Nos conseils :
1. Attention à bien vérifier les termes du contrat et les conditions générales avant de contester des factures ou de demander une expertise. Il est recommandé de s’assurer que les prestations facturées correspondent aux services réellement fournis et prévus dans le contrat. 2. Il est recommandé de conserver une trace écrite de toutes les communications et échanges avec l’expert-comptable, notamment en ce qui concerne les demandes de prestations supplémentaires et les éventuels litiges sur les factures. Cela peut être utile pour prouver les éventuels manquements de l’expert-comptable. 3. En cas de litige avec un prestataire, il est recommandé de chercher à résoudre le différend à l’amiable avant d’engager des procédures judiciaires. La médiation ou la négociation peuvent parfois permettre de trouver une solution plus rapide et moins coûteuse que le recours à la justice. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire a été instruite et plaidée en janvier 2024, suite à une ordonnance de clôture datant du 18 décembre 2023.
|
→ Les points essentielsSur la demande d’expertiseLa société S.A.B demande une expertise pour comparer les facturations de son expert-comptable avec le travail réellement fourni. Cependant, elle ne demande pas de comptes globaux entre les parties depuis l’origine. La demande d’expertise est rejetée car la cour dispose d’éléments suffisants pour statuer. Sur le paiement des factures de l’expert-comptableLes prestations prévues dans la lettre de mission se décomposent en trois catégories avec des honoraires détaillés. Les factures émises par l’expert-comptable sont contestées par la société S.A.B. Après analyse, la cour conclut que les factures excèdent le montant dû en vertu du contrat signé. La demande en paiement des factures est rejetée. Sur la facture de résiliationLa société [C] [O] & Associés réclame le paiement d’une facture de résiliation du contrat. Cependant, la demande est rejetée car la résiliation du contrat n’a pas été effectuée par la société S.A.B à la date de la facturation. Sur la restitution des acomptes versésLa société S.A.B demande la restitution des acomptes versés, contestés par l’expert-comptable. Après vérification des paiements effectués, la cour ordonne à l’expert-comptable de restituer une partie des acomptes versés. Sur la responsabilité contractuelle de l’expert comptableLa société S.A.B reproche à l’expert-comptable d’avoir exercé un droit de rétention abusif sur les pièces comptables. Cependant, la cour conclut que l’expert-comptable n’a pas agi de manière abusive. De plus, les manquements reprochés à l’expert-comptable ne sont pas établis, et la demande indemnitaire est rejetée. Sur les demandes accessoiresLa société [C] [O] & Associés est condamnée aux dépens et à verser une somme à la société S.A.B au titre des frais exposés en appel. Sa demande est rejetée. Les montants alloués dans cette affaire:
|
→ Réglementation applicable– Article 144 du code de procédure civile
– Article 1103 du code civil – Article 1231-1 du code civil – Article 1948 du code civil – Article 700 du code de procédure civile Texte de l’article 144 du code de procédure civile: Texte de l’article 1103 du code civil: Texte de l’article 1231-1 du code civil: Texte de l’article 1948 du code civil: Texte de l’article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – SELARL BOLLONJEON
– SELARL GUICHARD & NAHRA AVOCATS – Me Loïc CONRAD – Mme Hélène PIRAT – Mme Myriam REAIDY – M. Guillaume SAUVAGE – Mme [J] – Mme [F] – M. [C] [O] |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
21/02057
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 07 Mai 2024
N° RG 21/02057 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G2MH
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 22 Septembre 2021
Appelante
SARL CABINET [C] [O] ET ASSOCIES, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL GUICHARD & NAHRA AVOCATS, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimée
S.A.R.L. S.A.B, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par Me Loïc CONRAD, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l’ordonnance de clôture : 18 Décembre 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 janvier 2024
Date de mise à disposition : 07 mai 2024
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
– M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et procédure
La société S.A.B, exploitant deux fonds de commerce de vente au détail de prêt-à-porter et accessoires situés aux n°[Adresse 2] à [Localité 5], a confié à la société [C] [O] & Associés, exerçant une activité d’expert-comptable, une mission de présentation de ses comptes annuels depuis 2009.
