Inexécution des obligations comptables et conséquences financières pour le débiteur

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Inexécution des obligations comptables et conséquences financières pour le débiteur

L’Essentiel : La société MJ AIR, en tant que liquidateur, a assigné la SAS BMEXPERTISE pour son manquement à transmettre des documents comptables relatifs à ANCRESENS. Malgré une ordonnance du 31 mars 2023, BMEXPERTISE n’a pas fourni les documents requis, entravant ainsi le travail du liquidateur. Lors de l’audience du 13 novembre 2024, le juge a décidé de liquider l’astreinte à 310 000 euros, correspondant à 310 jours d’inexécution, et a condamné BMEXPERTISE à verser 1 000 euros pour les frais irrépétibles. La décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Contexte de l’affaire

La société MJ AIR, agissant en tant que liquidateur, a assigné la SAS BMEXPERTISE, un expert-comptable, en raison de son manquement à transmettre des documents comptables relatifs à la société ANCRESENS, qui a été partiellement liquidée. Cette assignation a été effectuée suite à une ordonnance du juge commissaire du Tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 21 décembre 2023.

Demande de liquidation de l’astreinte

Lors de l’audience du 13 novembre 2024, MJ AIR a réitéré ses demandes, soulignant les multiples sollicitations adressées à BMEXPERTISE pour obtenir les documents requis. Une ordonnance antérieure, datée du 31 mars 2023, avait déjà enjoint l’expert-comptable à fournir ces documents, mais son inaction a entravé le travail du liquidateur. La SAS BMEXPERTISE n’a pas comparu à l’audience.

Liquidation de l’astreinte et montant

L’ordonnance du 21 décembre 2023 imposait à BMEXPERTISE de transmettre les documents sous astreinte de 1 000 euros par jour à partir du quatrième jour suivant la signification de l’ordonnance. Après avoir été signifiée le 16 janvier 2024, l’astreinte a commencé à courir le 20 janvier 2024. Le juge a décidé de liquider l’astreinte à hauteur de 310 000 euros, correspondant à 310 jours d’inexécution.

Condamnation aux dépens et frais irrépétibles

Conformément aux dispositions du code de procédure civile, la SAS BMEXPERTISE, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens et à verser 1 000 euros à MJ AIR au titre des frais irrépétibles. La décision a été déclarée exécutoire de droit à titre provisoire.

Conclusion de la décision

Le juge de l’exécution a prononcé la liquidation de l’astreinte à 310 000 euros, a condamné la SAS BMEXPERTISE à payer cette somme ainsi que 1 000 euros pour les frais, et a rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature et le fondement juridique de l’astreinte dans cette affaire ?

L’astreinte est une mesure coercitive qui vise à garantir l’exécution d’une décision de justice. Elle est régie par les articles L131-1 à L131-4 du Code des procédures civiles d’exécution.

L’article L131-1 précise que :

“Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.

Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”

Ainsi, dans le cas présent, le juge a ordonné une astreinte à l’encontre de la SAS BMEXPERTISE pour garantir la transmission des documents comptables à la société MJ AIR.

L’article L131-2 stipule que :

“L’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.

L’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.”

Dans cette affaire, l’astreinte a été fixée à 1 000 euros par jour à compter du 20 janvier 2024, suite à l’ordonnance du 21 décembre 2023.

L’article L131-3 indique que :

“L’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir.”

Le juge a donc liquidé l’astreinte à la somme de 310 000 euros, correspondant à 310 jours d’inexécution.

Quelles sont les conséquences de l’inexécution de l’astreinte par la SAS BMEXPERTISE ?

L’inexécution de l’astreinte par la SAS BMEXPERTISE entraîne des conséquences financières et procédurales, notamment la liquidation de l’astreinte et la condamnation aux dépens.

L’article L131-4 précise que :

“Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.”

Dans cette affaire, la SAS BMEXPERTISE n’a pas justifié d’éventuelles difficultés pour s’exécuter, ce qui a conduit à la liquidation de l’astreinte à hauteur de 310 000 euros.

De plus, l’article 696 du Code de procédure civile stipule que :

“la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.”

La SAS BMEXPERTISE, en tant que partie perdante, est donc condamnée aux dépens.

Enfin, l’article 700 du même code prévoit que :

“le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.”

La SAS BMEXPERTISE a également été condamnée à verser 1 000 euros à la société MJ AIR pour couvrir les frais irrépétibles.

Comment le juge a-t-il déterminé le montant de l’astreinte ?

Le montant de l’astreinte a été déterminé en fonction de la durée de l’inexécution et du montant fixé par le juge dans l’ordonnance initiale.

L’article L131-4 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que :

“Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.”

Dans cette affaire, la SAS BMEXPERTISE n’a pas fourni de justification quant à des difficultés d’exécution, ce qui a conduit le juge à appliquer le montant de 1 000 euros par jour.

La décision a été signifiée le 16 janvier 2024, et l’astreinte a donc commencé à courir à partir du 20 janvier 2024, pour une période de 310 jours jusqu’au 25 novembre 2024.

Ainsi, le calcul de l’astreinte s’est effectué comme suit :

310 jours x 1 000 euros = 310 000 euros.

Le juge a donc liquidé l’astreinte à cette somme, conformément aux dispositions légales applicables.

N° RG 24/04331 – N° Portalis DB2E-W-B7I-MX57

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE STRASBOURG
11ème Chambre Civile, Commerciale
et des Contentieux de la Protection
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]

Juge de l’exécution

N° RG 24/04331 – N° Portalis DB2E-W-B7I-MX57

Minute n°

Le____________________

Exp. exc + ann. Me BERTHELON
Exp. LS + LRAR parties
Exp à la SELARL BEUSTE, Commissaire de justice

Le Greffier

Me Monique BERTHELON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

SERVICE DÉLÉGUÉ
DU JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT

DU

25 NOVEMBRE 2024

DEMANDERESSE :

S.E.L.A.R.L. MJ AIR,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
[Localité 8]
agissant par Maître [T] [E],
es qualité de liquidateur de la SARL ANCRESENS
dont le siège social est sis [Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Monique BERTHELON, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant, vestiaire : 62, substituée à l’audience par Me Antoine TIROLE, avocat au barreau de STRASBOURG

DÉFENDERESSE :

S.A.S. BMEXPERTISE
dont le siège social est sis [Adresse 4]
[Localité 3]
non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Sophie ROSSIGNOL, Juge placé auprès de Madame la Première présidente de la Cour d’appel de Colmar statuant en qualité de Juge de l’exécution
Lamiae MALYANI, Greffier
En présence de [N] [Y], Greffier stagiaire

DÉBATS :
A l’audience publique du 13 Novembre 2024 à l’issue de laquelle le Président, Sophie ROSSIGNOL, Juge de l’Exécution, a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 25 Novembre 2024.

JUGEMENT :
Réputé contradictoire en Premier ressort,
Signé par Sophie ROSSIGNOL, Juge placé auprès de Madame la Première présidente de la Cour d’appel de Colmar statuant en qualité de Juge de l’exécution, et par Lamiae MALYANI, Greffier

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance du juge commissaire du Tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 21 décembre 2023, la société MJ AIR, en sa qualité de liquidateur, a fait assigner la SAS BMEXPERTISE, expert comptable, par acte de commissaire de justice en date du 6 mai 2024 afin de prendre acte de l’inexécution par la défenderesse de son obligation de transmission des documents relatifs à la comptabilité de la société ANCRESENS, voir liquidée partiellement l’astreinte fixée par cette décision ainsi que la condamnation aux dépens et à la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

A l’audience du 13 novembre 2024, la société MJ AIR reprend les demandes comprises dans son assignation.

Au soutien de ses prétentions, la société MJ AIR fait valoir qu’elle a sollicité à de nombreuses reprises l’expert-comptable, qu’une première ordonnance datée du 31 mars 2023 l’enjoignait déjà à fournir les documents et que cette inaction fait obstacle au travail du liquidateur.

Citée à étude, la SAS BMEXPERTISE est non comparante.

L’affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2024.

MOTIFS

Sur les demandes principales
– Sur la liquidation de l’astreinte

L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.
Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.

L’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir”.

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère”.

Toutefois, au visa de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et de son Protocole n° 1 applicable depuis le 1er novembre 1998, le juge du fond doit se livrer lors de la liquidation d’une astreinte provisoire à un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte portée au droit de propriété du débiteur et le but légitime qu’elle poursuit, sans pour autant, à ce stade de l’évolution de la jurisprudence, considérer les facultés financières de celui-ci.

Enfin, l’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que:
« Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. »

En l’espèce, l’ordonnance du 21 décembre 2023 enjoignait à la SAS BMEXPERTISE de transmettre au liquidateur, la société MJ AIR, l’ensemble des documents relatifs à la comptabilité de la SARL ANCRESENS notamment et non limitativement les grands livres et les bilans détaillés ainsi que le détail des journaux des comptes de classe 45 et 46-51 et 53 depuis la constitution de la société, sous astreinte journalière de 1 000 euros à compter du 4ème jour suivant la signification de cette ordonnance.

La SAS BMEXPERTISE a pourtant déjà été sollicitée en ce sens, soit par courrier (10 janvier, 14 février, 17 avril et 4 août 2023) soit par décision de justice (ordonnance du juge commissaire du 31 mars 2023) et il ne ressort pas de la procédure qu’elle a été confrontée à des difficultés pour s’exécuter.

La décision a été signifiée le 16 janvier 2024 et l’astreinte a donc couru à compter du 20 janvier 2024.

Il y a donc lieu de liquider l’astreinte à la somme de 310 000 euros soit 310 jours x 1 000 euros.

Sur les autres demandes1Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La société BMEXPERTISE, partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procedure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort :
LIQUIDE l’astreinte provisoire prononcée par l’ordonnance du juge commissaire du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 21 décembre 2023 à l’encontre de la SAS BMEXPERTISE au profit de la SELARL MJ AIR à la somme de 310 000 euros pour la période ayant couru du 20 janvier 2024 au 25 novembre 2024 et condamne la SAS BMEXPERTISE à payer cette somme à la SELARL MJ AIR,
CONDAMNE la SAS BMEXPERTISE à payer à la SELARL MJ AIR la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procedure civile,
CONDAMNE la SAS BMEXPERTISE aux dépens,
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution ;
Ainsi fait et prononcé les jour, mois et an susdits, la présente décision a été signée par le Juge de l’exécution, et le Greffier.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION
Lamiae MALYANI Sophie ROSSIGNOL


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