Un système de vidéo surveillance destiné à la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux d’une entreprise, dès lors qu’il fonctionne en permanence et filme l’intégralité des locaux où le salarié exerce ses fonctions ne doit pas permettre de contrôler et de surveiller de façon permanente l’activité des salariés.
Information obligatoire des salariés
En tout état de cause, l’employeur doit justifier que les salariés concernés ont été informés, préalablement à la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel (caméra de vidéosurveillance), de l’identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d’exercice de ces droits.
Données personnelles et vie privée des salariés
Le défaut d’information des salariés constitue une violation, entre autres, de l’article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, et de l’article 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Préjudice du salarié
Toutefois, pour obtenir une indemnisation, le salarié doit justifier d’un préjudice au titre d’une exécution fautive et déloyale du contrat de travail, notamment au titre des manquements de l’employeur relatifs à la vidéo-surveillance (préjudice non établi en l’espèce).
______________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT DU 24 JUIN 2022
Rôle N° RG 19/01007 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BDUSN
[V] [T]
C/
SARL MARYJE.P
Copie exécutoire délivrée
le :24/06/2022
à :
Me Jérôme FERRARO de la SCP E. SANGUINETTI , J. FERRARO, A. CLERC ET J. AUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Lauriane COUTELIER, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 30 Novembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00705.
APPELANTE
Madame [V] [T], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jérôme FERRARO de la SCP E. SANGUINETTI , J. FERRARO, A. CLERC ET J. AUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL MARYJE.P, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Lauriane COUTELIER, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe SILVAN, Président de Chambre
Monsieur Thierry CABALE, Conseiller
Monsieur Ange FIORITO, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Conseiller et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [V] [R] épouse [T] a été engagée en tant que coiffeuse dans un salon à l’enseigne Jean-Louis David le 15 juillet 1997 puis le fonds de commerce a été cédé à la société Maryje.P avec laquelle elle a signé un avenant le 21 novembre 2009.
Le 3 octobre 2017, notamment afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon qui par jugement du 30 novembre 2018 l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, fins, conclusions, a débouté la société Maryje.P de ses demandes reconventionnelles et a condamné Madame [T] aux entiers dépens.
Le 16 janvier 2019, dans le délai légal, la salariée a relevé appel de ce jugement notifié le 22 décembre 2018.
Par dernières conclusions du 31 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la salariée, depuis licenciée pour inaptitude physique, demande à la cour de :
— la dire recevable et bien fondé en son appel;
— réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
à titre principal,
prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société intimée, laquelle doit produire effet à la date d’envoi de la lettre de licenciement, soit au 4 mai 2019,
à titre subsidiaire,
dire le licenciement notifié en cours de procédure dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause, condamner la société « Maryje. P » au paiement des sommes suivantes :
— rappel de salaire afférent à la reconnaissance de la qualification conventionnelle de « manager confirmé, niveau 3, échelon 2 » : 11884,63 euros,
— incidence congés payés : 1188,46 euros,
— rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires effectuées :
à titre principal, sur la base de la rémunération conventionnelle ‘niveau 3, échelon 2″: 23270,48 euros,
incidence congés payés : 2327,05 euros,
à titre subsidiaire, sur la base de la rémunération effectivement perçue : 19065,71 euros,
incidence congés payés : 1906,57 euros,
— dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail : 2500 euros,
— indemnité compensatrice de préavis :
à titre principal, sur la base de la rémunération conventionnelle sollicitée : 4704,52 euros,
incidence congés payés : 470,45 euros,
à titre subsidiaire, sur la base de la rémunération effectivement perçue : 3964,82 euros,
incidence congés payés : 396,48 euros,
— reliquat d’indemnité légale de licenciement : 1564,30 euros,
— dommages-intérêts pour licenciement abusif ‘(nouvel art. L.1235-3 du C. du trav.)’ :
à titre principal, sur la base de la rémunération conventionnelle ‘niveau 3, échelon 2″ : 37 636,16 euros,
à titre subsidiaire, sur la base de la rémunération effectivement perçue : 31718,56 euros,
— dommages-intérêts pour « travail dissimulé » : 13000 euros,
— indemnité au titre de l’article 700 du ‘ CPPC’ : 2500 euros,
— l’enjoindre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, d’avoir à établir et délivrer les documents suivants : des bulletins de paie rectifiés, avec mention des rappels de salaire et accessoires de salaire judiciairement alloués, une attestation destinée au Pôle Emploi, avec mention des rappels de salaire et accessoires de salaire judiciairement alloués, outre celle du motif de rupture suivant : « résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l’employeur »,
— se réserver expressément, la faculté de liquider l’astreinte éventuellement ordonnée,
— ordonner la fixation des intérêts légaux à compter de la demande en justice, avec capitalisation.