Par jugement du 27 juillet 2016, la société S.A.B a été placée en redressement judiciaire. Un plan de continuation a ensuite été mis en place le 4 octobre 2017.
Le 30 novembre 2017, les sociétés S.A.B et [C] [O] & Associés ont conclu une lettre de mission, confiant diverses missions au cabinet d’expertise comptable et fixant sa rémunération, pour la période allant du 1er août 2017 au 31 juillet 2018, renouvelable chaque année par tacite reconduction.
Par courrier recommandé en date du 8 janvier 2020, la société [C] [O] & Associés a informé sa contractante que les honoraires restants dus au cabinet étaient de 30 196,80 euros, dont 3 000 euros au titre d’un reliquat sur l’exerce clos au 31 juillet 2018, et qu’elle suspendait la réalisation de tous travaux supplémentaires tant que les impayés n’étaient pas régularisés, puis l’a vainement mise en demeure, le 31 août 2020, de lui payer une somme de 24 838 euros.
Au cours de l’année 2020, la société S.A.B a cédé le droit au bail du fonds de commere situé au [Adresse 4].
Par courrier du 6 octobre 2020, la société S.A.B a contesté les montants qui lui étaient réclamés auprès de l’Ordre des experts-comptables, qui a classé l’affaire.
C’est dans ces conditions qu’après avoir adressé à sa contractante une sommation de payer le 3 novembre 2020, la société [C] [O] & Associés l’a faite assigner devant le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains suivant exploit en date du 27 novembre 2020, afin d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 24 838 euros au titre des honoraires afférents aux exercices clos les 31 juillet 2019 et 31 juillet 2020.
En cours d’instance, une facture d’indemnité de résiliation du contrat d’un montant de 5 570, 80 euros a été émise en sus par le cabinet d’expertise comptable.
Par jugement du 22 septembre 2021, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, a :
– dit que la société S.A.B a satisfait à son obligation de payer à la société [C] [O] & Associés dans la limite des termes conclus dans la lettre de mission ;
– débouté la société [C] [O] & Associes de sa demande en paiement par la société S.A.B de la somme de 24 838 euros car mal fondée ;
– rejeté la demande d’expertise ;
– ordonné le remboursement de 3 500 euros par la société [C] [O] & Associés à la société S.A.B (7 acomptes mensuels) ;
– ordonné la restitution des documents comptables détenus par la société [C] [O] & Associés à la société S.A.B ;
– débouté la société S.A.B de sa demande de voir condamner la société [C] [O] & Associés à payer à la société S.A.B la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière, du fait de la rétention abusive du dossier comptable;
– débouté la société S.A.B de sa demande de voir condamner la société [C] [O] & Associés à payer à la société S.A.B la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière, du fait du manquement de la société [C] [O] & Associés à ses obligations professionnelles ;
– rejeté toutes les autres demandes des parties ;
– laissé à la charge de la société [C] [O] & Associes les entiers dépens.
Au visa principalement des motifs suivants :
les missions exceptionnelles ou complémentaires n’ont pas fait l’objet d’un avenant spécifique ;
les montants facturés dépassent les honoraires prévus dans la lettre de mission ;
la seule production de factures ne suffit pas à démontrer la réalité de la créance et les pièces produites aux débats ne permettent pas au tribunal de valider le calcul d’indemnité de résiliation de 5 570,80 euros facturé par la société [C] [O] & Associés.
Par déclaration au greffe du 14 octobre 2021, la société [C] [O] & Associés a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu’elle a :
– débouté la société S.A.B de sa demande de voir condamner la société [C] [O] & Associés à payer à la société S.A.B la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière, du fait de la rétention abusive du dossier comptable ;
– débouté la société S.A.B de sa demande de voir condamner la société [C] [O] & Associés à payer à la société S.A.B la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière, du fait du manquement de la société [C] [O] & Associes à ses obligations professionnelles.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières écritures du 29 août 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société [C] [O] & Associés sollicite l’infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
– déclarer sa demande en paiement fondée et justifiée ;
– condamner en conséquence la société S.A.B à lui verser :
– la somme principale de 30 408,80 euros, outre intérêts de droit calculés au taux légal, à compter de la mise en demeure en date du 31 août 2020,
– la somme de 5 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter la société S.A.B représentée par Mme [J] de l’ensemble de ses autres demandes ;
– dire que la société S.A.B. supportera les entiers dépens de l’instance et de l’appel, avec pour ces derniers, application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Mme [F].
