La présentatrice Karine Le Marchand a été déboutée de son action en violation de son droit à l’image contre l’éditeur de Public : les clichés en cause ont été pris sur la voie publique et cette dernière est une personnalité publique notoirement connue. Par ailleurs, les clichés ne révèlent rien de la vie privée de la présentatrice et ne sont pas dévalorisants.
Dans son numéro 763, en date du 23 février 2019, le magazine « Public » a consacré à Karine Le Marchand, animatrice de télévision, un article d’une page, annoncé en couverture, par une photographie la représentant souriante devant un véhicule dont le pare-brise est décoré d’une guirlande formée de cœurs en papier découpé. En surimpression est apposé le titre «Karine Le Marchand, Son Joey, sa Starr’!’
En application de l’article 9 du code civil et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse.
De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation. Toutefois, la diffusion d’informations déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’atteinte au respect de la vie privée.
Par ailleurs, l’article 10 de la même convention garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers. La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public d’une part, pour les personnes publiques, aux éléments relevant de la vie officielle, et d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifient une actualité ou un débat d’intérêt général.
Ainsi chacun peut s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 2 – Chambre 7
ARRET DU 30 MARS 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04275 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHEV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2021 -Tribunal judiciaire de Paris RG n° 19/14059
APPELANTE
Madame Y Z
[…]
Représentée et assistée par Maître Jean ENNOCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : E330, avocat postulant et plaidant
INTIMEE
S.A.S. CMI PUBLISHING
[…]
[…]
92300 LEVALLOIS-PERRET
Représentée par Maître Patrick SERGEANT, avocat au barreau de PARIS, toque : B1178, avocat postulant
Assistée de Maître Louis BURKARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1178, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 février 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Anne X, Présidente
un rapport a été présenté à l’audience par Mme X dans les conditions prévues par les articles 804 et 805 du code de procédure civile.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme Anne X, Présidente
M. Jean-Michel AUBAC, Assesseur
Mme Anne CHAPLY, Assesseur
Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Anne X, Présidente de chambre, et par Margaux MORA, Greffier présent lors de la mise à disposition.
Vu l’assignation en justice délivrée le 4’décembre 2019 à la société CMI PUBLISHING, éditrice du magazine «’Public’», à la requête de Y Z laquelle, estimant qu’il a été porté atteinte au respect dû à sa vie privée et à son droit à l’image dans le numéro’763 du magazine, demandait au tribunal judiciaire de Paris, au visa des articles’9 du code civil et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme’:
– de condamner la société défenderesse à lui payer 20’000’euros à titre de dommages et intérêts en réparation des atteintes commises à l’encontre de sa vie privée,
– de condamner la société défenderesse à lui payer 10’000’euros à titre de dommages et intérêts en réparation des atteintes commises à l’encontre de son droit à l’image,
– d’ordonner à titre de réparation complémentaire la publication d’un communiqué judiciaire en page de couverture de l’hebdomadaire, sous astreinte,
– de condamner la société défenderesse à lui verser la somme de 4’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société CMI PUBLISHING aux entiers dépens,
Vu le jugement rendu le 6’janvier 2021 par la 17e chambre civile du tribunal judiciaire de Paris, qui a’:
– débouté Y Z de ses demandes,
– condamné Y Z à payer à la société CMI PUBLISHING la somme de deux mille euros (2’000’euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Y Z aux dépens.
Vu l’appel interjeté le 5’mars 2021 par Y Z,
Vu les dernières conclusions notifiées le 9’septembre 2021 par voie électronique par l’appelante, qui demande à la cour de’:
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– rejeter les arguments de la société CMI PUBLISHING,
Statuant à nouveau,
– recevoir Y Z en sa demande,
– l’y déclarer bien fondée,
EN CONSÉQUENCE,
– condamner la société CMI PUBLISHING, éditrice du magazine «’PUBLIC’», à payer à Y Z les sommes de’:
– 20’000’euros (vingt mille euros) à titre de dommages et intérêts pour atteinte au droit au respect de sa vie privée,
– 20’000’euros (vingt mille euros) au titre de l’atteinte à son droit à l’image,
– ordonner à titre de réparation complémentaire, la publication en première page de couverture de l’hebdomadaire «’PUBLIC’», qui paraîtra 8 (huit) jours après la signification de l’arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 10’000’€ par numéro de retard, dont la cour de céans se réservera la liquidation, d’un communiqué judiciaire sur fond blanc portant en caractères rouges d’un centimètre de haut le titre suivant’:
«’PUBLICATION JUDICIAIRE À LA DEMANDE DE Y Z’»
et rédigé comme suit’:
«’La Cour d’Appel de PARIS a, par arrêt en date du ‘, condamné la société CMI PUBLISHING pour avoir publié dans le n°’763 de l’hebdomadaire «’PUBLIC’» daté du 23’février 2018, un article attentatoire à l’intimité de la vie privée de Madame Y Z’».
