L’Essentiel : En janvier 2007, la SA Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) a accordé deux prêts à M. [E] [V] et Mme [R] [B] pour l’achat d’un immeuble. En septembre 2023, la CIFD a mis en demeure les emprunteurs de régler 4.431 euros d’échéances impayées. En décembre, elle les a assignés en justice pour récupérer le capital restant dû. Le tribunal a finalement jugé la mise en demeure irrégulière, annulant ainsi la déchéance du terme et déboutant la CIFD de sa demande de paiement. La CIFD a été condamnée aux dépens, et sa demande de remboursement de frais a été rejetée.
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Contexte de l’affaireEn janvier 2007, la SA Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) a conclu deux contrats de crédit immobilier avec M. [E] [V] et Mme [R] [B], coemprunteurs solidaires, pour financer l’achat d’un immeuble à usage d’habitation. L’un des prêts, d’un montant de 123.921 euros, était remboursable en 360 mensualités à un taux d’intérêt de 4,55 %. Mise en demeure et procédures judiciairesLe 8 septembre 2023, la CIFD a mis en demeure les emprunteurs de régler une somme de 4.431 euros correspondant à des échéances impayées, sous un mois, sous peine de déchéance du terme. En décembre 2023, la CIFD a assigné M. [E] [V] et Mme [R] [B] devant le tribunal judiciaire d’Amiens pour obtenir le remboursement du capital restant dû. L’instruction a été clôturée en mai 2024, mais a été révoquée en juin, avant d’être à nouveau ordonnée en septembre 2024. Demandes des partiesDans ses dernières conclusions, la CIFD a demandé au tribunal de débouter les emprunteurs de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui verser 91.491,66 euros, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive. De leur côté, M. [E] [V] et Mme [R] [B] ont contesté la déchéance du terme, arguant que le délai d’un mois pour répondre à la mise en demeure était insuffisant compte tenu de leur situation économique. Arguments juridiquesLa CIFD a soutenu que la déchéance du terme était valable, ayant été précédée d’une mise en demeure, et a contesté toute rupture brutale du lien contractuel. En revanche, les emprunteurs ont fait valoir que la mise en demeure était irrégulière, car elle ne mentionnait pas clairement les dispositions contractuelles pertinentes et que le délai accordé était trop court pour leur permettre de réagir. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que la mise en demeure notifiée par la CIFD était irrégulière, ce qui a conduit à la nullité de la déchéance du terme. Par conséquent, la CIFD a été déboutée de sa demande de paiement de 91.491,66 euros et de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive. Conséquences financièresLa CIFD, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens. De plus, sa demande de remboursement de frais irrépétibles a également été rejetée. Le jugement a été signé par le président et la greffière du tribunal. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre la SA Crédit Immobilier de France Développement et les emprunteurs ?En janvier 2007, la SA Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) a conclu deux contrats de crédit immobilier avec M. [E] [V] et Mme [R] [B], coemprunteurs solidaires, pour financer l’achat d’un immeuble à usage d’habitation. L’un des prêts, d’un montant de 123.921 euros, était remboursable en 360 mensualités à un taux d’intérêt de 4,55 %. Quelles procédures judiciaires ont été engagées par la CIFD ?Le 8 septembre 2023, la CIFD a mis en demeure les emprunteurs de régler une somme de 4.431 euros correspondant à des échéances impayées, sous un mois, sous peine de déchéance du terme. En décembre 2023, la CIFD a assigné M. [E] [V] et Mme [R] [B] devant le tribunal judiciaire d’Amiens pour obtenir le remboursement du capital restant dû. L’instruction a été clôturée en mai 2024, mais a été révoquée en juin, avant d’être à nouveau ordonnée en septembre 2024. Quelles étaient les demandes des parties en litige ?Dans ses dernières conclusions, la CIFD a demandé au tribunal de débouter les emprunteurs de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui verser 91.491,66 euros, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive. De leur côté, M. [E] [V] et Mme [R] [B] ont contesté la déchéance du terme, arguant que le délai d’un mois pour répondre à la mise en demeure était insuffisant compte tenu de leur situation économique. Quels arguments juridiques ont été avancés par la CIFD et les emprunteurs ?La CIFD a soutenu que la déchéance du terme était valable, ayant été précédée d’une mise en demeure, et a contesté toute rupture brutale du lien contractuel. En revanche, les emprunteurs ont fait valoir que la mise en demeure était irrégulière, car elle ne mentionnait pas clairement les dispositions contractuelles pertinentes et que le délai accordé était trop court pour leur permettre de réagir. Quelle a été la décision du tribunal concernant la mise en demeure ?Le tribunal a jugé que la mise en demeure notifiée