L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible, sans dommages pour l’entreprise, la continuation du contrat de travail et nécessaire le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant d’un contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le temps du préavis. En application des dispositions des articles L 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 alinéa 1 du code du travail, la reconnaissance de la faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Nos Conseils: – Assurez-vous que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse, en respectant les dispositions légales du code du travail. – En cas de faute grave, veillez à ce que l’employeur apporte la preuve de l’existence de cette faute, tout en respectant les droits du salarié. – En cas de litige, n’hésitez pas à contester les accusations portées à votre encontre et à fournir des éléments probants pour défendre votre position. |
→ Résumé de l’affaireLa Fédération Compagnonnique des métiers du bâtiment a engagé Mme [YB] [J] en tant que secrétaire, hôtesse d’accueil et aide comptable en 1995, puis l’a promue directrice en 2015. Suite à des dysfonctionnements et des manquements graves dans sa gestion, elle a été licenciée pour faute grave en janvier 2019. Contestant son licenciement, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille, qui a jugé le licenciement fondé mais brutal et vexatoire. La Fédération a été condamnée à verser des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire. Les deux parties ont fait appel, demandant des réparations financières et contestations diverses. L’affaire est en attente de jugement après la clôture de l’instruction en mars 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/04960
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 24 MAI 2024
N° 2024/140
Rôle N° RG 21/04960 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHHF5
[YB] [J]
C/
Fédération FEDERATION COMPAGNONNIQUE DES METIERS DU BATIMENT DE [Localité 6]
Copie exécutoire délivrée le :
24 MAI 2024
à :
Me Raphaël – antony CHAYA, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Christine ANDREANI, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 12 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F19/02532.
APPELANTE
Madame [YB] [J], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Raphaël – Antony CHAYA, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
FEDERATION COMPAGNONNIQUE DES METIERS DU BATIMENT DE [Localité 6], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Christine ANDREANI, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Bénédicte LAGRANGE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseillère
Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La convention nationale applicable est celle des organismes de formation.
Elle a engagé Mme [YB] [J] par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein le 21 novembre 1995 en qualité de secrétaire, hôtesse d’accueil, aide comptable.
Par avenant du 31 juillet 2015, elle a été promue Directrice de La Fédération Compagnonnique des métiers du bâtiment avec le statut cadre G – coefficient 350 moyennant une rémunération mensuelle de 3.282,13 € brut avec une délégation de pouvoir et de signature pour engager le centre sur les réponses aux appels d’offre de l’administration, le conseil régional et les collectivités et les achats d’un montant inférieur à 5.000 € pour les dépenses non récurrentes.
Le 13 décembre 2018, les parties ont signé une rupture conventionnelle, le délai de rétractation expirant le 28 décembre 2018, la date de rupture envisagée étant prévue au 22 janvier 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 décembre 2018 doublée d’une lettre simple la Fédération Compagnonnique des métiers du bâtiment a exercé son droit de rétractation.
Le même jour, par courrier recommandé, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 7 janvier 2019 avec notification d’une mise à pied à titre conservatoire.
La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 4 janvier au 1er février 2019.
Par courrier du 25 janvier 2019, Mme [J] a été licenciée pour faute grave dans les termes suivants:
‘ Nous vous avons convoqué à un entretien préalable le 22 décembre 2018 pour le 7 janvier 2019 en vue d’un éventuel licenciement en raison d’un certain nombre de dysfonctionnements relevant de votre responsabilité ayant eu un impact négatif sur le fonctionnement de notre Association et sur le personnel sous votre hiérarchie.
Et pourtant nous avions engagé ensemble une discussion en vue d’une rupture amiable de votre contrat de travail par le biais d’une rupture conventionnelle telle que définie aux articles L.1237-11 et suivants du code du travail.
Vous aviez à ce titre sollicité par courrier du 4 décembre 2018 la concrétisation de cette rupture conventionnelle ce à quoi nous avions accédé, une signature d’une convention de rupture étant intervenue le 13 décembre 2018.
Toutefois, des faits d’une extrême gravité sont apparus et nous avons été contraints de renoncer par courrier recommandé avec AR en date du 22 décembre 2018 à ce mode de rupture dans le délai légal de rétractation de 15 jours accordé aux parties signataires d’une rupture conventionnelle……
Alors que nous pensions pouvoir faire droit à votre demande de rupture amiable de contrat par la signature d’une rupture conventionnelle, de trop nombreux dysfonctionnements de votre coeur de métier ont été relevés à partir du moment où nous avons été en mesure d’avoir une vue sur votre gestion quotidienne.
Ainsi nous avons à déplorer les griefs suivants :
– dissimulation de la situation financière réelle de l’Association en vue de masquer votre incurie dans la gestion de la Fédération régionale Compagnonnique des métiers du Bâtiment :
Vous avez présenté lors du conseil d’administration du 06 octobre 2018 un bilan prévisionnel au 31 décembre 2018 faisant apparaître un résultat brut d’exploitation bénéficiaire.
Vous avez réitéré cette présentation de comptes lors du conseil d’administration du 27 novembre 2018 un bilan prévisionnel au 31 décembre 2018 faisant apparaître :
– un chiffre d’affaires de 784.617 €
– des charges d’exploitation pour 764.322 €
– un résultat brut d’exploitation bénéficiaire de 20.305 €
Questionnée à ce sujet lors des différents échanges, vous avez indiqué dans un premier temps avoir fourni la situation comptable au conseil d’administration du 6 octobre 2018 sans l’avoir relue que vous n’aviez pas pris le temps de bien vérifier et qu’il vous manquait des données comptables.
Egalement, lors du conseil d’administration du 27 novembre 2018 et pour rassurer le trésorier de la Fédération M. [C], vous avez fait état que des encaissements/clients ne sauraient tarder et qu’en tout état de cause, la trésorerie s’avérait positive à hauteur de 20.305 €.
Or, il s’avère après un contrôle effectué par notre comptable le 15 décembre 2018 que ces éléments comptables sont totalement erronés, formulés manifestement pour masquer vos difficultés à gérer notre entité.
La situation de la Fédération est en effet catastrophique puisqu’il ressort du prévionnel contrôlé par notre comptable les éléments suivants:
– un chiffre d’affaires de 697.162 € au 30 novembre 2018
– des charges d’exploitation pour 758.235 €
– un résultat brut d’exploitation déficitaire de – 61.073 € au 30 novembre 2018
– l’encours bancaire de 35.651 € (alors que notre Fédération n’a pas de concours bancaire à cette hauteur) l’ensemble de ces éléments change totalement la structure financière de notre Fédération.
Non seulement vous avez caché cette situation comptable catastrophique mais de plus vous ne nous avez pas permis d’anticiper les difficultés en nous alertant comme il se devait en votre qualité de Directrice de la Fédération.
Votre manque de professionnalisme est inacceptable, votre comportement répréhensible portant préjudice au bon fonctionnement de l’Association.
En effet, nous nous sommes trouvés à fin décembre 2018 en difficulté de trésorerie au point de s’interroger sur le paiement des factures venant à échéance au 31 décembre 2018 pour 103.830 € alors que vous nous aviez annoncé 53.733 € et au 31 janvier 2019 pour 53.898 € alors que vous nous aviez annoncé 49.433 €.
– laxisme dans la gestion de l’entretien des locaux de notre maison d’accueil des élèves/résidents:
Il nous a été signalé que vous n’auriez pas pris en temps utile les mesures pour assurer le remplacement d’une salariée en charge de l’entretien des locaux absente depuis le 19 octobre 2018. La nécessité de son remplacement avait été soulevée eu égard aux plaintes des résidents de l’état de saleté des locaux.
Ce remplacement n’est intervenu que le 4 décembre 2018.
Il est évident que vous avez négligé ce point-là, cela ayant dégradé les conditions de travail et d’hébergement des élèves résidents alors que le recrutement d’un agent d’entretien en CDD ne posait aucune difficulté particulière sur le marché de l’emploi actuel. Votre mauvaise volonté se retrouve là encore nuisant au bon fonctionnement de notre fédération.
– Défaut de validation par votre hiérarchie (mise à l’ordre du jour du conseil d’administration) de M. [GR] [I] pour un poste de Formateur Bâtiment et TP, embauche effective depuis le 3 décembre 2018.
A cela s’ajoute le fait que vous n’avez pas non plus fait valider le contrat de travail de ce salarié par votre hiérarchie.
Nous nous interrogeons ce jour sur la légitimité d’une telle embauche alors que notre Fédération est déjà en situation de trésorerie tendue.
Vous avez donc largement outrepassé vos pouvoirs en engageant ce salarié sans avoir l’aval de votre hiérarachie. Cela dénote encore votre manque de professionnalisme.
– Défaut de respect du règlement général des sessions d’examen Arrêté du 21 juillet 2016 paru au JO le 28 juillet 2016 avec effet au 1er septembre 2016 modifié par arrêtés du 15 septembre 2016 et du 13 avril 2018 qui stipule la convocation doit être communiquée aux candidats au moins un mois avant la tenue des sessions.
Vous avez créé une session d’examen pour le 23 janvier 2019 mais cependant lors de votre départ en vacances le 21 décembre 2018 les convocations n’étaient ni envoyées par courrier RAR ni remises en main propre.
Par conséquent notre organisme de formation se voit dans l’obligation d’annuler la session d’examen pour la reprogrammer à une date permettant de respecter les délais légaux.
Les conséquences sont pénalisantes car nous n’honorons pas le contrat passé avec nos partenaires (BTP emploi, Pôle Emploi).
– détournement de matériel appartenant à la Fédération :
Alors que vous aviez signé une convention de rupture le 13 décembre 2018 et que vous n’étiez pas censées revenir à la Fédération, vous avez pris la liberté de vous présenter le vendredi 21 décembre 2018 sur place à notre établissement au 5.7 et [Adresse 3] à 15h et vous avez procédé au chargement dans des véhicules de pièces de bois sortants des ateliers de notre Fédération.
Cette démarche tout à fait anormale au préjudice de notre structure est inadmnissible et s’apparente à un détournement à votre profit de matériels appartenant à notre Association.
Vous avez abusé de votre statut de Directrice pour pénétrer dans l’enceinte de notre structure et vous servir de matériels appartenant à notre Association.
Un membre du conseil d’administration de notre Fédération témoin de votre démarche a chiffré cette appropriation de matériels à la somme de 2.878,02 € dont la Fédération se réserve le droit de vous en demander le remboursement intégral.
Vous vous êtes ainsi accordée des libéralités pouvant être considérées comme des agissements déloyaux vis-à-vis de notre Association.
– faits de harcèlement moral vis-à-vis du personnel de la Fédération:
Nous avons eu connaissance en particulier le 21 décembre 2018 que vous pratiquiez un management harcelant.
Ainsi, vous avez écarté un salarié M. [VT] [A] du repas de fin d’année du personnel salarié de notre Fédération sans compter un certain nombre de démarches d’acharnement à l’encontre de ce salarié au point de le déstabiliser, ce dernier ayant dénoncé ces manoeurvres opressantes de votre part à son encontre.
Ainsi vous avez adopté des attitudes non conformes à nos méthodes de gestion vis-à-vis du personnel de notre établissement sans compter les dérapages de langage et de comportement, propos déplacés voire vexatoires au point de faire pleurer certaines personnes.
Le turn-over du personnel est à l’évidence la conséquence de votre management inapproprié.
Pressentant que nous venions de prendre connaissance de cette situation, vous avez tenté de dénoncer que vous subiriez des pressions de la part de la Direction. Cette énonce abusive d’une situation de harcèlement moral est répréhensible et n’a été faite que pour masquer votre propre comportement harcelant vis-à-vis du personnel.
Nous ne pouvons pas au regard de notre obligation de sécurité de résultat laisser perdurer cette situation justifiant de vous écarter immédiatement de votre poste de travail.
Certes vous disposez d’un statut de cadre mais cela ne vous donne pas pour autant l’autorisation de gérer en toute liberté la structure sans respecter un minimum de reporting vis-à-vis de la Direction.
Tous ces éléments constituent un manquement à vos missions contractuelles justifiant de remettre en doute aujourd’hui la confiance que nous vous avions accordée.
Votre comportement se limite à une faible communication, voire même vous arborez une attitude réfractaire se matérialisant par un contact difficile et agressif afin de masquer votre incompétence et vos carences….On ne peut que s’interroger sur la loyauté d’un cadre agissant de la sorte…..
…les différents reproches qui vous sont formulés justifient un licenciement pour faute grave considérant vos engagements contractuels et le poste clé que vous occupez……’.
Contestant la régularité et la légitimité de son licenciement et sollicitant la condamnation de la Fédération Compagnonnique des métiers du bâtiment au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, la salariée a saisi le 28 novembre 2019 le conseil de prud’hommes de Marseille lequel par jugement du 12 mars 2021 a :
– dit que le licenciement pour faute grave est fondé;
– débouté la Fédération Compagnonnique des métiers du bâtiment de ses demandes de remboursement de factures;
– dit que le licenciement s’est déroulé dans des conditions brutales et vexatoire;
– condamné la Fédération Compagnonnique des métiers du bâtiment à payer à Mme [J] 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire;
– débouté les deux parties de leur demande d’article 700 du code de procédure civile;
– refusé l’exécution provisoire;
– débouté les parties de leurs autres demandes;
– condamné la Fédération Compagnonnique des métiers du bâtiment aux entiers dépens.
Mme [J] a relevé appel de ce jugement le 02 avril 2021 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.
Aux termes de ses conclusions d’appelante notifiées par voie électronique le 1er juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Mme [J] a demandé à la cour de:
Confirmer le jugement rendu le 12 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de Marseille
en ce qu’il a :
– dit et jugé que le licenciement s’est déroulé dans des conditions vexatoires ;
– débouté la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment de sa demande de remboursement de facture.
L’infirmer en ce qu’il a
– dit que le licenciement pour faute grave est fondé ;
– débouté Mme [J] de ses autres demandes ;
Le réformer en ce qu’il a limité la condamnation de la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment, à payer à Mme [J] 2 000 € net au titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.
Statuant à nouveau :
– condamner la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment, prise en la personne de son représentant légal à payer à Madame [J] les sommes suivantes :
– 4.159,76 € brut, à titre de rappel de mise à pied à titre conservatoire, outre 415,97 € brut de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de mise à pied à titre conservatoire ;
– 11.344,8 € brut, à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.134,48 € brut de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de préavis ;
– 26. 051 € net de csg et de crds à titre de rappel d’indemnité de licenciement ;
– 5.000 € net de csg et de crds à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
– 86. 976,8 € net de csg et de crds à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A titre subsidiaire,
– 3 871,6 € net de csg et de crds à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier;
– 2 500 € par application de dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– débouter la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment de l’intégralité de ses demandes ;
– ordonner que le montant des condamnations, ce non compris les frais irrépétibles, soit assorti des intérêts au taux légal, à compter du 28 novembre 2019 (date de saisine du Conseil de prud’hommes) par application des articles 1231-1, -6, et 1344-1 du Code civil ;
– condamner la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens de la présente instance ;
– condamner la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment, prise en la personne de son représentant légal, aux frais d’exécution de la décision à intervenir.
