L’Essentiel : La société [P] Khamphanh a été placée en liquidation judiciaire le 4 avril 2019, après un redressement judiciaire débuté le 31 janvier. Le liquidateur, désigné, a informé Treezor de la nécessité de clôturer le compte de la société et de verser le solde créditeur. Cependant, un litige est survenu concernant le montant versé, le liquidateur contestant son exactitude. Treezor et Anytime ont contesté la décision de la cour d’appel les condamnant à payer 129 661 euros, arguant que le liquidateur n’avait pas qualité pour agir au-delà du passif établi. La Cour a rappelé l’inopposabilité des actes de disposition.
|
Contexte de la liquidation judiciaireLa société [P] Khamphanh a été placée en redressement judiciaire le 31 janvier 2019, suivie d’une liquidation judiciaire le 4 avril 2019, avec la société Egide désignée comme liquidateur. Demande du liquidateurLe liquidateur a informé la société Treezor, qui gère le compte de la société [P] Khamphanh, de l’ouverture de la liquidation judiciaire le 30 octobre 2019. Il a demandé la clôture du compte et le versement du solde créditeur. Litige sur le solde créditeurLe liquidateur a contesté le montant versé par Treezor, affirmant qu’il ne correspondait pas au solde créditeur dû aux opérations de paiement effectuées après le jugement d’ouverture. Il a donc assigné Treezor et Anytime pour déclarer inopposables certaines opérations en débit et obtenir le paiement des sommes correspondantes. Arguments des sociétés Treezor et AnytimeLes sociétés Treezor et Anytime ont contesté la décision de la cour d’appel qui les a condamnées à payer 129 661 euros au liquidateur. Elles ont soutenu que le liquidateur n’avait pas qualité pour agir au-delà du passif établi et que son action était irrecevable. Position de la CourLa Cour a rappelé que, selon l’article L. 641-9 du code de commerce, les actes de disposition effectués par le débiteur en violation de la règle du dessaisissement sont inopposables à la procédure collective. Elle a conclu que le liquidateur pouvait se prévaloir de cette inopposabilité, indépendamment du montant du passif ou de l’actif. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article L. 641-9 du code de commerce concernant les actes de disposition accomplis par le débiteur en liquidation judiciaire ?L’article L. 641-9 du code de commerce stipule que : « Les actes de disposition accomplis par le débiteur au mépris de la règle du dessaisissement, édictée par ce texte pour préserver le gage des créanciers au cours de la procédure, sont frappés d’une inopposabilité à la procédure collective dont le liquidateur peut se prévaloir, quel que soit le montant du passif déclaré et de l’actif. » Cette disposition vise à protéger l’intérêt collectif des créanciers en interdisant au débiteur de disposer de ses biens sans l’accord du liquidateur. Ainsi, toute opération effectuée en violation de cette règle est considérée comme inopposable à la procédure collective. Cela signifie que le liquidateur a le droit d’agir pour contester ces opérations et récupérer les sommes dues, indépendamment de l’état de l’actif ou du passif. En conséquence, le liquidateur peut revendiquer l’inopposabilité des actes réalisés par le débiteur, même si le passif est inférieur à l’actif, ce qui renforce la protection des créanciers. Quelles sont les implications de l’article 31 du code de procédure civile dans le cadre de l’action du liquidateur ?L’article 31 du code de procédure civile dispose que : « Nul ne peut se prévaloir d’un droit qu’il tient d’un acte qui n’a pas été régulièrement formé. » Dans le contexte de la liquidation judiciaire, cet article souligne l’importance de la régularité des actes accomplis par le débiteur. Le liquidateur, en tant que représentant des créanciers, doit agir dans le respect des règles de procédure pour faire valoir les droits de la masse des créanciers. Ainsi, si le liquidateur agit en dehors des limites fixées par la loi, notamment en ce qui concerne le dessaisissement, son action pourrait être contestée. Cependant, dans le cas présent, la cour d’appel a jugé que le liquidateur avait qualité et intérêt à agir pour solliciter l’inopposabilité des opérations réalisées en violation du dessaisissement, ce qui est conforme à l’esprit de l’article 31. Cela signifie que le liquidateur peut revendiquer des droits même si certaines conditions de forme ou de fond ne sont pas respectées, tant que son action vise à protéger l’intérêt collectif des créanciers. |
MB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 janvier 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 8 F-B
Pourvoi n° W 23-18.695
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JANVIER 2025
La société Treezor, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 23-18.695 contre l’arrêt rendu le 10 mai 2023 par la cour d’appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à Mme [M] [P], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société Egide, société d’exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité de liquidateur de la société [P] Khamphanh ,
3°/ au procureur général près la cour d’appel de Toulouse, domicilié en son parquet général,[Adresse 1],
4°/ à la société Anytime, société de droit belge, dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La société Anytime a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat des sociétés Treezor et Anytime, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Egide, et l’avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l’audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 10 mai 2023), les 31 janvier et 4 avril 2019, la société [P] Khamphanh a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société Egide étant désignée liquidateur.
2. La société [P] Khamphanh étant titulaire d’un compte ouvert dans les livres de la société Treezor, établissement de monnaie électronique au sens de l’article L. 526-1 du code monétaire et financier fournissant des services de paiement par l’intermédiaire de la société Anytime, le liquidateur a informé, le 30 octobre 2019, la société Treezor de l’ouverture de la liquidation judiciaire, demandé la clôture du compte et le versement de son solde créditeur.
3. Soutenant que la somme qui lui avait été remise ne correspondait pas au solde créditeur du compte tel qu’il devait résulter des opérations de paiement créditées depuis la date du jugement d’ouverture à la suite de nombreuses opérations portées au débit depuis cette date sur ordre de la société débitrice, le liquidateur a assigné les sociétés Treezor et Anytime aux fins de voir déclarer inopposables à la procédure collective ces opérations en débit et obtenir la condamnation in solidum de ces sociétés à lui payer les sommes correspondantes.
Sur le moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, rédigés en des termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
4. La société Treezor et la société Anytime font grief à l’arrêt de les condamner in solidum à payer au liquidateur, la somme de 129 661 euros augmentée des intérêts au taux légal, alors :
« 1° / que la sanction de la violation par le débiteur de son dessaisissement est l’inopposabilité à la procédure des actes qu’il a accomplis, afin de protéger l’intérêt collectif des créanciers, ce dont il résulte que le liquidateur est irrecevable, faute de qualité et d’intérêt, à agir au-delà du passif établi par l’état des créances et sous réserve du montant de l’actif reconstitué ; qu’après avoir constaté que le liquidateur n’agissait pas en représentation du débiteur, mais dans le seul intérêt des créanciers (arrêt, p. 5, dernier alinéa), la cour d’appel retient, pour statuer comme elle le fait, que l’action du liquidateur tend à la reconstitution du patrimoine du débiteur, que la recevabilité de son action n’est pas conditionnée à la démonstration préalable de l’existence d’une insuffisance d’actif, ni limitée au montant de cette dernière et que le liquidateur a qualité et intérêt à agir pour solliciter l’inopposabilité à la procédure collective de l’ensemble des opérations réalisées en violation du dessaisissement du débiteur, si bien que son action est recevable (arrêt, p. 6), en quoi elle a statué par des considérations inopérantes et n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation l’article L. 641-9 du code de commerce, ensemble l’article 31 du
code de procédure civile ;
2°/ que la sanction de la violation par le débiteur de son dessaisissement est l’inopposabilité à la procédure des actes qu’il a accomplis, afin de protéger
l’intérêt collectif des créanciers, ce dont il résulte que le liquidateur est irrecevable, faute de qualité et d’intérêt, à agir au-delà du passif établi par l’état des créances et sous réserve du montant de l’actif reconstitué ; qu’après avoir constaté que le liquidateur n’agissait pas en représentation du débiteur, mais dans le seul intérêt des créanciers (arrêt, p. 5, dernier alinéa), la cour d’appel retient pour statuer comme elle l’a fait que l’insuffisance d’actif n’était d’ailleurs pas connue à la date ou l’instance a été introduite ; qu’en statuant ainsi quand il lui appartenait d’apprécier l’existence du passif à la date à laquelle elle statuait, ainsi que l’exposante le rappelait (concl. p. 13), et qu’était produit l’état des créances visé par juge commissaire faisant état d’un passif admis à titre définitif et non définitif de 30 180,81 euros (pièce d’appel n° 8), la cour d’appel a violé l’article L. 641-9 du code de commerce, ensemble l’article 31 du code de procédure civile. »
5. Il résulte de l’article L. 641-9 du code de commerce que les actes de disposition accomplis par le débiteur au mépris de la règle du dessaisissement, édictée par ce texte pour préserver le gage des créanciers au cours de la procédure, sont frappés d’une inopposabilité à la procédure collective dont le liquidateur peut se prévaloir, quel que soit le montant du passif déclaré et de l’actif.
6. Le moyen, qui postule le contraire, n’est pas fondé.
Laisser un commentaire