Le rédacteur graphiste est un journaliste. Les fonctions de rédacteur graphiste exercées par le salarié, qui consistaient à concevoir et à réaliser la mise en page des magazines Nitro et 2CV au sein de l’entreprise de presse SFEP, en lien étroit avec leur rédacteur en chef, étaient celles d’un collaborateur direct de la rédaction et il n’est pas contesté que l’intéressé tirait de son activité, exercée à titre d’occupation principale et régulière, l’essentiel de ses ressources. Il avait en conséquence depuis son recrutement la qualité de journaliste professionnel.
Aux termes de l’article L. 7111-3 alinéa 1 du code du travail :
« Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au 1er alinéa. »
Il en résulte que la détention de la carte d’identité professionnelle est sans incidence sur la reconnaissance du statut de journaliste professionnel. L’ancienneté dans la profession ne peut donc dépendre de la délivrance de la carte de journaliste professionnel.
Selon l’article L. 7111-4, sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de l a r é d a c t i o n , r é d a c t e u r s – t r a d u c t e u r s , s t é n o g r a p h e s – r é d a c t e u r s , r é d a c t e u r s – r é v i s e u r s , reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle. Cette liste n’est pas limitative.
____________________________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
15e chambre
ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2022
N° RG 18/05043
N° Portalis DBV3-V-B7C-S2O6
AFFAIRE :
Me SELARL F-PECOU – Mandataire liquidateur de Société SOCIETE FRANCAISE D’EDITION ET DE PRESSE
C/
A X
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Septembre 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de Boulogne-Billancourt
N° Section : Encadrement
N° RG : 16/01120
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant fixé au 24 novembre 2021 puis prorogé au 15 décembre 2021 puis prorogé au 19 janvier 2022 puis prorogé au 16 février 2022 les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :
SELARL F-PECOU ès qualités de mandataire liquidateur de Société SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’EDITION ET DE PRESSE
[…]
[…]
Représentée par Me Arnaud DOUMENGE de la SELARL NERVAL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L131 substitué par Me Claire SEIGNÉ, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Monsieur A X
né le […] à […]
[…]
[…]
Représenté par Me François RABION, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1644
INTIMÉ
****************
Association AGS CGEA IDF OUEST
[…]
[…]
non comparante, assignée en intervention forcée et à qui ont été signifiées la déclaration d’appel et les conclusions de M. A X par acte d’huissier du 15 février 2021
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 octobre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,
Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,
FAITS ET PROCÉDURE,
Monsieur A X a été engagé à compter du 7 janvier 2008 par la société dénommée Société des Éditions Nouvelles et Originales (SENO), appartenant au groupe de presse C D, en qualité de rédacteur graphiste coefficient 90 du barème des journalistes de la presse périodique, catégorie B, au sein de la rédaction du magazine Rap, dans le cadre d’un forfait annuel réduit de 107 jours travaillés par an.
Suite à l’arrêt de la publication du magazine Rap, M. X a été reclassé au sein de la société dénommée Société Française d’Edition et de Presse (SFEP), appartenant au même groupe de presse, au poste de rédacteur graphiste au sein des magazines NITRO et 2 CV. M. X a été engagé par celle-ci à compter du 1er juin 2010, avec reprise d’ancienneté à compter du 7 janvier 2008 en qualité de rédacteur graphiste coefficient 90 du barème des journalistes de la presse périodique, catégorie B, au sein de la rédaction du magazine Nitro et au sein de la rédaction du magazine 2CV, dans le cadre d’un forfait annuel réduit de 123 jours travaillés par an. Il a été classé ensuite au coefficient 95, puis à compter du mois de février 2013 au coefficient 110.
Par avenant en date du 1er avril 2014, le forfait annuel réduit du salarié a été porté à 138 jours par an et sa rémunération forfaitairement fixée à 1 769,66 euros sur 13 mois pour 138 jours travaillés par an. Le salarié percevait en dernier un salaire mensuel brut forfaitaire de 1 769,67 euros pour 138 jours travaillés et une prime d’ancienneté d’un montant total de 52,05 euros. Sa rémunération afférente à la période du 1er décembre 2014 au 30 novembre 2015 s’est élevée à 32 041,85 euros.
Le rédacteur en chef du magasine Nitro l’ayant informée de sa décision de prendre sa retraite à compter du 1er mars 2016, la société SFEP a décidé de ne pas le remplacer et de regrouper :
– la rédaction de deux magazines dédiés aux voitures de marques américaines (Nitro et American Muscle Cars), sous la responsabilité de M. Y, rédacteur en chef, au sein du site d’Arès (33),
– la rédaction des magazines dédiés aux voitures populaires (4L Magazine et 2CV Magazine) au sein du site de Saint-Cloud (92), sous la responsabilité de M. Z.
Elle a procédé le 17 septembre 2015 à l’information-consultation du comité d’entreprise sur le projet de réorganisation des rédactions de Nitro, 2CV magazine, 4L magazine et ses incidences sur l’emploi.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 4 décembre 2015, la société SFEP a adressé à M. X une proposition de modification de son contrat de travail consistant à réduire son forfait jours de 138 jours à 96 jours par an à compter du 1er mars 2016, moyennant une rémunération forfaitairement fixée à 1 231,07 euros sur 13, avec un délai de réflexion expirant le 4 janvier 2016, en précisant qu’à défaut de réponse dans ce délai, elle considérera qu’il a refusé sa proposition et en tirera les conséquences qui s’imposent.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 février 2016, la société SNEP a confirmé à M. X, pour faire suite à la proposition de modification de son contrat de travail du 4 décembre 2015 et à leurs échanges, qu’elle envisage la modification de son contrat de travail comme suit : ‘Passage à un forfait jours réduit de 96 jours (au lieu de 138 jours) à compter du 1er mars 2016. Votre rémunération sera portée à 1 231,07 euros sur 13 mois’ et ajouté qu’elle s’engageait à lui proposer les contrats de travail à durée déterminée compatibles avec son emploi du temps afin d’augmenter son forfait réduit contractuel de 96 jours et qu’elle lui proposera plusieurs fois par an le planning prévisionnel des remplacements à effectuer et lui a imparti un délai jusqu’au 29 février 2016 pour accepter sa proposition, en précisant qu’à défaut de réponse dans ce délai, elle considérera qu’il a refusé sa proposition et en tirera les conséquences qui s’imposent.
Par courrier du 28 février 2016, M. X a refusé la proposition de modification de son contrat de travail.
La société SFEP a convoqué M. X par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 21 mars 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui a eu lieu le 31 mars 2016, au cours duquel elle lui a proposé d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, avec un délai de réflexion de 21 jours. Le salarié ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 15 avril 2016, son contrat de travail a pris fin le 21 avril 2016, à l’expiration du délai de réflexion. Il lui a été versé une indemnité de licenciement de 17 761,77 euros.
Par lettre datée du 15 avril 2016 adressée par envoi recommandé avec demande d’avis de réception, la société SFEP a notifié à M. X son licenciement pour motif économique, pour le cas où il n’accepterait pas, dans le délai de réflexion imparti, d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 30 mai 2016 afin de contester son licenciement et d’obtenir le versement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement de départage du 21 septembre 2018, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– dit que le licenciement de M. A X est sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné en conséquence la SFEP à verser à M. A X la somme de 32 041 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– rappelé que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 22 juin 2016, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– condamné la SFEP à payer à M. A X la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la SFEP aux dépens.
L a s o c i é t é S F E P a i n t e r j e t é a p p e l d e c e j u g e m e n t p a r d é c l a r a t i o n a u g r e f f e du 11 décembre 2018.
Par jugement du 20 octobre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société SFEP, a autorisé la poursuite d’activité de l’entreprise jusqu’au 27 novembre 2020 afin d’envisager une cession de l’entreprise et a désigné la Selarl De Bois-F, ès qualités de liquidateur judiciaire, mission conduite par Me E F et la Selarl V&V associés, ès qualités d’administrateur judiciaire, mission conduite par Me Daniel Valdman.
La Selarl De Bois-F est désormais dénommée la Selarl F-Pecou.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 25 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, la Selarl F-Pecou, prise en la personne de Maître E F, intervenant volontairement à l’instance ès qualités de liquidateur judiciaire de la SFEP, demande à la cour :
De la recevoir en sa demande d’intervention volontaire principale ;
D’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit que le licenciement de M. X est sans cause réelle et sérieuse ;
– a condamné la SFEP à verser à M. X la somme de 32 041 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
– débouté la société SFEP de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SFEP au dépens et à payer à M. X la somme de 1 500 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau, de :
– débouter M. X de son appel incident ;
– dire que le courrier de notification du licenciement de M. X était parfaitement motivé, que la société SFEP a satisfait à son obligation d’information sur le motif économique du licenciement au moment de l’acceptation par M. X du contrat de sécurisation professionnelle, que le licenciement pour motif économique de M. X repose sur une cause économique réelle et sérieuse, que la société SFEP a respecté ses obligations en matière de recherches préalables de reclassement et qu’aucun critère d’ordre de licenciement n’avait à être appliqué concernant la procédure de licenciement de M. X ou, à titre subsidiaire, que ceux-ci ont été objectivement appliqués ;
– dire que M. X a bénéficié de sa prime d’ancienneté dans le respect des dispositions conventionnelles ;
– dire que M. X est mal-fondé à revendiquer une indemnité de congés payés ;
– dire que le certificat de travail remis à M. X est conforme à son titre de fonction contractuel ;
– en conséquence, débouter M. X de l’intégralité de ses demandes ;
– le condamner au versement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 03 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, M. X demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuses et à une indemnité au titre des frais irrépétibles ;
L’infirmer en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de rappel de primes d’ancienneté, d’indemnité de congés payés et de remise d’un certificat de travail ;
Statuant à nouveau et y ajoutant, de :
– fixer sa créance sur la société SFEP aux sommes suivantes :
– 32 041 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, subsidiairement, à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions sur l’ordre des licenciements ;
– 1 006,61 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté profession ;
– 5853,79 euros à titre d’indemnité de congés payés ;
– 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner la remise d’un certificat de travail de 1er rédacteur graphiste :
– fixer les dépens au passif de la société SFEP,
– dire l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS CGEA Ile de France Ouest qui devra en garantir le paiement.
L’AGS CGEA Paris Ouest, assignée en intervention forcée par acte du 15 février 2021, n’a pas constitué avocat. Elle a informé la cour par courrier du 16 février 2021 qu’elle ne sera pas représentée à l’instance.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 08 septembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’intervention volontaire de la Selarl F-Pecou
L a s o c i é t é S F E P a i n t e r j e t é a p p e l d u j u g e m e n t e n t r e p r i s p a r d é c l a r a t i o n a u g r e f f e du 11 décembre 2018.
Par jugement du 20 octobre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société SFEP et désigné la Selarl De Bois-F, désormais dénommée la Selarl F-Pecou, ès qualités de liquidateur judiciaire, mission conduite par Me E F.
Il convient dès lors de recevoir cette dernière en son intervention volontaire à l’instance.
Sur la prime d’ancienneté
L’article 23 de la convention collective nationale des journalistes dispose que les barèmes minima des traitements se trouvent majorés d’une prime d’ancienneté calculée de la façon suivante :
Ancienneté dans la profession en qualité de journaliste professionnel :
6 p. 100 pour dix années d’exercice …
Ancienneté dans l’entreprise en qualité de journaliste professionnel :
2 p. 100 pour cinq années d’exercice
4 p. 100 pour dix années d’exercice …
M. X qui a perçu, selon ses bulletins de paie, pour la période de janvier 2013 à décembre 2015 une prime d’ancienneté calculée sur la base de 2% du minimum conventionnel au titre de son ancienneté dans l’entreprise, mais n’a perçu qu’à compter de janvier 2016 une prime d’ancienneté calculée sur la base de 3% du minimum conventionnel au titre de son ancienneté dans la profession, revendique un rappel de prime d’ancienneté de 1 006,61 euros, calculé sur la base de 3% du minimum conventionnel au titre de son ancienneté dans la profession de février 2013 à décembre 2015.
La société SFEP fait valoir que l’ancienneté de M. X en qualité de journaliste professionnel dans la profession se décompte à compter du 1er janvier 2011, date de la délivrance de sa carte de journaliste professionnel.
Aux termes de l’article L. 7111-3 alinéa 1 du code du travail :
‘Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au 1er alinéa.’
Il en résulte que la détention de la carte d’identité professionnelle est sans incidence sur la reconnaissance du statut de journaliste professionnel. L’ancienneté dans la profession ne peut donc dépendre de la délivrance de la carte de journaliste professionnel.
Selon l’article L. 7111-4, sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de l a r é d a c t i o n , r é d a c t e u r s – t r a d u c t e u r s , s t é n o g r a p h e s – r é d a c t e u r s , r é d a c t e u r s – r é v i s e u r s , reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle.
Cette liste n’est pas limitative.
Les fonctions de rédacteur graphiste exercées par M. X, qui consistaient à concevoir et à réaliser la mise en page des magazines Nitro et 2CV au sein de l’entreprise de presse SFEP, en lien étroit avec leur rédacteur en chef, étaient celles d’un collaborateur direct de la rédaction et il n’est pas contesté que l’intéressé tirait de son activité, exercée à titre d’occupation principale et régulière, l’essentiel de ses ressources. Il avait en conséquence depuis le 7 janvier 2008 la qualité de journaliste professionnel.
Le salarié, qui comptait 5 ans d’exercice dans la profession en qualité de journaliste professionnel à la date du 7 janvier 2013, est donc bien fondé à prétendre pour la période de février 2013 à décembre 2015. au paiement des 3% du minimum conventionnel au titre de la part de la prime d’ancienneté correspondant à l’ancienneté dans la profession. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et d’allouer à M. X la somme de 1 006,61 euros qu’il revendique au titre de la prime d’ancienneté.
Sur le licenciement
La rupture du contrat de travail résultant de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L’employeur est en conséquence tenu d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat de travail dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu’il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation, peu importants les écrits adressés lors de la procédure spécifique de modification du contrat de travail.
La société SFEP, qui ne justifie ni de la date d’envoi ni de la date de présentation de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant à M. X son licenciement, n’établit pas qu’au moment où celui-ci a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle et lui a remis son bulletin d’adhésion, soit le 15 avril 2015, elle avait satisfait à l’obligation légale de l’informer du motif économique de la rupture.
En l’absence de tout écrit énonçant la cause économique de la rupture remis ou adressé à M. X au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Au moment de la rupture de son contrat de travail, M. X avait au moins deux années d’ancienneté et la société SFEP employait habituellement au moins onze salariés. En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, M. X peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu’il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.
En raison de l’âge du salarié au moment de son licenciement, 39 ans, de son ancienneté de 8 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée et de son aptitude à retrouver un emploi, il convient d’infirmer le jugement entrepris et d’allouer M. X, en réparation du préjudice matériel et moral qu’il a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi, la somme de 25 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnité de congés payés
Il est constant que l’accord d’entreprise prévoit la conclusion d’une convention de forfait en jours dans la limite de 211 jours travaillés par an avec un nombre de jours de RTT de 15 jours par an.
L’avenant au contrat de travail de M. X à effet au 1er avril 2014 stipule que le salarié percevra une rémunération mensuelle brute de 1 769,66 euros sur treize mois pour 138 jours travaillés par an et qu’il bénéficiera de 18 jours ouvrés de congés payés à prendre obligatoirement en dehors des 138 jours de fabrication.
La conclusion d’un forfait en jours réduit est sans incidence sur le nombre de jours de congés payés auquel le salarié a droit. Il s’ensuit que les congés payés stipulés dans cet avenant étaient incomplets au regard des 2,5 jours ouvrables de congés payés auxquels M. X avait droit en application du code du travail.
Le salarié ne pouvant pas renoncer au bénéfice d’un droit qu’il tient de dispositions d’ordre public avant que ce droit ne soit né, ne peut pas renoncer dans le contrat de travail à ses droits en matière de congés payés. M. X est en conséquence bien fondé à prétendre aux 30 jours ouvrables de congés payés par année complète qu’il revendique.
Eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.
La société SFEP ne produit ni le décompte des jours travaillés par M. X, ni aucun document faisant apparaître les journées travaillées par celui-ci et les jours non travaillés au titre du forfait jour réduit ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels, jours de repos permettant de respecter le nombre de journées travaillées).
La société SFEP, qui n’a versé aucune indemnité compensatrice de congés payés au salarié à son départ de l’entreprise, ne justifie ni de ce que l’intéressé a pris les 30 jours de congés payés qu’il avait acquis en application des dispositions légales au titre de la période de référence 2014/2015, ni de ce qu’elle l’avait mis en mesure de les prendre. Elle ne justifie ni du nombre de jours travaillés par M. X du 1er juin 2015 au 21 avril 2016, ni de la prise par celui-ci, par anticipation, des 27 jours de congés payés en cours d’acquisition au titre de l’année de référence 2015/2016.
Pour les congés payés de l’année n, soit les congés payés acquis du 1er juin 2015 au 21 avril 2016, si les bulletins de paie de M. X mentionnent l’acquisition de 2,08 jours ouvrés par mois, ils ne mentionnent aucun jour de congés payés pris. Le salarié, dont le contrat de travail a été rompu avant qu’il puisse les prendre, est bien fondé à prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés calculée sur la base de 27 jours ouvrables.