Par conclusions d’intimée récapitulatives, en réplique et d’appel incident notifiées par voie électronique le 22 octobre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment a demandé à la cour de :
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille du 12 mars 2021, en qu’il a :
– dit que le licenciement de Mme [J] était fondé sur une faute grave,
– débouté Mme [J] par voie de conséquence de l’ensemble de ses indemnités de rupture à savoir :
– 4.159,76 € brut à titre de rappel de salaire de mise à pied à titre conservatoire outre 415,97 € brut de rappel d’indemnité de congés payés y afférent ;
– 11.344,80 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1.134,48 € brut d’indemnité de congés payés y afférent
– 26.051 € net de csg crds à titre d’indemnité de licenciement
– débouté Mme [J] de sa demande indemnitaire à savoir :
– 86.976,80 € net de csg crds à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si par extraordinaire, la Cour d’Appel devait faire droit à la demande indemnitaire de Mme [J] au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
– appliquer strictement les dispositions de l’article L.1235-3 du Code du travail;
– débouter Mme [J] de sa demande indemnitaire à savoir :
– 3.871,60 € net de csg-crds à titre de dommages intérêts pour licenciement irrégulier ;
D’Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Marseille du 12 mars 2021, en qu’il a :
– dit que le licenciement de Mme [J] s’est déroulé dans des conditions brutales et vexatoires;
– condamné la Fédération Compagnonnique des métiers du Bâtiment à payer à Mme [J] la somme de 2.000 € au titre de dommages intérêts pour licenciement vexatoire.
– débouté la Fédération Compagnonnique des métiers du Bâtiment de sa demande en remboursement par Madame [YB] [J], de la somme de 2.878,02 € au titre de factures de matières premières de bois utilisées pour la fabrication des marchandises fabriquées et détournées.
Et statuant de nouveau , il est demandé à la Cour d’Appel de :
– débouter Mme [J] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement vexatoire à hauteur de 5.000 €;
– condamner Mme [J] au remboursement de la somme de 2.878,02 € au titre de factures de matières premières de bois utilisées pour la fabrication des marchandises fabriquées et détournées ;
– débouter Mme [J] de sa demande visant à ordonner que le montant des condamnations soit assorti des intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2019 (date de saisine du CPH) ;
– condamner Mme [J] au versement des entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 7 mars 2024.
Sur le licenciement :
L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible, sans dommages pour l’entreprise, la continuation du contrat de travail et nécessaire le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant d’un contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le temps du préavis.
En application des dispositions des articles L 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 alinéa 1 du code du travail, la reconnaissance de la faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement.
La lettre de licenciement fixant les limites du litige, l’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute et le doute profite au salarié.
La Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment soutient qu’alors que Mme [J] avait toute sa confiance, celle-ci a présenté en octobre 2018 ainsi que le 27 novembre 2018 au conseil d’administration un bilan prévisionnel au 31 décembre 2018 relevant un résultat comptable et une trésorerie positifs se montrant ainsi rassurante sur la situation économique et financière de la Fédération bien que l’un de ses membres, M. [C], se soit inquiété d’une différence de 200.000 € sur la présentation des comptes et, sans présenter une quelconque motivation ou explication a sollicité ce même jour une rupture conventionnelle, qu’elle n’a aucunement poussé dehors la salariée alors que M. [V] [H] dont elle a supervisé et validé l’embauche dans le cadre d’un CDD en qualité de charpentier/menuisier finissant son compagnonnage et une formation de conducteur de travaux n’était pas destiné à la remplacer mais à gérer la finalisation des travaux au siège social de la fédération et à chercher des financements auprès de la Région notamment une subvention pour les travaux de mise aux normes du site; que la rupture conventionnelle sollicitée par la salariée a été signée le 13 décembre 2018, le délai de rétractation expirant le 28 décembre 2018, qu’en raison de la fermeture annuelle de la Fédération, elle a demandé à la salariée de poser 6 jours ouvrables de congés payés du vendredi 21 décembre 2018 au 1er janvier 2019 inclus et de transmettre les informations courantes à M. [H], seul salarié présent sur le site, son arrivée récente ne lui ayant pas permis d’acquérir des congés payés, afin de lui permettre d’assurer les encours; que Mme [J] ayant refusé la transmission de ces information alors qu’il ne s’agissait pas d’une passation de pouvoir, cette réticence qui pouvait laisser supposer que celle-ci cherchait à cacher quelque chose a inquiété le conseil d’administration dont certains de ses membres se sont investis personnellement sur site pendant cette fermeture annuelle et ont constaté rapidement de nombreux faits contradictoires, manquements et irrégularités imputables à la Directrice ce qui a décidé la direction à prendre la décision de se rétracter de la rupture conventionnelle signée et de convoquer celle-ci à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 7 janvier 2019, auquel elle ne s’est pas présentée.
L’employeur indique ainsi qu’à la suite d’un contrôle effectué par son comptable le 15 décembre 2018, il s’est avéré que la salariée lui avait caché la situation financière catastrophique de la Fédération et qu’elle a dû prendre des accords d’apurement des factures 2018 le 15 mai et le 4 septembre 2019, qu’il s’est avéré également qu’elle était redevable d’un trop-perçu de 37.796,13 €; que la salariée a fait preuve de laxime dans la gestion de l’entretien des locaux de la maison d’accueil des élèves et résidents tardant à assurer le remplacement d’une salariée en arrêt maladie depuis le 19 octobre 2018, qu’elle n’a pas attendu la validation de sa hiérarchie pour procéder à l’embauche de M. [I] sur un poste de Formateur Bâtiment et TP alors que l’Association était dans une situation financière tendue, qu’elle n’a pas fait convoquer dans les temps les candidats à une session d’examen fixée le 23 janvier 2019 laquelle a dû être annulée; qu’elle a détourné du matériel appartenant à la fédération; qu’elle a adopté un management inapproprié en harcelant certains membres du personnel de la Fédération ayant ainsi écarté M. [A], formateur, du repas de fin d’année du personnel, Mme [Z] ayant quant à elle dénoncé des faits de harcèlement moral en janvier 2019 remontant à une période comprise entre mai et juillet 2017 qu’elle n’avait pas évoqués lors de son départ par peur de devoir affronter la salariée, qu’elle a aussi manqué de loyauté à l’égard de son employeur en ayant créé en mars 2019 une société SAS Compétence BTP dont elle était la présidente afin d’exercer une activité de formation continue d’adultes et en l’ayant implantée dans des locaux qu’elle avait gracieusement mis à la disposition d’une autre entreprise.
Mme [J] réplique que son remplacement au poste de Directrice de la Fédération a été en réalité acté dès le 13 octobre 2018 figurant dans le compte-rendu du Conseil Fédéral de cette date, que celui-ci a été confié à M. [H], compagnon exerçant des fonctions dans le cadre d’un CDD non de conducteur de travaux ou de charpentier comme prétendu par l’employeur mais de chargé d’étude dont les principales missions étaient de préparer et d’organiser la réhabilitation des locaux de la FCMB sur le plan financier, technique et administratif , ce dernier étant devenu Directeur de la Fédération en janvier 2019; que cette mise à l’écart subite est à l’origine de la procédure de rupture conventionnelle, la rétractation de l’employeur résultant quant à elle de son refus d’accepter une mise en congés payés d’office jusqu’à la fin de son contrat de travail et de transmettre dans un laps de temps très court des éléments nécessaires à l’exercice de ses fonctions à son remplaçant, l’employeur ayant brutalement remplacé cette rupture conventionnelle par un licenciement pour faute grave la plongeant dans une situation financière délicate.
Elle indique que les faits reprochés qui ne sont pas établis sont concentrés sur une période très courte comprise entre fin novembre et décembre 2018 qu’elle n’était pas chargée de l’établissement de la comptabilité et notamment des prévisionnels de l’année 2018 qui incombaient à Mme [W] exerçant les fonctions de comptable auprès de la Fédération alors qu’elle n’était pas expert-comptable, qu’elle n’a pas présenté de comptes erronés, les pertes annoncées dans la lettre de licenciement n’ayant jamais été démontrées; l’écart de 200.000 € mentionné dans les écritures de l’employeur n’étant pas mentionné dans la lettre de licenciement, l’employeur n’ayant produit aux débats ni compte de résultat, ni bilan justifiant les chiffres avancés.
Elle conteste le laxisme que lui impute l’employeur dans la gestion de l’entretien des locaux alors que si elle a effectivement attendu la prolongation de l’arrêt maladie de la salariée chargée de cet entretien pour entreprendre des recherches de remplacement, elle a saisi Pôle Emploi début novembre sans obtenir de réponse et s’est rapprochée d’une société de nettoyage 7 jours avant le remplacement de cette dernière, le conseil d’administration n’ayant décidé de ce remplacement que le 27 novembre 2018.
Elle précise qu’elle n’avait pas à solliciter de validation préalable pour l’embauche d’un salarié en CDD dans le cadre d’une session complémentaire de formation, qu’il ne peut lui être valablement reproché de ne pas avoir adressé les convocations relatives à la session d’examen du mois de janvier 2019 alors qu’elle les a effectivement remises en main propre; qu’elle n’a jamais détourné de matériel appartenant à la Fédération alors que la récupération par les salariés de certains objets construits en bois au lieu d’être démontés et jetés est une pratique habituelle, et que les pièces produites par l’employeur ne démontrent pas qu’elle a détourné les biens concernés; qu’elle n’a jamais commis de faits de harcèlement moral, le repas auquel M. [A] se plaint de ne pas avoir été invité n’étant pas le repas de fin d’année mais un repas à caractère personnel en dehors du temps de travail avant son départ en congés qu’elle a payé de ses deniers personnels ce dernier ayant mal supporté l’avertissement qu’elle lui avait notifié le 27 février 2017 et ajoute que les faits évoqués deux ans et demi plus tard par Mme [Z] ne sont pas établis par un seul courrier de sa part même accompagné d’une main courante et d’un certificat médical.
La Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment reproche à Mme [J] les faits suivants:
– de lui avoir dissimulé la situation financière réelle de l’Association;
– de s’être montrée laxiste dans la gestion de l’entretien des locaux de notre maison d’accueil des élèves/résidents;
– un défaut de validation par sa hiérarchie (mise à l’ordre du jour du conseil d’administration) du recrutement de M. [GR] [I] pour un poste de Formateur Bâtiment et TP;
– un défaut de respect du règlement général des sessions d’examen Arrêté du 21 juillet 2016 paru au JO le 28 juillet 2016 avec effet au 1er septembre 2016 modifié par arrêtés du 15 septembre 2016 et du 13 avril 2018;
– un détournement de matériel appartenant à la Fédération ;
– des faits de harcèlement moral vis-à-vis du personnel de la Fédération:
– un manque de loyauté.
L’employeur verse aux débats :
– l’avenant au contrat de travail du 31 juillet 2015 confirmant la salariée dans ses nouvelles fonctions de Directrice de l’ensemble du centre de formation dont les tâches et missions sont définies dans la fiche de poste annexée au présent avenant et sont les suivantes:
– Mission 1 – assurer le lien avec les organes de l’Association et des sociétés compagnonniques ;
– Mission 2 – assurer le bon fonctionnement du centre en assurant le bon fonctionnement des services, la direction et le suivi des salariés en ‘accueillant le nouveau salarié, veiller aux conditions de santé de celui-ci, communiquer les infos GRH au comptable, établir les virements des salaires, rédiger les contrats de travail avec l’appui des comptable’; garantir la sécurité, assurer le bon déroulement du séjour des itinérants dans le respect des directives des corporations, ‘suivre les outils de gestion et piloter’; assurer la gestion des examens (Direccte, Rectorat, Académie) et notamment organiser les examens avec la Direccte pour les TP, avec l’AI pour les CAP et le rectorat pour le BP…….);
– un courrier non signé daté du 21 novembre 2018 adressé par M. [P], expert comptable associé de la société C2C conseils, à FRCMB dont l’objet est ‘résiliation anticipée de notre mission d’expertise comptable’ lui indiquant ‘souhaiter s’exprimer à propos de la résiliation prématurée après 10 années de collaboration à la date du 30 juin 2017 et faisant état de ce qu’au cours de l’entretien sollicité auprès de Mme [J] (à l’origine de cette situation en sa qualité de Directrice), M. [C] (trésorier), M. [HV] (Président du conseil d’administration) M. [E], M. [R] et [G] [W] ‘seules les paroles de Mme [J] étaient entendues. Ce sont ces paroles qui m’ont fait prendre la décision d’arrêter notre collaboration dans son intégralité le plus tôt possible soit au 30 juin 2017 (gestion de la paye inclus). En effet, la mauvaise foi, les attitudes sournoises auprès des différents interlocuteurs, les reproches injustifiés, voir déplacés de Mme [J] rendait pour ma part le maintien de la mission impossible. Il m’était inconcevable de collaborer sainement en toute confiance…(…)
Il ne vous a pas échappé que l’arrêté des comptes annuels 2016 a été très conflictuel entre Mme [J], M. [E] (qui ne m’a jamais répondu) et moi-même….
Je tenais à vous préciser que ……les critiques que vous avez pu entendre sont loin d’être fondées au même titre que celles que j’ai pu entendre pendant des mois sur Mme [ZF] [Z].
En effet j’ai personnellement accompagné Mme [Z] à la tenue comptable de votre Fédération pendant 2 années consécutives. Il faut rappeler que cette personne est à l’origine secrétaire et qu’elle ne sera jamais directrice financière cependant elle a fait preuve de professionnalisme dans ses taches comptables et je ne pouvais que confirmer et féliciter son évolution la rendant quasiment autonome sur la comptabilité courante (achat, facturation et trésorerie)…….je tenais à vous faire part de ma déception et de ma frustration …car en plus de 16 ans d’exercice c’est bien la première fois que j’étais amené à arrêter une mission dans ces circonstances et ce climat.’;
– un état prévisionnel au 31/12/2018 mentionnant manuscritement ‘établi par Mme [J]’ indiquant un total de dépenses de 764.311,22 €; un total de recettes de 784.617 €, un résultat d’exploitation de 24.817,39€ et un solde trésorerie de 20.305,78 €;
– un feuillet de comptabilisation des virements fournisseurs au 10 janvier 2019 d’un montant de 38.336,15€ mentionnant manuscritement ‘Etat encours Bancaire au 31 décembre 2018″ et une somme de ‘35.651,31 €’;
– un compte-rendu du CA du 06/10/2018 indiquant :
‘2- débat sur les chiffres de [G] [W].
Présentation d’un graphique donnant les chiffres de l’activité et du prévisionnel à venir en chiffre. Celui-ci a été détaillé et expliqué par [YB]. Le tableau présenté est incomplet. Des incohérences relevées par [M] [C] présentent une différence de 200.000 €.
La directrice l’a rédigé au dernier moment et ne l’a pas relu.’
7 – [V] [H] est en train de finir une formation de conducteur de travaux et effectue la fin de sa formation au sein de la Fédé depuis début septembre et jusqu’à novembre.
Il propose de travailler à un poste pour la fédé régionale. Un point a été réalisé pour définir le poste et les missions d'[V] au sein du centre de formation. Vu les études réalisées lors de son stage, il apparaît un véritable besoin d’un suivi des travaux et le financement de ceux-ci….
[V] désire aussi réaliser une formation de management.’;
– un compte-rendu du CA du 27/11/2018 :
‘3. [YB] a fait passé un bilan prévisionnel au conseil d’administration. Celui-ci nous prévoit un résultat positif de 24.817,39 € et une trésorerie de 20.305,78 € pour la fin du mois de décembre. A la vue de la présentation de ce tableau. Le conseil d’administration approuve et ne signale aucun problème.
4. Le trésorier va faire un point avec [YB] sur la trésorerie durant la semaine. Il nous fait part que nous sommes à la limite. Mais suite au tableau prévisionnel présenté plus tôt du fait que la Nationale nous doit encore 20.000 €, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. De plus [YB] nous a fait part que la Nationale va nous solder le 1er trimestre.
5. Le président s’est fait aider pour le contrat de travail d'[V] [H]. Celui-ci est accepté et devra être complété par [YB] dans les jours à venir. Le contrat est un CDD, [V] a pour mission de gérer les travaux concernant le siège et de suivre des dossiers de subvention.
Le compagnon [D] nous fait part qu’il n’accepte plus la présence du chien de [YB] dans les locaux de notre centre de formation et demande à ce que celui-ci ne soit plus accepté.
[YB] [J] demande au conseil d’administration de lui réaliser une rupture conventionnelle. Le conseil d’administration lui répond qu’il a pris en compte sa demande et qu’il va étudier sa proposition.’
– une lettre manuscrite du 4 décembre 2018 remise en main propre au président de la Fédération dans laquelle Mme [J] indique ‘Vu les dispositions prises par le conseil d’administration, je viens par la présente pour officialiser une demande de rupture conventionnelle comme annoncé lors du conseil du 27 novembre 2018 et dont vous avez et dont le conseil a accepté le principe’ ainsi qu’une rupture conventionnelle du contrat de travail signée le 13 décembre 2018 , prévoyant une indemnité spécifique de rupture de 27.186 € avec un délai de rétractation au 28 décembre 2018;
– un courrier recommandé avec accusé de réception du 22 décembre 2018 de rétractation de l’employeur de la rupture conventionnelle;
– une lettre recommandée avec accusé de réception du 22 décembre 2018 de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire indiquant ‘il s’avère qu’il a été mis en évidence au cours des derniers jours un certain nombre d’anomalies vous mettant en cause directement…’;
– un courrier du président de la Fédération, [S] [HV] adressé à Mme [J] le 7 janvier 2019 rédigée ainsi qu’il suit:
‘Vous ne vous êtes pas présentée à l’entretien prévu ce jour afin d’assurer une bonne continuation de notre activité, nous vous demandons de nous faire parvenir les éléments suivants:
– carte bancaire plus code;
– code banque Martin Maurel;
– carte et code pour virement bancaire;
– code ordinateur fixe, bureau direction;
– code boites mail;
– code logiciel gestion et comptabilité.’;
– un courrier de M. [Y] daté du 1er décembre 2018 informant le Président que ‘les itinérants ont remarqué un état déplorable du siège ce dernier mois; l’absence de la femme de ménage depuis 1 mois et demi, l’accumulation des draps sales dans le couloir; lumières dans les toilettes du 4ème grillées et non changées, pas de papier toilette ni de produit d’entretien; pièce commune très sale et poubelles débordantes. Nous pensions important de vous faire part de ces problèmes.’;
– un courriel de M. [C] (trésorier) du 20 décembre 2018 adressé à Mme [J] :’afin de valider les paies de décembre à M. [O] pouvez-vous me dire qui est M. [I] [GR], sa fonction’ Son salaire’ Pouvez vous me transmettre son contrat de travail’; et la réponse de celle-ci datée du 21 décembre;
– un courriel de [L] [UO] adressé à Mme [J] le 28 janvier 2019 lui indiquant ‘je tenais à m’excuser de la gêne occasionnée en rapport avec la recherche des convocations pour la session des couvreurs du 23 janvier 2019. Comme tu me l’évoquais, elles auraient été déposées lors de notre rencontre à l’agence le 19 décembre 2018 au matin. Effectivement après vérification dans tous les dossiers déposés ce jour même, j’ai bien retrouvé lesdites convocations. Encore désolé pour le désagrément.’;
– un récépissé de déclaration de main courante de M. [C], trésorier de la Fédération le 24 décembre 2018 indiquant : ‘Trois salariés de la fédération ont été vus en train d’enlever des ouvrages de nos locaux, il s’agit de [KD], [F] et Mme [YB] [J].
En date du 20 décembre, un salarié a constaté que [KD] chargeait un ensemble de pièces de bois dans un véhicule de tourisme et qu’un autre véhicule quittait les lieux avec sur sa galerie un escalier.
En date du 21 décembre vers 15h00 les trois protagonistes ont été vus en train de charger sur des véhicules des ouvrages (cabanes et pièces de bois) sortant des ateliers de notre organisme. C’est la 3ème fois cette semaine que cela se produit. Je suis en possession de photos témoignage des faits ainsi que l’identité des témoins si cela s’avère nécessaire.’ accompagné de deux photos, la première représentant un véhicule utilitaire transportant un escalier en bois, avec quatre hommes de dos debout à côté; une photo d’un autre utilitaire transportant un meuble en bois, ainsi que deux factures d’un montant de 1.068,64 € et de 1.809,39€;
– un récépissé de déclaration de main courante de Mme [ZF] [Z] du 07 janvier 2019 : ‘j’ai travaillé à la Fédération Compagnonnique en tant que secrétaire comptable du 2 mai 2007 au 3 juillet 2017.Vers 2014, Mme [J], directrice de l’établissement m’a fait subir un harcèlement permanent. Elle me faisait sans cesse des remarques désobligeantes ou déplacées souvent devant des témoins salariés de la Fédération. Elle m’a déplacé mon bureau sans m’aviser en m’installant dans une très petite pièce à côté des toilettes, m’a obligé à faire une formation à [Localité 4] alors que je demeure à [Localité 5] sachant que je ne conduis pas et donc je ne possède pas de véhicule, la même formation pouvait avoir lieu plus près dans les quartiers Nord. Par rapport à ses agissements, je suis tombée malade, j’étais dans un état dépressif, j’ai dû cessé mon activité par une rupture conventionnelle. Je suis actuellement suivie par un psychiatre’; accompagné d’un courrier adressé au Président de la FCMB le 17 décembre 2018 dénonçant les mêmes faits indiquant qu’elle n’avait pas porté plainte car elle était terrorisée à l’idée de devoir l’affronter devant un tribunal; ainsi qu’une attestation de prise en charge psychologique établie le 14 janvier 2019 par une psychologue indiquant que ‘Mme [Z] ‘poursuit des séances individuelles dans le cadre d’un suivi psychologique de soutien depuis le mois de novembre 2018. Elle présente un trouble anxieux d’intensité sévère et des symptômes fréquents du stress post-traumatique dont elle a été victime lors de sa dernière activité professionnelle. Elle présente à ce jour de nombreux épisodes d’angoisse et semble bouleversée émotionnellement à l’évocation de la personne qui l’a harcelée….’;
– un récépissé de déclaration du 14 janvier 2019 de main courante de M. [A], formateur à la fédération compagnonnique depuis plus de 12 ans évoquant ‘un changement de direction 3 ans plus tôt, l’arrivée de la nouvelle diretrice Mme [J] est venue diviser l’équipe….les agissements répétés de la directrice contre moi ont petit à petit dégradé mes conditions de travail ce qui a fini par affecter mon moral et me mettre davantage à l’écart du groupe . En plus le 27 février 2017, je reçois une lettre d’avertissement énumérant des erreurs que j’aurais commises et me mettant en défaut sur de nombreux points. J’avais déjà un profond sentiment d’injustice j’étais maintenant comme abattu, … j’ai contesté cet avertissement le 16 décembre 2017 et je n’ai jamais eu de réponse à ce jour. Si je me présente à vous ce jour, c’est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase. En effet, le 21 décembre 2018 à midi, j’ai vu toute mon équipe monter en voiture devant moi et partir ensemble au repas de Noël invité par ma Directrice alors que je n’étais pas invité.’ ainsi qu’un courrier adressé le 21 décembre 2018 au Président de la fédération ‘n’ayant pas eu de réponse à mon courrier de contestation de mon avertissement, je tiens à vous signaler que mes conditions de travail que je vous ai évoqué n’ont pas évoluées depuis, que je ressens toujours une mise à l’écart. La dernière est de ce midi où j’ai vu tous les salariés partir avec la directrice manger ensemble et où je n’ai pas été invité. Cette situation est oppressantes. Pourriez-vous me recevoir pour une rendez-vous »;
– un contrat de travail à durée déterminée de 12 mois du 3 décembre 2018 au 2 décembre 2019 embauchant M. [V] [H] en tant que chargé d’étude – technicien niveau E1 coefficient 240;
– un courriel du 15 mai 2019 adressé par Mme [N] à Mme [Z] concernant la proposition d’apurement des factures 2018 pour un montant de 17.571,89 €;
– un courriel du 4 septembre 2019 de M. [O] adressé à M. [C] concernant l’apurement de l’arriéré de ses honoraires s’élevant à 5.162,64 €;
– une notification par le Ministère du travail et de l’emploi adressé au Président de la FCMB ainsi qu’à son directeur M. [V] [H] le 10/09/2021 lui notifiant un trop-perçu de 18.576,26€ à la suite du bilan final d’exécution du projet d’Accompagnement renforcé et innovant vers l’emploi des jeunes NEETS (ni en études, ni en emploi, ni en formation) pour la période du 01/07/2017 au 31/12/2017.
Alors que Mme [J] établit que la décision de la remplacer à son poste de Directrice a été annoncée lors de la réunion du conseil fédéral de la Fédération compagnonnique qui s’est tenue le 13 octobre 2018 à [Localité 7] son compte-rendu mentionnant en page 9 dans l’état des lieux des fédérations régionales que s’agissant de celle de [Localité 6] : ‘la candidature d’un compagnon charpentier a retenu l’intérêt du conseil pour un futur poste de directeur. Le CA travaille à la réorganisation de l’équipe. Le projet du centre avance côté travaux, la situation financière est stabilisée’; qu’elle justifie, contrairement aux affirmations de l’employeur, avoir été effectivement remplacée par M. [V] [H] dès le mois de janvier 2019 ainsi que cela résulte d’un courriel que le secrétaire de la fédération nationale a adressé à ce dernier le 7 janvier 2019 sous l’adresse email :’ marseille.direction’ à propos d’une session de travail des formateurs de la Fédération dans lequel il indique ‘j’imagine qu’avec ta prise de fonction un certain nombre d’éléments de réorganisation se mettent en place….’la page d’accueil du profil Linkedin de celui-ci faisant également état de son statut de directeur de la Fédération à compter de janvier 2019, ce qui est confirmé par le fait que le Président de la fédération , M. [S] ait demandé à la salariée dans un courriel du 18 décembre 2018 non seulement de prendre ses congés payés du 21 décembre au 22 janvier 2019 et non durant 6 jours mais également ‘pour une bonne transition de nos services, nous vous demandons de communiquer la semaine prochaine à M. [V] [H] toutes pièces nécessaires au fonctionnement de notre organisme à savoir:
– les différents contrats et conventions en cours;
– le mettre en contact avec nos différents partenaires;
– les codes boites mails professionnels;
– les codes d’accès banques;
– le code coffre.’
et qu’elle démontre que la rétractation de l’employeur de la rupture conventionnelle de même que sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire avec mise à pied conservatoire sont concomittants à un courriel de réponse à ce mail qu’elle a adressé au Président de la Fédération et aux membres du conseil d’administration le 20 décembre 2018 à 11h51 aux termes duquel elle leur indique ‘Vous souhaitez que je prenne l’intégralité de mes congés payés jusqu’au terme de mon contrat et que je transmette les informations que vous jugez importantes la semaine prochaine. Notre établissement est fermé du vendredi 21 décembre 2018 à midi jusqu’au 1er janvier 2019, vous me demandez donc de réaliser la passation d’information pendant cette semaine de fermeture tout en m’imposant la prise de congé….votre demande conduirait à une passation des informations d’ici le 21 décembre 2018. Je tenais à vous informer que le poste que j’occupe maintenant depuis plusieurs années ne peut se transmettre en 48 heures …je vous propose à nouveau les modalités que je vous ai exposées lors de la signature de la rupture pour assurer un vrai transfert des informations….à savoir : prise des congés du 21 décembre au 01/01/2019 et passation des informations à la personne habilitée….je vous rappelle que M. [H] est actuellement en CDD sur des fonctions de conducteur de travaux, concernant la passation des informations nous avions évoqué la période du 02/01/19 au 11/01/19, toutefois au vu du nombre d’informations capitales et de votre souhait nouveau que je le présente à l’ensemble de nos partenaires, ce délai me semble également court……Le formulaire de rétractration ne prévoit pas d’aménagement quant à la fin de mon contrat de travail, vous ne pouvez m’imposer la prise de congés payés sans respect d’un délai de prévenance d’un mois. Je reprendrai mes fonctions le 2 janvier 2019 jusqu’au 22 janvier 2019.
Hier matin (19 décembre), M. [C] (membre du conseil d’administration) s’est présenté accompagné de M. [H] pour vérifier que les consignes transmises la veille dans le mail étaient mises en place. Lorsque j’ai précisé que vous ne pouviez m’imposer la prise de congés payés en janvier, M. [C] m’a menacée de rétractation dans la procédure de rupture conventionnelle et de rompre mon contrat de travail par d’autres moyens pour m’intimider, ce qui se confirme par votre mail, M. Le Président de ce matin à 06h54 dont je prendrais le soin de répondre de manière distincte. Je vous rappelle que je vous ai fait savoir lors du CA du 27/11/2018 mon souhait de quitter les Compagnons compte tenu de vos actions répétées altérant mon état de santé et tendant à mon évincement….’; les pièces produites par l’employeur n’établissent pas la réalité des griefs reprochés.
En effet, faute pour l’employeur de verser aux débats les bilans et compte de résultat certifiés de l’année 2018 mais également ceux de l’année précédente et de l’année suivante, les pièces qu’il produit, un document intitulé encours bancaire correspondant en réalité à des factures founisseurs arrêtés au début du mois de janvier 2019, un courrier non signé du cabinet comptable C2C du 21 novembre 2018 imputant la résiliation de sa mission en juin 2017 au comportement de la Directrice mais ne donnant aucun élément sur le laxisme de celle-ci dans la vérification des comptes de la fédération, ainsi que deux courriels du 15 mai 2019 et du 4 septembre 2019 concernant des proposition d’apurement des factures 2018 et un arriéré de ses honoraires s’élevant à 5.162,64 euros ainsi que la notification postérieure au licenciement d’une somme indument perçue à restituer, ne démontrent pas la situation financière obérée de la Fédération fin 2018 et n’établissent ni la présentation erronée par Mme [J], de documents comptable prévisionnels lors des conseil d’administration des 6 octobre et 27 novembre 2018 ni la volonté de la salariée de dissimuler la situation financière réelle de la Fédération alors que le résultat déficitaire mentionné dans la lettre de licenciement à concurrence de – 61.073 € au 30 novembre 2018 n’est pas davantage justifié par l’employeur.
Le laxisme reproché à la salariée dans la gestion de l’entretien des locaux de la maison d’accueil des élèves/résidents, qui repose exclusivement sur un seul courrier manuscrit de M. [Y] daté du 1er décembre 2018, n’est pas non plus justifié alors qu’il ne résulte pas de celui-ci qu’il ait personnellement constaté les faits qu’il relate rapportant des propos qui lui ont été tenus par des itinérants alors que la décision de remplacer la salariée en charge de l’entretien des locaux absente depuis le 4 octobre 2018 n’a été décidée que le 27 novembre 2018 et que les courriels de la directrice adressés antérieurement à Pôle Emploi étaient demeurés sans réponse.
Le défaut de validation par sa hiérarchie (mise à l’ordre du jour du conseil d’administration) du recrutement de M. [GR] [I] pour un poste de Formateur Bâtiment et TP n’est pas établi alors que l’employeur ne justifie pas de la validation préalable systématique des embauches de tous les formateurs y compris sur des missions complémentaires au regard des missions très larges de la Directrice de la Fédération laquelle justifie au surplus que ce salarié, recruté dans le cadre d’un CDD pour six semaines dans le cadre d’une session complémentaire de formation l’avait été précédemment (pièce n°41 échanges de courriels d’août, septembre et octobre 2018).
Le défaut de respect du règlement général des sessions d’examen Arrêté du 21 juillet 2016 paru au JO le 28 juillet 2016 avec effet au 1er septembre 2016 modifié par arrêtés du 15 septembre 2016 et du 13 avril 2018 n’est pas prouvé, la seule pièce versée aux débats par l’employeur étant un courriel de M. [L] [UO] adressé à Mme [J] le 28 janvier 2019 dans lequel celui-ci lui présente ses excuses ensuite de l’annulation de la session d’examen du mois de janvier 2019 de son fait reconnaissant que celle-ci lui avait effectivement remis en main propre les convocations litigieuses le 19 décembre 2018.
Il en va de même du détournement de matériels appartenant à la Fédération que celle-ci impute à la salariée sans éléments probants, la déclaration de main-courante à laquelle a procédé M. [C], trésorier de la Fédération le 24 décembre 2018 ne rapportant pas des faits qu’il a lui-même constatés et n’étant corroborée par aucun témoignage précis et circonstancié des salariés lui ayant rapporté les faits relatés, les photographies produites non probantes ne représentant pas la salariée sur les lieux concernés par le chargement du matériel, seuls des hommes y figurant alors que Mme [J] verse aux débats des attestations de Mme [K], M. [X], M. [U], M. [B] aux termes desquelles la première indique qu »avant la fermeture pour la période de Noël, M. [T], formateur menuisier lui a livré avec sa voiture personnelle l’abris bois visible dans mon jardin’ tous indiquant que certains objets sont couramment récupérés au lieu d’être démontés et jetés s’agissant de matériel appartenant à des salariés (pièce n°29-planches de bois) lequel peut être librement retiré.
L’absence de loyauté de la salariée qui aurait créé une société concurrente dans des locaux mis gracieusement à la disposition d’une entreprise tierce n’est pas démontrée, la mise à disposition des locaux concernés s’achevant au mois de mars 2019.
S’agissant enfin des faits de harcèlement moral imputés à la salariée, la lettre de licenciement évoque la seule situation de M. [A], formateur, lequel a adressé effectivement un courrier au Président de la fédération le 21 décembre 2018 dans lequel il se plaint de ne pas avoir reçu de réponse à la contestation d’un avertissement notifié par ce dernier le 16 décembre 2017, soit une année auparavant, indique se sentir à l’écart et déplore d’avoir vu tous les salariés partir déjeuner avec Mme [J] le 21 décembre 2018 sans avoir été lui-même invité au repas de Noël, courrier suivi d’une déclaration de main courante le 14 janvier 2019, ces éléments non confortés par d’autres pièces, sont contredits par le compte-rendu du Conseil d’administration du 6 octobre 2018 fixant le repas de Noël au 15/12/2018 qui conforte les déclarations de la salariée concernant l’organisation d’un repas personnel le 21 décembre 2018 dont elle a justifié du réglement par un extrait du relevé de son compte-courant (pièce n°30).
Par ailleurs, si elle verse également aux débats des pièces concernant des faits de harcèlement moral dénoncés par Mme [ZF] [Z] dans un courrier adressé au Président de la FCMB le 17 décembre 2018 suivi également d’une déclaration de main courante du 07 janvier 2019, la cour relève que ces faits remonteraient selon elle à 2014 alors que celle-ci n’était plus salariée de la Fédération depuis juin 2017 et que ces dénonciations bien qu’accompagnées d’un certificat médical ne sont corroborées par aucun témoignage d’autres salariés, le courrier du 21 novembre 2018 non signé de M. [P], expert comptable dont la mission a été résiliée également en juin 2017 évoquant tout au plus ‘les critiques que vous avez pu entendre sur (mes) interventions au même titre que celles que j’ai pu entendre pendant des mois sur Mme [Z]…’ sans imputer formellement celles-ci à Mme [J].
Ainsi ces faits, qui ne sont pas matériellement établis, ne laissent pas présumer une situation de management harcelant imputable à une salariée n’ayant jamais fait l’objet d’aucune remarque ni sanction disciplinaire pendant 23 ans rendant nécessaire en décembre 2018, de procéder à son licenciement pour faute grave ce d’autant que celle-ci a également dénoncé à la même période le 20 décembre 2018 au Président de la Fédération une ‘altération de sa santé compte tenu de vos actions’ souffrance décrite par Mme [K] (pièce n°31) et ayant donné lieu à un arrêt de travail du 4 janvier au 1er février 2019.
Dès lors, il convient par infirmation du jugement entreprise de dire que le licenciement de Mme [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu’elle est fondée à solliciter un rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, une indemnité de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le cas échéant pour licenciement vexatoire.
Sur l’indemnisation de la rupture :
La Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment qui n’a pas contesté à titre subsidiaire les montants réclamés par la salariée au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents ainsi que l’indemnité de licenciement calculé sur un salaire de référence de 3.781,60 € est condamné à lui payer les sommes suivantes:
– 4.159,76 € brut à titre de rappel de salaire outre 415,97 € de congés payés afférents;
– 11.344,80 € brut d’indemnité compensatrice de préavis outre 1.134,48 € brut de congés payés afférents;
– 26.051 € à titre d’indemnité de licenciement, sa demande tendant à être exonérée de cotisations sociales étant rejetée.
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
S’agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [J] demande à la cour d’écarter le barème d’indemnisation de l’article L.1235-3 du code du travail en raison de sa non-conformité aux dispositions de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT et à l’article 24 de la charte sociale européenne celui-ci ne permettant pas une réparation adéquate de préjudice.
L’employeur soutient que Mme [J] n’a subi aucun préjudice du fait de la perte de son emploi dans la mesure où elle a repris une activité dans le même domaine d’activité et s’ oppose à sa demande de voir rejeter le barème d’indemnisation afin d’obtenir une indemnisation à hauteur de 23 mois de salaire alors que les dispositions de celui-ci sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la convention de l’OIT applicable en droit interne prévoyant une indemnité adéquate et que les dispositions de la charte européenne ne sont pas d’effet direct en droit interne.
En effet, les dispositions des articles L. 1235-3 et suivantes du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et sont ainsi compatibles avec le stipulations de cet article.
Par ailleurs, les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. L’invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
En conséquence, par application de l’article L.1235-3 du code du travail prévoyant une indemnisation comprise entre 3 et 17 mois de salaire pour une salariée disposant de 23 années révolus d’ancienneté, tenant compte d’un âge de 44 ans, d’un salaire de 3.781,60 €, de ce que bien qu’ayant créé le 1er mars 2019, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail une société ‘Compétence BTP’ dont l’activité principale est un ‘centre de formation en bâtiment ‘ dont elle est actionnaire (7000 parts sur 10000) et dont elle assure la présidence, elle n’en est pas salariée et justifie avoir perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi d’avril à octobre 2019 et également en 2020 sans justifier cependant d’aucune recherche d’emploi, il convient par infirmation du jugement entrepris de condamner la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment à payer à Mme [J] une somme de 40.000 €.
Sur la demande indemnitaire pour licenciement vexatoire :
Le salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à la réparation du préjudice distinct subi même en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité se cumulant avec celle alloué pour rupture abusive du contrat de travail.
Mme [J] sollicite la condamnation de l’employeur au paiement d’une somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral distinct subi résultant des conditions vexatoires de son licenciement alors qu’elle a été indûment accusée de vol, de harcèlement moral, d’avoir manqué de professionnalisme après 23 années d’ancienneté d’avoir subi une mise à pied à titre conservatoire durant plus d’un mois, cette mesure l’ayant empêchée de s’expliquer avec ses collègues et que l’employeur lui a imposé la présence de son remplaçant durant plusieurs semaines en communiquant sur cette mise à l’écart, qu’il a tenté de la priver de ses outils de travail en lui imposant des congés payés, en lui faisant croire à une rupture amiable avant de brusquer sa sortie de la Fédération alors qu’elle ne faisait que lui rappeler ses droits.
L’employeur estime la demande non fondée en indiquant qu’il ne peut lui être reproché le délai de 3 semaines séparant la convocation de la salariée à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire et la notification du licenciement par courrier recommandé du 25 janvier 2019 alors qu’il a pris le temps de diligenter une enquête sur les éléments graves dont il venait de prendre connaissance ne pouvant prendre une décision hâtive en raison de l’ancienneté de la salariée, que la sévérité des motifs du licenciement (vol, harcèlement moral) ne caractérise pas le caractère vexatoire du licenciement, que la salariée ne s’est pas présentée à l’entretien préalable du 7 janvier 2019.
Cependant, il résulte des éléments déjà examinés que l’employeur a annoncé publiquement dès le mois d’octobre 2018 le remplacement de Mme [J] à son poste de Directrice et lui a imposé la présence de son remplaçant durant plusieurs semaines, que s’il a accepté de signer une rupture conventionnelle avec celle-ci le 13 décembre 2018, il s’est brutalement rétracté le 22 décembre et le même jour il a convoqué la salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire soit deux jours après que celle-ci ait refusé à la fois d’être placée en congés payés du 21 décembre 2018 au 22 janvier 2019, un mois au lieu des 6 jours allégués et d’opérer en 48h la passation de ses fonctions à son successeur, qu’elle a ainsi indéniablement été brutalement écartée de son lieu de travail demeurant trois semaines dans l’incertitude étant dans le même temps accusée notamment de vol et de harcèlement moral ce qui lui a causé un préjudice moral distinct de celui réparé par les dommages-intérêts alloués en réparation de la rupture abusive qui a été exactement réparé par la juridiction prud’homale qui lui a alloué à ce titre une somme de 2.000 €, Mme [J] ne versant aux débats aucun élément justifiant de porter ce montant à 5.000 €.
Sur la demande de remboursement des factures des réalisations en bois des élèves compagnons:
La Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment sollicite le remboursement par Mme [J] de la somme de 2.878,02 € au titre des factures de matières premières de bois utilisées pour la fabrication des marchandises détournées.
La salariée a sollicité le rejet de cette demande.
Alors que la juridiction prud’homale a retenu qu’il était d’usage de ne pas détruire systématiquement les ouvrages réalisés par les stagiaires, que Mme [J] a justifié de la réalité de cet usage en produisant des attestations circonstanciées et que surtout l’employeur n’a pas démontré qu’elle avait détourné à son profit certaines réalisations en bois des élèves le 21 décembre 2018, c’est à juste titre par des dispositions qui sont confirmées que les premiers juges ont débouté la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment de sa demande de remboursement par la salariée d’une somme correspondant à des factures de matières premières de bois.
Sur les intérêts au taux légal :
Les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et non à compter de la date de la saisine du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce.
Le jugement sera de ce chef infirmé.
Sur les dépens, les frais irrépétibles et les frais futur d’exécution :
Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment aux dépens de première instance sont confirmées.
L’employeur est condamné aux dépens d’appel et à payer à Mme [J] une somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente juridiction ne peut pas se prononcer sur le sort des frais de l’exécution forcée, lesquels sont régis par l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution et soumis, en cas de contestation, au juge de l’exécution. La demande formée de ce chef sera en conséquence rejetée
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment à payer à Mme [J] une somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, aux dépens de première instance et en ce qu’il a rejeté sa demande de condamnation de la salariée à rembourser des factures de réalisations en bois des élèves.
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit que le licenciement de Mme [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment à payer à Mme [J] les sommes suivantes:
– 4.159,76 € brut à titre de rappel de salaire outre 415,97 € de congés payés afférents;
– 11.344,80 € brut d’indemnité compensatrice de préavis outre 1.134,48 € brut de congés payés afférents;
– 26.051 € à titre d’indemnité de licenciement;
– 40.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Rejette la demande de Mme [J] d’exonération de cotisations sociales CSG-CRDS.
Dit que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et non à compter de la date de la saisine du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les a prononcé.
La Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment est condamnée aux dépens d’appel et à payer à Mme [J] une somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Rejette la demande formée par la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment au titre des frais d’exécution.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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