La salariée fait valoir que :
— la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est recevable sauf à fixer sa date à celle du licenciement; elle est justifiée par les manquements qui suivent :
* les bulletins de paie mentionnent une classification erronée et obsolète;
* la dirigeante étant peu présente du fait de la gestion de deux salons, elle a occupé des fonctions de management à compter de l’année 2013 pour lesquelles elle a suivi de la formation et qui ont consisté à encadrer l’équipe, former les apprentis, faire respecter les règles de la franchise, répondre au téléphone, orienter les clients, donner des conseils, procéder aux encaissements, réaliser des analyses mensuelles du nombre de clients, des ventes et/ou du chiffre d’affaires, étant présente de l’ouverture à la fermeture du salon et devant se distinguer des autres employées par une tenue d’une couleur particulière; les attestations qui corroborent ces éléments ne sont pas sérieusement contredits par des témoignages non crédibles; elle doit être classée au niveau 3 échelon 2 de la convention collective nationale de la coiffure en tant que manager confirmé et non pas au coefficient 130, correspondant à un poste de coiffeur confirmé, qui n’existait plus;
* il résulte d’attestations et des horaires du salon, soit de 9 heures à 18 heures, qu’elle a accompli des heures de travail au-delà des 39 heures mentionnées sur ses bulletins de paie, travaillant du lundi au samedi sans pause systématique de 9 heures à 18 heures, plus trente minutes de débordement ou consacrées aux tâches de fin de journée; l’employeur ne justifie pas de ses horaires réels au moyen de plannings partiellement communiqués et signés qui n’étaient que prévisionnels; ses éléments ne sont pas sérieusement combattus par des attestations de clients et de deux salariées d’un autre salon;
* le système de vidéo-surveillance mis en place n’était pas licite ni proportionné eu égard à sa finalité;
* la gérante ou son époux se sont montrés irrespectueux, agressifs et menaçants à son encontre, ce qui a été à l’origine d’un état dépressif qui a motivé des arrêts de travail pour maladie ordinaire à compter du mois de mai 2017;
— à titre subsidiaire, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse puisque son inaptitude résulte du comportement fautif de l’employeur;
— des décomptes sont fournis à l’appui de ses demandes relatives à des rappels de salaire au titre d’une reclassification conventionnelle et d’heures supplémentaires;
— l’intention de l’employeur de dissimuler de l’emploi se déduit de sa connaissance des heures supplémentaires accomplies qu’il s’abstenait volontairement de mentionner sur les bulletins de paie;
— l’exécution fautive et déloyale du contrat découle des mêmes manquements de l’employeur; elle lui ouvre droit à des dommages et intérêts;
— le préavis est de deux mois; l’indemnité compensatrice de préavis lui est due; l’indemnité légale de licenciement doit être calculée selon les modalités entrées en vigueur le 27 septembre 2017; elle a été indemnisée par Pôle Emploi jusqu’en août 2021 puis elle a exercé sa profession en tant qu’auto-entrepreneur; elle réclame une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de seize mois de salaire pour une ancienneté de vingt et un mois.
Le 5 mai 2022, soit après la clôture de l’instruction intervenue le 1er avril 2022, la Sarl Maryje.P a remis, via le Rpva, des conclusions dites ‘récapitulatives’ afin, notamment, de voir ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture.
Par dernières conclusions avant clôture, remise par le Rpva le 11 juillet 2019, la société demande à la cour de :
— dire et juger que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [T] est dépourvue d’objet et la déclarer irrecevable par application de l’article 31 du code de procédure civile en l’état du licenciement de Madame [T] intervenu par courrier du 4 mai 2019;
— débouter Madame [T] de toutes ses fins, demandes et conclusions;
en tout état de cause,
— constater que du fait de son licenciement, Madame [T] a d’ores et déjà perçu toutes les sommes inhérentes à la rupture de son contrat;
— condamner Madame [T] à lui payer la somme de 3000 euros pour procédure abusive et injustifiée outre 3000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’employeur fait valoir que :
— la salariée n’a pas intérêt à demander la résiliation judiciaire d’un contrat déjà rompu;
— il a repris la classification existante lors de la reprise du salon en 2009; c’est son expert comptable qui a établi les fiches de paie; celles-ci ont été rectifiées en portant sa classification au niveau 2 échelon 1 pour correspondre à sa qualification de coiffeur qualifié; la salariée a toujours perçu un salaire supérieur au minima conventionnel correspondant à sa classification réelle; elle ne justifie pas de l’exercice de fonctions, notamment de responsabilité hiérarchique, correspondant à la classification qu’elle invoque; c’est la dirigeante qui manageait le salon; en tout état de cause, elle a perçu un salaire de base supérieur au minima conventionnel correspondant à la classification revendiquée;
— il produit tous les horaires de travail signés semaine par semaine par la salariée pour les années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 ainsi que pour le mois de février 2017; les bulletins de paie ont été établis suivant ces horaires et congés validés; les attestations fournies par la salariée ne sont pas probantes; ses horaires étaient de 9h à 18h avec une pause de 20 minutes dans la matinée, de 45 minutes entre 12h et 14h et de 20 minutes l’après-midi; des attestations corroborent de tels horaires;
— la vidéo-surveillance vise à protéger les salariés et les clients qui en sont informés par affichage;
— aucun élément précis n’est de nature à confirmer le comportement irrespectueux et agressif reproché; des attestations démontrent au contraire les qualités humaines et professionnelles de la gérante;
— la salariée doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes; elle a perçu une indemnité de licenciement.
