Rappel juridique tout bête, le droit de la consommation n’est pas applicable entre consommateurs.
En l’espèce, si l’acheteur (M. [K]) se prévaut des dispositions du code de la consommation pour conclure à l’inopposabilité des conditions générales de vente du site et à sa possibilité d’user d’un droit de rétractation, il y a lieu de rappeler que la vente a été conclue uniquement avec M. [R], personne physique dont rien n’établit la qualité de vendeur professionnel de véhicules.
Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions du code de la consommation dans les relations contractuelles entre M. [K] et M. [R].
Vente parfaite
En l’espèce, si l’acheteur (M. [K]) se prévaut des dispositions du code de la consommation pour conclure à l’inopposabilité des conditions générales de vente du site et à sa possibilité d’user d’un droit de rétractation, il y a lieu de rappeler que la vente a été conclue uniquement avec M. [R], personne physique dont rien n’établit la qualité de vendeur professionnel de véhicules.
Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions du code de la consommation dans les relations contractuelles entre M. [K] et M. [R].
Il en va de même s’agissant du formalisme édicté notamment à l’article 1127-1 du code civil, applicable uniquement aux professionnels et non aux relations entre particuliers.
Ceci observé, l’article 1113 du code civil prévoit que : « Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.
Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur ».
L’article 1117 précise en son alinéa 1er que « L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable ».
En matière de vente, l’article 1583 du même code prévoit que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
Opposabilité des CGV
M. [K] oppose ne pas avoir eu connaissance des conditions générales d’utilisation et de vente du site de la société Philéas et avoir voulu simplement effectué un « test » en postant une enchère pour déterminer le prix de réserve fixé par M. [R], sans réellement comprendre la portée de son engagement.
Les demandeurs versent aux débats des captures d’écran du site internet , non contestées en défense, dont il ressort notamment que préalablement à la transmission de toute enchère par un membre inscrit sur la plateforme, un message de confirmation s’affiche, rappelant à l’enchérisseur les termes de son offre, le fait que « toute enchère portée est un engagement contractuel auquel vous ne pourrez vous soustraire » et contenant un hyperlien vers la page des conditions générales du site, stockées sur une autre page, avec la nécessité d’une acceptation par un « clic » de celles-ci avant validation définitive de l’offre.
Information parfaite de l’acheteur
M. [K] ne remet en cause ni son inscription sur le site, ni les conditions de l’enchère formulée par ses soins le 8 juillet 2020 à 00h23. Ces éléments suffisent alors à établir qu’au moment de valider son enchère, il avait été pleinement informé de ce que cette dernière constituait bien une offre susceptible de l’engager à l’égard de M. [R].
Il ne peut pas en toute hypothèse sérieusement affirmer qu’en postant une offre pour un montant de 50.000 euros sur un site de ventes en ligne, il ignorait la possibilité que proposer un tel prix d’achat pouvait l’engager dans une vente parfaite au sens de l’article 1583 susvisé.
Pour les mêmes motifs, son prétendu statut « inactif » sur le site au moment de poster son offre, outre qu’il ne résulte d’aucune pièce mise aux débats, est indifférent à priver celle-ci de tout effet.
Acceptation de l’offre première et seconde
L’article 8.1 des conditions générales prévoit alors que « si au terme de la vente, la meilleure enchère n’atteint pas le prix de réserve, leBolide prendra immédiatement contact avec le Vendeur qui disposera d’un délai de deux heures pour accepter ou rejeter cette enchère ».
Les enchères pour le véhicule de M. [R] se terminaient le 9 juillet 2020 à 11 heures 30. M. [K] a été informé par courriel du 9 juillet 2020 à 12 heures 27 de l’acceptation de son offre de 50.000 euros, la plus haute postée, par M. [R]. Le délai fixé par les conditions générales, accordant au vendeur deux heures à l’issue des enchères pour accepter une offre inférieure à son prix de réserve, a ainsi été respecté par M. [R].
Pour conclure à l’absence de compréhension que son offre resterait valide après la fin des enchères, M. [K] invoque un message laissé avant son enchère par le gérant de la société Philéas sous l’annonce, précisant que le vendeur « dispose aussi de quelques heures après la fin des enchères pour accepter la meilleure offre – ou pas ». Néanmoins et au contraire de ce qu’il soutient, ce message l’éclairait de manière précise sur le fait que son offre de 50.000 euros, meilleure que les précédentes, allait demeurer valable après la fin des enchères car soumise pour une éventuelle acceptation par le vendeur.
En outre, il y a lieu d’observer qu’à réception du mail l’informant de cette acceptation, M. [K] n’a nullement contesté la validité de son offre et partant, la conclusion d’une vente, se bornant à solliciter un justificatif de la situation administrative du véhicule en Angleterre.
Il s’infère de l’ensemble de ces éléments et considérations, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur l’opposabilité des conditions générales de la plateforme à M. [K] dans ses relations avec M. [R], que le défendeur avait pleinement compris la portée tant de son enchère postée le 8 juillet 2020 que de l’acceptation de cette dernière par M. [R] dès le lendemain, à l’issue du délai fixé pour les enchères.
En conséquence, il y a lieu de retenir une rencontre des volontés entre M. [R] et M. [K] et partant, la formation d’un contrat de vente du véhicule « Caterham Super Seven 620R » par le premier au bénéfice du second au prix de 50.000 euros.
1. Assurez-vous de bien comprendre les conditions générales de vente avant de conclure un contrat, en particulier si vous êtes un consommateur. Si les informations fournies ne sont pas claires ou compréhensibles, vous pourriez être en mesure de contester la validité du contrat.
2. Vérifiez la loi applicable au contrat que vous concluez, en particulier s’il y a un élément d’extranéité du litige. Si les parties n’ont pas choisi de loi spécifique, la loi du pays où réside habituellement le vendeur peut s’appliquer.
3. En cas de litige, n’hésitez pas à demander des dommages et intérêts si vous avez subi un préjudice en raison de l’inexécution d’un contrat. Assurez-vous de bien documenter votre demande et de prouver le lien de causalité entre le préjudice subi et l’inexécution du contrat.
Réglementation applicable
– Article 4 du code de procédure civile
– Article L. 321-3 du code de commerce
– Article 1127-2 du code civil
– Article 1113 du code civil
– Article 1117 du code civil
– Article 1583 du code civil
– Article 1130 du code civil
– Article 1132 du code civil
– Article 1135 du code civil
– Article 1217 du code civil
– Article 1227 du code civil
– Article 1228 du code civil
– Article 1231-1 du code civil
– Article L. 221-1 du code de la consommation
– Article L. 221-5 du code de la consommation
– Article L. 221-7 du code de la consommation
– Article L. 221-11 du code de la consommation
– Article L. 221-13 du code de la consommation
– Article 1240 du code civil
– Article 700 du code de procédure civile
– Articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile
Avocats
– Me Laurent DOLFI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0011
– Me Jules GOMEZ-BOURRILLON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0074
Mots clefs
– Motifs
– Demande
– Juger
– Prétentions
– Conséquences juridiques
– Moyens
– Parties
– Vente
– Contrat
– Loi applicable
– Intervenants
– Validité
– Qualification
– Nature de l’intervention
– Société Philéas
– Vente aux enchères publiques
– Contrat de gré à gré
– Droit interne
– Conditions générales d’utilisation
– Vendeurs
– Acheteurs
– Offres de vente
– Enchères
– Prix de réserve
– Confirmation
– Responsabilité
– Contrat de vente
– Consentement
– Formation du contrat
– Code de la consommation
– Code civil
– Offre
– Acceptation
– Rencontre des volontés
– Erreur
– Consentement
– Nullité du contrat
– Vente volontaire aux enchères publiques
– Résolution du contrat
– Dommages et intérêts
– Paiement
– Société Philéas
– Contrats de consommation
– Support durable
– Obligations d’information
– Confirmation du contrat
– Formulaire de rétractation
– Dommages-intérêts
– Garantie
– Préjudice moral
– Dépens
– Frais irrépétibles
– Exécution provisoire
Définitions juridiques
Les mots clés sont les suivants : Motifs, Demande, Juger, Prétentions, Conséquences juridiques, Moyens, Parties, Vente, Contrat, Loi applicable, Intervenants, Validité, Qualification, Nature de l’intervention, Société Philéas, Vente aux enchères publiques, Contrat de gré à gré, Droit interne, Conditions générales d’utilisation, Vendeurs, Acheteurs, Offres de vente, Enchères, Prix de réserve, Confirmation, Responsabilité, Contrat de vente, Consentement, Formation du contrat, Code de la consommation, Code civil, Offre, Acceptation, Rencontre des volontés, Erreur, Nullité du contrat, Vente volontaire aux enchères publiques, Résolution du contrat, Dommages et intérêts, Paiement, Support durable, Obligations d’information, Confirmation du contrat, Formulaire de rétractation, Dommages-intérêts, Garantie, Préjudice moral, Dépens, Frais irrépétibles, Exécution provisoire.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/02124
N° Portalis 352J-W-B7F-CTZMP
N° MINUTE :
Assignation du :
10 Février 2021
JUGEMENT
rendu le 27 Février 2024
DEMANDEURS
S.A.R.L. PHILEAS
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Laurent DOLFI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0011
Monsieur [O] [R]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Laurent DOLFI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0011
DÉFENDEUR
Monsieur [X] [K]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Jules GOMEZ-BOURRILLON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0074
Décision du 27 Février 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/02124 – N° Portalis 352J-W-B7F-CTZMP
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
Pierre CHAFFENET, Juge
assistés de Nadia SHAKI, Greffier,
DÉBATS
A l’audience du 12 Décembre 2023 tenue en audience publique devant Monsieur CHAFFENET, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 2 juillet 2020, M. [O] [R] a mis en vente selon un système d’enchères, par l’intermédiaire de la plate-forme éditée par la SARL de droit monégasque Philéas, un véhicule automobile référencé « Caterham Super Seven 620R », avec un prix de réserve fixé à 55.000 euros.
Au cours des enchères ouvertes jusqu’au 9 juillet 2020 à 11 heures 30, M. [X] [K], inscrit sur cette même plate-forme sous le pseudonyme “Getitnow”, a transmis une enchère pour un montant de 50.000 euros le 8 juillet 2020 à 00 heures 23.
Le prix de réserve n’ayant pas été atteint à l’issue des enchères, M. [R] a indiqué le jour-même à la plate-forme son acceptation de l’enchère la plus proche de ce prix, formulée par M. [K]. Le même jour à 12 heures 27, la société Philéas a fait part à M. [K] de cette acceptation.
A l’issue de plusieurs courriels échangés entre les parties, une contestation est alors née quant à l’homologation du véhicule vendu et à sa possibilité en conséquence d’être immatriculé en France.
Par courrier en date du 29 juillet 2020, M. [R] a sollicité de M. [K] le paiement de la somme correspondant à son enchère, invoquant le caractère parfait de la vente. Par réponse adressée le 26 août 2020, M. [K] a contesté être redevable d’une quelconque obligation en raison de cette même enchère, faute d’avoir été correctement informé de la portée de son engagement, des caractéristiques réelles du véhicule et du mécanisme de la vente aux enchères.
Par actes d’huissier de justice en date du 10 février 2021, M. [R] et la société Philéas ont alors fait assigner M. [K] devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par dernières écritures régularisées par la voie électronique le 30 mai 2022, la société Philéas et M. [R] demandent au tribunal de :
“Vu les dispositions des articles 1224 et 1240 du Code civil,
Vu les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces,
(…)
– PRONONCER la résolution de la vente du véhicule « Caterham Super Seven 620R » par Monsieur [O] [R] à Monsieur [X] [K], intervenue le 9 juillet 2020 ;
– CONDAMNER Monsieur [X] [K] à payer à Monsieur [O] [R] la somme de 20.000 euros au titre de dommages-intérêts ;
– CONDAMNER Monsieur [X] [K] à payer à la société Philéas la somme de 2.500 euros au titre de sa commission, assortie des intérêts légaux à compter du 9 juillet 2020 ;
– CONDAMNER Monsieur [X] [K] à payer à Monsieur [O] [R] la somme de 5.000 euros et à la société Philéas la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER Monsieur [X] [K] aux entiers dépens d’instance ;
– DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir”.
