Nullité d’un contrat de vente et conséquences sur le financement d’une installation photovoltaïque

·

·

Nullité d’un contrat de vente et conséquences sur le financement d’une installation photovoltaïque

L’Essentiel : M. [B] [T] a commandé une installation photovoltaïque le 16 octobre 2023 pour 22.500 euros, financée par un crédit de la SA Sygma Banque. Le 27 juin 2023, le tribunal judiciaire a annulé le contrat de vente et le crédit, rétablissant les parties dans leur état originel. Le tribunal a jugé que M. [T] avait la capacité d’agir malgré le délai écoulé. La négligence de la banque a été retenue, et M. [T] a obtenu une restitution de 30.788,11 euros. La cour a confirmé le jugement, condamnant la banque aux dépens et à verser 2.000 euros à M. [T].

Commande d’installation photovoltaïque

M. [B] [T] a passé commande le 16 octobre 2023 auprès de la SARL Oxygène Energies pour une installation photovoltaïque d’un montant de 22.500 euros TTC, financée intégralement par un crédit affecté souscrit le même jour auprès de la SA Sygma Banque.

Liquidation judiciaire de la SARL Oxygène Energies

Le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Oxygène Energies par jugement du 21 octobre 2015, clôturant la procédure pour insuffisance d’actif le 8 août 2016.

Protocole de financement des travaux

Un protocole daté des 9 et 22 février 2015 a été établi, dans lequel la société Sygma Banque a accepté de financer l’achèvement des travaux d’installation par une société tierce.

Jugement du tribunal judiciaire

Le 27 juin 2023, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a prononcé la nullité du contrat de vente entre M. [T] et la SARL Oxygène Energies, ainsi que l’annulation subséquente du crédit affecté. Il a ordonné le rétablissement des parties dans leur état originel et a statué sur les restitutions financières.

Capacité d’action de M. [T]

Le tribunal a jugé que M. [T] avait la capacité de s’interroger sur les mérites de son installation dès la fin de l’année 2017, rendant son action recevable malgré le délai écoulé.

Absence de bon de commande

Le tribunal a noté que le bon de commande n’avait pas été produit, ce qui a empêché le vendeur de prouver la conformité du contrat avec le code de la consommation, entraînant la nullité du contrat de vente.

Négligence de la banque

Concernant le contrat de crédit, le tribunal a retenu la négligence fautive de la banque, tout en tenant compte que M. [T] avait une installation fonctionnelle et qu’il ne pourrait pas restituer celle-ci en raison de la liquidation judiciaire du fournisseur.

Appel de la SA BNP Paribas Personal Finance

La SA BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel du jugement le 17 juillet 2023, et la déclaration d’appel a été signifiée le 5 septembre 2023 à la SELARL [G], mandataire ad hoc de la SARL Oxygène Energies.

Conclusions de la SA BNP Paribas Personal Finance

Dans ses conclusions du 27 juin 2024, la SA BNP Paribas Personal Finance a demandé l’infirmation du jugement et a soulevé des arguments concernant la prescription des actions de M. [T] et la recevabilité de ses demandes.

Conclusions de M. [T]

M. [T] a demandé la confirmation du jugement, tout en sollicitant des indemnités pour les sommes versées et des dommages et intérêts, ainsi que la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la banque.

Motivation du tribunal

Le tribunal a examiné la prescription de l’action de M. [T], la nullité du contrat de vente, et la nullité du contrat affecté, concluant que l’annulation du contrat principal entraînait de plein droit l’annulation du contrat de crédit.

Responsabilité de la banque

Le tribunal a retenu que la banque avait failli à son obligation de vérifier la régularité du contrat principal, ce qui a conduit à une négligence fautive, mais a limité la restitution à la mesure du préjudice subi par M. [T].

Indemnisation et restitution

Le tribunal a confirmé que M. [T] devait restituer à la banque une somme de 11.500 euros, tout en ordonnant à la SA BNP Paribas Personal Finance de restituer 30.788,11 euros à M. [T] pour les sommes perçues en exécution du prêt annulé.

Décision finale

La cour a confirmé le jugement, sauf en ce qui concerne la restitution des sommes perçues par la banque, et a condamné la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens et à verser 2.000 euros à M. [T] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la prescription de l’action de M. [T]

L’article 2224 du Code civil stipule que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Dans cette affaire, M. [T] a fondé son action sur l’irrégularité du bon de commande et sur le dol. La société BNP Paribas Personal Finance soutient que M. [T] a exercé son recours plus de 9 ans après la souscription des contrats et plus de 7 ans après la rédaction du protocole d’accord du 22 février 2015.