Au soutien de ses prétentions, la société [C] [O] & Associés fait valoir notamment que :
elle a réalisé de nombreuses prestations supplémentaires à la demande de sa cliente, liées en particulier au plan de continuation, qui ont été facturées conformément aux stipulations de la lettre de mission, sans qu’il ait été nécessaire de conclure un quelconque avenant ;
la société SAB n’a jamais contesté les factures qu’elle lui a adressées;
face au retard important dans le paiement des honoraires accusé par la société SAB, elle a légitimement suspendu l’exécution de sa mission en application de l’article 4 des conditions générales et fait bon usage de son droit de rétention ;
les acomptes payés correspondent au travail qu’elle a effectivement réalisé au titre de l’exercice 2019, pour lequel aucun honoraire n’avait été réglé, et à une dette qui est reconnue par la société S.A.B.
Aux termes de ses dernières écritures du 11 décembre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société S.A.B demande quant à elle à la cour de :
– réformer le jugement du 22 septembre 2021 rendu par le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains en ce qu’il a :
– rejeté la demande d’expertise,
– ordonné le remboursement de 3.500 euros par la société [C] [O] & Associés à la société S.A.B (7 acomptes mensuels),
– l’a déboutée de sa demande de voir condamner la société [C] [O] & Associés à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière, du fait de la rétention abusive du dossier comptable de cette dernière par la société [C] [O] & Associés;
– l’a déboutée de sa demande de voir condamner la société [C] [O] & Associés à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière, du fait du manquement de la société [C] [O] & Associés à ses obligations professionnelles,
– rejeté toutes les autres demandes des parties,
En conséquence, statuer à nouveau,
Avant dire droit,
– ordonner une expertise judiciaire, en commettant tel expert qu’il plaira aux juges de désigner, avec la mission suivante :
– se faire communiquer tous documents administratifs, contractuels et techniques ainsi que toutes pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission et informer le Juge chargé du contrôle des expertises de toute carence d’une partie en la matière,
– vérifier si l’ensemble des prestations contractuellement prévues ont été exécutées,
– chiffrer les prestations qui ont été exécutées selon les règles de l’art,
– vérifier que les facturations correspondent aux prestations réellement exécutées,
– établir un compte entre les parties,
– lors de la première réunion des parties, dresser un programme de ses investigations,
– avant de déposer son rapport définitif de ses opérations au greffe du tribunal de commerce de Thonon-les-Bains dans le délai de 6 mois à compter de sa saisine, faire connaître aux parties ses pré-conclusions, recueillir leurs observations dans le délai qu’il fixera et y répondre dans son rapport définitif ;
Au fond,
– débouter la société [C] [O] & Associés de toutes ses demandes contraires et infondées ;
– condamner en conséquence la société [C] [O] & Associés à lui restituer la somme de 6 500 euros, représentant les règlements mensuels de 500 euros depuis le mois d’octobre 2020 au mois d’octobre 2021 ;
– condamner la société [C] [O] & Associés au paiement de 5 000 euros au titre du préjudice subi par Mme [J] du fait de la rétention abusive du dossier comptable;
– condamner la société [C] [O] & Associés au paiement de 10 000 euros au titre du préjudice subi par Mme [J] du fait du manquement par M. [C] [O] à ses obligations professionnelles ;
A titre subsidiaire,
– l’autoriser à régler la somme de 500 euros mensuel dans l’attente du rapport d’expertise final et du compte définitif entre les parties ;
En tout état de cause,
– condamner la société [C] [O] & Associés au paiement de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société [C] [O] & Associés aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société S.A.B fait notamment valoir que :
la société [C] [O] & Associés ne rapporte nullement la preuve de la réalité de sa créance ;
même avec les missions annexes, le volume horaire annuel de 205 heures prévu par la lettre de mission n’a pas été rempli par le cabinet d’expertise comptable;
elle n’a pas été destinataire des factures mensuelles dont le paiement est réclamé;
elle a respecté son obligation de paiement auprès de la société [C] [O] & Associés, dès lors, elle ne pourra que se voir rembourser la somme de 6 500 euros versée suivant un échéancier de 500 euros qu’elle a mis en place entre le mois d’octobre 2020 et le mois d’octobre 2021 ;
la société [C] [O] & Associés a abusivement eu recours au droit de rétention lui causant un préjudice, notamment des retards de déclarations ;
la société [C] [O] & Associés n’a nullement respecté ses obligations professionnelles, lui causant un préjudice dont elle est fondée à obtenir la réparation.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
I – Sur la demande d’expertise
L’article 144 du code de procédure civile prévoit que ‘les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer’.