Ils soutiennent en substance que M. [K] ne pouvait ignorer les conséquences de l’enchère qu’il a postée, ayant accepté, au moment de son inscription sur celle-ci, les conditions générales d’utilisation et de vente de la plateforme. Ils soulignent en outre que M. [K] est connaisseur du marché de l’automobile au regard des commentaires publiés par ce dernier sous l’annonce en cause et ne peut donc se prévaloir d’une erreur de profane.
Ils considèrent en conséquence que cette enchère et son acceptation par M. [R] ont rendu la vente parfaite, peu important l’absence de contrat formel entre eux, et que le refus constant du défendeur de s’acquitter du prix de cette vente justifie sa résolution judiciaire en application de l’article 1224 du code civil.
M. [R], invoquant alors l’impossibilité de procéder à la revente de son bien avant que soit prononcée la résolution judiciaire du contrat passé avec M. [K], sollicite une indemnité au titre de la perte de chance ayant résulté de ces circonstances et qu’il estime à la somme de 20.000 euros.
La société Philéas, invoquant la validité et l’opposabilité de ses conditions générales d’utilisation et de vente, sollicite pour sa part le paiement de la commission due par l’acquéreur en raison de la conclusion de la vente.
En réponse aux moyens invoqués par le défendeur pour conclure à la nullité de la vente et tirés du droit monégasque, ils font valoir que M. [K] ne rapporte pas la preuve lui incombant de l’application de ce droit au présent litige. La société Philéas soutient encore que son activité ne relève pas de la législation – française comme monégasque – applicable aux sociétés de ventes aux enchères publiques, n’ayant qu’un rôle de mise en relation entre les utilisateurs de sa plate-forme, qu’elle est ainsi tierce aux ventes conclues sur son site et qu’elle n’a dès lors aucune obligation au titre de celle conclue entre M. [R] et M. [K].
M. [R] et la société Philéas exposent également que les conditions générales de vente sont opposables à M. [K] qui en a été informé et les a acceptées au moment de la création de son profil sur la plate-forme, puis de nouveau au moment de confirmer l’envoi de son enchère. Les demandeurs concluent en outre au caractère inopérant des dispositions du code de la consommation invoquées en défense, soulignant que la vente a été uniquement conclue avec M. [R], non professionnel. Ils opposent par ailleurs au défendeur sa parfaite connaissance et la clarté des termes de l’annonce postée par M. [R], celle-ci et les commentaires s’y rapportant faisant explicitement mention de l’absence d’homologation et d’immatriculation du véhicule mis en vente.
La société Philéas souligne enfin que les conditions générales de sa plate-forme stipulent clairement que l’ensemble des frais et des taxes afférents à la vente sont à la charge de l’acquéreur. Elle en déduit que M. [K] ne peut, sauf mauvaise foi, invoquer une quelconque dissimulation ou erreur de sa part sur ces questions.
Par dernières écritures régularisées par la voie électronique le 28 Mars 2022, M. [K] demande au tribunal de :
“Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,
Vu les articles 1130, 1240, 696 et 700 et suivants du code civil,
Vu les articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation
Vu les articles L. 321-1 et suivants du code de commerce
Vu la loi n°2000-642 du 10 juillet 2000
Vu la loi de la Principauté de [Localité 6] n°1.383 du 02/08/2011 pour une Principauté numérique
Vu loi de la Principauté de [Localité 6] n°1.01 4 du 29 décembre 1978 concernant les ventes publiques de meubles
Vu l’ordonnance souveraine de la Principauté de [Localité 6] n°6. 702 du 7 décembre 2017 portant application de l ‘article 10 de la loi n°1.383 du 2 août 2011 sur l’Economie Numérique dispose pour sa part
Vu l’ensemble des pièces versées aux débats,
RECEVOIR Monsieur [K] en ses conclusions et l’en déclarer bien fondé,
A titre principal :
ANNULER la vente aux enchères de la CATERHAM Super Seven 620R organisée par la Société Philéas
Et en conséquence :
DEBOUTER la Société Philéas et Monsieur [R] de l’ensemble de leurs demandes
A titre subsidiaire :
JUGER qu’aucun contrat de vente ne s’est formé entre Monsieur [K] et Monsieur [R] ;
Et en conséquence :
DEBOUTER la Société Philéas et Monsieur [R] de l’ensemble de leurs demandes
A titre doublement subsidiaire :
ANNULER le contrat de vente de la CATERHAM 620R pour erreur et réticence dolosive
Et en conséquence :
DEBOUTER la Société Philéas et Monsieur [R] de l’ensemble de leurs demandes
A titre triplement subsidiaire :
JUGER que Monsieur [R] ne démontre pas de préjudice
Et en conséquence :
DEBOUTER la Société Philéas et Monsieur [R] de l’ensemble de leurs demandes
A titre infiniment subsidiaire :
DEBOUTER Monsieur [R] de sa demande au titre de la perte de chance
Et en conséquence :
DEBOUTER la Société Philéas et Monsieur [R] de l’ensemble de leurs demandes
Et en tout état de cause :
CONDAMNER la Société Philéas à garantir Monsieur [K] des éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre au bénéfice de Monsieur [R]
CONDAMNER la Société Philéas à verser à Monsieur [K] la somme de 20.000 € au titre de son préjudice moral
CONDAMNER la Société Philéas à verser à Monsieur [K] la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNER la Société Philéas aux entiers dépens”.