Pour les congés payés de l’année n-1, soit les congés payés acquis du 1er juin 2014 au 31 mai 2015, les bulletins de paie de M. X du mois de juin 2015 au mois d’octobre 2015 mentionnent 32 jours ouvrés acquis et non pris, les 7 jours ouvrés de congés payés pris par le salarié au mois de juillet 2014 étant des congés payés acquis au cours de la période antérieure, soit du 1er juin 2013 au 31 mai 2014, tandis que le bulletin de paie du mois de novembre 2015 mentionne 17 jours ouvrés acquis et non pris, sans mentionner toutefois de jours de congés payés pris. Ces documents établis unilatéralement par l’employeur ne permettent pas à eux seuls d’établir que M. X a effectivement pris partie des 30 jours ouvrables de congés payés acquis au cours de la période du 1er juin 2014 au 31 mai 2015 ou a été mis en mesure de prendre les congés payés acquis au cours de cette période avant la rupture de son contrat de travail. Le salarié est dès lors bien fondé à prétendre au titre de l’année n-1 à une indemnité de congés payés calculée sur la base de 30 jours ouvrables.
M. X sollicite l’allocation de la somme de 5 853,79 euros à titre de rappel d’indemnité de congés payés pour 57 jours ouvrables de congés payés non pris à la date de la rupture de son contrat de travail, sur la base d’une assiette de calcul de 2 670,15 euros qui n’est pas en elle-même discutée par l’appelante.
Il convient au vu des bulletins de paie qu’il produit d’allouer à celui-ci la somme de 5 853,79 euros qu’il revendique à titre d’indemnité de congés payés.
Sur le certificat de travail
M. X, classé par la société SFEP rédacteur graphiste, n’établit pas qu’il exerçait effectivement des fonctions relevant de la classification de premier rédacteur graphiste.
S’il concevait et réalisait la mise en page du magazine Nitro et du magazine 2CV, il n’est établi, ni qu’il avait autorité sur un ou plusieurs rédacteurs graphistes ou supervisait le travail d’un ou plusieurs autres rédacteurs graphistes, ni qu’il réalisait des créations graphiques nécessitant la mise en oeuvre de compétences techniques supérieures à celle d’un rédacteur graphiste.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné à la société SFEP de lui remettre certificat de travail mentionnant la qualification de 1er rédacteur graphiste.
Sur les intérêts
En application des dispositions combinées des articles L. 622-28 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 20 janvier 2020, qui a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société SFEP a arrêté le cours des intérêts légaux.
En conséquence, les créances salariales produiront intérêts au taux légal de la date de réception par la société SFEP de la convocation devant le bureau de conciliation, le 22 juin 2016, jusqu’au jugement précité. La créance d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée par le présent arrêt après l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ne produira pas intérêts.
Sur la garantie de l’AGS
Le présent arrêt sera opposable à l’AGS (CGEAIDF Ouest) dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l’indemnité de procédure.
Cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.
Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SFEP le remboursement à Pôle emploi, partie au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’il a versées le cas échéant à M. X à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de deux mois, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
Il convient de mettre à la charge de la société SFEP, qui succombe à l’instance, les dépens de première instance et d’appel.
Il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné celle-ci à payer à M. X la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et de fixer ladite somme au passif de la liquidation judiciaire.
Il y a lieu de débouter les parties de leurs demandes d’indemnités fondées sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt réputé contradictoire,
DÉCLARE la Selarl F-Pecou, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Société Française d’Edition et de Presse, mission conduite par Me E F, recevable en son intervention volontaire, INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 21 septembre 2018 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
FIXE les créances de M. A X au passif de la liquidation judiciaire de la société dénommée Société Française d’Edition et de Presse comme suit :
– 1 006,61 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté pour la période de février 2013 à décembre 2015,
– 25 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5 853,79 euros à titre de solde d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’il a exposés en première instance,
DIT que les créances salariales produiront intérêts au taux légal du 22 juin 2016 jusqu’au 19 octobre 2020,
DIT que la créance d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée par le présent arrêt ne produira pas intérêts,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société dénommée Société Française d’Edition et de Presse le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage qu’il a versées le cas échéant à M. A X à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de deux mois, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail,
MET les dépens de première instance à la charge de la Selarl F-Pecou, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Société Française d’Edition et de Presse,
CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;
Y ajoutant :
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l’AGS (CGEA IDF Ouest) dans les limites de sa garantie légale, laquelle ne comprend pas l’indemnité de procédure, et dit que cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement ;
DÉBOUTE les parties de leur demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elles ont exposés en cause d’appel ;
MET les dépens d’appel à la charge de la Selarl F-Pecou, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Société Française d’Edition et de Presse.
– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,