La société S.A.B demande à la présente juridiction d’ordonner une expertise ayant notamment pour objet de comparer les facturations qui lui ont été adressées avec le travail réellement fourni par son expert-comptable.
Force est de constater, cependant, qu’elle ne forme, comme en première instance, aucune demande tendant à voir établir des comptes globaux entre les parties depuis l’origine mais se contente de conclure au rejet de la demande en paiement qui est formée à son encontre au titre des factures adverses. Or, il apparaît que la cour dispose d’éléments suffisants, comme il sera plus avant exposé, pour apprécier le bien-fondé d’une telle demande, étant précisé que la charge probatoire repose sur la société [C] [O] & Associés.
La demande d’expertise sera ainsi rejetée.
II – Sur le paiement des factures de l’expert-comptable
Aux termes de l’article 1103 du code civil, ‘les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits’. L’article 1353 alinéa1er du code civil impose par ailleurs à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.
En l’espèce, les prestations prévues dans la lettre de mission du 30 novembre 2017 se décomposent en trois catégories, avec détail des honoraires correspondants :
– mission de présentation des comptes et de tenue de la comptabilité et des déclarations fiscales courantes, pour un montant annuel forfaitaire de 13 200 euros HT, sur la base d’un volume de travail annuel de 205 heures, le contrat prévoyant qu’en cas de dépassement de +/- 45 %, cette partie de la mission fera l’objet d’une régularisation (à la baisse ou à la hausse) ;
– mission sociale d’établissement des bulletins de paie et des déclarations sociales pour un honoraire de 25euros HT par bulletin de paie plus des frais forfaitaires par type et fréquence de déclarations à télétransmettre ;
– mission de secrétariat juridique pour un montant forfaitaire de 500 euros HT annuel.
La convention conclue entre les parties précise que les honoraires sont calculés sur la base du temps passé par le cabinet d’expertise comptable, augmenté des frais et débours divers, et que les taux horaires appliqués varient en fonction de la mission confiée, de l’expérience et des compétences requises des intervenants sur la mission.
Elle prévoit également : ‘nos travaux n’incluent pas les éventuelles demandes particulières que vous pourriez formuler au cours de la période en liaison avec notre mission principale ainsi que toute autre mission non prévue expressément par la présente lettre de mission (mission de gestion, mission d’assistance à contrôles fiscaux, URSSAF, consultations…)’.
Les conditions générales annexées au contrat, et signées par la société S.A.B le 4 décembre 2017, prévoient quant à elles notamment que ‘toute mission ou prestation complémentaire devra faire l’objet d’une information préalable du client ou de l’adhérent afin que celui-ci soit en mesure de manifester son accord’.
La somme de 24 838 euros dont le paiement est réclamé dans le cadre de la présente instance correspond à 17 factures établies par la société [C] [O] & Associés entre le 30 novembre 2018 et le 31 juillet 2020, déduction faite d’un avoir du 31 juillet 2020.
Il convient d’observer que l’appelante ne justifie nullement de l’envoi de ces factures à sa cliente, puisqu’elle excipe d’envois de ces documents par lettre simple, ce dont elle ne peut rapporter la preuve alors que de son côté, la société S.A.B prétend ne pas en avoir été destinataire. A cet égard, les simples courriels de l’intimée du mois de janvier 2020, indiquant être consciente de ce qu’elle doit à l’expert comptable, sans précision sur le montant dû, ne peuvent suffire à justifier de l’envoi des factures litigieuses.
Ces factures se rapportent, en premier lieu, à des acomptes afférents à la mission de présentation des comptes et de tenue de la comptabilité, à hauteur de 1 150 euros HTpar mois de novembre 2018 à février 2020. Il convient d’observer, à ce stade, que le montant annuel facturé à ce titre est de 13 800 euros HT, supérieur au montant forfaitaire de 13 200 euros HT prévu par le contrat pour ce poste.
Au titre de l’exercice clôturé au 31 juillet 2020, un avoir d’un montant de 5 700 euros a été établi le 31 juillet 2020 à ce titre sur les factures d’octobre 2019 à février 2020, correspondant à un temps passé de 14 heures au cours de cette période. La cour relève que par contre, aucune rectification n’a été opérée sur les acomptes par le cabinet d’expertise comptable au titre de l’exercice clôturé le 31 juillet 2019, permettant de facturer le temps réellement passé, comme le prévoit le contrat.
Les factures versées aux débats se rapportent, en second lieu, à l’établissement des bulletins de salaire mensuels et déclarations sociales, non contestées.
Elles comprennent enfin de nombreuses prestations complémentaires, non prévues dans la lettre de mission du 30 novembre 2017, à savoir :
– établissement d’une lettre d’huissier en février 2019 pour 150 euros HT ;
– assistance à l’inventaire physique et valorisation en juillet 2019 pour 1 000 euros HT;
– assistance gestion financière au titre de l’exercice 2018-2019 pour 5 250 euros HT, sur la base d’un temps passé évalué à 75 heures ;
– établissement d’une rupture conventionnelle homologuée en janvier 2020 pour 500 euros HT ;
– assistance à gestion financière au titre de l’exercice 2019-2020 pour 4 270 euros HT, sur la base d’un temps passé évalué à 61 heures (montant rectifié ensuite à 1 400 euros par avoir du 31 juillet 2020).
L’appelante prétend avoir dû assurer, à la demande de sa cliente, de nombreuses prestations supplémentaires, non prévues dans la lettre de mission, notamment l’assistance dans le cadre de son redressement judiciaire, la réalisation d’inventaires physiques (qui devait pourtant normalement rester à la charge de sa contractante aux termes du contrat), l’assistance dans le cadre de litiges avec les fournisseurs, la gestion individualisée des paiements depuis le compte bancaire de la société, ou encore la réalisation de démarches pour obtenir des aides suite à la crise sanitaire.
Cependant, elle ne verse aux débats aucun élément permettant de rapporter la preuve de ce qu’elle aurait effectivement exécuté de telles prestations à la demande de sa cliente, ni a fortiori de ce qu’elle aurait délivré à cette dernière une information préalable de ce chef, comme le lui imposaient les conditions générales de la convention.
Il convient de relever, en outre, que, comme le fait observer l’intimée, les postes qui ont été facturés annuellement par la société [C] [O] & Associés au titre de son ‘assistance à la gestion financière’ de la société, ne contiennent aucun descriptif des tâches effectuées, et ne se rapportent qu’à un décompte du temps passé à ce titre, sur la base d’un taux horaire de 70 euros HT.
Si la lettre de mission du 13 novembre 2017 ne mentionne aucun taux horaire applicable au travail effectué, la rémunération annuelle forfaitaire de 13 200 euros HT pour un volume de travail de 205 heures, à laquelle il convient d’ajouter les frais de secrétariat juridique de 500 euros HT, non facturés de manière indépendante, permet d’aboutir à un taux horaire de 66, 82 euros HT. Si on se réfère aux factures qui sont versées aux débats, le taux horaire facturé par le cabinet d’expertise comptable a été de 70 euros pour les prestations complémentaires, et de 75 euros pour la mission de base, sans que l’appelante n’apporte la moindre explication sur l’application de ces taux. En tout état de cause, force est de constater qu’elle n’a pas appliqué à ses prestations complémentaires un taux horaire supérieur à celui prévu pour sa mission de base.