par la CIFD était irrégulière, ce qui a conduit à la nullité de la déchéance du terme. Par conséquent, la CIFD a été déboutée de sa demande de paiement de 91.491,66 euros et de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive. Quelles ont été les conséquences financières pour la CIFD suite à la décision du tribunal ?La CIFD, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens. De plus, sa demande de remboursement de frais irrépétibles a également été rejetée. Le jugement a été signé par le président et la greffière du tribunal. Quels articles du code civil ont été cités dans le jugement ?Aux termes de l’ancien article 1134 du code civil, applicable à la cause car antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ». L’ancien article L. 312-22 du code de la consommation dispose que « en cas de défaillance de l’emprunteur et lorsque le prêteur n’exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, il peut majorer, dans les limites fixées par décret, le taux d’intérêt que l’emprunteur aura à payer jusqu’à ce qu’il ait repris le cours normal des échéances contractuelles. Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. Quelles sont les obligations de la mise en demeure selon le code civil ?En vertu des anciens articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, applicables à la cause car antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la mise en demeure est une étape nécessaire pour la mise en jeu de la résolution du contrat. Si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. Quelles irrégularités ont été relevées dans la mise en demeure de la CIFD ?L’examen attentif du contrat de crédit immobilier permet de mettre en évidence qu’il ne comprend aucun article XI-A-d tel que visé par la mise en demeure notifiée à M. [E] [V] et Mme [R] [B]. A tout le moins, la SA CIFD ne produit pas le document contractuel qui contiendrait les stipulations susmentionnées relatives à la déchéance du terme. Or, la vertu première de la mise en demeure est assurément d’interpeller le débiteur défaillant, cette interpellation emportant également une nécessité d’information. Particulièrement, la mise en demeure doit informer le débiteur sur l’étendue de son obligation. Or, en l’espèce, ni M. [E] [V] ni Mme [R] [B] n’ont été mis en mesure de s’assurer que la clause dont se prévaut la SA CIFD prévoit expressément et de manière non équivoque que leur défaillance entraîne automatiquement la déchéance du terme. Comment le tribunal a-t-il évalué le délai accordé aux emprunteurs pour répondre à la mise en demeure ?Au surplus, au regard des relations contractuelles qui ont perduré pendant seize années sans que la SA CIFD n’ait à déplorer un quelconque incident de paiement, le délai d’un mois qui a été imparti à M. [E] [V] et Mme [R] [B] apparaît excessivement bref et insuffisant pour leur permettre d’apporter réponse aux échéances impayées pour 4.419 euros résultant de difficultés financières ponctuelles nées de la perte d’emploi de la coemprunteuse justifiée par une attestation de Pôle Emploi en date du 13 décembre 2023. A cet égard, il est d’ailleurs relevé que les emprunteurs justifient avoir, dès le 29 décembre 2023, soit trois mois après la mise en demeure, adressé à la SA CIFD un chèque de banque de 6.500 euros. Quelles incohérences ont été relevées dans le décompte des sommes dues par les emprunteurs ?De manière surabondante, il est encore relevé que les montants évoqués au décompte à la date du 8 septembre 2023 accompagnant la mise en demeure sont relativement obscurs. Ainsi, non seulement le montant du capital restant dû chiffré à la somme de 88.804,53 euros ne se retrouve pas dans le tableau d’amortissement annexé à l’offre de prêt versé aux débats, mais encore le montant du solde débiteur de 4.419 euros évoqué dans ce décompte – alors que la mise en demeure fait état d’une somme de 4.431 euros au titre des échéances impayées – ne permet pas de comprendre quelles échéances resteraient impayées. Enfin, le taux d’intérêts de 4,15 % appliqué au principal n’est pas explicité au regard des stipulations contractuelles. Quelle conclusion le tribunal a-t-il tirée concernant la mise en demeure et la déchéance du terme ?Au vu de ce qui précède, le tribunal juge que la mise en demeure notifiée à M. [E] [V] et Mme [R] [B] est irrégulière, de sorte qu’elle n’a pu entraîner la déchéance du terme dont se prévaut la SA CIFD. Par conséquent, la SA CIFD est déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [E] [V] et Mme [R] [B] à lui payer la somme de 91.491,66 euros, avec intérêts au taux de 4,15 % l’an à compter du 19 septembre 2024, outre capitalisation des intérêts. Quelles sont les implications de l’article 696 du code de procédure civile dans cette affaire ?Aux termes de l’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ». La SA CIFD, partie perdante, est condamnée aux dépens. Quelles sont les dispositions concernant les frais irrépétibles selon l’article 700 du code de procédure civile ?Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (…). Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent ». La SA CIFD, condamnée aux dépens, est déboutée de sa demande de condamnation in solidum de M. [E] [V] et Mme [R] [B] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles. |
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JUGEMENT CIVIL
1ère Chambre
Prêt – Demande en remboursement du prêt
Sans procédure particulière
AFFAIRE :
S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
C/
[V], [B]
Répertoire Général
N° RG 23/03746 – N° Portalis DB26-W-B7H-HYVI
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Expédition exécutoire le :
27.11.24
à : Me Dumoulin
à : Me Zanovello
à :
à :
Expédition le :
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à :
à :
à :
à :
à : Expert
à : AJ
TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’AMIENS
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J U G E M E N T
du
VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
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Dans l’affaire opposant :
S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (RCS DE PARIS B 379 502 644) venant aux droits de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE NORD (RCS DE LILLE B 391 464 591) anciennement dénommée FINANCIERE DE CREDIT IMMOBILIER DE PICARDIE CHAMPAGNE ARDENNE, venant elle-même aux droits de la FINANCIERE REGIONALE DE CREDIT IMMOBILIER DU NORD PAS DE CALAIS (RCS DE LILLE 390 613 446)
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Maître Sibylle DUMOULIN de la SCP DUMOULIN-CHARTRELLE-ABIVEN, avocat postulant au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexia DELVIENNE, avocat au barreau d’AMIENS, Maître Matthieu ROQUEL de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat plaidant au barreau de LYON
– DEMANDEUR (S) –
– A –
Monsieur [E] [Y] [V]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Me Houria ZANOVELLO, avocat au barreau d’AMIENS
Madame [R] [K] [N] [B] épouse [V]
née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Houria ZANOVELLO, avocat au barreau d’AMIENS
– DÉFENDEUR (S) –
Le TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS a rendu le jugement contradictoire suivant par mise à disposition de la décision au greffe, après que la cause eut été retenue le 25 Septembre 2024 devant :
– Monsieur [H] [U], juge au tribunal judiciaire d’AMIENS, qui, conformément aux dispositions des articles 812 et suivants du Code de procédure civile, a tenu seul(e) l’audience, assisté(e) de :
– Madame Céline FOURCADE, Greffière, pour entendre les plaidoiries.
En suite d’une offre en date du 10 janvier 2007 et par acte sous signature privée du 24 janvier 2007, la SA Crédit Immobilier de France Développement (ci-après CIFD), prêteur, M. [E] [V] et Mme [R] [B], coemprunteurs solidaires, ont régularisé deux contrats de crédit immobilier, dont un prêt « Sérénité 10ERM » d’un montant de 123.921 euros remboursable en 360 mensualités au taux de 4, 55 %.
Ces crédits immobiliers avaient pour objet de financer l’achat d’un immeuble à usage d’habitation situé [Adresse 2] à [Localité 6] (Somme).
Par lettres recommandées avec avis de réception en date du 8 septembre 2023, réceptionnées le 14 septembre suivant, la SA CIFD a mis en demeure M. [E] [V] et Mme [R] [B] de lui payer la somme de 4.431 euros correspondant aux échéances impayées, ce sous un mois sous peine de déchéance du terme entraînant la résiliation du contrat et l’exigibilité de la totalité des sommes dues.
Par actes de commissaire de justice en date du 7 décembre 2023, la SA CIFD a fait assigner M. [E] [V] et Mme [R] [B] devant le tribunal judiciaire d’Amiens aux fins de condamnation à leur rembourser le capital restant dû au titre du prêt susmentionné.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 30 mai 2024.
Par ordonnance du 20 juin 2024, le juge de la mise en état de ce tribunal a révoqué l’ordonnance de clôture.
La clôture de l’instruction a été ordonnée par décision du 25 septembre 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 25 septembre 2024 et mise en délibéré au 27 novembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 23 septembre 2024, la SA CIFD demande au tribunal de :
Débouter M. [E] [V] et Mme [R] [B] de leurs demandes ; Condamner solidairement M. [E] [V] et Mme [R] [B] à lui payer les sommes de : 91.491, 66 euros avec intérêts au taux de 4, 15 % l’an à compter du 19 septembre 2024 ; 3.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de résistance abusive ; Ordonner la capitalisation des intérêts ; Condamner in solidum M. [E] [V] et Mme [R] [B] aux dépens, en ce compris les coûts de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire et de l’hypothèque judiciaire définitive à intervenir ; Autoriser maître Sibylle Dumoulin, avocate au barreau d’Amiens, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision ; Condamner in solidum M. [E] [V] et Mme [R] [B] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ; Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement.