Soulignant que la société demanderesse, de droit monégasque, prévoit explicitement l’application de ce droit à ses relations avec les utilisateurs de sa plate-forme, il conclut à la nullité de la vente dès lors que celle-ci n’a pas respecté l’obligation d’annonce préalable applicable en matière de vente aux enchères publiques. Il répond, sur le fondement du droit français invoqué en demande, que la vente est également nulle au regard des dispositions de ce droit, la société Philéas ne justifiant ni du titre ni des qualifications requises pour opérer de telles ventes, alors qu’elle intervient de façon active dans celles-ci en rédigeant les annonces au moyen des informations remises par les vendeurs potentiels et en départageant les offres concurrentes ou concomitantes.
M. [K] conteste ensuite toute formalisation d’un contrat entre lui et M. [R] en l’absence de rencontre de leurs volontés conforme au droit français ou monégasque. A cet effet, il conclut tout d’abord à l’inopposabilité à son encontre des conditions générales de vente de la société Philéas dès lors que celles-ci ne lui ont pas été transmises d’une manière permettant leur conservation et leur reproduction sur un support durable et que ces conditions sont très difficilement lisibles et compréhensibles pour un simple consommateur.
Il fait alors valoir, au visa du droit monégasque, qu’il a exercé le droit de rétractation offert à tout consommateur par son courrier du 9 juillet 2020 et, au visa du droit français, que son enchère, publiée à titre de simple test pour connaître le prix de réserve de M. [R], n’a jamais exprimé une volonté non équivoque de sa part de s’engager dans l’acquisition du véhicule proposé. En cas d’application des conditions générales de vente de la société Philéas, il soutient encore que cette dernière n’établit pas l’acceptation par le vendeur de son offre dans le délai prévu de 2 heures, qu’il décompte à partir de la publication de son enchère, pour en déduire qu’aucune validation de son enchère n’est intervenue le liant à M. [R].
A titre subsidiaire et pour des moyens similaires, M. [K] fait valoir que son consentement a été vicié, soulignant qu’il ne pensait pas pouvoir publier une enchère valable, son compte étant sous un statut inactif, et qu’il n’a pas été correctement informé de la portée de son engagement. Il invoque en outre l’imprécision des termes employés au sein de l’annonce, qui lui ont fait accroire que le véhicule avait déjà été immatriculé au Royaume-Uni, ce qui n’était pas le cas, et qu’il n’a pas été alerté par le vendeur des coûts conséquents liés à la TVA applicable et aux frais d’immatriculation et d’importation du véhicule.
A titre infiniment subsidiaire, il conteste enfin tout préjudice subi par M. [R] au regard des circonstances entourant leur litige.
A titre reconventionnel, il estime que la société Philéas doit le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, ayant gravement violé son obligation d’information en ne lui indiquant pas de manière claire, compréhensible et non-équivoque la portée réelle de son engagement, les caractéristiques du véhicule, les difficultés qui auraient trait à son immatriculation et le mécanise précis de son système de vente aux enchères. Il estime avoir en outre subi un préjudice moral qu’il évalue à la somme de 20.000 euros.
La clôture a été ordonnée le 30 août 2022, l’affaire plaidée lors de l’audience du 12 décembre 2023 et mise en délibéré au 27 février 2024.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir “juger” ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Il ne sera donc pas statué sur ces “demandes” qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
Sur les demandes de M. [R] au titre de la vente conclue avec M. [K]
Sur la loi applicable au contrat
Compte tenu de l’intervention dans la vente objet du litige de la société de droit monégasque Philéas, il existe un élément d’extranéité du litige qui impose que soit vérifiée la loi applicable au litige, cette question faisant d’ailleurs l’objet de débats entre les parties au regard de la validité du contrat.
Cette validité dépend de la loi applicable et, à suivre les moyens développés par M. [K], celle-ci dépend elle-même de la qualification du contrat en cause : contrat de gré à gré ou contrat de vente publique aux enchères.
Il en résulte une double conséquence pour le tribunal, lequel doit :
– d’une part, déterminer la nature de l’intervention de la société Philéas, cette question ayant une incidence préalable sur la qualification du contrat,
– d’autre part, cette question résolue, déterminer alors la qualification et partant, la loi applicable, au contrat conclu entre MM. [R] et [K].
Sur la nature de l’intervention de la société Philéas à la vente
Selon M. [K], l’intervention de la société Philéas via sa plate-forme permet de qualifier son activité de vente aux enchères publiques, ce que conteste la société demanderesse.
Pour déterminer cette qualification, il est constant que le tribunal doit faire application des règles issues de son droit interne, dès lors que cette opération de qualification est préalable à la détermination de la loi applicable et partant, à son éventuelle application au litige dont il est saisi.
A cet égard, l’article L. 321-3 du code de commerce dispose en ses deux premiers alinéas que : « Le fait de proposer, en agissant comme mandataire du propriétaire, un bien aux enchères publiques à distance par voie électronique pour l’adjuger au mieux-disant des enchérisseurs constitue une vente aux enchères par voie électronique, soumise aux dispositions du présent chapitre. La seule circonstance qu’une confirmation, conforme aux dispositions de l’article 1127-2 du code civil, soit exigée est sans incidence sur la qualification de la vente.
Les opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique se caractérisant par l’absence d’adjudication au mieux-disant des enchérisseurs et d’intervention d’un tiers dans la description du bien et la conclusion de la vente ne constituent pas des ventes aux enchères publiques au sens du présent chapitre ».
Or, il ressort de manière claire de l’article 2.2 des conditions générales d’utilisation de la société Philéas, produites en intégralité par cette dernière, que : « Philéas SARL ne détient aucun bien mis en vente ou vendu sur son Site et n’intervient en aucune façon dans la transaction entre les Vendeurs et les Acheteurs. Le contrat de vente est conclu exclusivement et directement entre le Vendeur et l’Acheteur. Philéas SARL n’est pas une société de vente aux enchères publiques, ni un courtier ni un concessionnaire automobile ». L’article 5.4, relatif aux comportements à adopter sur le site, rappelle que la société « ne prend part à aucun contrat de vente d’un Lot entre un Acheteur et un Vendeur. Les membres sont seuls responsables de leurs interactions (…) ».
L’article 6, définissant les obligations des vendeurs, prévoit encore que les vendeurs « conservent la propriété de tous les droits attachés au Contenu qu’ils fournissent » et en acceptent dès lors la seule responsabilité (article 6.3), la société Philéas se réservant uniquement le droit de valider, d’exploiter et d’adapter le contenu ainsi transmis par les annonceurs et vendeurs.
L’article 8 « Les offres de vente au format « Enchères » » stipule que « les vendeurs peuvent, lors de l’offre de vente d’un Lot, proposer un prix de réserve en dessous duquel le Lot ne sera pas vendu », les suites de cet article prévoyant alors une prise de contact avec le vendeur en cas d’enchère n’ayant pas atteint le prix de réserve fixé qui peut alors « accepter ou rejeter cette enchère ».
Si M. [K] souligne que la société Philéas indique par ailleurs sur son site qu’elle « s’occupe de tout (préparation de l’annonce, marketing, mise en ligne avec enchères ouvertes pendant 10 jours, validation des acheteurs) » (pièce 5), il ne résulte néanmoins pas de ces seules précisions que les activités de la société Philéas dépasseraient celles d’une assistance des vendeurs dans la mise en ligne d’annonces et d’une mise en relation de ces derniers avec des acheteurs, par le biais d’une procédure pour parvenir à la vente sans pour autant la conclure. Son rôle reste ainsi celui d’un simple courtier ne disposant d’aucun mandat particulier afin de conclure au nom et pour le compte des annonceurs la vente elle-même.
En particulier, en cas de vente avec prix de réserve ainsi que l’avait sollicité M. [R], ce dernier devait, par la suite, procéder à une nouvelle manœuvre pour confirmer son accord, de sorte que le bien mis en vente n’était pas nécessairement adjugé à l’issue des enchères sauf décision particulière revenant au seul vendeur et non à la société Philéas.
De ces considérations et des stipulations ci-avant rappelées des conditions générales d’utilisation du site, il se déduit que l’annonceur demeure seul responsable de l’offre qu’il publie et que la société Philéas reste ainsi tierce au contrat conclu entre le vendeur et l’éventuel acquéreur, peu important sa participation à celle-ci en qualité d’intermédiaire.
Son activité ne s’assimile dès lors pas à celle d’une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques par la voie électronique.
Sur la qualification et la loi applicable
Pour les motifs ainsi adoptés, la vente conclue le 9 juillet 2020 ne constitue pas une vente volontaire aux enchères publiques par la voie électronique. En l’absence de plus amples développements des parties sur la qualification de cet acte, il y a lieu de retenir que la vente a été conclue de gré à gré entre M. [R] et M. [K].
Cette convention étant postérieure au 17 décembre 2009, il y a lieu pour déterminer la loi qui la régit de se référer au règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), lequel constitue la règle de droit international s’imposant au juge français.
L’article 3 de ce règlement pose alors le principe suivant : « Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ».
L’article 4 prévoit qu’ « À défaut de choix exercé conformément à l’article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit : a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ».
En l’espèce, lors de la vente, les parties n’ont convenu d’aucune loi spécifique applicable à celle-ci. il n’est alors pas contesté par M. [K] et il ressort des dispositions figurant sur l’en-tête de ses dernières conclusions que le défendeur a sa résidence habituelle en France.
Dès lors, il y a lieu de retenir que le contrat conclu entre M. [R] et M. [K] est soumis au droit français.
Sur la validité de la vente conclue entre M. [R] et M. [K]
M. [K] invoque différents fondements pour remettre en cause la vente dont se prévaut M. [R] :
– l’absence de rencontre de leurs volontés et partant, de formation du contrat,
– la nullité du contrat, tant pour manquement à la régulation en matière de vente volontaire aux enchères publiques qu’en raison d’une erreur ayant affecté son consentement.
Ces moyens seront analysés successivement.
Sur la formation d’un contrat de vente entre MM. [R] et [K]
A titre liminaire, si M. [K] se prévaut des dispositions du code de la consommation pour conclure à l’inopposabilité des conditions générales de vente du site et à sa possibilité d’user d’un droit de rétractation, il y a lieu de rappeler que la vente a été conclue uniquement avec M. [R], personne physique dont rien n’établit la qualité de vendeur professionnel de véhicules.
Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions du code de la consommation dans les relations contractuelles entre M. [K] et M. [R].
Il en va de même s’agissant du formalisme édicté notamment à l’article 1127-1 du code civil, applicable uniquement aux professionnels et non aux relations entre particuliers.
Ceci observé, l’article 1113 du code civil prévoit que : « Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.
Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur ».
L’article 1117 précise en son alinéa 1er que « L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable ».
En matière de vente, l’article 1583 du même code prévoit que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
M. [K] oppose ne pas avoir eu connaissance des conditions générales d’utilisation et de vente du site de la société Philéas et avoir voulu simplement effectué un « test » en postant une enchère pour déterminer le prix de réserve fixé par M. [R], sans réellement comprendre la portée de son engagement.
Les demandeurs versent aux débats des captures d’écran du site internet , non contestées en défense, dont il ressort notamment que préalablement à la transmission de toute enchère par un membre inscrit sur la plateforme, un message de confirmation s’affiche, rappelant à l’enchérisseur les termes de son offre, le fait que « toute enchère portée est un engagement contractuel auquel vous ne pourrez vous soustraire » et contenant un hyperlien vers la page des conditions générales du site, stockées sur une autre page, avec la nécessité d’une acceptation par un « clic » de celles-ci avant validation définitive de l’offre.
M. [K] ne remet en cause ni son inscription sur le site, ni les conditions de l’enchère formulée par ses soins le 8 juillet 2020 à 00h23. Ces éléments suffisent alors à établir qu’au moment de valider son enchère, il avait été pleinement informé de ce que cette dernière constituait bien une offre susceptible de l’engager à l’égard de M. [R].
Il ne peut pas en toute hypothèse sérieusement affirmer qu’en postant une offre pour un montant de 50.000 euros sur un site de ventes en ligne, il ignorait la possibilité que proposer un tel prix d’achat pouvait l’engager dans une vente parfaite au sens de l’article 1583 susvisé.