Or, comme le fait observer la société S.A.B, il se déduit du propre document récapitulatif du temps passé par l’expert comptable, que celui-ci verse aux débats, qu’entre le 6 septembre 2018 et le 9 septembre 2020, soit une période de deux ans, seules 181, 32 heures de travail se trouvent recensées, soit un volume inférieur à celui de 205 heures prévu de manière forfaitaire au contrat pour une seule année.
Ce volume horaire de travail, qui découle des propres pièces de la société [C] [O] & Associés, est encore largement inférieur si on se rapporte à la seule période de novembre 2018 à juillet 2020, sur laquelle portent les factures dont elle sollicite le paiement dans le cadre de la présente instance. Le volume d’heures de travail recensé sur cette période s’élève seulement à 114, 82 heures.
Le cabinet d’expertise comptable ne saurait ainsi valablement arguer de ce qu’il aurait consacré plus de temps que ce qui était convenu de manière forfaitaire au contrat pour réclamer le paiement de prestations complémentaires.
Même en retenant un taux horaire de 75 euros, la facturation aurait ainsi dû s’élever, au titre de la mission de présentation des comptes et de tenue de la comptabilité, à une somme de 114, 82 x75 = 8 619 euros HT. A cela s’ajoute la mission sociale d’établissement des bulletins de paie et des déclarations sociales, facturée de manière séparée, pour un montant total de 566 euros HT. Soit un montant total de 8 619 + 566 = 9 185 euros HT, soit 11 022 euros TTC qui pourrait être retenu au maximum, et ce en admettant que les prestations complémentaires facturées aient réellement été commandées et exécutées.
Des avoirs auraient ainsi dû être établis par le cabinet d’expertise comptable pour rectifier les sommes facturées à titre d’acomptes mensuels et intégrer un volume d’heures de travail inférieur au montant forfaitaire prévu dans la convention.
D’une manière plus générale, il ne peut qu’être constaté qu’alors que les parties se trouvent en désaccord sur l’imputation des paiements qui ont été réalisés par la société S.A.B, et que celle-ci conteste l’ensemble des facturations établies par son expert-comptable depuis l’origine, la société [C] [O] & Associés ne verse nullement aux débats les factures qu’elle a établies antérieurement au mois de novembre 2018.
Elle n’apporte en outre aucune explication sur la somme de de 29 799, 70 euros TTC facturée au titre de l’exercice 2017-2018. Elle ne fait notamment état d’aucune mission particulière qui lui aurait été confiée lors du premier exercice et qui justifierait une telle facturation, laquelle apparaît hors de proportion avec le montant forfaitaire prévu dans la lettre de mission du 30 novembre 2017.
Du reste, même en admettant que les factures établies entre le 30 novembre 2017 et le 31 octobre 2018, pour un montant total de 27 987, 70 euros, correspondent à un travail réellement effectué, ce dont il n’est nullement justifié, il doit être relevé que, comme l’ont constaté les premiers juges, la société S.A.B a réglé à l’expert comptable, entre novembre 2017 et juillet 2020, une somme totale de 41 396, 10 euros.
Force est de constater que le montant versé par l’intimée excède ainsi les créances dont la société [C] [O] & Associés pourrait au maximum être fondée à se prévaloir, d’un montant de 39 009, 70 euros TTC (27 987, 70 + 11 022). L’appelante échoue en tout état de cause à rapporter la preuve, dont la charge lui incombe, de ce qu’un solde lui resterait dû au titre du contrat signé le 30 novembre 2017.
Le jugement du 22 septembre 2021 ne pourra donc qu’être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en paiement formée par le cabinet d’expertise comptable au titre de ses factures.
III – Sur la facture de résiliation
La société [C] [O] & Associés sollicite également le paiement d’une facture de résiliation du contrat d’un montant de 5 570, 80 euros, qu’elle a émise le 31 décembre 2020. Bien qu’elle ne le précise nullement dans ses écritures, cette demande semble trouver son fondement dans l’article 3 des conditions générales, dont le contenu est le suivant : ‘en cas de résiliation au cours d’un exercice comptable, et sauf faute grave imputable au professionnel de l’expertise comptable, le client ou l’adhérent devra verser à ce dernier les honoraires dus pour le travail déjà effectué, majorés d’une indemnité conventionnelle égale à 25% des honoraires annuels convenus pour l’exercice en cours ou de la dernière année d’honoraires en cas de montant incertain’.
En l’espèce, l’appelante ne précise nullement, ni dans la facture litigieuse, ni dans ses écritures, le mode de calcul qu’elle a adopté pour aboutir à la somme de 5 570, 80 euros TTC dont elle sollicite le paiement de ce chef.
Par ailleurs, il se déduit des échanges intervenus entre les parties que si la société S.A.B a saisi l’ordre des experts comptables, le 6 octobre 2020, pour contester le montant des factures de sa contractante, elle n’avait nullement, à la date du 31 décembre 2020, procédé à la résiliation unilatérale du contrat liant les parties. Du reste, c’est ce qu’a indiqué elle-même la société [C] [O] & Associés dans son courrier de réponse à l’ordre du 16 octobre 2020.
La demande en paiement formée de ce chef par le cabinet d’expertise comptable ne pourra donc qu’être rejetée.
IV – Sur la restitution des acomptes versés
La société S.A.B sollicite la restitution des acomptes qu’elle a versés depuis le 15 octobre 2020, à hauteur d’une somme de 6 500 euros, qui est contestée par l’appelante.
Elle justifie avoir effectivement procédé aux paiements suivants :
– virement de 500 euros le 15 octobre 2020;
– virement de 500 euros le 6 novembre 2020 ;
– virement de 500 euros le 1er décembre 2020;
– virement de 500 euros le 23 décembre 2020 ;
– virement de 500 euros le 4 août 2021 ;
– virement de 500 euros le 2 septembre 2021;
– virement de 500 euros le 1er octobre 2021.
Soit un montant total de 3 500 euros, qui correspond à la somme que la société [C] [O] & Associés admet avoir perçue.
Les versements complémentaires de 3 000 euros dont se prévaut dans ses écritures l’intimée ont été établis à des dates antérieures, en juin et juillet 2020, et non dans le cadre du plan de remboursement spontanément mis en place par la société S.A.B en octobre 2020.
Le jugement du 22 septembre 2021 sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société [C] [O] & Associés à restituer cette somme de 3 500 euros. Le surplus de la demande en paiement formée de ce chef en cause d’appel sera par contre rejetée.
V – Sur la responsabilité contractuelle de l’expert comptable
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, ‘le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure’. Il appartient à celui qui entend engager la responsabilité contractuelle de la partie adverse de rapporter la preuve d’un manquement de son contractant à ses obligations, qui lui aurait causé un préjudice.
La société S.AB reproche en premier lieu à l’intimée d’avoir exercé de manière abusive son droit de rétention sur l’ensemble des pièces comptables qui se trouvaient en sa possession. Il est constant à cet égard que l’expert comptable ne peut, en application des dispositions de l’article 1948 du code civil, exercer son droit de rétention que sur les documents comptables résultant de sa création exclusive ou sur des documents comptables comportant un apport de travail de sa part et pour lesquels des honoraires lui sont légitimement dûs.
Ce n’est que suite au jugement de première instance, ayant ordonné la remise des pièces comptables à la société S.A.B, que cette dernière s’est vue remettre, le 22 novembre 2021, l’ensemble de ces pièces, comportant notamment les factures d’achats, de frais de déplacement, et les feuilles hebdomadaires de recettes, comme il se déduit de l’attestation non contestée qui est versée aux débats. Les documents qui ont été restitués suite au jugement ne correspondent ainsi nullement à des pièces comptables comportant un apport personnel de la société [C] [O] & Associés.
Cependant, il doit être relevé que, comme le fait observer l’appelante, elle a adressé à sa contractante le 25 janvier 2021, suite au courrier du 12 janvier 2021 du nouvel expert comptable désigné par la société S.A.B, M. [X], une clé USB contenant les fichiers afférents aux exercices clos les 31 juillet 2016, 31 juillet 2017 et 31 juillet 2018, et indiqué user de son droit de rétention sur les fichiers comptables de l’exercice 2018/2019. Dans ce même courrier, la société [C] [O] & Associés a indiqué que les pièces comptables étaient disponibles en son cabinet et que la société S.A.B pouvait venir les récupérer quand elle le souhaitait.
Or, la société S.A.B ne justifie d’aucune démarche qu’elle aurait engagée suite à ce courrier pour récupérer ces pièces comptables.
Il ne saurait ainsi être reproché à l’appelante la moindre rétention abusive.
La société S.AB reproche ensuite à l’expert comptable d’avoir manqué à son devoir général d’assistance, de conseil, d’investigation et d’alerte. Ses griefs portent notamment sur l’absence de dépôt des comptes annuels, de réalisation des déclarations fiscales et sociales, et de paiement des fournisseurs en temps et en heure.
Il se déduit cependant des pièces versées aux débats, et notamment des échanges intervenus entre les parties, que les prestations non réalisées par l’expert-comptable s’expliquent par le fait qu’il ait suspendu l’exécution de ses missions à partir du mois de janvier 2020, en raison du non-paiement de ses honoraires, comme il l’a indiqué dans un courrier du 8 janvier 2020, aux termes duquel il a alerté sa contractante sur la pérennité de son entreprise. Or, aucune réponse n’a été apportée à ce courrier et de nombreuses factures étaient impayées à cette date. Il n’est pas établi que la société [C] [O] & Associés ait agi de mauvaise foi en suspendant l’exécution de sa mission alors qu’elle pensait que des sommes importantes lui restaient dues et qu’elle n’avait reçu alors aucune protestation de la part de la société S.A.B sur ses factures.
L’intimée ne rapporte pas la preuve, par ailleurs, de ce que sa trésorerie lui aurait permis d’assurer les paiements qui étaient dûs à ses fournisseurs, ce qui lui aurait permis d’éviter les relances et mises en demeure qui lui ont été ultérieurement adressées. Elle ne peut par ailleurs faire sérieusement grief à l’expert comptable d’avoir omis de l’alerter sur cette situation, alors que tel était notamment l’objet de son courrier, très détaillé, du 8 janvier 2020.
Enfin, la société S.A.B ne précise nullement la nature ainsi que la consistance exacte du préjudice qu’elle aurait subi en raison des manquements qu’elle impute à sa contractante, et qui justifieraient l’allocation d’une somme forfaitaire de 10 000 euros. Il n’est pas établi en particulier que les majorations qui ont pu lui être appliquées en raison de retards de paiement seraient imputables à son expert-comptable, alors qu’elles peuvent également s’expliquer par les difficultés économiques qu’elle a rencontrées à cette époque.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires formées par la société S.A.B de ce chef.
VI – Sur les demandes accessoires
En tant que partie perdante, la société [C] [O] & Associés sera condamnée aux dépens exposés en appel, ainsi qu’à payer à la société S.A.B la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.
La demande formée de ce chef par la société [C] [O] & Associés sera quant à elle rejetée.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement entrepris en l’ensemble de ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la demande formée en cause d’appel par la société S.A.B tendant à obtenir la restitution d’un acompte complémentaire de 3 000 euros qu’elle aurait versé,
Condamne la société [C] [O] & Associés à payer à la société S.A.B la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,
Rejette la demande formée par la société [C] [O] & Associés à ce titre,
Condamne la société [C] [O] & Associés aux dépens exposés en appel.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 07 mai 2024
à
la SELARL BOLLONJEON
Me Loïc CONRAD
Copie exécutoire délivrée le 07 mai 2024
à
Me Loïc CONRAD
Laisser un commentaire