Le tribunal a jugé que M. [T] était un particulier sans connaissances juridiques spécifiques et qu’il n’avait pas été en mesure de s’interroger sur les vices affectant l’opération avant la fin de l’année 2017.

Ainsi, l’action de M. [T] a été jugée recevable, car elle a été engagée dans les 5 ans suivant la fin de l’année 2017, conformément à l’article 2224 du Code civil.

Sur la nullité du contrat de vente

Le contrat litigieux a été conclu hors établissement, ce qui le soumet aux dispositions des articles L 221-25 et L 111-1 du Code de la consommation. Ces articles stipulent que le contrat doit comporter certaines informations essentielles, à peine de nullité.

L’absence de remise du bon de commande au consommateur prive ce dernier de la possibilité de vérifier la régularité de l’offre. En l’espèce, le tribunal a constaté que le bon de commande n’avait pas été produit, ce qui a conduit à prononcer la nullité du contrat de vente.

La nullité est relative, comme le précise la jurisprudence (Cass. 1re civ., 28 nov. 1995), et peut faire l’objet d’une confirmation. Cependant, M. [T] n’a pas manifesté une volonté non équivoque de confirmer le contrat, car il n’a pris conscience des vices qu’à la fin de l’année 2017.

Sur la nullité du contrat affecté et ses conséquences

L’article L312-55 alinéa 1 du Code de la consommation dispose qu’en cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal peut suspendre l’exécution du contrat de crédit. Ce dernier est résolu de plein droit lorsque le contrat principal est annulé.

Le tribunal a donc considéré que l’annulation du contrat de vente entraînait de plein droit l’annulation du contrat de crédit. Cela implique que M. [T] doit restituer le capital emprunté, mais la banque peut être privée de son droit à restitution en cas de faute.

La négligence fautive de la banque a été retenue, car elle n’a pas vérifié la régularité du contrat principal, notamment l’absence de remise du bon de commande. Cette négligence a conduit M. [T] à financer une installation qui ne lui permet pas de réaliser des économies.

Sur la demande de dommages et intérêts

M. [T] a sollicité des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi. Cependant, il n’a pas produit de preuves suffisantes pour justifier ce préjudice. Le tribunal a donc rejeté cette demande.

En revanche, M. [T] a été indemnisé pour la négligence de la banque, qui a contribué à sa situation. Le tribunal a limité le droit à restitution de la banque à la somme de 11 500 euros, tenant compte du fait que M. [T] conserve l’installation en état de fonctionnement.

La demande de la SA BNP Paribas Personal Finance pour des dommages et intérêts a également été rejetée, car elle a succombé en son appel.

Sur les autres demandes

La demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels est sans objet, puisque le contrat de crédit a été résolu. La SA BNP Paribas Personal Finance a été condamnée à verser à M. [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

En conclusion, le tribunal a confirmé le jugement en ce qui concerne la nullité des contrats et les conséquences qui en découlent, tout en ajustant certaines sommes dues.

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 15 Janvier 2025

N° RG 23/01156 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GBBY

ADV

Arrêt rendu le quinze Janvier deux mille vingt cinq

Sur APPEL d’une décision rendue le 27 juin 2023 par le Juge du contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Clermont Ferrand

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

immatriculé sous le numéro 542 097 902 au RCS de [Localité 8],

venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Bernard BOULLOUD, avocat au barreau de GRENOBLE (plaidant)

APPELANTE

ET :

M. [B] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

et Me Alice ALFROY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

La société [G] M.J.

SELARLU immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 821 325 941 00010

[Adresse 5]

[Localité 7]

agissant ès qualités de mandataire ad hoc de OXYGENE ENERGIES, SARL immatriculée au RCS de Bobigny sous le numéro 821 325 941 dont le siège social est sis [Adresse 3]

Ordonnance de caducité partielle de la déclaration d’appel à son encontre le 28 mars 2024

INTIMÉS

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, à l’audience publique du 07 Novembre 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré dans son délibéré initialement fixé au 18 Décembre 2024 puis prorogé au 15 Janvier 2025.