MOTIFS:
Sur la révocation de l’ordonnance de clôture:
Au soutien de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture formulée non pas par des conclusions de procédure mais par des conclusions récapitulatives prises en application de l’article 954 du code de procédure civile, la société Maryje.P ne développe aucun motif quant à l’existence d’une cause grave survenue depuis l’ordonnance de clôture justifiant sa révocation aux termes de l’article 803 du même code.
Par ailleurs, elle ne demande pas le rejet des dernières conclusions adverses qu’elle pourrait estimer tardives, alors que le seul fait que ces conclusions aient été notifiées la veille de la clôture ne constitue pas en lui-même une cause grave.
Cette demande de révocation de l’ordonnance de clôture sera donc en voie de rejet.
Sur la reclassification conventionnelle:
La salariée, qui revendique l’occupation d’un emploi de manager confirmé relevant du niveau 3 échelon 2 prévu par la nouvelle classification instaurée par l’avenant n° 23 du 16 avril 2012 à la convention collective nationale de la coiffure et des professions connexes du 10 juillet 2006, ne justifie pas avoir exercé un ensemble de tâches ni avoir assumé des responsabilités permettant de lui reconnaître une telle classification. La salariée ne démontre pas, notamment, avoir structuré des ressources humaines et matérielles, analysé, synthétisé et rédigé les rapports d’activité, élaboré une fiche de poste de travail et participé au recrutement de salariés, organisé et préparé le planning de formation de salariés placés sous ses ordres, ou un planning d’activité soumis à son supérieur hiérarchique, élaboré le plan d’action commerciale, optimisé la gestion des stocks et en avoir assuré la responsabilité. Elle n’établit pas plus avoir exercé un niveau de responsabilité l’ayant conduite, notamment, à participer à la performance opérationnelle de l’entité sous sa responsabilité, à prendre des décisions opérationnelles appropriées.
La preuve de l’exécution de telles tâches et responsabilités ne ressort pas des éléments, considérés ensemble, apportés par la salariée. Cette preuve ne peut résulter :
— de documents relatifs aux rapports entre le franchiseur et le franchisé qui mentionnent le prénom ‘[D]’ associé au terme ‘Manager’sans élément de définition d’une telle désignation, une équipe composée, entre autre, d’un ‘responsable’qui n’est pas nommé ni associé au terme ‘Manager’, et, dans la rubrique ‘Management’ de la partie analyse et conseils destinée au seul franchisé, soit Madame [B], gérante de la société exploitante du salon, des conseils à celle-ci concernant son équipe; – de l’exercice par la salariée de son droit à la formation individuelle dont l’objectif est notamment de développer de nouvelles compétences dans la perspective d’une évolution dans son emploi et de son employabilité, l’ayant amenée à suivre trois formations d’une journée chacune en septembre 2015, octobre 2016 et avril 2017, intitulées’ master coupe couleur automne/hiver’ pour les deux premières, et ‘training manager’ pour la dernière; – du port par la salariée d’un vêtement d’une couleur particulière qui ne peut être associée avec suffisamment de certitude à des fonctions ou à un positionnement spécifiques; – de la présence de la salariée de l’ouverture à la fermeture du salon, voire un peu au-delà de cet horaire, au regard du fait que la gérante n’était physiquement présente que par intermittence, sans démonstration d’un degré d’autonomie réel et suffisant l’ayant amenée à assurer, au-delà de l’exercice de tâches relevant d’une classification inférieure qui selon les éléments probants fournis par l’employeur étaient pour la plupart partagées entre les collaborateurs, s’agissant notamment de l’accueil et de la gestion des clients, de l’entretien du salon, de tâches de fin de journée ou de l’encaissement, des responsabilités ou décisions d’un niveau supérieur en matière d’encadrement ou de performance opérationnelle du salon.
La salariée sera donc déboutée de sa demande de reclassification de ses fonctions et de ses demandes pécuniaires subséquentes.
Sur les heures supplémentaires:
Il résulte de l’article L 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au
nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
A l’appui de sa demande en paiement d’heures supplémentaire, la salariée produit aux débats: – ses bulletins de paie mentionnant une durée hebdomadaire de travail de 39 heures et le paiement d’heures supplémentaires majorées de la 36ème à la 39ème heures;
— des attestations de collègues et de personnes dont les liens ou la proximité géographique avec le salon ou la marque, notamment sur l’implication personnelle de la salariée et des horaires de 9 heures à 18h30 les jours travaillés avec la prise partielle de ses pauses dans le salon sous le regard des caméras de surveillance;
— les horaires d’ouverture et de fermeture du salon de 9 heures à 18 heures;
— un décompte des heures supplémentaires qu’elle estime avoir accomplies chaque semaine d’octobre 2014 à avril 2017 suivant des horaires quotidiens correspondant aux horaires d’ouverture et de fermeture du salon.
Cet ensemble d’éléments est suffisamment précis quant aux heures non rémunérées revendiquées par la salariée afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L’employeur ne contredit pas utilement les éléments apportés par la salariée en fournissant des documents, d’une part qui ne comportent pas de date certaine et ne sont pourvus que de la seule signature de la salariée en haut ou bas de page sans précision de la date à laquelle elle a été tracée quand elle a pu être apposée en amont sur ces plannings que la salariée qualifie de prévisionnels, d’autre part qui mentionnent des jours, horaires et pauses au cours de semaines censées couvrir les années concernées par la demande sauf une partie des mois de l’année 2017, et qui présentent des horaires et pauses strictement identiques sur toute la période, soit de 9 h à 18h avec des pauses de 9h40 à 10h, de 12h45 à 13h30 et de 16h à 16h20 dont la prise réelle et systématique à des heures fixes de la journée, notamment 40 minutes seulement après l’embauche, apparaît improbable au regard de la nature même de l’activité, ce que confirment des témoignages d’employés et de clients produits par la salariée qui ne sont pas utilement contredits dans leur force probante ni attaqués dans leur sincérité, notamment par des attestations laconiques qui ne constituent pas des témoignages directs, précis et circonstanciés de personnes dont les auteurs auraient été en mesure de faire des constatations quand la salariée travaillait au sein du salon; ainsi, par exemple, une personne retraitée a constaté ‘que, les coiffeuses sortaient régulièrement, prendre leur pose, et allées acheter leur repas au casino, à la boulangerie’, ou une cliente, manifestement très assidue, a vu le personnel du salon libre et sans contrainte sortir pour faire des courses au supermarché et en boulangerie afin d’organiser à tour de rôle leur pause déjeuner dans leur petite salle attenante au salon.
Au vu des éléments apportés de part et d’autre, il convient de faire droit à la demande en paiement d’heures supplémentaires ne tenant pas compte de la reclassification non retenue, et d’allouer à la salariée, dont les calculs ne sont pas utilement contredits, la somme de 19065,71 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 1906,57 euros bruts de congés payés afférents.
Sur la vidéo-surveillance:
Il ressort des éléments soumis à l’appréciation de la cour, notamment d’attestations suffisamment précises et circonstanciées d’employés et de photographies non utilement contredites, que le système de vidéo surveillance destiné à la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux de l’entreprise, dont il n’est pas efficacement contesté qu’il fonctionnait en permanence et filmait l’intégralité des locaux où la salariée exerçait ses fonctions, permettait également de contrôler et de surveiller l’activité des salariés, quand l’employeur ne justifie par aucun élément qu’à cette date et jusqu’au jour du licenciement, les salariés concernés auraient été informés, préalablement à la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel, de l’identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d’exercice de ces droits, et ce, en violation, notamment, de l’article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, et de l’article 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Sur le comportement irrespectueux, agressif et menaçant de la gérante et de son époux:
La salariée, qui n’invoque pas de harcèlement moral ni le non-respect de l’obligation de sécurité, indique avoir subi le comportement irrespectueux, agressif et menaçant de la gérante et de l’époux de celle-ci sans étayer ses accusations par aucun élément de preuve, notamment en l’absence de tout témoignage direct suffisamment précis et circonstancié.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail:
Il y a lieu de se prononcer en priorité sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail qui n’est pas devenue sans objet ou irrecevable puisqu’elle a précédé le licenciement de la salariée survenu en cours d’instance le 4 mai 2019.
Considérés ensemble, le non-paiement d’une partie significative du salaire correspondant à une quantité importante d’heures supplémentaires sur une longue durée, apparaît d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, étant de nature à empêcher la poursuite de ce contrat, ce d’autant qu’il s’y ajoute le manquement relatif à la vidéo-surveillance.
Cette résiliation judiciaire doit être prononcée à la date du 4 mai 2019 aux torts exclusifs de l’employeur et celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse .
Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire:
En vertu des dispositions de l’article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l’ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.
Selon l’article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
Si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d’une indemnité pour un préavis qu’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter en raison d’une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En application des dispositions susvisées et au vu des éléments fournis, notamment des bulletins de paie, pour un préavis de deux mois auquel a droit la salariée, l’employeur doit être condamné à lui verser une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 3964,82 euros bruts qui correspond à la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait travaillé durant son préavis, outre 396,48 euros bruts de congés payés afférents.
Par application de l’article L 1235-3 du code du travail, l’entreprise comptant au moins onze salariés au moment de la rupture et la salariée ayant une ancienneté de vingt et un ans, il y a lieu de fixer l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , en tenant compte, notamment, de son âge (quarante-huit ans) et de sa capacité à retrouver un emploi telle que celle-ci résulte des éléments fournis, à la somme de 23788,92 euros nets ( douze mois de salaire brut de référence).
En revanche, au vu des éléments soumis à l’appréciation de la cour, la demande en paiement d’un reliquat d’indemnité légale de licenciement n’est pas justifiée dès lors que la reclassification sur laquelle est fondée n’a pas été retenue.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail:
La salariée ne justifie d’aucun préjudice au titre d’une exécution fautive et déloyale du contrat de travail, notamment au titre des manquements de l’employeur relatifs à la vidéo-surveillance. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée de ces chefs.
Sur le travail dissimulé:
L’intention de l’employeur de dissimuler du travail est caractérisée en application des dispositions alors en vigueur de l’article L 8221-5 du code du travail dès lors que l’employeur s’est abstenu de mentionner sur les bulletins de paie une quantité importante d’ heures supplémentaires accomplies par la salariée sur un temps suffisamment long pour ne pas lui avoir échappé, compte tenu, en outre, de l’objet même de son activité et de la taille, modeste, de l’entreprise.
L’employeur sera donc condamné au paiement de la somme de 11894,46 euros nets au titre de l’ indemnité forfaitaire prévue par l’article L 8223-1 du code du travail.
Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation:
En application, notamment, de l’article 1153-1 du code civil, les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2017, date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, et les autres sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Il y a lieu à capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
Sur la remise de documents rectifiés :
Vu les développements qui précèdent, et au visa des dispositions des articles L 3243-2 et L 1234-19 du code du travail, la demande de remise de bulletins de paie et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à l’arrêt est justifiée.
Il y a lieu d’assortir la condamnation d’une astreinte au vu des circonstances de la cause, sans réserver le pouvoir de sa liquidation à la cour.
Sur la demande reconventionnelle:
La procédure initiée par la salariée en première instance comme en appel ne présente aucun caractère abusif, celle-ci étant en grande partie fondée et ne revêtement aucunement un caractère malveillant.
L’employeur sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.
Sur les frais irrépétibles:
En considération de l’équité, il sera alloué à la salariée la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Sur les dépens:
Les entiers dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de l’employeur, partie succombante pour l’essentiel.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et par mise à disposition au greffe:
Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture.
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déboute Madame [V] [R] épouse [T] de ses demandes au titre d’une reclassification conventionnelle.
Condamne la société Maryje.P à payer à Madame [V] [T] les sommes suivantes:
— 19065,71 euros bruts au titre d’un rappel de salaires correspondant à des heures supplémentaires,
— 1906,57 euros bruts de congés payés afférents.
Prononce, aux torts de la société Maryje.P, la résiliation du contrat de travail de Madame [V] [T] à la date du 4 mai 2019.
Dit que cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Maryje.P à payer à Madame [V] [T] les sommes suivantes:
— 3964,82 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
— 396,48 euros bruts de congés payés afférents,
— 23788,92 euros nets au titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— 11894,46 euros nets au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.
Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2017 et que les autres sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Dit qu’il y a lieu à capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
Condamne la société Maryje.P à remettre à Madame [V] [T] des bulletins de salaire et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à l’arrêt, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l’arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.
Condamne la société Maryje.P à payer à Madame [V] [T] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties pour le surplus.
Condamne la société Maryje.P aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier Le Président