Pour les mêmes motifs, son prétendu statut « inactif » sur le site au moment de poster son offre, outre qu’il ne résulte d’aucune pièce mise aux débats, est indifférent à priver celle-ci de tout effet.
L’article 8.1 des conditions générales prévoit alors que « si au terme de la vente, la meilleure enchère n’atteint pas le prix de réserve, leBolide prendra immédiatement contact avec le Vendeur qui disposera d’un délai de deux heures pour accepter ou rejeter cette enchère ».
Les enchères pour le véhicule de M. [R] se terminaient le 9 juillet 2020 à 11 heures 30. M. [K] a été informé par courriel du 9 juillet 2020 à 12 heures 27 de l’acceptation de son offre de 50.000 euros, la plus haute postée, par M. [R]. Le délai fixé par les conditions générales, accordant au vendeur deux heures à l’issue des enchères pour accepter une offre inférieure à son prix de réserve, a ainsi été respecté par M. [R].
Pour conclure à l’absence de compréhension que son offre resterait valide après la fin des enchères, M. [K] invoque un message laissé avant son enchère par le gérant de la société Philéas sous l’annonce, précisant que le vendeur « dispose aussi de quelques heures après la fin des enchères pour accepter la meilleure offre – ou pas ». Néanmoins et au contraire de ce qu’il soutient, ce message l’éclairait de manière précise sur le fait que son offre de 50.000 euros, meilleure que les précédentes, allait demeurer valable après la fin des enchères car soumise pour une éventuelle acceptation par le vendeur.
En outre, il y a lieu d’observer qu’à réception du mail l’informant de cette acceptation, M. [K] n’a nullement contesté la validité de son offre et partant, la conclusion d’une vente, se bornant à solliciter un justificatif de la situation administrative du véhicule en Angleterre.
Il s’infère de l’ensemble de ces éléments et considérations, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur l’opposabilité des conditions générales de la plateforme à M. [K] dans ses relations avec M. [R], que le défendeur avait pleinement compris la portée tant de son enchère postée le 8 juillet 2020 que de l’acceptation de cette dernière par M. [R] dès le lendemain, à l’issue du délai fixé pour les enchères.
En conséquence, il y a lieu de retenir une rencontre des volontés entre M. [R] et M. [K] et partant, la formation d’un contrat de vente du véhicule « Caterham Super Seven 620R » par le premier au bénéfice du second au prix de 50.000 euros.
Sur la demande en nullité du contrat
Pour manquement à la régulation en matière de vente volontaire aux enchères publiques
Pour les motifs ci-avant adoptés, la demande en nullité de M. [K] ne peut pas prospérer en raison d’une quelconque infraction aux règles applicables à ce type de vente prévu au titre II, livre II du code de commerce, dès lors que les dites règles ne sont pas applicables à l’activité de la société Philéas et partant, à la convention en cause.
La demande en nullité de M. [K] à ce titre sera en conséquence rejetée.
Pour erreur ayant vicié le consentement
Conformément à l’article 1130 du code civil, « L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ».
L’article 1132 du code civil dispose que : « L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant ».
Enfin, conformément à l’article 1135 du code civil, « L’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement ».
En l’espèce, M. [K] invoque de nouveau une incompréhension quant à la portée de son engagement au moment de poster son enchère, entendant uniquement réaliser un simple test et pensant qu’il lui était impossible de s’engager.
Pour les motifs précédemment retenus au titre de la formation du contrat, il y a lieu d’écarter ces moyens, M. [K] n’ayant pas pu ignorer la portée et les conséquences de l’enchère qu’il a postée.
Par ailleurs, M. [K] se prévaut d’une présentation imprécise des caractéristiques du véhicule dans l’annonce postée par M. [R], lequel n’a donné aucune information quant aux démarches à effectuer pour une éventuelle immatriculation du véhicule en France et quant au coût de celles-ci.
Il résulte des termes de l’annonce, telle que communiquée par M. [R], que le véhicule était ainsi présenté : « La Caterham est ce petit constructeur anglais produisant depuis 1973 la Seven, ayant ainsi pris le relai de [E] [L], le génial créateur de Lotus, qui avait lancé le modèle dès 1957. La Seven est depuis devenue une auto ‘culte’. La version la plus puissante de la gamme est la Super Seven 620R dont celle-ci est l’un des rares exemplaires importés en France. Non-homologuée, la 620R n’est pas immatriculée mais pourrait faire l’objet d’une réception à titre isolé.
Achetée neuve en Angleterre en mars 2016 par le vendeur – ex ingénieur chez Art GP et actuellement (…). La voiture n’a en fait été utilisée qu’à une dizaine de reprises, sur sol sec (elle n’a jamais connu la pluie…) et sur circuit. Le moteur ‘matching numbers’ est à peine rodé ».
Cet historique du véhicule est suivi de précisions quant à son état extérieur et intérieur, ainsi que sur sa mécanique.
M. [R] a ainsi pris le soin de préciser la situation administrative du véhicule et les commentaires laissés sous son annonce ont complété et souligné ces informations, un membre du site précisant : « superbe jouet sur la piste, mais non homologuée, non immatriculée, et utilisation du conditionnel ‘pourrait’ faire l’objet d’une réception à titre isolé. Avec la complexité de l’administration française et du service des cartes grises ; on n’est pas prêt de la croiser sur la route !!! ». Le vendeur, en réplique, confirmait qu’une « RTI [réception à titre isolé] n’est jamais garantie et demande du temps (…). A part la pollution, pas de raison que la 620R ne passe pas une RTI (…) ».
Contrairement à ce que soutient le défendeur, il n’en ressort donc nullement une éventuelle confusion quant au fait que le véhicule, à défaut d’être immatriculé en France, l’aurait été en Angleterre. Cette information ressort alors uniquement de son propre commentaire laissé le 8 juillet 2020 à 00h25, par lequel il affirme que la voiture « n’est réellement immatriculable qu’en Angleterre ».