ARRET :

Prononcé publiquement le 15 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [B] [T] a passé commande le 16 octobre 2023 auprès de la SARL Oxygène Energies d’une installation photovoltaïque pour un prix de 22.500 euros TTC. Cette acquisition a été intégralement financée par un crédit affecté conclu le même jour auprès de la SA Sygma Banque.

Par jugement du 21 octobre 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a placé la SARL Oxygène Energies en liquidation judiciaire. Cette procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif le 8 août 2016.

Selon protocole des 9 et 22 février 2015, la société Sygma Banque a accepté de financer l’achèvement des travaux d’installation confiés à une société tierce.

Par jugement du 27 juin 2023, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, saisi par M. [T] d’une demande de nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté a :

-prononcé la nullité du contrat conclu le 16 octobre 2013 entre M. [T] et la SARL Oxygène Energies ;

-constaté l’annulation subséquente et de plein droit du crédit affecté conclu le même jour entre M. [T] et la SA Sygma Banque aux droits de laquelle vient la SA BNP Paribas Personal Finance ;

-ordonné que les parties soient replacées dans leur état originel ;

-condamné M. [T] à restituer à la SA BNP Paribas Personal Finance le capital emprunté sous déduction de la privation partielle du droit de cette dernière à restitution soit un solde de 11.500 euros ;

-condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [T] la somme de 38.031,84 euros au titre des sommes perçues en exécution du prêt annulé ;

-condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [T] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal a jugé que M. [T] était pleinement en capacité de s’interroger sur les mérites de son installation dès la fin de l’année 2017 et de se renseigner auprès d’un professionnel dans les mois suivants pour avoir pleine conscience de ses droits ; que l’assignation ayant été délivrée en novembre 2022, l’action était recevable.

Il a relevé que le bon de commande matérialisant le contrat n’était pas produit aux débats et que le vendeur ne pouvait donc justifier de la conformité du contrat au formalisme imposé par le code de la consommation. A défaut de preuve d’une volonté univoque de confirmation de l’acte nul, le tribunal a prononcé la nullité du contrat de vente.

S’agissant du contrat affecté, il a retenu la négligence fautive de la banque tout en tenant compte du fait que M. [T] dispose depuis l’installation d’une centrale qui fonctionne et qu’il ne restituera pas compte-tenu de la liquidation judiciaire du fournisseur.

Par déclaration du 17 juillet 2023, la SA BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de ce jugement.

La déclaration d’appel a été signifiée le 5 septembre 2023 à la SELARL [G] ès-qualités de mandataire ad ‘hoc de la SARL Oxygène Energies (à personne habilitée). Cette dernière n’a pas constitué avocat.

Par ordonnance du 28 mars 2024, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel à l’encontre de la SELARL [G] agissant ès-qualités de mandataire ad’ hoc de la SARL Oxygène Energies et dit que l’instance se poursuivait entre l’appelant et M. [T].

Aux termes de ses conclusions N° 2 notifiées électroniquement le 27 juin 2024, la SA BNP Paribas Personal Finance demande à la cour :

-d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

-statuant à nouveau :

-de déclarer irrecevables les actions intentées par M. [T] celles-ci étant prescrites ;

-de débouter M. [T], mal fondé en toutes ses demandes ;

Subsidiairement :

-de débouter M. [T] de toutes ses demandes ;

Plus subsidiairement pour le cas où les contrats seraient résolus ou annulés,

-de débouter M. [T] de sa demande de paiement notamment des sommes remboursées au prêteur au titre du crédit affecté souscrit, ainsi que des intérêts ou encore, de toutes autres sommes nées du contrat de crédit affecté et de son exécution et/ou à titre de dommages et intérêts ;

Et à défaut,

-de fixer dans la liquidation judiciaire du vendeur le montant de la restitution à M. [T] à la somme de 30.788,11 euros dans la mesure où ensuite du remboursement partiel par anticipation, la totalité des intérêts n’a pas été réglée ;

En tout état de cause :

-de condamner M. [T] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Suivant conclusions notifiées le 14 décembre 2023, M. [T] demande à la cour de :

-Confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a seulement privé partiellement la banque de sa créance de restitution,

Infirmant sur ce point et y ajoutant,

-Constater que la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l’ensemble des sommes versées au titre de l’exécution normale du contrat de prêt litigieux ;

-Condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à lui verser l’intégralité des sommes suivantes :

22 500 euros correspondant à l’intégralité du prix de vente de l’installation ;

15 531,84 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit ;

10 000 euros au titre de l’enlèvement de l’installation litigieuse et de la remise en état de l’immeuble,

5 000 euros au titre du préjudice moral ;

4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause, prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l’encontre de la société BNP Paribas Personal Finance ;

Débouter la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, et la société Oxygène Energies de l’intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires ;

Condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à supporter les dépens de l’instance.

Il convient de renvoyer aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2024.

Motivation :

I-Sur la prescription de l’action de M. [T] :

M. [T] fonde son action sur l’irrégularité du bon de commande et sur le dol.

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La société BNP Paribas Personal Finance fait valoir que M. [T] a exercé son recours plus de 9 ans après la souscription des contrats en cause et plus de 7 ans après la rédaction du protocole d’accord établi le 22 février 2015 et fixant de nouvelles conditions de remboursement.

Elle prétend que M. [T] ne produit pas « loyalement » le bon de commande qu’il détient « forcément » et indique qu’il ne peut lui être reproché de ne pas produire ce document qui a été forcément détruit après le remboursement par anticipation intervenu en mars 2019. M. [T] ne peut selon l’appelante, nier la régularisation d’un contrat de vente le 16 octobre 2013 et en tout cas avant le 20 novembre 2013. A la date du protocole d’accord il avait la possibilité de solliciter la nullité du contrat de vente pour « absence (prétendue) de remise par le vendeur ». A supposer qu’il n’ait pas été en mesure d’apprécier la régularité du bon de commande il avait nécessairement conscience à compter du 22 février 2015 qu’au-delà de la non réalisation totale du chantier, l’absence (prétendue) de remise du contrat était anormale. Il a néanmoins accepté que l’exécution du contrat soit poursuivie par une autre société. En régularisant le protocole d’accord il a ainsi renoncé à solliciter la nullité du bon de commande.

Le tribunal a rappelé à juste titre que M. [T] était un particulier sans connaissance juridiques spécifiques. L’appelante affirme sans preuve aucune que M. [T] agirait de façon déloyale et détiendrait nécessairement le bon de commande qu’il affirme ne jamais avoir reçu.

L’appelante ne produisant aucun document permettant à la cour de s’assurer de la remise effective de ce bon de commande, il ne peut être affirmé que la vigilance de M. [T] a été attirée sur d’éventuelles violations des dispositions du code de la consommation au moment de la formation du contrat.

Par des motifs que la cour adopte, tenant à la date à laquelle l’installation a été finalement raccordée (soit à la fin de l’année 2015) et du temps raisonnablement nécessaire pour que M. [T] soit pleinement en mesure de s’interroger (après réception des factures) sur les mérites de son installation, le tribunal a justement considéré que M. [T] a engagé son action dans les 5 ans suivant la fin de l’année 2017 et que son action est donc recevable.

II- Sur la nullité du contrat de vente :

L’appelante fait valoir que la preuve d’un engagement de rentabilité n’est pas rapportée ; que l’attestation de fin de travaux a été régularisée sans réserve le 20 novembre 2013 ; que les fonds ont été débloqués le 29 novembre 2013.

Elle rappelle que le juge doit statuer in concreto et soutient que M. [T] a accepté de renoncer à toute nullité en remboursant le crédit par anticipation après avoir accepté qu’une autre entreprise achève les travaux. Elle voit dans ces actes positifs une volonté effective réitérée et non équivoque de renoncer aux moyens et exceptions qu’il aurait pu opposer, de purger les vices du contrat de vente et de percevoir les avantages attendus des contrats.

Il n’est pas contesté que le contrat litigieux a été conclu hors établissement à la suite d’un démarchage à domicile.

S’agissant d’un contrat conclu hors établissement, il est en conséquence régi par les dispositions des articles L 221-25 du code de la consommation qui renvoie aux articles L 111-1 et L 111-2 du même code aux termes desquels, le contrat conclu hors établissement doit faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire est remis au client au moment de la conclusion du contrat et comporter à peine de nullité

1o Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2o Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État ; 

3o Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4o L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;

5o Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6o Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’État. 

Le fait de ne pas remettre le bon de commande au consommateur prive ce dernier de la possibilité de s’assurer de la régularité et de la conformité de l’offre qui lui est faite. En l’espèce, en l’absence de bon de commande il est même impossible de s’assurer de la régularité du contrat au code de la consommation et l’appelante ne peut se contenter d’affirmer comme elle le fait que le bon de commande était régulier (page 9/22) alors qu’elle ne le produit pas. C’est donc à juste titre que le tribunal a prononcé la nullité du contrat de vente.

Contrairement à ce que soutient M. [T], il s’agit d’une nullité relative, (Cass. 1re civ., 28 nov. 1995) destinée à protéger le consommateur démarché à domicile. Elle peut faire l’objet d’une confirmation.

Il résulte de l’article 1182 du code civil, que la confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat. L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de cause de la nullité vaut confirmation.

Cependant, au regard des éléments susvisés, il apparaît que ce n’est qu’à la fin de l’année 2017 que M. [T] a pu utilement se rendre compte des vices affectant l’opération. Ainsi ni la réception des travaux sans réserve (alors que ceux-ci n’étaient d’ailleurs pas terminés) ni la signature du protocole permettant de financer la fin des travaux ne traduisent une volonté non équivoque de confirmation.

Il ne peut être tiré de conséquence du règlement anticipé du crédit alors d’une part que M. [T] restait dans l’ignorance du bon de commande et d’autre part que le remboursement d’un contrat qui n’est lui-même pas entaché de nullité peut effectivement répondre uniquement à la volonté de l’emprunteur d’effectuer une opération moins onéreuse.

Le jugement sera donc également confirmé sur ce point.

III- Sur la nullité du contrat affecté et ses conséquences :

L’article L312-55 alinéa 1 du code de la consommation dispose qu’en cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

C’est donc à juste titre que le tribunal a considéré que l’annulation du contrat souscrit suivant bon de commande du 16 octobre 2013 entraînait de plein droit l’annulation du contrat de crédit qui a permis le financement de l’opération par la SA BNP Paribas Personal Finance.

L’annulation du contrat impose de remettre les parties en l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. Elle emporte donc obligation de rembourser au prêteur le capital emprunté.

M. [T] demande à la cour de priver la SA BNP Paribas Personal Finance de ce droit à restitution en considération de la faute qu’aurait commise cette dernière en l’entretenant dans sa croyance légitime dans la rentabilité et l’autofinancement de son installation ( et ainsi en participant au dol dont il a été victime), en libérant les fonds alors qu’aucun bon de commande n’avait été remis au client, sans s’assurer de la validité du contrat principal alors que par ailleurs, le bon de livraison comme le procès-verbal de réception de fin de chantier ont un caractère imprécis et ne lui permettaient pas de vérifier correctement la livraison et l’exécution des prestations.

Il reproche à la banque d’avoir ainsi failli à son obligation de conseil et de mise en garde et sans vérifications complémentaires sur l’existence, la régularité formelle et l’exécution complète du contrat principal.

La SA BNP Paribas Personal Finance rappelle :

-qu’il n’incombe pas au prêteur de s’assurer par lui-même de l’exécution des prestations ou d’être garant de l’exécution du contrat principal ;

-que M. [T] n’a émis aucune réserve lors de la signature du PV de réception.

Elle soutient en conséquence qu’elle n’a commis aucune faute permettant de la priver de son droit à restitution ; que M. [T] ne rapporte pas la preuve d’un quelconque préjudice, puisqu’aucun engagement de rentabilité n’a été contractualisé et qu’il bénéficie d’un équipement en état de marche qui ne sera jamais repris du fait de la liquidation judiciaire du vendeur.

Sur ce :

Le constat que l’installateur n’a pas exécuté ses obligations ne permet pas de déduire automatiquement que le prêteur a commis une faute dans la délivrance des fonds.

Il appartenait au prêteur de s’assurer de l’exécution complète du contrat principal et de vérifier la régularité formelle de celui-ci afin de pouvoir informer l’emprunteur d’une éventuelle irrégularité.

En l’espèce, l’organisme de crédit aurait dû être attentif à l’absence de remise du bon de commande au client étant effectivement observé que la SA BNP Paribas Personal Finance ne produit aucun exemplaire du bon de commande qui lui aurait été transmis.

Elle n’a donc pu vérifier la régularité du bon de commande. L’exemplaire du bon de livraison produit aux débats n’a par ailleurs pu lui permettre de procéder à cette vérification dans la mesure où il est totalement imprécis sur le nombre de panneaux installés et leurs caractéristiques.

Ainsi, si la signature sans réserve du procès-verbal de réception (contre la réalité puisqu’un avenant a été conclu en 2015 pour permettre l’achèvement des travaux par une société tiers) a pu convaincre la banque, avant déblocage des fonds, de l’exécution des travaux, cette circonstance n’exonère pas le prêteur de deniers de son obligation de vérifier la régularité du contrat principal pour s’assurer qu’il n’était pas affecté d’une cause de nullité. La seule absence du bon de commande aurait donc dû inciter la banque a plus de vigilance.

C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu une négligence fautive de la banque de nature à la priver de son droit à restitution des fonds prêtés.

Pour autant la privation de ce droit à restitution ne peut être prononcée qu’à la mesure du préjudice subi par M. [T] en lien avec la faute retenue.

Monsieur [T] sollicite une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation d’un préjudice moral. Il ne produit cependant aucune pièce permettant de considérer qu’il a été affecté dans sa vie psychique par la négligence fautive de la banque.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

M. [T] fait par ailleurs valoir que si l’installation vendue est certes fonctionnelle et lui procure un gain, l’économie réalisée est trop faible pour amortir le coût du crédit et rentabiliser l’opération ce qui était nécessairement entré dans le champ contractuel. Il ne démontre cependant pas que la rentabilité de l’opération était entrée dans le champ contractuel au moment de la formation du contrat principal.

Pour autant, lorsque la restitution du prix est devenue impossible du fait de l’insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l’emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d’une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n’a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal ». » (Cass. 1re civ.., 10 juillet 2024, n° 22-24.037, 23-11.809, 23-14.014, 23-14.015, 23-16.303, 23-15.802 et 23-13.566) En l’espèce, M. [T] ne pourra obtenir restitution du prix de vente de ce matériel du fait de la liquidation judiciaire de l’installateur.

La négligence fautive de la banque l’a par ailleurs privé de la chance de ne pas contracter et de devoir financer une installation qui ne lui permet pas de faire des économies d’électricité (la production est entièrement vendue) et qui ne lui permet pas non plus d’amortir l’installation avant que celle-ci ne soit obsolète (le rapport d’expertise faisant état d’une durée de 38 ans pour amortir le matériel).

Le tribunal a justement indemnisé le préjudice de M. [T] en tenant compte de ces éléments et du fait que M. [T] conservera l’installation en état de fonctionnement et disposera donc à l’avenir de la production fournie par celle-ci.

Ce faisant le tribunal n’a pas indemnisé deux fois le préjudice de M. [T] puisque celui-ci doit restituer à la banque les sommes empruntées pour permettre de financer l’installation sans pouvoir récupérer le prix de vente.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a limité le droit à restitution de la banque à la somme de 11 500 euros.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à restituer les mensualités payées et le montant du règlement anticipé pour un total de 38 031,84 euros.

En effet la totalité des intérêts n’a pas été réglée du fait du remboursement anticipé du crédit. Le crédit a été renégocié au mois de mars 2015 aux conditions suivantes :

-assurance : 4 921.85 euros

-intérêts : 10 609,99 euros

-principal : 22 500 euros

Total : 38 031,84 euros

Le remboursement anticipé est intervenu le 27 février 2019..

La SA BNP Paribas Personal Finance devra donc restituer à M. [T] la somme de 30 788,11 euros correspondant au remboursement des sommes perçues en remboursement du prêt annulé déduction faite des intérêts et cotisations d’assurance non perçues du fait du remboursement anticipé.

M. [T] sollicite en outre une somme de 10 000 euros au titre de l’enlèvement de l’installation litigieuse et de la remise en état de l’immeuble.

Par des motifs que la cour adopte le tribunal a rejeté cette demande, rappelant que ces frais incombent au vendeur.

-Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la SA BNP Paribas Personal Finance

Au regard de la décision susvisée, la demande de dommages et intérêts présentée par la banque pour sanctionner la mauvaise foi de M. [T] sera rejetée.

-Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels :

Le contrat de crédit étant résolu cette demande est sans objet.

-Sur les autres demandes :

La SA BNP Paribas Personal Finance succombant en son appel sera condamnée aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [T] ses frais de défense. La SA BNP Paribas Personal Finance sera condamnée à lui verser la somme de 2.000 euros sur fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement , par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [B] [T] la somme de 38 031,84 euros au titre des sommes perçues en exécution du prêt annulé ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [B] [T] la somme de 30 788,11 euros au titre des sommes perçues en exécution du prêt annulé ;

Y ajoutant ;

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à verser à M. [B] [T] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens.

Le greffier, La présidente,


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon