Inexécution contractuelle et preuve des obligations : un éclairage sur les arriérés de cotisations.

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Inexécution contractuelle et preuve des obligations : un éclairage sur les arriérés de cotisations.

L’Essentiel : La SELARL CABINET DENTAIRE [X] a été assignée par AG2R PREVOYANCE pour le paiement de cotisations impayées. Malgré les mises en demeure, aucune solution n’a été trouvée. AG2R réclame 11.975,93 € pour les arriérés, tandis que le cabinet dentaire conteste les montants et demande 2.000,00 € pour ses frais. Le tribunal, constatant des incohérences dans les documents d’AG2R, déboute cette dernière de sa demande et lui ordonne de verser 1.500 euros au cabinet dentaire pour les frais de procédure, rendant la décision exécutoire à titre provisoire. Toutes les autres demandes sont rejetées.

Exposé du litige

La SELARL CABINET DENTAIRE [X] est un cabinet de chirurgie dentaire ayant adhéré à des contrats de prévoyance auprès de l’institution AG2R PREVOYANCE. Malgré plusieurs mises en demeure pour le paiement d’arriérés de cotisations, aucune solution amiable n’a été trouvée. En conséquence, AG2R a assigné le cabinet dentaire devant le tribunal judiciaire de Lyon pour obtenir le paiement des sommes dues.

Demandes de l’institution AG2R PREVOYANCE

Dans ses conclusions, AG2R demande au tribunal de débouter le cabinet dentaire de toutes ses demandes et de le condamner à payer un total de 11.975,93 € pour des cotisations impayées, ainsi que des frais de mise en demeure et des dépens. AG2R se fonde sur des articles du Code civil pour justifier sa demande, affirmant que le cabinet dentaire a manqué à ses obligations contractuelles.

Réponses de la SELARL CABINET DENTAIRE [X]

En réponse, le cabinet dentaire demande le débouté d’AG2R et réclame une somme de 2.000,00 € pour ses propres frais. Il soulève des questions sur la prescription des demandes et conteste la validité des montants réclamés, arguant que les décomptes fournis par AG2R sont lacunaires et peu clairs. Le cabinet dentaire souligne également qu’il avait délégué ses obligations déclaratives à un cabinet comptable.

Motifs de la décision

Le tribunal note que la partie demanderesse, AG2R, n’a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier les montants réclamés. Les documents présentés contiennent des incohérences et ne permettent pas d’établir clairement les arriérés de cotisations. En conséquence, le tribunal déboute AG2R de sa demande de paiement.

Décision du tribunal

Le tribunal condamne AG2R aux dépens et lui ordonne de verser 1.500 euros au cabinet dentaire pour les frais de procédure. La décision est exécutoire à titre provisoire, conformément aux dispositions du Code de procédure civile. Toutes les autres demandes des parties sont rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de preuve en matière d’exécution d’une obligation contractuelle ?

L’article 1353 du Code civil stipule que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».

Cela signifie que la partie qui demande le paiement d’une somme d’argent doit fournir des éléments de preuve suffisants pour justifier sa demande.

En l’espèce, l’institution de prévoyance AG2R PREVOYANCE a produit des mises en demeure et un état des sommes dues, mais ces documents ne suffisent pas à établir de manière claire et précise le montant exact des cotisations dues par la SELARL CABINET DENTAIRE [X].

De plus, l’article 1353 précise également que « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

Dans ce cas, la SELARL CABINET DENTAIRE [X] a contesté les montants réclamés, soulignant des incohérences dans les pièces fournies par AG2R.

Ainsi, la charge de la preuve incombe à AG2R, qui n’a pas réussi à établir de manière satisfaisante le montant des cotisations dues.

Quelles sont les conséquences de l’absence de production des appels de cotisations ?

L’absence de production des appels de cotisations peut avoir des conséquences significatives sur la recevabilité de la demande en paiement.

En effet, l’article 1353 du Code civil, qui impose à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver, implique que les appels de cotisations constituent des éléments essentiels pour établir la créance.

Sans ces documents, il devient difficile pour la partie demanderesse de justifier le montant réclamé.

Dans le cas présent, la SELARL CABINET DENTAIRE [X] a soulevé l’absence de production des appels de cotisations, ce qui a contribué à la décision du tribunal de débouter AG2R de sa demande.

De plus, l’absence de clarté dans les décomptes fournis par AG2R a également été un facteur déterminant dans l’appréciation de la preuve.

Ainsi, le tribunal a considéré que l’institution de prévoyance n’avait pas apporté la preuve suffisante de l’existence et du montant des arriérés de cotisations.

Comment la délégation des obligations déclaratives influence-t-elle la responsabilité en matière de cotisations ?

La délégation des obligations déclaratives à un cabinet comptable peut influencer la responsabilité en matière de cotisations, notamment en ce qui concerne la preuve de l’exécution des obligations.

L’article 1194 du Code civil précise que « les conventions doivent être exécutées de bonne foi ».

Dans ce contexte, si la SELARL CABINET DENTAIRE [X] a délégué ses obligations déclaratives à un cabinet comptable, cela peut être interprété comme une tentative de respecter ses obligations contractuelles.

Cependant, cela n’exonère pas nécessairement le cabinet dentaire de sa responsabilité en cas de manquement.

Il est donc essentiel de déterminer si le cabinet comptable a effectivement rempli ses obligations et si la SELARL CABINET DENTAIRE [X] a pris les mesures nécessaires pour s’assurer de la bonne exécution de ces obligations.

Dans le cas présent, la SELARL CABINET DENTAIRE [X] a souligné que les paiements étaient régularisés par prélèvements automatiques, ce qui pourrait également jouer en sa faveur en démontrant une volonté de respecter ses engagements.

Quelles sont les implications de la prescription en matière de demandes en paiement ?

La prescription en matière de demandes en paiement est régie par les articles 2224 et suivants du Code civil.

L’article 2224 stipule que « la durée de la prescription est de cinq ans ».

Cela signifie que la partie créancière doit agir dans un délai de cinq ans à compter du moment où elle a connaissance de la créance.

Dans le cas présent, la SELARL CABINET DENTAIRE [X] a soulevé la question de la prescription des demandes en paiement, ce qui pourrait avoir des implications sur la recevabilité des demandes d’AG2R.

Cependant, le tribunal a noté qu’aucune fin de non-recevoir n’a été soulevée à cet égard, ce qui signifie que la question de la prescription n’a pas été tranchée dans le cadre de cette affaire.

Il est donc crucial pour les parties de veiller à respecter les délais de prescription pour éviter que leurs demandes ne soient déclarées irrecevables.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Quatrième Chambre

N° RG 22/09059 – N° Portalis DB2H-W-B7G-XFTC

Jugement du 14 Janvier 2025

Notifié le :

Grosse et copie à :
Maître Marie-josèphe LAURENT de la SELAS IMPLID AVOCATS – 768
Me Damien MENGHINI-RICHARD – 301

Copie dossier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 Janvier 2025 après prorogation du délibéré, devant la Quatrième Chambre le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 04 Juin 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 24 septembre 2024 devant :

Véronique OLIVIERO, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assistée de Marianne KERBRAT, greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

AG2R PREVOYANCE, Institution de prévoyance
dont le siège social est sis [Adresse 1]
prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Me Damien MENGHINI-RICHARD, avocat au barreau de LYON et par Maître Isabelle CAILLABOUX de la SELARL SAUTELET CAILLABOUX FARGEON, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

CABINET DENTAIRE [X], S.E.L.A.R.L
dont le siège social est sis [Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Marie-josèphe LAURENT de la SELAS IMPLID AVOCATS, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

La SELARL CABINET DENTAIRE [X] exerce une activité de chirurgien-dentiste. En vertu de l’accord du 5 juin 1987 relatif à la prévoyance et de la convention collective nationale des cabinets dentaires du 17 janvier 1992, elle a adhéré à des contrats proposés par l’institution de prévoyance AGRR-PREVOYANCE, devenue AG2R PREVOYANCE.

Par quatre courriers recommandés du 1er février 2019, puis trois lettres recommandées avec accusé de réception du 19 octobre 2020, et une lettre recommandée avec accusé de réception du 16 février 2021, le cabinet dentaire a été mis en demeure de régler des arriérés de cotisations.

Aucune issue amiable n’a été trouvée.

Par acte de commissaire de justice signifié le 5 octobre 2022, l’institution de prévoyance AG2R PREVOYANCE a fait assigner en paiement la SELARL CABINET DENTAIRE [X] devant le tribunal judiciaire de Lyon.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2023 (seules notifiées au RPVA), l’institution de prévoyance AG2R PREVOYANCE (ci-après AG2R) sollicite du tribunal de :

DEBOUTER la SELARL CABINET DENTAIRE [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions

CONDAMNER la SELARL CABINET DENTAIRE [X] à lui payer les sommes suivantes :
– 11.975,93 € au titre des cotisations de prévoyance laissées impayées des 4ème trimestre 2015, 3ème et 4ème trimestres 2016, 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2017, 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2018, 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2019, 1er trimestre 2020 avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 1er février 2019,
– 38,40 € au titre des frais de mise en demeure,
– 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER la SELARL CABINET DENTAIRE [X] en tous les dépens

DIRE ET JUGER que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est compatible et nécessaire avec la nature de l’affaire.

Sur le fondement des articles 1103, 1104, 1193, 1194, 1217 et 1231-6 du Code civil, l’institution AG2R se prévaut d’une inexécution contractuelle du cabinet dentaire, tiré d’arriérés de cotisations consécutif aux déclarations sociales nominatives. La partie demanderesse rappelle qu’il n’existe pas d’appels de cotisations, dès lors que, depuis le 1er janvier 2017, les entreprises doivent déclarer leur masse salariale auprès des organismes sociaux. Elle ajoute que l’intervention d’un cabinet comptable est indifférente.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 février 2024, la SELARL CABINET DENTAIRE [X] sollicite du tribunal de :

DÉBOUTER l’AG2R Prévoyance de l’intégralité de ses demandes

CONDAMNER l’AG2R Prévoyance au paiement d’une somme de 2 000,00 € en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER l’AG2R Prévoyance aux entiers dépens.

La partie défenderesse s’interroge sur la prescription des demandes, en l’absence de production des appels de cotisations et compte tenu du caractère lacunaire ou nébuleux des décomptes versés au débat. Puis, sur le fondement de l’article 1353 du Code civil, elle conclut au débouté, estimant que le changement de numérotation du contrat d’adhésion initial, la ventilation en quatre sous-contrats, les variations des montants réclamés au gré des mises en demeure, l’absence de production des appels de cotisation ne permettent pas d’établir l’assiette retenue pour le calcul des cotisations et l’origine des arriérés allégués, d’autant que les paiements étaient régularisés par prélèvements automatiques. Elle souligne également qu’elle avait délégué ses obligations déclaratives à un cabinet comptable, dont la responsabilité pourrait alors être engagée.

***

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il convient de préciser que si la partie défenderesse évoque dans ses écritures la prescription de certaines demandes en paiement, aucune fin de non-recevoir n’est soulevée sachant, au demeurant, que son examen relève de la compétence du juge de la mise en état.

Sur la demande en paiement

Aux termes de l’article 1315 ancien du Code civil, devenu 1353 depuis l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Par ailleurs, nul ne peut se constituer une preuve à lui-même.

En l’espèce, AG2R réclame le paiement d’arriérés de cotisations dus par le CABINET DENTAIRE [X] en produisant au débat uniquement les mises en demeures adressées en lettres recommandées avec accusé de réception les 1er février 2019, 19 octobre 2020 et 16 février 2021, un état des sommes dues au 11 octobre 2021, un détail de l’arriéré par exercice sous forme de tableau lequel n’a aucun en-tête ni référence, un décompte du compte-client issu de chez AG2R. En ce sens, toutes ces pièces émanent de la partie demanderesse.

De plus, comme le relève le CABINET DENTAIRE [X], certains montants diffèrent d’une pièce à l’autre. A titre d’exemple :
– Alors qu’il est réclamé 1115,61 euros au titre des cotisations du quatrième trimestre 2015 pour le contrat n°0N65614P, ce montant est porté à (4428,63 – 2665 =) 1763,63 euros dans les autres pièces ;
– Alors qu’il est réclamé 0,16+24,43 euros au titre des cotisations des troisième et quatrième trimestres 2016 pour le contrat n°0581734 P dans la mise en demeure du 1er février 2019, il est ensuite réclamé 2233,12 euros sans précision du sous-contrat concerné pour le quatrième trimestre (pièces n°4, n°6) ou pour le troisième trimestre (pièce n°5) voire les deux (pièce n°5 deuxième page). Ce montant de 2233,12 euros est ensuite attribué au 4ème trimestre de l’année 2016.

De manière générale, il est alternativement visé un contrat global (pièces n°4, 5, 6) ou plusieurs contrats (pièces 2, 3, 4).

Par ailleurs, le décompte du compte client figurant en pièce n°7 indique que le CABINET DENTAIRE [X] procède chaque trimestre à des télérèglements dont les montants varient sans que l’on comprenne pourquoi ils ne correspondent pas aux montants de cotisations calculés par AG2R. A cet égard, aucun échange avec le cabinet comptable précédent l’envoi des mises en demeure n’est justifié, pouvant éclairer sur les divergences de calculs.

Dans ce contexte, si l’existence d’une adhésion n’est pas débattue, elle ne peut suffire à considérer que le montant réclamé par AG2R est nécessairement correct. Or la partie demanderesse n’apporte aucune explication. Par suite, elle ne rapporte pas suffisamment la preuve du montant de l’obligation dont elle réclame l’exécution et doit être déboutée de sa demande en paiement.

Sur les demandes accessoires

Il convient de condamner l’institution de prévoyance AG2R PREVOYANCE aux dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’institution de prévoyance AG2R PREVOYANCE sera également condamnée à payer à la SELRAL CABINET DENTAIRE la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’article 514 du code de procédure civile applicable aux instances introduites depuis le 1er janvier 2020 dispose que les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, Statuant publiquement, par jugement contradictoire, et en premier ressort

DEBOUTE l’institution de prévoyance AG2R PREVOYANCE de ses demandes

CONDAMNE l’institution de prévoyance AG2R PREVOYANCE aux dépens

CONDAMNE l’institution de prévoyance AG2R PREVOYANCE à payer à la SELARL CABINET DENTAIRE [X] la somme de 1500 euros au titre des frais non répétibles de l’instance

REJETTE toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Prononcé à la date de mise à disposition au greffe par Véronique OLIVIERO, vice-président,

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le Président, Véronique OLIVIERO, et Sylvie ANTHOUARD, Greffier, présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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