Des prises de vues de l’allée sur laquelle s’exerce le droit de passage d’un voisin versées aux débats judiciaires peuvent être analysées comme un moyen de preuve, certes, qui portent atteinte au respect de sa vie privée, mais qui peut être parfaitement proportionné à l’enjeu du litige.
Le respect de la vie privée
L’article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée.
Ce droit permet à toute personne de bénéficier de la protection de son image, de sa captation, sa conservation, sa reproduction et de son utilisation.
La seule constatation d’une telle pratique opérée sans le consentement de la personne ouvre droit à réparation. Néanmoins, à défaut de possibilité d’identification de la personne représentée, l’atteinte à la vie privée et à l’image n’est pas constitué.
Le droit à la preuve
Par ailleurs, le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
La question de l’irrecevabilité des pièces
En l’espèce, Mme [O] sollicite l’irrecevabilité des pièces adverses n°2, 12, 18, 20, 21, 23, 24, 25, 29, 30, 31, 33, 38, 40, 44, 45, 46, 55, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 73, soit des photographies et des captures tirées de la vidéo-surveillance installée par les époux [E], au motif que ces derniers filment de manière continue le passage grevé de servitude et une partie de sa propriété, sans l’en avoir préalablement informée et en portant atteinte à sa vie privée.
Il n’est pas contesté par les époux [E] que les pièces litigieuses sont issues des caméras de vidéo-surveillance installées sur leur propriété.
Il ressort de l’examen de ces images que les prises de vues opérées par les caméras de vidéo-surveillance portent exclusivement sur l’allée privée, propriété des époux [E], sur laquelle s’exerce la servitude conventionnelle au profit du fonds dominant, propriété de Mme [O]. Contrairement à ce que soutient cette dernière, il n’est communiqué aucune captation d’images de sa propriété à l’exception des clôtures, palissades et murs de bâtiments édifiés en limite de propriété, pour la partie visible à partir de la propriété des époux [E].
Suivant les perspectives adoptées, sont montrés l’entrée de l’allée, depuis la voie publique, jusqu’à l’arrière du portail de M. et Mme [E] également, le portillon de Mme [O] vu depuis l’allée sur laquelle il ouvre, la clôture ou encore la toiture de celle-ci.
Des individus, parfois accompagnés d’un chien, ainsi que des véhicules sont visibles sur certaines captures d’écran. Néanmoins, aucune identification n’est possible de par la piètre qualité des images ou la position des personnes ainsi photographiées, qui se situent, pour la majorité, dos à la caméra.
Atteinte à la vie privée d’une voisine
Au vu de ces éléments, s’il n’y a aucune atteinte au droit à l’image, en revanche, il est incontestable qu’en filmant les allers et venues s’effectuant certes sur leur propriété, mais sur l’assiette de la servitude de passage la grevant, les époux [E] ont porté atteinte à la vie privée de leur voisine, puisqu’ils ont installé un matériel visionnant constamment les conditions d’exercice, leur permettant ainsi de surveiller toutes les entrées et sorties de leurs voisins et des personnes qui leur rendent visites.