– condamner la société CMI PUBLISHING à payer à Y Z la somme de 4’000’euros (quatre mille euros), conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société CMI PUBLISHING aux entiers dépens,
Vu les conclusions d’intimés signifiées par RPVA le 16’juin 2021, aux termes desquelles la société CMI PUBLISHING sollicite de la cour qu’elle’:
– déboute Y Z de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– confirme le jugement rendu le 6’janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes de Y Z et l’a condamnée, outre aux dépens de l’instance, à verser à la société CMI PUBLISHING la somme de 2’000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne Y Z à verser à la société CMI PUBLISHING en cause d’appel la somme de 3’000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous frais et dépens,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance de clôture du 29’septembre 2021,
La publication litigieuse
Dans son numéro’763, en date du 23’février 2019, le magazine «’Public’» a consacré à Y Z, animatrice de télévision, un article d’une page, annoncé en couverture, par une photographie la représentant souriante devant un véhicule dont le pare-brise est décoré d’une guirlande formée de c’urs en papier découpé. En surimpression est apposé le titre «’Y Z Son Joey, sa Starr’!’».
L’article, intitulé «’Y Z Quel romantique ce JoeyStarr’!’», est développé en page’17 du magazine. Il a pour chapeau’: «’Depuis plusieurs semaines, il se murmure qu’un homme est entré dans la vie sentimentale de l’animatrice. Un nouveau compagnon qui en a sous le capot’!’».
L’article comporte, in extenso, les propos suivants’: «’Une rose rouge délicatement déposée entre les essuie-glaces, une guirlande de c’urs et une farandole de ballons’ Un poil cheesy mais tellement mignon’! Quelle ne fut pas la surprise de Y Z en découvrant sa voiture ainsi décorée le 14’février, alors qu’elle sortait d’un restaurant étoilé pour les besoins d’un rendez-vous professionnel. Mais qui a bien pu se fendre d’une attention aussi charmante à son égard » Son nouveau chéri, bien sûr’! Depuis quelques semaines, un nouvel homme fait battre le c’ur de la star de M6. Dans le studio d’enregistrement des Grosses têtes, sur RTL, l’animatrice s’affiche fièrement au côté du rappeur JoeyStarr avec lequel elle ne cache plus sa belle complicité.
C’est d’ailleurs ce dernier qui a décoré sa Mini Cooper d’une multitude de goodies aux couleurs de la Saint-Valentin. Une adorable surprise qui semble avoir fait fondre cette grande sentimentale. Ni une, ni deux, la jolie femme de 49 ans a aussitôt dégainé son portable pour immortaliser l’évènement. Depuis qu’il fréquente Y, celui qu’on surnomme le Jaguar s’est transformé en un adorable gros chat pour le plus grand plaisir de sa chérie qui n’a pas fini de ronronner de plaisir’».
L’article est illustré de cinq photographies, dont un cliché de JoeyStarr, un autre cliché du véhicule décoré et les trois autres photographies représentent Y Z devant le véhicule décoré.
Deux légendes accompagnent ces clichés’:
«’Pour la Saint-Valentin, JoeyStarr a entièrement customisé la carrosserie de sa chérie. Le Jaguar lui a-t-il aussi glissé un tigre dans son moteur »’»’; «’C’est plus sympa qu’une prune pour stationnement gênant’!’».
L’atteinte à la vie privée et au droit à l’image
En application de l’article 9 du code civil et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse.
De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.
Toutefois, la diffusion d’informations déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’atteinte au respect de la vie privée.
Par ailleurs, l’article 10 de la même convention garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers.
La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public d’une part, pour les personnes publiques, aux éléments relevant de la vie officielle, et d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifient une actualité ou un débat d’intérêt général.
Ainsi chacun peut s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
En l’espèce, l’appelante expose que l’article porte atteinte au droit au respect de sa vie privée puisqu’il révèle l’endroit où elle se trouvait le 14’février ainsi que l’objet du déjeuner auquel elle participait.
Cependant, la lecture de l’article ne permet pas d’identifier avec précision le restaurant d’où sortait Y Z et aucun élément de l’article litigieux ne permet de situer sa localisation.
Aucune atteinte au droit au respect de la vie privée ne peut être retenue et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Par ailleurs, s’agissant de l’atteinte au droit à l’image, Y Z indique les photographies ont été réalisées à son insu et publiées sans son autorisation.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont souligné que le droit que chacun détient sur son image doit être concilié avec la liberté d’information des organes de presse.
Ils ont relevé que les clichés ont été pris sur la voie publique et que Y Z est une personnalité publique notoirement connue.
Le jugement entrepris a précisé que les clichés ne révèlent rien de la vie privée de l’appelante et ne sont pas dévalorisants’: ils ne portent donc pas atteinte à la dignité de Y Z.
Dans ces conditions, le jugement entrepris doit être confirmé dans toutes ses dispositions y compris la somme allouée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il y sera ajouté une somme totale de mille euros (1’000’euros) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Y Z à payer la somme de mille euros (1’000’euros) à la société CMI PUBLISHING sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne Y Z aux entiers dépens d’appel.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER