Marc Lavoine c/ Closer : atteinte au droit à l’image

Notez ce point juridique

Un magazine People s’expose à une condamnation pour atteinte à la vie privée (d’un chanteur) et à son droit à l’image si, loin de se contenter de descriptions factuelles des activités de ce dernier au cours de ses vacances, l’article spécule sur l’évolution des sentiments de celui-ci suite à son divorce.

1. Attention à la protection de votre vie privée et de votre droit à l’image, en veillant à ce que seuls les éléments que vous souhaitez divulguer soient rendus publics.

2. Il est recommandé de ne pas hésiter à demander des dommages et intérêts en cas d’atteinte à votre vie privée et à votre droit à l’image, en justifiant de manière concrète l’étendue du préjudice subi.

3. Il est conseillé de rester vigilant face aux médias et de ne pas hésiter à agir en justice en cas de récidive d’atteintes à votre vie privée, même en cas de complaisance passée envers les médias.


L’affaire oppose la société REWORLD MEDIA MAGAZINES à [S] [Y], qui estime que son droit à la vie privée et à l’image a été violé dans un numéro du magazine Closer. [S] [Y] demande une provision de 30 000 euros pour le préjudice moral, la publication d’un communiqué judiciaire en page de couverture de l’hebdomadaire Closer, ainsi que des dommages et intérêts et des frais de justice. La société REWORLD MEDIA MAGAZINES conteste les demandes de [S] [Y] et demande une évaluation symbolique du préjudice. La décision sera rendue le 7 mai 2024.

Sur la publication litigieuse

La publication litigieuse du magazine Closer consacre un article de quatre pages à [S] [Y], illustré de sept photographies le concernant. L’article évoque sa vie sentimentale, ses vacances et son état d’esprit, dressant un portrait peu flatteur du chanteur.

Sur les atteintes à la vie privée et au droit à l’image

Le demandeur reproche à l’article de porter atteinte à sa vie privée en divulguant des informations personnelles et en publiant des photographies prises à son insu. La société défenderesse conteste partiellement ces accusations, arguant que certaines informations étaient déjà publiques.

Sur les mesures sollicitées

Le demandeur demande une indemnité provisionnelle pour le préjudice subi. Le juge des référés doit évaluer l’étendue du dommage et décider s’il accorde une provision. La société défenderesse conteste la demande de dommages et intérêts, soulignant la complaisance du demandeur envers les médias.

Sur la demande d’indemnité provisionnelle

Le juge des référés accorde une indemnité provisionnelle de 4 000 euros au demandeur pour les atteintes à sa vie privée et à son droit à l’image. Il prend en compte la gravité des atteintes, la répétition des faits et l’importance du lectorat du magazine.

Sur la demande de publication du communiqué de la décision

La demande de publication judiciaire est rejetée, considérée comme une restriction disproportionnée de la liberté d’expression. L’allocation d’une provision au demandeur est jugée suffisante pour réparer le préjudice subi.

Sur les autres demandes

La société défenderesse est condamnée aux dépens et doit payer une somme de 1 500 euros au demandeur au titre des frais exposés dans la procédure. L’exécution provisoire est de droit.

– 4 000 euros à [S] [Y] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral
– 1 500 euros à [S] [Y] en application de l’article 700 du code de procédure civile


Réglementation applicable

Texte de l’Article 9 du Code civil:

« Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »

Texte de l’Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales:

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Texte de l’Article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales:

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

Texte de l’Article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile:

« Le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable. »

Texte de l’Article 696 du Code de procédure civile:

« La partie succombante est condamnée aux dépens, à moins que le juge n’en décide autrement. »

Texte de l’Article 700 du Code de procédure civile:
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui succombe à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais non compris dans les dépens. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Maître Michael MAJSTER de l’AARPI Majster & Nehmé Avocats
– Me Delphine PANDO

Mots clefs associés

– Magazine Closer
– Article
– Vie privée
– Droit à l’image
– Liberté d’expression
– Atteintes
– Photographies
– Préjudice
– Dommages et intérêts
– Réparation
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Exécution provisoire

– Magazine Closer: publication périodique traitant de sujets variés, souvent axée sur les potins et la vie des célébrités
– Article: texte écrit et publié dans un journal, magazine ou autre support de presse
– Vie privée: ensemble des éléments de la vie d’une personne qui ne regardent pas le public
– Droit à l’image: droit pour une personne de contrôler l’utilisation de son image
– Liberté d’expression: droit fondamental permettant à chacun de s’exprimer librement
– Atteintes: actions portant préjudice à quelqu’un
– Photographies: images capturées par un appareil photo
– Préjudice: dommage subi par une personne
– Dommages et intérêts: somme d’argent versée en réparation d’un préjudice
– Réparation: action visant à compenser un dommage subi
– Dépens: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile: disposition légale permettant de demander le remboursement des frais de justice
– Exécution provisoire: mise en œuvre d’une décision de justice avant qu’elle ne soit définitive

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/52120 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4IEK

N° : 1/MM

Assignation du :
7 Mars 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 07 mai 2024

par Jeanne DOUJON, Juge placée déléguée au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDEUR

Monsieur [S] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Michael MAJSTER de l’AARPI Majster & Nehmé Avocats, avocats au barreau de PARIS – #D0727

DEFENDERESSE

S.A.S. REWORLD MEDIA MAGAZINES
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Delphine PANDO, avocate au barreau de PARIS – #R204

DÉBATS

A l’audience du 27 Mars 2024, tenue publiquement, présidée par Jeanne DOUJON, Juge placée, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,

Nous, Présidente,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Vu l’assignation en référé délivrée par acte d’huissier le 07 mars 2024 à la société REWORLD MEDIA MAGAZINES, éditrice du magazine Closer, à la requête de [S] [Y], lequel, estimant qu’il avait été porté atteinte au respect dû à sa vie privée et à son droit à l’image dans le numéro 971 du magazine en date du 19 au 25 janvier 2024 demande, au visa des articles 9 du code civil, 808 et 809 du code de procédure civile, 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales de :
– Condamner la société REWORLD MEDIA MAGAZINES à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts qui lui sont dus au titre de la réparation du préjudice moral ;
– Ordonner, sous astreinte de 8.000 euros par semaine de retard, la publication d’un communiqué judiciaire en page de couverture de l’hebdomadaire Closer de la condamnation prononcée selon des modalités précisées dans l’assignation ;
– Condamner la société REWORLD MEDIA MAGAZINES à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Ordonner que l’exécution de l’ordonnance de référé à intervenir aura lieu au seul vu de la minute ;
– Condamner la société REWORLD MEDIA MAGAZINES aux entiers dépens.

Vu les conclusions en défense de la société REWORLD MEDIA MAGAZINES, déposées et soutenues à l’audience, qui demande, au visa des articles 9 du code civil et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, de :
– Evaluer de façon symbolique le préjudice allégué ;
– Débouter [S] [Y] du surplus de ses demandes ;
– En tout état de cause, condamner [S] [Y] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

À l’issue de l’audience du 27 mars 2024, au cours de laquelle les conseils des parties ont été entendus en leurs observations, il leur a été indiqué que la présente décision serait rendue le 7 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur la publication litigieuse

[S] [Y] est un auteur-compositeur-interprète et acteur français.

Dans son numéro 971 en date du 19 au 25 janvier 2024, le magazine Closer consacre un article de quatre pages à [S] [Y], illustré de sept photographies le concernant (extrait du magazine communiqué en pièce 2 par le demandeur).

L’article est annoncé en page de couverture sous le titre « [S] [Y] – Célibataire mais heureux ! » – les deux derniers mots étant inscrits en jaune vif – accompagné d’un macaron mentionnant « Photos EXCLU » en rose vif. L’annonce s’inscrit sur deux photographies occupant les deux tiers de la page de couverture, visiblement prises au téléobjectif, l’une montrant [S] [Y], souriant, torse nu, en maillot de bain sur la plage et l’autre le montrant serrant dans ses bras un jeune garçon (vraisemblablement son fils).

La publication querellée, développée en pages 12 à 15, reprend le titre de couverture sur la page 12, le mot « Célibataire » étant mis en valeur par l’usage de la couleur verte. En page 13, un chapeau introductif annonce : « Dans les derniers feux d’une année qui l’a vu sombrer avec sa rupture avec [W] [H], le chanteur de 61 ans a rallumé la flamme en compagnie de ses proches. Pour se ressaisir, rompre avec sa solitude et reprendre le fil de sa carrière ». Suit la mention en vert et blanc « [Localité 6] (Thaïlande), le 1er janvier ».

Au sein de l’article, sont mises en exergue deux phrases, présentées en gras et en vert : « Il était sur le yacht d’un couple d’amis qu’il a en commun avec [D] [F] » et « Grâce à ses proches, il a fait FONDRE SON SPLEEN (la typologie reprenant celle de l’article) au soleil ».

L’article litigieux débute en faisant état des évènements ayant marqué l’année 2023 pour [S] [Y] la caractérisant « d’annus horribilis » faisant référence à sa rupture avec l’écrivaine [W] [H] en 2021, évoquant le sentiment de solitude et de mélancolie du chanteur, poursuivant « Ebranlé par le départ de [W], il fut presque mis K.O. par ses écrits » avant de citer des extraits du livre de cette dernière (notamment « il m’a frappé l’âme, au point que j’ai eu mille cicatrices sur le corps »).

L’article poursuit en indiquant « Le musicien a préféré le silence, quitte à se couper du monde. Et même à dépérir. Malheureux, angoissé, [S] [Y] avait perdu beaucoup de poids et d’illusions au fil des mois. Pour ne plus ressasser les mauvais souvenirs qu’il avait abrités, il s’est même séparé, selon nos informations, de son appartement à Saint-Germain-des-Prés dans lequel [W] avait emménagé » et ponctue son propos en mentionnant qu’il « était temps de remonter la pente ».

L’article fait état ensuite d’informations quant aux vacances dont a pu bénéficier le chanteur pour fêter la nouvelle année. Ainsi, selon les informations exclusives du magazine, « le père de quatre enfants a été invité sur le yacht d’un couple d’amis, qu’il a en commun avec [D] [F], stationné au large de l’île de [Localité 6], en mer d’Andaman ». L’article précise ensuite que [S] [Y] a pu partager une sortie en bateau avec « la veuve de [O] » et donne le nom de l’hôtel dans lequel il est descendu. L’article précise « Là durant une semaine, accompagné de ses fils, il a fait fondre son spleen au soleil. En forme(s) et souriant comme jamais, il a retrouvé la joie des conversations entre amis et des moments partagés en famille. Leur complicité amusée faisait plaisir à voir le temps d’un match de beach-volley entre ados, observé d’un œil attendri par le papa ».

L’article s’achève en évoquant l’actualité professionnelle du chanteur, concluant « Plus question de laisser les traces d’un passé souvent malheureux lui bouffer sa vie d’aujourd’hui ».

L’article est illustré en pages intérieures par sept photographies prises vraisemblablement au téléobjectif représentant [S] [Y] sur la plage, dans l’eau ou se promenant sur la plage.

Les deux photographies présentées en page de couverture sont reprises dans l’article en page 12 et 15. Un médaillon de couleur verte est apposé sur l’une des photographies avec la mention « PHOTOS EXCLU CLOSER » et légendée de la manière suivante : « C’est en Thaïlande, sur une île paradisiaque, que le chanteur de 61 ans s’est délesté du poids des désillusions de l’année passée ».

Sur la seconde photographie, également présente en page de couverture, le présentant en train de prendre un jeune garçon dans les bras, la légende suivante est apposée : « il était heureux de féliciter son fils après une partie de beach-volley, sur la plage de sable de l’hôtel [5] ».

La troisième photographie, située en haut de la page 12, représente [S] [Y] dans l’eau, face à un autre individu, de dos, ce dernier lui touchant le ventre avec la légende suivante : « Grâce à ses amis, il a repris du poil de la bête ».

La quatrième photographie occupant la moitié de la page 13 montre [S] [Y] en maillot de bain marcher sur la plage, accompagnée de la légende suivante : « Exit la mélancolie et la rancœur. Le chanteur n’est plus l’ombre de lui-même. Désormais, il va de l’avant ».

La cinquième photographie occupant la seconde moitié de la page 13 le présente une serviette autour de la taille en train de se changer, légendée de la manière suivante : « Le play-boy cabossé a décidé de profiter de la vie et de ses proches ».

La sixième et la septième photographie, en page 14 et 15, présentent [S] [Y] en maillot de bains et T-shirt marchant sur la plage pour l’une (avec la légende suivante : « Il prépare sa rentrée avec la reprise de la comédie musicale, Les chaussons rouges, qui aura lieu dans quelques jours ») et assis sur une balançoire (accompagnée de la légende suivante : « Après sa séparation avec [W] [H], [S] tente de rééquilibrer petit à petit sa vie »).

C’est dans ces conditions qu’a été délivrée la présente assignation.

Sur les atteintes à la vie privée et au droit à l’image

Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.

Ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la même convention. Ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression, ladite publication étant appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit.

Le droit à l’information du public s’agissant des personnes publiques, s’étend ainsi d’une part aux éléments relevant de la vie officielle, d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. A l’inverse, les personnes peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.

Enfin, la diffusion d’informations déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’atteinte au respect de la vie privée.

En l’espèce, le demandeur fait grief à l’article litigieux d’attenter à sa vie privée en rappelant au public de manière particulièrement tapageuse en page de couverture et au sein de l’article son statut sentimental, réel ou erroné, alors qu’il ne s’est jamais exprimé sur ce point depuis son divorce. L’article comporte également de nombreuses disgressions sur sa vie sentimentale et sur ses sentiments prétendus ou réels, dressant un portrait peu flatteur, le présentant comme une personne déprimée, seule et vulnérable. Il souligne également que l’article fait des disgressions sur ses loisirs, révélant notamment le lieu où il a passé ses dernières vacances et sur les activités réalisées.

Le demandeur invoque également la violation de son droit à l’image par la publication des sept photographies sans son autorisation, prises au téléobjectif dans un espace privé, soulignant que certaines le présentent à moitié nue de manière peu flatteuse et sont accompagnées de commentaires sur son physique et sa prise de poids.

Le demandeur fait enfin valoir que la publication de l’article litigieux, s’inscrivant dans une démarche mercantile, ne se justifie en rien par le droit à l’information du public et ne participe à aucun débat d’intérêt général et aucun fait d’actualité.

La société défenderesse ne conteste pas le principe de l’atteinte au droit au respect à la vie privée du demandeur et à son droit à l’image, tout en estimant que les informations dont fait état l’article sont notoires et publiques, tant sur sa relation sentimentale que sur ses vacances, évoquant notamment une publication de [D] [F] ainsi qu’un article évoquant leur séjour en Thaïlande.

Sur ce, il convient à titre liminaire de rappeler que le comportement d’un demandeur, fut-il complaisant à l’égard de la presse sur sa propre vie privée, ne le déchoit pas de son droit de voir constater ces atteintes sauf à ce qu’il ait fait rentrer dans le champ médiatique l’information dont il entend précisément demander réparation.

En l’espèce, la publication litigieuse, si elle fait état d’une information déjà connue quant au divorce du chanteur avec [W] [H], procède à de nombreuses disgressions sur l’état d’esprit du demandeur et ses sentiments en indiquant notamment : « le chanteur de 61 ans a rallumé la flamme en compagnie de ses proches. Pour se ressaisir, rompre avec sa solitude et reprendre le fil de sa carrière », « Ebranlé par le départ de [W], il fut presque mis K.O. par ses écrits », « Malheureux, angoissé, [S] [Y] avait perdu beaucoup de poids et d’illusions au fil des mois ».
Ces éléments, qui ne relèvent pas de la vie professionnelle du demandeur, ressortent assurément de sa vie privée, et singulièrement de sa vie sentimentale.
Par ailleurs, l’article livre des informations sur le déroulé des vacances de [S] [Y], notamment sur son lieu de vacances, donnant jusqu’au nom de l’hôtel, l’entourage présent et ses activités (« il était heureux de féliciter son fils après une partie de beach-volley, sur la plage de sable de l’hôtel [5] », « le père de quatre enfants a été invité sur le yacht d’un couple d’amis, qu’il a en commune avec [D] [F], stationné au large de l’île de [Localité 6], en mer d’Andaman ») tout en disgressant sur son état d’esprit réel ou supposé (« Grâce à ses amis, il a repris du poil de la bête », « Le play-boy cabossé a décidé de profiter de la vie et de ses proches »), ces éléments ressortant également de la vie privée de [S] [Y].
Il sera relevé que la publication de ces éléments n’est rendue nécessaire par aucun débat d’intérêt général, est sans rapport avec un évènement d’actualité et ne relève ni de la vie professionnelle ni des activités officielles du demandeur.

Ces informations ne peuvent être considérées comme notoires, le demandeur n’ayant pas communiqué en ce sens, le fait que [W] [H] ou encore que [D] [F] aient pu s’exprimer sur les sujets abordés dans l’article, leurs propos étant relayés par la presse, étant indifférent.

L’atteinte à la vie privée du demandeur se trouve ainsi caractérisée avec l’évidence requise en référé.

Ces atteintes sont prolongées par l’utilisation de photographies du demandeur, qui viennent accréditer les propos tenus dans l’article, en présentant [S] [Y] sur la plage de son lieu de vacances. Les nombreuses photographies ont manifestement été prises au téléobjectif, à l’insu du demandeur et ont été publiées sans son autorisation pour illustrer un article attentatoire à sa vie privée.

Ainsi, ces photographies attentent également aux droits que le demandeur détient sur son image, sans que là non plus, cela ne soit rendu nécessaire par un débat d’intérêt général ou un rapport avec l’actualité.

Les atteintes alléguées sont ainsi constituées avec l’évidence requise en référé.

Sur les mesures sollicitées

Sur la demande d’indemnité provisionnelle

En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Si la seule constatation de l’atteinte au respect à la vie privée et au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, le préjudice étant inhérent à ces atteintes, il appartient toutefois au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué ; l’évaluation du préjudice est appréciée de manière concrète, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes, ainsi que des éléments invoqués et établis.

Par ailleurs, l’atteinte au respect dû à la vie privée et l’atteinte au droit à l’image constituent des sources de préjudice distinctes, pouvant ouvrir droit à des réparations différenciées, à condition qu’elles soient dissociables.

L’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas à la gravité de la faute commise, ni au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause. Cependant, la répétition des atteintes, comme l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat de ce magazine à fort tirage, sont de nature à accroître le préjudice.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts provisionnels, [S] [Y] fait valoir qu’il a toujours été particulièrement discret en ce qui concerne sa vie privée et familiale et en particulier sur sa séparation avec [W] [H]. Il souligne la traque dont il a fait l’objet du fait de la présence de nombreuses photographies, prises à des moments différents et vraisemblablement au téléobjectif, le montrant dénudé et sous un jour peu flatteur. Il met également en avant la publication en page de couverture de l’article, attirant un public plus large et rappelle l’ampleur de la diffusion du magazine. Il fait enfin état de son sentiment de dépossession quant à sa vie privée du fait des nombreux articles publiés le concernant et ce malgré les condamnations judiciaires de la société défenderesse.

Cette dernière, pour sa part, sollicite que ne soit attribuée qu’une réparation de principe au demandeur. Elle affirme qu’aucune pièce en demande ne vient rendre compte du préjudice allégué par [S] [Y]. Elle souligne par ailleurs la complaisance du demandeur dans les médias sur de multiples aspects de sa vie, notamment sentimentale, et ce depuis de nombreuses années.

A titre préalable, il sera relevé que si le préjudice moral causé par la publication en cause est lié à une double atteinte, l’une à la vie privée, l’autre au droit à l’image, il doit être apprécié de manière globale dès lors que ces deux atteintes sont intrinsèquement liées.

Au cas présent, pour évaluer l’étendue du préjudice moral de [S] [Y] consécutif à la publication litigieuse, il convient tout d’abord de prendre en compte le fait que l’article est annoncé dès la page de couverture, par des textes à la typographie criarde et une photographie le représentant dénudé, sous un jour peu flatteur, par un encart « Photos exclu » révélateur d’une promesse d’exclusivité, propre à attirer l’attention d’un public plus large que celui des seuls acheteurs du magazine.

S’y ajoute la place particulièrement importante que ce magazine, de diffusion nationale et au fort tirage intérieures (pièce 14 en demande) a consacré à ce sujet, à savoir une grande partie de la page de couverture, un rappel en page de sommaire et quatre pleines pages intérieures.

Il y a lieu, en l’espèce, de retenir également que l’interessé a été photographié sur une plage lors d’un séjour en vacances à l’étranger sur des temps différents, vraisemblablement au téléobjectif, ce qui démontre une surveillance de ses activitiés de loisir susceptible de lui causer un préjudice, fondant ainsi le sentiment de “traque” que [S] [Y] invoque.

Par ailleurs, à l’instar de l’image reprise en page de couverture, plusieurs photographies au sein de la publication présentent [S] [Y] dénudé sous un jour peu flatteur et à l’occasion de moments d’intimité de la vie familiale, notamment avec son fils.

Doit être également relevé que, loin de se contenter de descriptions factuelles des activités de [S] [Y] au cours des vacances, l’article spécule sur l’évolution des sentiments du demandeur, indiquant notamment « le chanteur (…) s’est délesté du poids des désillusions de l’année passée », « il a fait fondre son spleen au soleil. En forme(s) et souriant comme jamais », « Grâce à ses amis, il a repris du poil de la bête », les commentaires comportant par ailleurs de nombreuses allusions au physique du demandeur.

Il convient enfin de prendre en considération le fait que ladite atteinte a été commise par la société éditrice en dépit de précédentes condamnations à raison d’atteintes de même nature (pièces 3, 5, 6 et 7 en demande), ce qui renforce le sentiment d’« impuissance » évoqué. Ainsi, sans aucun égard pour le demandeur et pour les décisions de justice antérieures, qui ont souligné des atteintes à sa vie privée et à son droit à l’image et le préjudice en résultant pour lui, la défenderesse a réitéré le même type d’atteinte.

Certains éléments commandent toutefois une appréciation plus modérée du préjudice subi.

Il sera en premier lieu souligné que [S] [Y] ne produit aucune pièce de nature à préciser le préjudice résultant spécifiquement pour lui de la publication de l’article.

Ainsi que le soutient la société défenderesse, il sera également relevé la complaisance de [S] [Y] vis-à-vis des médias, celle-ci produisant de nombreuses interviews au cours desquelles le demandeur s’est largement exprimé sur sa vie privée en évoquant notamment son premier mariage (pièces 1 à 22, 34 en défense notamment), sa vie familiale (pièces 36, 37, 48, 49, 51, 66 notamment en défense) et sa relation avec [W] [H] (pièces 57 à 67 en défense). Cette complaisance, qui est certes ancienne mais a perduré au cours des années jusqu’à une période récente, à l’égard des médias est de nature à attiser la curiosité du public et à nuancer la sensibilité de [S] [Y] à l’évocation d’éléments relevant de sa vie privée par un magazine ainsi que l’importance qu’il accorde à la protection de celle-ci.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il conviendra d’allouer à [S] [Y], à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral au stade du référé, la somme provisionnelle de 4 000 euros pour les atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l’image au sein du magazine Closer numéro 971 en date du 19 au 25 janvier 2024.

Sur la demande de publication du communiqué de la décision
Par ailleurs, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de publication judiciaire, qui constitue une restriction disproportionnée de la liberté d’expression, alors que l’allocation d’une provision au demandeur est suffisante à réparer le préjudice subi.

Sur les autres demandes
L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est en principe condamnée aux dépens. Il y a en conséquence lieu de condamner la société défenderesse, qui succombe, aux dépens.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de [S] [Y] les frais exposés par lui au titre de la présente procédure, il y a lieu en conséquence de condamner la société REWORLD MEDIA MAGAZINES à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
Condamnons la société REWORLD MEDIA MAGAZINES à payer à [S] [Y] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l’image au sein du magazine Closer numéro 971 en date du 19 au 25 janvier 2024;
Rejetons la demande de publication d’un communiqué judiciaire ;
Condamnons la société REWORLD MEDIA MAGAZINES à payer à [S] [Y] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société REWORLD MEDIA MAGAZINES au paiement des entiers dépens ;

Rappelons que le présent jugement est exécutoire de plein droit nonobstant appel.

Fait à Paris le 07 mai 2024

Le Greffier,La Présidente,

Minas MAKRISJeanne DOUJON

 

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