Au visa des articles 1103 et suivants du code civil, la SA CIFD fait valoir que la déchéance du terme a été valablement prononcée dès lors qu’elle a été précédée d’une mise en demeure et que M. [E] [V] et Mme [R] [B] n’ont pas remboursé les échéances impayées dans le délai imparti aux termes de cette mise en demeure. Elle conteste également toute rupture brutale du lien contractuel, déplorant que ces derniers n’ont pas pris son attache afin de l’informer des difficultés rencontrées et de solliciter des délais de paiement. Par ailleurs, la SA CIFD maintient que sa créance s’élève à la somme de 91.491, 66 euros, outre les intérêts au taux de 4, 15 % l’an à compter du 20 septembre 2024, nonobstant divers paiements réalisés par les emprunteurs. Enfin, elle soutient que M. [E] [V] et Mme [R] [B] se sont, par leur attitude, rendus coupables de résistance abusive justifiant leur condamnation au paiement de dommages et intérêts.
Suivant dernières conclusions notifiées le 9 septembre 2024, M. [E] [V] et Mme [R] [B] demandent au tribunal de :
Dire n’y avoir lieu à prononcer la déchéance du terme ; Débouter la SA CIFD de sa demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts ; Réserver les dépens ;Débouter la SA CIFD de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Au visa de l’article 1104 du code civil, M. [E] [V] et Mme [R] [B] observent que le délai d’un mois imparti aux termes de la mise en demeure était insuffisant pour leur permettre de trouver une solution pour assurer le paiement des échéances impayées compte tenu de leur situation économique. Ils font en outre valoir qu’ils ont rapidement repris les paiements, ce dès le 28 décembre 2023. Ils estiment donc qu’après dix-sept années de relations contractuelles le comportement de la SA CIFD doit s’apprécier comme une rupture brutale, qu’ils expliquent par la situation financière de cette société.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur la demande de paiement
Aux termes de l’ancien article 1134 du code civil, applicable à la cause car antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».
L’ancien article L. 312-22 du code de la consommation dispose que « en cas de défaillance de l’emprunteur et lorsque le prêteur n’exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, il peut majorer, dans les limites fixées par décret, le taux d’intérêt que l’emprunteur aura à payer jusqu’à ce qu’il ait repris le cours normal des échéances contractuelles. Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l’application des (anciens) articles 1152 et 1231 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret ».
En vertu des anciens articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, applicables à la cause car antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la mise en demeure est une étape nécessaire pour la mise en jeu de la résolution du contrat.
Si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Cass., 1ère civ., 22 juin 2017, n° 16-18.418, Bull. 2017, I, n° 151).
L’insertion d’une clause résolutoire dispense le créancier de saisir le juge pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat. Se trouve ainsi régulièrement stipulée dans les contrats de prêt d’argent, une clause aux termes de laquelle le non-paiement d’une échéance à son terme emporte déchéance de tous les termes futurs. Mais l’insertion d’une telle clause ne dispense pas le créancier d’une mise en demeure préalable du débiteur, d’’avoir à remplir ses obligations, et précisant le délai dont il dispose pour faire obstacle au jeu de la clause résolutoire. La mise en demeure doit être motivée de manière claire et précise. Notamment, elle doit indiquer avec précision les dispositions contractuelles auxquelles le débiteur a contrevenu et les griefs formulés par le créancier.
Suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 8 septembre 2023, réceptionnées le 14 septembre 2023, la SA CIFD a délivré une mise en demeure à M. [E] [V] et Mme [R] [B] d’avoir à lui payer la somme de 4.431 euros au titre de mensualités impayées, ce dans le délai d’un mois. Cette mise en demeure mentionne que « à défaut de règlement de celle-ci avant l’expiration de ce délai, vos prêts deviendront alors intégralement exigibles par application de l’article XI-A-d des contrats de prêts, sans autre démarche de (la SA CIFD). En vertu de cette déchéance du terme, vous serez alors débiteur de l’ensemble des sommes exigibles en principal, frais et intérêts, s’élevant à la somme de 99.720, 96 euros selon décompte joint ».
L’examen attentif du contrat de crédit immobilier permet de mettre en évidence qu’il ne comprend aucun article XI-A-d tel que visé par la mise en demeure notifiée à M. [E] [V] et Mme [R] [B]. A tout le moins, la SA CIFD ne produit pas le document contractuel qui contiendrait les stipulations susmentionnées relatives à la déchéance du terme.
Or, la vertu première de la mise en demeure est assurément d’interpeller le débiteur défaillant, cette interpellation emportant également une nécessité d’information. Particulièrement, la mise en demeure doit informer le débiteur sur l’étendue de son obligation. Or, en l’espèce, ni M. [E] [V] ni Mme [R] [B] n’ont été mis en mesure de s’assurer que la clause dont se prévaut la SA CIFD prévoit expressément et de manière non équivoque que leur défaillance entraîne automatiquement la déchéance du terme.
Si toutefois l’article 7 A du cahier des charges et des conditions générales des prêts immobiliers annexé au contrat de crédit immobilier, libellé « Exigibilité anticipée – défaillance de l’emprunteur – clause pénale », stipule que « le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles sans qu’il soit besoin d’autre formalité qu’une simple notification faite à l’emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception, l’emprunteur ne pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus : (…) c) au gré du prêteur quel que soit le type de prêt à l’exception du nouveau prêt à 0 %, dans l’un ou l’autre des cas suivants : (…) : à défaut de paiement de tout ou partie des mensualités à leur échéance et de toutes sommes avancées par le prêteur », il ne s’agit aucunement de la clause visée par la SA CIFD, de sorte que M. [E] [V] et Mme [R] [B] pouvaient légitimement s’interroger sur la validité de la mise en demeure qui leur a été notifiée et, partant, de la déchéance du terme qui leur a été opposée.
Au surplus, au regard des relations contractuelles qui ont perduré pendant seize années sans que la SA CIFD n’ait à déplorer un quelconque incident de paiement, le délai d’un mois qui a été imparti à M. [E] [V] et Mme [R] [B] apparaît excessivement bref et insuffisant pour leur permettre d’apporter réponse aux échéances impayés pour 4.419 euros résultant de difficultés financières ponctuelles nées de la perte d’emploi de la coemprunteuse justifiée par une attestation de Pôle Emploi en date du 13 décembre 2023. A cet égard, il est d’ailleurs relevé que les emprunteurs justifient avoir, dès le 29 décembre 2023, soit trois mois après la mise en demeure, adressé à la SA CIFD un chèque de banque de 6.500 euros. Il s’ensuit que ce délai est exclusif de toute bonne foi de la part du créancier.
De manière surabondante, il est encore relevé que les montants évoqués au décompte à la date du 8 septembre 2023 accompagnant la mise en demeure sont relativement obscurs. Ainsi, non seulement le montant du capital restant dû chiffré à la somme de 88.804, 53 euros ne se retrouve pas dans le tableau d’amortissement annexé à l’offre de prêt versé aux débats, mais encore le montant du solde débiteur de 4.419 euros évoqué dans ce décompte – alors que la mise en demeure fait état d’une somme de 4431 euros au titre des échéances impayées – ne permet pas de comprendre quelles échéances resteraient impayées. Enfin, le taux d’intérêts de 4, 15 % appliqué au principal n’est pas explicité au regard des stipulations contractuelles.
Au vu de ce qui précède, le tribunal juge que la mise en demeure notifiée à M. [E] [V] et Mme [R] [B] est irrégulière, de sorte qu’elle n’a pu entraîner la déchéance du terme dont se prévaut la SA CIFD.
Par conséquent, la SA CIFD est déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [E] [V] et Mme [R] [B] à lui payer la somme de 91.491, 66 euros, avec intérêts au taux de 4, 15 % l’an à compter du 19 septembre 2024, outre capitalisation des intérêts.
La SA CIFD, qui succombe, est également déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [E] [V] et Mme [R] [B] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
La SA CIFD, partie perdante, est condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (…). Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent ».
La SA CIFD, condamnée aux dépens, est déboutée de sa demande de condamnation in solidum de M. [E] [V] et Mme [R] [B] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le tribunal :
DEBOUTE la SA Crédit Immobilier de France Développement de sa demande de condamnation solidaire de M. [E] [V] et Mme [R] [B] à lui payer la somme de 91.491, 66 euros, avec intérêts au taux de 4, 15 % l’an à compter du 19 septembre 2024, outre capitalisation des intérêts ;
DEBOUTE la SA Crédit Immobilier de France Développement de sa demande de condamnation solidaire de M. [E] [V] et Mme [R] [B] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
CONDAMNE la SA Crédit Immobilier de France Développement aux dépens ;
DEBOUTE la SA Crédit Immobilier de France Développement de sa demande de condamnation in solidum de M. [E] [V] et Mme [R] [B] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le jugement est signé par le président et la greffière.
LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT
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