Outre qu’il apparaît ainsi que M. [K] détient une connaissance certaine de la situation administrative des véhicules de collection tel celui acquis, force est de relever qu’il a entendu de lui-même se persuader de la situation du véhicule en cause, sans poser au vendeur aucune question sur l’étendue et le coût des démarches à accomplir pour permettre l’immatriculation du véhicule en France.
Cette circonstance, qui ne constitue pas une caractéristique essentielle du véhicule objet de la vente mais un simple motif appartenant à M. [K], n’est dès lors pas expressément entré dans le champ contractuel et ne peut pas être une cause de nullité du contrat.
Si le défendeur fait également état d’un coût important non évoqué pour l’importation en France d’un tel véhicule, il ressort néanmoins de l’annonce que le bien se trouve à « [Localité 7], France ». Rien ne démontrant le caractère erroné de cette mention, l’information sollicitée quant au coût d’importation depuis l’Angleterre était donc dénuée de pertinence.
Aucune erreur de nature à vicier le consentement de M. [K] n’étant ainsi caractérisée, il y a lieu de rejeter sa demande de nullité à ce titre.
Sur la demande en résolution du contrat
En vertu de l’article 1217 du code civil, « La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter ».
L’article 1227 du même code prévoit que : « La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice », l’article 1228 ajoutant que : « Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts ».
En l’espèce, il est acquis que M. [K] n’entend nullement prendre possession du véhicule objet de la vente conclue le 9 juillet 2020, ni acquitter le prix convenu de 50.000 euros.
Compte tenu de cette inexécution totale et définitive de ses obligations par l’acquéreur, il y a lieu de prononcer la résolution de la vente à la date du présent jugement.
Sur la demande en dommages et intérêts
Au visa de l’article 1217 précédemment cité du code civil, à la résolution du contrat peut s’ajouter l’allocation de dommages-intérêts.
L’article 1231-1 du code civil dispose à cet égard que : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».
En l’espèce, l’entier refus de M. [K] d’exécuter ses obligations découlant de la vente, alors pourtant qu’il admet être l’auteur d’une offre d’achat à hauteur de 50.000 euros et s’est ainsi pleinement engagé vis-à-vis de M. [R], caractérise un manquement fautif de sa part aux obligations de conclusion et d’exécution de bonne foi des conventions prévues à l’article 1104 du code civil.
Il résulte alors de la page de l’annonce publiée par M. [R] que plusieurs membres du site avaient montré un intérêt pour le véhicule mis en vente, notamment un utilisateur « JB » ayant déposé une offre de 40.000 euros le 4 juillet 2020 à 19 heures 04 ou encore un dénommé « [F] [Z] » pour une offre de 36.000 euros le même jour à 9 heures 49.
De ce fait, le comportement fautif de M. [K] a fait perdre une chance à M. [R] de recevoir et d’accepter l’une de ces offres, toutefois nettement inférieures à son prix de réserve et à l’offre postée par M. [K].
En outre, la vente, valablement formée et faisant donc loi entre les parties, prévenait M. [R] de proposer immédiatement son véhicule pour une nouvelle mise en vente ou, plus généralement, d’en disposer librement, bien qu’il convienne également de rappeler la possibilité pour M. [R] de mettre fin au contrat avant l’issue du présent litige par voie de notification conforme à l’article 1226 du code civil compte tenu de la position adoptée par M. [K].
Au regard de l’ensemble de ces considérations et en l’absence d’autres moyens ou pièces de M. [R] pouvant justifier son préjudice, M. [K] sera condamné à lui payer une indemnité de 5.000 euros à titre de dommages intérêts.
Sur la demande en paiement formée par la société Philéas
Sur la loi applicable
Outre l’article 3 susvisé du règlement dit « Rome I », l’article 6 « Contrats de consommation » de ce règlement dispose que : « 1. Sans préjudice des articles 5 et 7, un contrat conclu par une personne physique (ci-après « le consommateur »), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après « le professionnel »), agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel :
a) exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou
b) par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci, et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.
2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les parties peuvent choisir la loi applicable à un contrat satisfaisant aux conditions du paragraphe 1, conformément à l’article 3. Ce choix ne peut cependant avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base du paragraphe 1 ».
En l’espèce, ainsi que précédemment retenu, l’activité de la société Philéas s’analyse en des prestations d’intermédiation ou courtage en vue de la mise en ligne d’offres de ventes de véhicules pouvant être acceptées à l’issue d’un système d’enchères.
M. [K] n’étant pas un professionnel de la vente de véhicules de collection, il y a lieu de considérer ce dernier, dans son usage du site internet, comme étant un consommateur à l’égard de la société Philéas, professionnelle de ce même domaine.
Compte tenu de l’inscription en qualité de membre de M. [K] sur la plateforme de la société Philéas, les principes posés à l’article 6.1 b) du règlement commanderaient donc de retenir la loi française, pays où M. [K] a sa résidence habituelle et depuis lequel sont accessibles le site et partant, les prestations proposées par la société Philéas.
Toutefois, le second paragraphe de ce même article autorise les parties à déroger à ces principes en cas de choix d’une autre loi. Force est alors de relever que l’article 16.1 des conditions générales de la plate-forme prévoit que celles-ci « sont régies par le droit monégasque ».
En conséquence, il y a lieu de faire application de la loi monégasque, à l’exception, conformément à l’article 6.2 in fine, des dispositions de nature à avoir pour résultat de priver M. [K] de celles plus protectrices adoptées par le législateur français.
Sur le fond de la demande
A titre liminaire, le tribunal relève que dans ses écritures, M. [K] n’oppose aucun moyen direct à la demande de la société Philéas, sa demande de rejet de cette prétention résultant selon lui de l’absence de validité du contrat de vente conclu avec M. [R].
Conformément aux articles 989 et 990 du code civil monégasque, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et obligent dès lors les parties non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.
