Interprétation des règles de liquidation et de responsabilité dans un contexte de confusion patrimoniale

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Interprétation des règles de liquidation et de responsabilité dans un contexte de confusion patrimoniale

L’Essentiel : La société LB, exerçant son activité dans des locaux loués par une société, a été mise en liquidation judiciaire le 20 février 2012. Un liquidateur a été désigné pour gérer cette procédure. Le 30 juillet 2013, la société locataire a assigné le liquidateur en responsabilité civile professionnelle. Un jugement rendu le 3 décembre 2020 a rejeté ses demandes et condamné le liquidateur à verser une somme d’argent. La liquidation judiciaire de la société LB a été étendue à la société locataire le 5 mars 2015. La procédure collective a été clôturée le 16 juillet 2018, mettant fin à la mission du liquidateur.

Contexte de la liquidation judiciaire

La société LB, exerçant son activité dans des locaux loués par la société Château des mûres, a été mise en liquidation judiciaire le 20 février 2012. Un liquidateur a été désigné pour gérer cette procédure.

Assignation en responsabilité civile

Le 30 juillet 2013, la société Château des mûres a assigné le liquidateur en responsabilité civile professionnelle. Un jugement rendu le 3 décembre 2020 a rejeté les demandes de la société et a condamné le liquidateur à lui verser une somme d’argent.

Extension de la liquidation judiciaire

Le 5 mars 2015, la liquidation judiciaire de la société LB a été étendue à la société Château des mûres en raison de la confusion de leurs patrimoines. Le liquidateur a continué à exercer ses fonctions, tandis qu’un mandataire ad hoc a été désigné pour représenter la société Château des mûres dans l’instance contre le liquidateur.

Clôture de la procédure collective

La procédure collective des sociétés LB et Château des mûres a été clôturée le 16 juillet 2018 pour extinction du passif, mettant ainsi fin à la mission du liquidateur. Un nouveau représentant a été désigné pour poursuivre les instances en cours.

Appel du jugement

Le 6 janvier 2021, le mandataire ad hoc et la société Château des mûres, représentée par son représentant légal, ont interjeté appel du jugement du 3 décembre 2020.

Arguments de la société Château des mûres

La société Château des mûres conteste la nullité de sa déclaration d’appel, arguant que la loi applicable à la liquidation judiciaire étendue est celle en vigueur à la date d’ouverture de la procédure. Elle soutient également que le mandataire désigné n’avait pas de mission exclusive pour poursuivre l’instance contre le liquidateur.

Réponse de la Cour

La Cour a confirmé que la procédure de liquidation judiciaire étendue est régie par la loi applicable à la date de son ouverture. Elle a également précisé que les dispositions nouvelles n’étaient pas applicables à la procédure de liquidation judiciaire de la société Château des mûres, ce qui a conduit à la nullité de la déclaration d’appel en raison du défaut de pouvoir des représentants légaux.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la loi applicable à la procédure de liquidation judiciaire étendue pour confusion de patrimoines ?

La procédure de liquidation judiciaire étendue pour confusion de patrimoines est régie par la loi applicable à la date de son ouverture, et non à celle de son extension.

En effet, selon l’article 1844-7, 7° du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, il est précisé que :

« La dissolution d’une société peut être prononcée par le tribunal dans les cas prévus par la loi. »

Ainsi, la cour d’appel a correctement appliqué cette règle en considérant que les dispositions nouvelles n’étaient pas applicables à la procédure de liquidation judiciaire de la société Château des mûres, ouverte avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Il est donc essentiel de comprendre que la date d’ouverture de la procédure détermine la loi applicable, ce qui a été respecté dans cette affaire.

Les conséquences de la désignation d’un mandataire ad hoc sur les pouvoirs du représentant légal de la société

La désignation d’un mandataire ad hoc, tel que prévu par l’article L. 643-9 du code de commerce, n’exclut pas nécessairement les pouvoirs du représentant légal de la société.

L’article L. 643-9 du code de commerce stipule que :

« Le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour assister le débiteur dans la gestion de son entreprise. »

Dans cette affaire, la cour d’appel a constaté que le représentant de la société Château des mûres se trouvait dépourvu de tout pouvoir pour accomplir des actes de procédure, en se basant uniquement sur la désignation de Maître [U].

Cependant, la société Château des mûres avait soutenu que la mission de Maître [U] n’était pas exclusive, laissant ainsi la possibilité au représentant légal d’interjeter appel et de déposer des conclusions.

En ne répondant pas à cet argument, la cour d’appel a omis d’examiner la portée des pouvoirs du représentant légal, ce qui constitue une violation de l’article 455 du code de procédure civile, qui impose à la cour de répondre à tous les moyens soulevés par les parties.

COMM.

SH

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2025

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 61 F-D

Pourvoi n° U 23-16.117

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2025

La société Château des mûres, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 23-16.117 contre l’arrêt rendu le 21 février 2023 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme [M] [O], mandataire judiciaire, domiciliée [Adresse 3],

2°/ à M. [S] [G], mandataire judiciare, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bedouet, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de la société Château des mûres, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O], et l’avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Bedouet, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Château des mûres du désistement de son pourvoi dirigé contre M. [G].

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 février 2023), le 20 février 2012, la société LB, qui exerçait son activité dans des locaux qui lui avaient été donnés à bail commercial par la société Château des mûres, a été mise en liquidation judiciaire. Mme [O] a été désignée en qualité de liquidateur.

3. Le 30 juillet 2013, la société Château des mûres a assigné Mme [O] en responsabilité civile professionnelle. Un jugement du 3 décembre 2020 a rejeté ses demandes et l’a condamnée à verser à celle-ci une certaine somme.

4. Entretemps, le 5 mars 2015, la liquidation judiciaire de la société LB avait été étendue à la société Château des mûres en raison de la confusion de leurs patrimoines, Mme [O] étant maintenue dans ses fonctions de liquidateur. M. [G] avait été désigné en qualité de mandataire ad hoc pour assurer la représentation de la société Château des mûres à l’instance dirigée contre Mme [O].

5. Le 16 juillet 2018, la procédure collective des sociétés LB et Château des mûres avait été clôturée pour extinction du passif. Il avait été mis fin à la mission de Mme [O]. M. [L], ensuite remplacé par M. [U], avait été désigné pour poursuivre les instances en cours.

6. Le 6 janvier 2021, M. [G], ès qualités, et la société Château des mûres, prise en la personne de son représentant légal, ont interjeté appel du jugement du 3 décembre 2020.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La société Château des mûres fait grief à l’arrêt de déclarer sa déclaration d’appel et ses conclusions nulles, alors :

« 1°/ que la loi ancienne ne peut s’appliquer aux situations régies par la loi nouvelle ; que l’extension d’une procédure collective de liquidation judiciaire à une autre personne, en raison d’une fictivité ou d’une confusion des patrimoines, est régie par la loi applicable à la date d’ouverture de la procédure collective faisant l’objet de l’extension ; qu’en considérant qu’était
applicable à la liquidation judiciaire de la SCI Château des mûres, ouverte le 5 mars 2015, l’article 1844-7, 7° du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, entrée en vigueur le 1er juillet 2014, au motif que cette liquidation judiciaire avait été prononcée par extension de la procédure collective de la société LB ouverte le 7 février 2012, cependant que la décision de justice qui étend la procédure collective concernant une société à une autre société n’a pas d’effet rétroactif et ne fait pas disparaître la personnalité morale de la seconde société, de sorte que la liquidation judiciaire de la SCI Château des mûres, prononcée le 5 mars 2015, était nécessairement soumise aux dispositions de l’article 1844-7, 7° du code civil, dans sa version en vigueur au 1er juillet 2014, la cour d’appel a violé l’article 1844-7, 7° du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 par refus d’application et le même article dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 par fausse application ;

2°/ que dans ses conclusions sur déféré, la SCI Château des mûres faisait valoir que Maître [U], désigné dans le cadre des dispositions de l’article L. 643-9 du code de commerce, n’avait reçu aucune mission exclusive de poursuivre l’instance en responsabilité contre Mme [O] ; que pour juger que le représentant de la SCI Château des mûres se trouvait dépourvu de tout pouvoir pour accomplir des actes de procédure, la cour d’appel s’est bornée à constater la désignation de Maître [U] en qualité de mandataire « ayant la mission définie par l’article L. 643-9 du code de commerce » ; qu’en statuant ainsi, sans répondre au moyen tiré de ce que la mission de Maître [U] n’était pas exclusive et qu’elle laissait subsister la possibilité pour le représentant légal de la SCI Château des mûres d’interjeter appel et de déposer des conclusions au nom de celle-ci dans le cadre de l’instance l’opposant cette société à Mme [O], la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, la procédure de liquidation judiciaire étendue pour confusion de patrimoines est régie par la loi applicable à la date de son ouverture et non à celle de son extension.

9. En second lieu, ayant énoncé à bon droit que les dispositions nouvelles issues de l’ordonnance du 12 mars 2014, qui ont modifié l’article 1844-7,7° du code civil, n’étaient pas applicables à la procédure de liquidation judiciaire étendue à la société Château des mûres dès lors que cette procédure avait été ouverte avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance, la cour d’appel, qui n’avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées par la seconde branche, en a exactement déduit que la société avait été dissoute et que la déclaration d’appel déposée par ses représentants légaux était nulle en raison du défaut de pouvoir de ceux-ci de la représenter.

10. Le moyen, qui repose sur un postulat erroné en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus.


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