 et applicable aux instances en cours à cette date, « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. »
Sur le moyen tiré de la nullité des adhésions soulevé à titre principal par l’assureur
La scission de la SA BPCE PRÉVOYANCE n’étant nullement contestée, pas plus que le fait que la SA BPCE VIE soit désormais le seul assureur du contrat d’assurance de groupe facultatif n°0901, il n’y a lieu de statuer sur ce point.
À la demande d’exécution du contrat d’assurance emprunteur formée par madame [E], les sociétés défenderesses entendent, sur le fondement des articles L.113-2 et L.113-8 du code des assurances, opposer la nullité des adhésions dans la mesure où monsieur [E] n’a pas, au moment de la souscription, révélé les antécédents d’hyper-ferritinémie, d’hépatomégalie, d’hyper-cholestérolémie et de goutte et qu’il a procédé à de fausses déclarations manifestement intentionnelles ce alors même que l’attention de monsieur [E] avait été attirée sur l’obligation de sincérité par deux avertissements figurant de manière très apparente aux certificats d’adhésion. Les sociétés défenderesses soutiennent encore que l’origine étrangère de monsieur [E] ne l’exonérait pas du respect des règles, d’ordre public, des articles L.113-2 et L.113-8 sauf à vider celles-ci de leur substance, le souscripteur ayant de jurisprudence établie en pareil cas, obligation de se faire expliquer les termes du contrat étant encore ajouté que monsieur [E] exerçait la profession de taxi, qu’il avait pour se faire suivi une formation, le tout exigeant un minimum de compréhension de la langue, écrite comme orale, française. La SA BPCE VIE et la SA BPCE PREVOYANCE ajoutent que les informations en cause étaient particulièrement importantes et que si elles avaient été portées à la connaissance de l’assureur, le risque et particulièrement la garantie arrêt de travail dont les causes peuvent être multiples, n’aurait pas été assuré ou l’aurait été à d’autres conditions de garantie et de cotisation.
Sans contester l’exigence de sincérité et les sanctions résultant des articles L.113-2 et L.113-8 du code des assurances, madame [E] entend faire valoir qu’il appartient à l’assureur de rapporter la preuve du caractère intentionnel et de la mauvaise foi du souscripteur, que certes monsieur [E] a répondu « non » aux questions 3 et 4 du questionnaire, mais que d’origine laotienne, il maîtrisait mal la langue française et n’était titulaire que du certificat d’étude, ce qui justifie l’application des dispositions de l’article L.113-9 du code des assurances. Madame [E] ajoute que la bonne foi de feu son époux se déduit en outre de l’envoi de documents médicaux complémentaires au médecin conseil et qu’en tout état de cause la SA BPCE VIE et la SA BPCE PREVOYANCE ne rapportent pas la preuve de la mauvaise foi invoquée.
Sur ce,
Au termes de l’article L.113-2 du code des assurances, le prétendant à l’assurance doit répondre exactement aux questions posées par l’assureur au moment de la souscription.
L’article L.113-8 du même code édicte: « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l’article L.132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.
Les primes payées demeurent alors acquises à l’assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts. Les dispositions du second alinéa du présent article ne sont pas applicables aux assurances sur la vie. »
L’article L.113-9 du code des assurances alinéa 1 prévoit : « L’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie n’entraîne pas la nullité de l’assurance. »
En application des dispositions précitées, la nullité du contrat suppose d’établir un défaut ou une fausse déclaration du risque réalisé de mauvaise foi et de nature à changer l’objet du risque ou à en diminuer l’opinion pour l’assureur.
Conformément à l’article 2274 du code civil selon lequel la bonne foi est présumée, il appartient à l’assureur de rapporter la preuve de la mauvaise foi de l’assuré, laquelle est appréciée souverainement par les juges du fond, celle-ci se caractérisant par l’intention de tromper l’assureur. Pour apprécier cette intention, plusieurs critères doivent être pris en considération dont les capacités de l’assuré, la clarté du questionnaire. En l’absence de preuve du caractère intentionnel d’une réponse inexacte à un questionnaire même clair, la nullité n’est pas encourue.
Au cas présent, monsieur [E] a, le 14 août 2013 et le 10 octobre 2014, rempli et signé le questionnaire de santé accompagnant chacun des deux demandes d’adhésion au contrat d’assurance de groupe en cause. Monsieur [E] a répondu « non » à l’ensemble des questions et notamment aux questions n°3 et n°4 ainsi rédigées :
question n°3 : « Etes-vous soumis actuellement à un traitement médical, à des soins, à une surveillance médicale ? »question n°4 : « Etes-vous atteint d’une maladie chronique, d’une infirmité ou de séquelle de maladie ou d’accident ?»
Les questions ainsi posées sont précises, claires et ne laissent aucune marge d’interprétation ou d’appréciation subjective, ce qui n’est pas discuté.
Or il résulte du questionnaire d’arrêt de travail en date du 20 juin 2017 ainsi que du courrier adressé le 14 mars 2018 par madame [E] suite au décès de son époux, que celui-ci souffrait d’hyper-ferritinémie diagnostiquée en septembre 2011, d’hyper-cholestérolémie (2012) et d’hyper uricénémie, madame [E] ne contestant au demeurant dans le cadre de ses écritures ni l’existence de ces affections ni leur diagnostic antérieur aux prêts garantis (souscrit à l’été et à l’automne 2013) pas plus que celle de l’hépatomégalie également invoquée par l’assureur.
Il est également constant que monsieur [E] bénéficiait d’un suivi à l’hôpital de [7] depuis 2013 pour les besoins de l’hyper-ferritinémie.
Les déclarations effectuées par monsieur [E] étaient donc inexactes.
S’agissant de l’origine étrangère et du défaut de maîtrise de la langue française invoqués par madame [E], il n’est pas discuté que monsieur [E] était natif du Laos, qu’il avait dans son pays d’origine obtenu le certificat d’étude et qu’il était arrivé en France en 1981. À la date des déclarations litigieuses, le souscripteur vivait et travaillait donc en France depuis 32 années, durée permettant dont il peut raisonnablement être considéré qu’elle a permis un apprentissage du français, d’autant que madame [Z] épouse de monsieur [E] était quant à elle française.
Il résulte ensuite des pièces produites par la demanderesse elle-même que monsieur [E] avait, comme le soutiennent la SA BPCE VIE et la SA BPCE PREVOYANCE suivi, avec succès et assiduité (laquelle est soulignée à une attestation du 4 juin 1985), de nombreuses formations. En 1985, monsieur [E] avait ainsi du 4 mars au 4 juin suivi un cycle de préformation à plein temps auprès de l'[6] en gestion de production et contrôle de gestion. Il est relevé que l’attestation précise que le cycle avait poursuivi un triple but dont celui de développer les connaissances générales, essentiellement en arithmétique et en français. Monsieur [E] avait également établi un curriculum vitae aux termes duquel il mentionnait être titulaire du brevet d’études, d’un CAP de soudage, de la formation d’agent de site logistique et de la « formation de Taxi Parisien pour devenir chef d’entreprise ». À ce dernier sujet, comme le soulignent la SA BPCE VIE et la SA BPCE PREVOYANCE, le succès à ces formations, et notamment à celle de chauffeur taxi, exigent un minimum de compréhension de la langue française, écrite comme orale.