Si M. [K] se prévaut des articles 1125 et suivants du code civil français relatifs au formalisme des contrats conclus par voie électronique, il ne démontre ni même n’allègue que ces dispositions relèveraient d’une loi de police et supplanteraient donc celles du droit monégasque par application de l’article 6.2 in fine du règlement Rome I. En conséquence, leur application au litige sera écartée.
En revanche, M. [K] se prévaut des articles L. 221-1 à L. 221-29 du code de la consommation français applicables en matière de contrats conclus à distance, reprochant à la société Philéas de lui avoir communiqué des conditions générales difficilement lisibles et peu compréhensibles pour un non-juriste, sous un format non durable, ne permettant pas leur conservation et leur reproduction.
En réponse, la société Philéas ne conteste pas que le contrat formé entre elle et M. [K] constitue un contrat conclu à distance.
Or, conformément à l’article L. 221-29 du code de la consommation, toutes les dispositions applicables à un tel contrat sont d’ordre public.
En l’absence de démonstration par les parties d’une parfaite équivalence de protection accordée en droit monégasque au consommateur, ces dispositions doivent donc prévaloir sur l’application de la loi choisie par les parties, ainsi que l’impose l’article 6.2 in fine du règlement Rome I.
L’article L. 221-11 du code de la consommation dispose alors que : « Lorsque le contrat est conclu à distance, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues à l’article L. 221-5 ou les met à sa disposition par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée ».
L’article L. 221-13 du code de la consommation ajoute que : « Le professionnel fournit au consommateur, sur support durable, dans un délai raisonnable, après la conclusion du contrat et au plus tard au moment de la livraison du bien ou avant le début de l’exécution du service, la confirmation du contrat comprenant toutes les informations prévues à l’article L. 221-5, sauf si le professionnel les lui a déjà fournies, sur un support durable, avant la conclusion du contrat. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du même article.
Le cas échéant, le professionnel fournit au consommateur, dans les mêmes conditions et avant l’expiration du délai de rétractation, la confirmation de son accord exprès pour la fourniture d’un contenu numérique non présenté sur un support matériel et de son renoncement à l’exercice du droit de rétractation ».
En lien avec l’article L. 221-5 ainsi cité par ces différentes dispositions, l’article L. 221-7 du code de la consommation prévoit que : « La charge de la preuve du respect des obligations d’information mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel ».
Sur la notion de « support durable », l’article L. 221-1 précise que celle-ci doit être entendue comme « tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées ».
La société Philéas oppose alors la mise en ligne de ses conditions générales sur une page dédiée de son site internet et leur nécessaire validation par « clic » lors de l’inscription d’un membre et de l’envoi d’une enchère.
Cependant, les moyens ainsi développés ne renseignent le tribunal que sur l’accessibilité et une éventuelle acceptation des conditions générales de la société Philéas, mais sont en revanche inopérants à établir que ces mêmes conditions, qui tiennent lieu de contrat avec M. [K], lui ont été fournies avant ou après son inscription sur un support durable répondant aux exigences du code de la consommation.
En l’absence de plus amples explications sur ce point de la demanderesse, qui supporte la charge de la preuve, il y a lieu de retenir que la société Philéas ne justifie pas du bon accomplissement de son obligation d’information vis-à-vis de M. [K], simple consommateur, quant au contenu du contrat formé, en ce compris la clause 9 de ses conditions prévoyant les frais applicables en cas de vente réussie par son intermédiation.
En conséquence, la demande en paiement de la société Philéas, qui se fonde exclusivement sur cette clause, ne peut pas prospérer et sera rejetée.
Sur les demandes reconventionnelles
Sur la demande en garantie
Conformément à l’article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
En l’espèce et sur ce seul fondement, M. [K] recherche la garantie de la société Philéas pour toute condamnation prononcée à son encontre, lui reprochant l’absence de transmission d’information claire, compréhensible et non équivoque lui permettant de percevoir la portée de son engagement.
Néanmoins et pour les motifs précédemment retenus, M. [K] ne peut se prévaloir d’aucune mésentente quant à la portée de l’enchère adressée à M. [R], ayant été dûment informé de l’engagement qu’il prenait en postant une telle enchère et lui ayant été rappelé la possibilité pour l’acquéreur de l’accepter après la fin des enchères.
En conséquence, sa demande sera rejetée.
Sur la demande pour préjudice moral
Cette demande de M. [K] se fondant sur les mêmes moyens en droit et en fait que celle au titre de la garantie sollicitée à l’égard de la société Philéas, elle ne peut pas davantage prospérer.
En conséquence, cette demande sera également rejetée.
Sur les autres demandes
M. [K], qui succombe à la demande de M. [R], sera condamné aux entiers dépens.
Il convient, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre à sa charge une partie des frais non compris dans les dépens et exposés par M. [R] à l’occasion de la présente instance. Il sera ainsi condamné à lui payer la somme de 4.000 euros à ce titre.
En revanche, compte tenu du rejet de la prétention de la société Philéas, il y a lieu de la débouter de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.
L’exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l’espèce à compter du 1er janvier 2020. Il n’y a pas lieu de l’écarter.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Rejette la demande de M. [X] [K] en nullité de la vente conclue le 9 juillet 2020 avec M. [O] [R], portant sur un véhicule « Caterham Super Seven 620R » et au prix de 50.000 euros,
Prononce la résolution de cette même vente au jour du présent jugement,
Condamne M. [X] [K] à payer à M. [O] [R] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution de ses obligations contractuelles,
Déboute la SARL de droit monégasque Philéas de sa demande en paiement de sa commission sur cette vente,
Déboute M. [X] [K] de ses demandes en garantie et en dommages-intérêts à l’encontre de la SARL de droit monégasque Philéas,
Condamne M. [X] [K] à payer à M. [O] [R] la somme de 4.000 euros au titre de ses frais irrépétibles,
Déboute la SARL de droit monégasque Philéas de sa demande au titre de ses frais irrépétibles,
Condamne M. [X] [K] aux dépens,
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire des parties,
Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire par provision.
Fait et jugé à Paris le 27 Février 2024.
Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE