Jonction des procédures : enjeux de responsabilité et d’assurance dans le cadre de travaux de construction.

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Jonction des procédures : enjeux de responsabilité et d’assurance dans le cadre de travaux de construction.

L’Essentiel : Les époux [R] ont entrepris des travaux de rénovation à [Localité 22], impliquant plusieurs entreprises. Bien que le lot gros-œuvre ait été réceptionné sans réserve le 9 mars 2020, des désordres sont rapidement apparus, entraînant une procédure judiciaire. Une expertise judiciaire a été ordonnée le 6 avril 2021, et le rapport a été déposé en décembre 2022. En juin 2023, les époux [R] ont assigné plusieurs parties, dont des assureurs, devant le tribunal de Lille. Le juge a ensuite ordonné la jonction des instances, considérant le lien entre les litiges, et a réservé les dépens jusqu’à la décision finale.

Contexte de l’affaire

Les époux [R] ont entrepris des travaux de rénovation et d’extension de leur maison à [Localité 22]. Plusieurs entreprises ont été impliquées dans le projet, notamment la société Jean-Charles Giardina Architecte, la société Deldi pour les aménagements intérieurs, ainsi que d’autres entreprises pour le gros-œuvre et les menuiseries extérieures.

Réception des travaux et désordres constatés

Le lot gros-œuvre a été réceptionné sans réserve le 9 mars 2020. Cependant, les époux [R] ont signalé l’apparition de désordres dans leur maison, ce qui a conduit à une procédure judiciaire.

Expertise judiciaire

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a ordonné une expertise judiciaire le 6 avril 2021, confiée à M. [S]. Le rapport d’expertise a été déposé en décembre 2022, fournissant des éléments sur les désordres constatés.

Assignations en justice

Les époux [R] ont assigné plusieurs parties, dont la SMABTP, la MAF et la société Elite Insurance Company, devant le tribunal judiciaire de Lille en juin 2023. D’autres assignations ont suivi, impliquant plusieurs entreprises et assureurs, enregistrées sous différents numéros de RG.

Jonction des instances

Le juge de la mise en état a ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 23/05848 et RG 23/06703, consolidant ainsi les différentes procédures en cours. D’autres demandes de jonction ont été formulées par les parties impliquées.

Interventions et conclusions des parties

Plusieurs parties ont demandé la jonction des procédures et ont formulé des conclusions d’incidents, notamment la SMABTP, la SA MAAF Assurances, et la société Legabat. Ces demandes visaient à unifier les litiges pour une meilleure gestion judiciaire.

Décision du juge

Le juge a statué sur la jonction des instances, considérant qu’il existait un lien étroit entre les litiges. Il a également acté l’intervention de la société MMA Iard Assurances Mutuelles en tant que co-assureur de la société Legabat.

Réserves sur les dépens

Le juge a décidé de réserver les dépens jusqu’à ce qu’une décision soit rendue au fond, conformément aux dispositions du code de procédure civile. Les parties ont été renvoyées à une mise en état pour des conclusions ultérieures.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la jonction d’instances selon le Code de procédure civile ?

La jonction d’instances est régie par l’article 367 du Code de procédure civile, qui stipule que :

« Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »

Dans le cas présent, les époux [R] ont assigné plusieurs constructeurs et leurs assureurs dans le cadre de l’instance RG 23/05848, tandis qu’un constructeur a exercé un recours en garantie à l’encontre de son assureur dans l’instance RG 24/04196.

Il est donc établi qu’il existe un lien étroit entre ces deux instances, justifiant ainsi la jonction.

De plus, l’article 783 du même code précise que :

« Le juge de la mise en état procède aux jonctions et disjonctions d’instance. »

Cela signifie que le juge a le pouvoir d’ordonner la jonction lorsque les conditions sont remplies, ce qui a été le cas ici.

Comment se prononce le juge sur les dépens en cas de jonction d’instances ?

L’article 696 du Code de procédure civile traite des dépens et dispose que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans cette affaire, le juge a décidé de réserver les dépens jusqu’à ce qu’une décision intervienne au fond. Cela signifie que la question de qui supportera les frais de justice sera tranchée ultérieurement, en fonction de l’issue du litige.

Cette approche est courante dans les affaires complexes où plusieurs parties sont impliquées, permettant ainsi de prendre en compte l’ensemble des éléments au moment de rendre une décision sur les dépens.

Quelles sont les implications de l’intervention volontaire d’un co-assureur dans une procédure judiciaire ?

L’intervention volontaire est régie par les articles 328 et 329 du Code de procédure civile, qui stipulent que :

« Toute personne qui justifie d’un intérêt peut intervenir à l’instance, soit en demande, soit en défense. »

Dans le cas présent, la société SA MMA Iard Assurances Mutuelles a été acceptée comme co-assureur de la société Legabat, et son intervention n’a pas été contestée par les autres parties. Cela signifie qu’elle a le droit de participer à la procédure et de défendre ses intérêts.

L’acceptation de cette intervention par le juge renforce la transparence et l’équité du procès, car toutes les parties concernées par le litige sont présentes et peuvent faire valoir leurs droits.

Quels sont les effets d’une ordonnance réputée contradictoire en matière de procédure civile ?

L’article 473 du Code de procédure civile précise que :

« L’ordonnance est réputée contradictoire lorsque le juge statue en l’absence d’une partie qui n’a pas constitué avocat. »

Dans cette affaire, la société Elite Insurance Company n’a pas constitué avocat, ce qui a conduit le juge à statuer par ordonnance réputée contradictoire. Cela signifie que la décision prise par le juge est considérée comme ayant été rendue en présence de toutes les parties, même si l’une d’elles n’était pas représentée.

Cette disposition vise à garantir que les décisions judiciaires puissent être prises même en cas d’absence d’une partie, tout en préservant les droits de cette dernière, qui peut toujours contester la décision ultérieurement.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 02
N° RG 23/05848 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XJIZ

ORDONNANCE D’INCIDENT
DU 19 NOVEMBRE 2024

DEMANDEURS :

M. [O] [R]
[Adresse 2]
[Localité 22]
représenté par Me Gérald MALLE, avocat au barreau de LILLE

Mme [I] [J] épouse [R]
[Adresse 2]
[Localité 22]
représentée par Me Gérald MALLE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEURS :

Société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE CO ASSUREUR DE LA SOCIETE LEGABAT
[Adresse 3]
[Localité 15]
représentée par Me Arnaud VERCAIGNE, avocat au barreau de LILLE

M. [T] [G], SIREN 438 066 649
[Adresse 8]
[Localité 14]
représenté par Me Matthieu DELHALLE, avocat au barreau de DOUAI

S.A. MMA IARD CO ASSUREUR DE LA SOCIETE LEGABAT
[Adresse 3]
[Localité 15]
représentée par Me Arnaud VERCAIGNE, avocat au barreau de LILLE

Société SMABTP, prise en la personne de son représentant légal, RCS PARIS (775 684 764)
[Adresse 20]
[Localité 16]
représentée par Me Jean-françois PILLE, avocat au barreau de LILLE

Société de droit anglais ELITE INSURANCE COMPANY, prise en la personne de son représentant légal en sa succursale, RCS PARIS (538 480 526)
[Adresse 7]
[Localité 18]
défaillant

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 5]
[Localité 17] / FRANCE
représentée par Me Julien NEVEUX, avocat au barreau de LILLE

COMPAGNIE MAAF ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, RCS 781 423 280)
[Adresse 21]
[Localité 19]
représentée par Me Anne LOVINY, avocat au barreau de LILLE

S.A.R.L. JEAN CHARLES GARDINA ARCHITECTES
[Adresse 1]
[Localité 13]
représentée par Me Marie-christine DUTAT, avocat au barreau de LILLE

S.A. DELDI
[Adresse 6]
[Localité 10]
représentée par Me Marie-christine DUTAT, avocat au barreau de LILLE

S.A.R.L. LEGABAT, prise en la personne de son représentant légal, RCS 349 774 885
[Adresse 4]
[Localité 11]
représentée par Me Gilles GRARDEL, avocat au barreau de LILLE

S.A.S. DELEPIERRE, pise en la personne de son représentant légal, RCS 494 240 898
[Adresse 9]
[Localité 12]
représentée par Me Jean-françois PILLE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION

Juge de la mise en État : Sarah RENZI, Juge,

GREFFIER

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 octobre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que l’ordonnance serait rendue le 19 Novembre 2024.

Ordonnance : réputée contradictoire, en premier ressort, mise à disposition au Greffe le 19 Novembre 2024, et signée par Sarah RENZI, Juge de la Mise en État, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [I] [R] et M. [O] [R] (ci-après les époux [R]) ont entrepris la réalisation de travaux de rénovation et d’extension de leur maison située [Adresse 2] à [Localité 22].

La société Jean-Charles Giardina Architecte, assurée par la Mutuelle des Architectes Français (MAF) est intervenue en qualité de maître d’œuvre ainsi que la société Deldi, assurée par la société Elite Insurance Company, et qui est plus particulièrement en charge des aménagements intérieurs.

Sont également intervenus :
-la société Legabat, en charge du lot gros-œuvre et assurée en responsabilité civile décennale par la SMABTP au moment de la déclaration d’ouverture de chantier et auprès de la société MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles (ci-après dénommées les MMA) ;
-la société Delepierre, en charge du lot menuiseries extérieures et assurée par la SMABTP ;
-M. [T] [G], en charge du lot couverture – étanchéité et assuré par la SA MAAF Assurances.

Le lot gros-œuvre a fait l’objet d’un procès-verbal de réception en date du 9 mars 2020, sans réserve.

Les époux [R] se sont plaints de l’apparition de désordres.

Par ordonnance en date du 6 avril 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a ordonné la réalisation d’une expertise judiciaire qu’il a confiée à M. [S], lequel a déposé son rapport d’expertise définitif en décembre 2022.

Par acte signifiés les 22 et 26 juin 2023, les époux [R] ont fait assigner la SMABTP, la MAF et la société Elite Insurance Company devant le tribunal judiciaire de Lille.
Cette instance a été enregistrée sous le n° RG 23/05848.
Par actes signifiés les 22 et 26 juin 2023 ainsi que les 3 juillet 2023, M. [O] [R] a assigné la société Elite Insurance Company, la MAF, la SMABTP, la SA MAAF Assurances SA, la SARL Jean-Charles Giardina Architecte, M. [T] [G], la SA Deldi, la SAS Legabat, et la SAS Delepierre d’avoir à comparaître devant le tribunal judiciaire de Lille.
Cette instance a été enregistrée sous le n° RG 23/06703.
Par ordonnance du 9 février 2024, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des instances enregistrées sous les n° RG 23/06703 avec celle enregistrée sous le n° RG 23/05848 sous le seul n° RG 23/05848.

Par acte signifié le 12 avril 2024, la société Legabat a assigné la SA MMA Iard d’avoir à comparaître devant le tribunal judiciaire de Lille.

Cette procédure a été enregistrée sous le n° RG 24/04196.
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Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 16 juin 2024, la SMABTP et la SARL Delepierre demandent au juge de la mise en état d’ordonner la jonction entre les procédures enregistrées sous les numéros RG 23/05848 et 24/04196 et de réserver les dépens.
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 24 juin 2024, la SA MAAF Assurances demande au juge de la mise en état, de constater qu’elle n’a cause d’opposition à la demande de jonction entre les procédures RG 23/05848 et RG 24/04196 ; d’ordonner la jonction des procédures RG 23/05848 et RG 24/04196 et de réserver les dépens.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 9 juillet 2024, la SARL Jean Charles Giardina Architecte et la SA Deldi demandent au juge de la mise en état, d’ordonner la jonction entre les procédures enregistrée sous les numéros RG 23/05848et 24/04196 et de réserver les dépens.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 6 juin 2024, la SASU Legabat demande au juge de la mise en état, au visa des articles 368 et suivants du code de procédure civile, de prononcer une jonction entre la présente procédure, et celle introduite par elle à l’encontre de son assureur la société MMA Iard, enrôlée sous le RG n°24/04196 et de réserver les frais et dépens.
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 10 juillet 2024, M. [P] [R] demande au juge de la mise en état, de :
-prononcer la jonction de l’appel en garantie diligenté par la société Legabat à l’encontre de la compagnie MMA Iard enregistré sous le numéro de RG 24/04196 avec la procédure principale enregistrée sous le numéro de RG 23/05848 ;
-ordonner le renvoi de l’examen du dossier en mise en état pour les conclusions au fond, de la compagnie MMA Iard et pour les conclusions au fond, sous injonction, des compagnies MAF et MAAF et des sociétés Jean Charles Gardina Architectes et Deldi ;
-réserver les dépens.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 18 juillet 2024, M. [T] [G] demande au juge de la mise en état, au visa des dispositions des articles 1217 et 1792 et suivants du code civil, de :
-prononcer la jonction de l’appel en garantie diligenté par la société Legabat à l’encontre de la compagnie MMA Iard enregistré sous le numéro de RG 24/04196 avec la procédure principale enregistrée sous le numéro de RG 23/05848 ;
-ordonner le renvoi de l’examen du dossier en mise en état pour les conclusions au fond, de la compagnie MMA Iard et pour les conclusions au fond, sous injonction, des compagnies MAF et MAAF et des sociétés Jean Charles Gardina Architectes et Deldi ;
-réserver les dépens.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 17 septembre 2024, la MAF demande au juge de la mise en état d’ordonner la jonction entre la présente procédure et celle enregistrée sous le n° RG 24/04196 et de réserver les dépens.
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 10 septembre 2024, la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, intervenante volontaire, es qualité de co-assureur de la société LEGABAT demandent au juge de la mise en état, au visa des dispositions des articles 368 et suivants du code de procédure civile, de prononcer une jonction entre la présente procédure, et celle introduite par la société Legabat à l’encontre de son assureur la société MMA IARD, enrôlée sous le RG n°24/04196 et de réserver les frais et dépens.

La société Elite Insurance Company n’a pas constitué avocat. Par conséquent, il sera statué par ordonnance réputée contradictoire conformément aux dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que, selon les dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Il convient également d’acter l’intervention volontaire de la société SA MMA Iard Assurances Mutuelles es qualité de co-assureur de la société Legabat qui n’est discutée par aucune des parties, conformément aux dispositions des articles 328 et 329 du code de procédure civile. 

Sur la demande de jonction

L’article 783 du code de procédure civile dispose que le juge de la mise en état procède aux jonctions et disjonctions d’instance.

Selon l’article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Le maître d’ouvrage a assigné les constructeurs intervenus à la construction ainsi que leurs assureurs dans le cadre de l’instance enregistrée sous le n° RG 23/05848, parmi lesquels un constructeur qui entend exercer un recours en garantie à l’encontre de son assureur dans le cadre de l’instance enregistrée sous le n° RG 24/04196.

Ces instances sont donc unies par un lien étroit, étant précisé qu’aucune partie ne s’oppose à la jonction de ces procédures.

Par conséquent, il convient d’ordonner la jonction des instances enregistrées sous les n° RG 23/05848 et RG 24/04196 sous le seul n° RG 23/05848.

Sur les dépens

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’état, il convient de réserver les dépens jusqu’à ce qu’une décision intervienne au fond.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par ordonnance réputée contradictoire, par mise à disposition au greffe, par ordonnance non susceptible d’appel :

ACTONS l’intervention volontaire de la société MMA Iard Assurances Mutuelles es qualité de co-assureur de la société Legabat ;

ORDONNONS la jonction des instances enregistrées sous les n° RG 23/05848 et RG 24/04196 sous le seul n° RG 23/05848 ;

RÉSERVONS les dépens ;

RENVOYONS les parties à la mise en état du 10 janvier 2025 pour conclusions de compagnies MAF et MAAF et des sociétés Jean Charles Gardina Architectes et Deldi 

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Dominique BALAVOINE Sarah RENZI


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