Il se déduit ensuite de l’attestation rédigée par madame [Z], belle-sœur de monsieur [E] qui selon elle comprenait le français entre « 50 et 60% », savait se faire aider et assister dans ses démarches, puisque celle témoigne l’avoir accompagné pour l’obtention d’une autorisation de stationnement en qualité de chauffeur de taxi. Il résulte de même des courriers adressés par madame [E] suite au décès de son époux que celle-ci maîtrisait parfaitement la langue française ; monsieur [E] disposait donc y compris dans son entourage familial le plus proche des ressources lui permettant de répondre avec précision aux questionnaires litigieux, comme il l’avait fait pour le « questionnaire arrêt de travail – Déclarations de l’assuré » renseigné le 20 juin 2017 pour les besoins de la prise en charge par l’assurance. Aux termes de cette déclaration, monsieur [E] avait en effet répondu dans les termes suivants : à la question « Cause(s) de l’arrêt de travail », monsieur [E] avait répondu : « syndrome myéloprolifératif de type myélofibrose primitive » ; à la question : « Bénéficiez-vous de l’exonération du ticket modérateur, pour quelle(s) » affection(s)» , monsieur [E] a répondu « Oui » et « Myélofibrose ». À ce formulaire, monsieur [E] avait donc répondu de manière particulièrement précise et circonstanciée à des questions qui n’étaient pas plus simples que celles posées aux questionnaires litigieux.
Du tout il s’évince que c’est intentionnellement que monsieur [E] qui connaissait son état de santé et savait qu’il était suivi a, aux déclarations préalables à la souscription des contrats d’assurance, répondu par la négative aux questions relatives à l’existence d’un traitement médical, à l’existence de soins ou d’une surveillance médicale, à l’existence d’une maladie chronique, d’une infirmité ou de séquelle de maladie ou d’accident.
Or ces fausses déclarations ont, comme le soutiennent la SA BPCE VIE et la SA BPCE PREVOYANCE, diminué l’opinion que l’assureur a pu se faire des risques à assurer à savoir les risques arrêt de travail et décès.
Il est au surplus rappelé qu’aux termes de l’article L.113-8 alinéa 1, le fait que le risque omis ou dénaturé par l’assuré ait été sans influence sur le sinistre comme a tenté de le faire valoir madame [E], dans son courrier du 14 mars 2018, est indifférent.
Du tout il s’évince que les parties défenderesses doivent être accueillies en leur moyen tiré de la nullité des adhésions au contrat d’assurance de groupe n°0901 datées des 14 août 2013 et 10 octobre 2014.
En conséquence, sur les demandes en paiement et en indemnisation formées par madame [E]
La nullité des adhésions au contrat dont madame [E] demande exécution ayant été prononcée, madame [E] sera déboutée de l’intégralité de ses demandes en paiement.
Madame [E] qui succombe en ses demandes principales apparaît mal fondée à solliciter le paiement de la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par le refus de garantie ; elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les autres demandes et sur les demandes accessoires
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Par application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne, sauf considération tirée de l’équité, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En l’espèce madame [F] [Z] épouse [E] qui succombe, supportera les dépens et payera à la SA BPCE VIE et la SA BPCE PREVOYANCE prises ensemble la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et sera débouté de sa on demande à ce titre.
Il est rappelé que l’exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances dont relève le cas présent et introduites comme en l’espèce à compter du 1er janvier 2020.
Le tribunal statuant conformément à la loi, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe le jour du délibéré :
DÉCLARE nulles les adhésions au contrat d’assurance de groupe n°0901 datées des 14 août 2013 et 10 octobre 2014 ;
DÉBOUTE en conséquence madame [F] [Z] veuve [E] de l’intégralité de ses demandes formées en exécution du contrat d’assurance de groupe n°0901 ;
DÉBOUTE en conséquence madame [F] [Z] veuve [E] de l’intégralité de sa demande de dommages-intérêts formée à hauteur de 6.000 euros ;
CONDAMNE madame [F] [Z] épouse [E] à supporter les dépens de l’instance ;
CONDAMNE madame [F] [Z] épouse [E] à payer à la SA BPCE VIE et à la SA BPCE PREVOYANCE prises ensemble la somme totale de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la DEBOUTE de sa demande à ce titre ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles ou mal fondées ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
Fait et jugé à Paris, le 16 janvier 2025.
LA GREFFIÈRE
Salomé BARROIS
LA PRÉSIDENTE
Nathalie VASSORT-REGRENY
Laisser un commentaire