L’Essentiel : Un jugement du 4 janvier 2017 a mis un dirigeant d’entreprise en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 8 mars 2017. Ce dernier a interjeté appel, mais les jugements ont été confirmés par la cour d’appel d’Angers. Le 28 juillet 2020, le dirigeant d’entreprise a assigné en responsabilité un avocat, soutenant que l’action engagée était irrecevable. L’avocat a contesté la qualité à agir du dirigeant d’entreprise, invoquant un défaut de droit. Cependant, la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif a permis au dirigeant de recouvrer ses droits, rendant son action recevable.
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Contexte de la procédure judiciaireSelon l’arrêt attaqué (Poitiers, 21 mars 2023) et les productions, un jugement du 4 janvier 2017 a mis un dirigeant d’entreprise en redressement judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 8 mars 2017, une société de liquidation étant désignée en qualité de liquidateur. Appel des jugementsLe dirigeant d’entreprise a interjeté appel de ces deux jugements, lesquels ont été confirmés par deux arrêts rendus par la cour d’appel d’Angers le 4 juillet 2017. Assignation en responsabilitéLe 28 juillet 2020, le dirigeant d’entreprise a assigné en responsabilité un avocat, mandaté pour le représenter et l’assister dans les deux procédures d’appel. Défense de l’avocatSoutenant que l’action engagée par le dirigeant d’entreprise entrait dans le périmètre des droits et actions dont celui-ci était dessaisi, l’avocat a soulevé le défaut de qualité à agir du dirigeant d’entreprise en application de l’article L. 641-9 du code de commerce. Clôture de la liquidation judiciaireEn cours d’instance, un jugement du 7 septembre 2022 a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire du dirigeant d’entreprise pour extinction du passif. Argumentation sur l’irrecevabilitéLe dirigeant d’entreprise fait grief à l’arrêt de le déclarer irrecevable en son action dirigée contre l’avocat, alors qu’il résulte de l’article 126 du code de procédure civile que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Réponse de la CourPour déclarer le dirigeant d’entreprise irrecevable en son action en responsabilité dirigée contre son avocat, l’arrêt retient que l’existence du droit d’agir en justice s’apprécie à la date de la demande introductive d’instance et ne peut être remise en cause par l’effet de circonstances postérieures. Erreur de la cour d’appelEn statuant ainsi, alors que la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif avait permis au dirigeant d’entreprise de recouvrer l’intégralité de ses droits et actions sur son patrimoine, la cour d’appel a violé le texte susvisé. Conséquences de la cassationAinsi qu’il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie que la Cour de cassation statue au fond. Confirmation de la recevabilité de l’actionLe dirigeant d’entreprise ayant recouvré sa qualité à agir, l’ordonnance du juge de la mise en état ayant déclaré son action recevable doit être confirmée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article L. 641-9 du code de commerce concernant la qualité à agir d’un débiteur en liquidation judiciaire ?L’article L. 641-9 du code de commerce stipule que, lorsque la liquidation judiciaire est prononcée, le débiteur est dessaisi de l’ensemble de ses droits et actions, qui sont transférés au liquidateur. Ainsi, en vertu de cet article, le débiteur ne peut plus agir en justice sans l’autorisation du liquidateur. Cela signifie que toute action engagée par le débiteur pendant la liquidation judiciaire pourrait être déclarée irrecevable si elle n’est pas conforme à cette disposition. Dans le cas présent, l’avocat a soulevé le défaut de qualité à agir de M. [W] en se fondant sur cet article, arguant que l’action en responsabilité engagée par M. [W] était en dehors de ses droits, étant donné qu’il avait été dessaisi de ses actions. Comment l’article 126 du code de procédure civile s’applique-t-il dans le cadre d’une irrecevabilité d’action ?L’article 126 du code de procédure civile dispose que, dans le cas où la situation donnant lieu à une fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Cela signifie que si, au moment où le juge prend sa décision, les raisons qui justifiaient l’irrecevabilité ne sont plus d’actualité, alors l’action peut être déclarée recevable. Dans l’affaire en question, la cour d’appel a retenu que l’existence du droit d’agir en justice devait être appréciée à la date de la demande introductive d’instance, sans tenir compte des circonstances postérieures. Cependant, la cour a commis une erreur en ne tenant pas compte de la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif, qui avait permis à M. [W] de recouvrer ses droits. Quelles sont les conséquences de la cassation sur l’action en responsabilité engagée par le débiteur ?La cassation a pour effet de rétablir la recevabilité de l’action en responsabilité engagée par M. [W] contre son avocat. En effet, la Cour de cassation a constaté que la cause de l’irrecevabilité, fondée sur l’absence de qualité à agir, avait disparu lorsque la liquidation judiciaire a été clôturée pour extinction du passif. Ainsi, l’ordonnance du juge de la mise en état, qui avait déclaré l’action de M. [W] recevable, doit être confirmée. Cette décision souligne l’importance de la bonne administration de la justice, permettant à M. [W] de faire valoir ses droits et d’agir en justice contre son avocat pour obtenir réparation. |
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 février 2025
Cassation sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 63 F-D
Pourvoi n° F 23-22.407
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2025
M. [X] [W], domicilié chez M. [O] [C] [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-22.407 contre l’arrêt rendu le 21 mars 2023 par la cour d’appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l’opposant à M. [Z] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [D], et l’avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 21 mars 2023) et les productions, un jugement du 4 janvier 2017 a mis M. [W] en redressement judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 8 mars 2017, la société CLR & associés étant désignée en qualité de liquidateur.
2. M. [W], a interjeté appel de ces deux jugements, lesquels ont été confirmés par deux arrêts rendus par la cour d’appel d’Angers le 4 juillet 2017.
3. Le 28 juillet 2020, M. [W] a assigné en responsabilité M. [D], son avocat mandaté pour le représenter et l’assister dans les deux procédures d’appel.
4. Soutenant que l’action engagée par M. [W] entrait dans le périmètre des droits et actions dont celui-ci était dessaisi, M. [D] a soulevé le défaut de qualité à agir de M. [W] en application de l’article L. 641-9 du code de commerce.
5. En cours d’instance, un jugement du 7 septembre 2022 a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de M. [W] pour extinction du passif.
Sur le moyen pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. M. [W] fait grief à l’arrêt de le déclarer irrecevable en son action dirigée contre M. [D], alors « qu’il résulte de l’article 126 du code de procédure civile que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu’en retenant au contraire que « l’existence du droit d’agir en justice s’appréciant à la date de la demande introductive d’instance et ne pouvant être remise en cause par l’effet de circonstances postérieures, il est sans conséquence sur le présent litige que la procédure de liquidation judiciaire de M. [W] ait fait l’objet en cours d’instance d’appel d’une clôture pour insuffisance d’actif », la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Vu l’article 126 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
8. Pour déclarer M. [W] irrecevable en son action en responsabilité dirigée contre son avocat, l’arrêt retient que l’existence du droit d’agir en justice s’appréciant à la date de la demande introductive d’instance et ne pouvant être remise en cause par l’effet de circonstances postérieures, il est sans conséquence que la procédure de liquidation judiciaire de M. [W] ait fait l’objet en cours d’instance d’appel d’une clôture pour insuffisance d’actif.
9. En statuant ainsi, alors que la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif, et non pour insuffisance d’actif comme elle l’a retenue à tort, avait permis à M. [W] de recouvrer l’intégralité de ses droits et actions sur son patrimoine et ainsi fait disparaître, avant qu’elle ne statue, la cause de l’irrecevabilité fondée sur son absence de qualité à agir, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. Ainsi qu’il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. M. [W] ayant recouvré sa qualité à agir, l’ordonnance du juge de la mise en état ayant déclaré son action recevable doit être confirmée.
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