Indemnisation des préjudices corporels : enjeux et modalités d’évaluation

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Indemnisation des préjudices corporels : enjeux et modalités d’évaluation

L’Essentiel : Le 16 juin 2020, M. [Z] [H] a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par ABEILLE ASSURANCES. Le 19 octobre 2023, il a assigné la société et la CPAM des Bouches du Rhône pour obtenir réparation, se basant sur la loi du 5 juillet 1985. Un rapport d’expertise a évalué ses préjudices à 11 610 €, incluant divers frais et souffrances. En réponse, ABEILLE ASSURANCES a reconnu le droit à indemnisation, mais a contesté certains montants. Finalement, le tribunal a condamné la société à verser 6 847 € à M. [Z] [H].

Accident de la circulation

Le 16 juin 2020, M. [Z] [H] a subi un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société ABEILLE ASSURANCES.

Assignation en réparation

Le 19 octobre 2023, M. [Z] [H] a assigné la société ABEILLE ASSURANCES et la CPAM des Bouches du Rhône pour obtenir réparation de son préjudice, en se fondant sur la loi du 5 juillet 1985.

Rapport d’expertise

Un rapport d’expertise a été déposé par le Docteur [D] le 21 février 2023, évaluant les préjudices subis par M. [Z] [H] à la suite de l’accident.

Préjudices demandés

M. [Z] [H] a sollicité des indemnités pour divers préjudices, incluant des frais divers, des déficits fonctionnels temporaires et permanents, des souffrances endurées, et un préjudice esthétique temporaire, totalisant 11 610 € avant déduction d’une provision de 2 600 €.

Réponse de la société ABEILLE ASSURANCES

Dans ses conclusions du 6 mai 2024, la société ABEILLE ASSURANCES a reconnu le droit à indemnisation de M. [Z] [H] mais a contesté certains montants, demandant notamment le débouté concernant le préjudice esthétique temporaire et la réduction des autres prétentions.

Évaluation du préjudice

Le tribunal a évalué le préjudice corporel de M. [Z] [H] à 9 447 €, en tenant compte des frais divers, des déficits fonctionnels, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire, après déduction de la provision.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné la société ABEILLE ASSURANCES à verser 6 847 € à M. [Z] [H], ainsi que des intérêts légaux et des frais supplémentaires, tout en déclarant le jugement opposable à la CPAM des Bouches du Rhône.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’indemnisation de M. [Z] [H] ?

La demande d’indemnisation de M. [Z] [H] repose sur la loi du 5 juillet 1985, qui régit la responsabilité civile en matière d’accidents de la circulation.

Cette loi, également connue sous le nom de « loi Badinter », vise à faciliter l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation.

L’article 1 de cette loi stipule que « toute personne victime d’un accident de la circulation a droit à une indemnisation intégrale de son préjudice ».

Cela signifie que M. [Z] [H] peut demander réparation pour l’ensemble des préjudices subis, qu’ils soient patrimoniaux ou extra-patrimoniaux, en raison de l’accident survenu le 16 juin 2020.

Comment le tribunal évalue-t-il le montant de l’indemnisation ?

Le tribunal évalue le montant de l’indemnisation en se basant sur les préjudices subis par M. [Z] [H], tels que décrits dans le rapport d’expertise.

Les préjudices sont classés en deux catégories : patrimoniaux et extra-patrimoniaux.

Les préjudices patrimoniaux temporaires incluent les frais divers, qui s’élèvent à 500 €, tandis que les préjudices extra-patrimoniaux temporaires comprennent le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique temporaire.

L’article 1240 du Code civil précise que « celui qui cause un dommage à autrui est tenu de le réparer ».

Ainsi, le tribunal a évalué les préjudices de M. [Z] [H] à un total de 9 447 €, déduction faite de la provision de 2 600 € déjà versée.

Quelles sont les conséquences du non-respect des délais d’offre d’indemnisation ?

Le non-respect des délais d’offre d’indemnisation a des conséquences financières pour l’assureur.

Selon l’article 1231-7 du Code civil, « le débiteur est tenu de payer des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ».

Dans ce cas, la société ABEILLE ASSURANCES n’a pas fait d’offre d’indemnisation avant le 11 août 2023, ce qui a conduit le tribunal à condamner l’assureur au paiement d’intérêts au double du taux légal sur la somme due.

Cela souligne l’importance pour les assureurs de respecter les délais afin d’éviter des pénalités financières supplémentaires.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au tribunal de condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir ses frais de justice.

Dans cette affaire, le tribunal a décidé de condamner la société ABEILLE ASSURANCES à verser 1 300 € à M. [Z] [H] en vertu de cet article.

Cette somme vise à compenser les frais engagés par M. [Z] [H] pour faire valoir ses droits, ce qui est une pratique courante dans les litiges civils.

L’article précise que « le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ».

Cela renforce l’idée que les victimes d’accidents de la circulation doivent être soutenues dans leurs démarches juridiques.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 23/12792 – N° Portalis DBW3-W-B7H-36HL

AFFAIRE : M. [Z] [H] (Maître Michaël DRAHI de la SELARL LEVY DRAHI AVOCATS)
C/ ABEILLE ASSURANCES (la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES)

DÉBATS : A l’audience Publique du 03 Décembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Cyrille VIGNON

Greffier : Madame Taklite BENMAMAS, lors des débats

A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 07 Janvier 2025

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 07 Janvier 2025

PRONONCE par mise à disposition le 07 Janvier 2025

Par Monsieur Cyrille VIGNON, Vice-Président

Assistée de Madame Taklite BENMAMAS, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [Z] [H]
né le [Date naissance 1] 2002 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]

immatriculé à la sécurité sociale sous le n° 1.02.01.13.25.501.894

représenté par Maître Michaël DRAHI de la SELARL LEVY DRAHI AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

la compagnie ABEILLE IARD & SANTE
anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES,
dont le siège social est sis [Adresse 2]? [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal

représentée par Maître Julien BERNARD de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

la CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE,
dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal

défaillante

FAITS ET MOYENS DE PROCÉDURE :

Le 16 juin 2020, M. [Z] [H] a été victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule assuré auprès de la société ABEILLE ASSURANCES.

Par actes d’huissiers délivrés le 19 octobre 2023, M. [Z] [H] a assigné la société ABEILLE ASSURANCES pour qu’elle soit condamnée à réparer, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, le préjudice subi à la suite de l’accident de la circulation précité, ainsi que la CPAM des Bouches du Rhône.

Le Docteur [D], désigné par ordonnance de référé du 28 mars 2022, ayant déposé son rapport le 21 février 2023, M. [Z] [H] sollicite que lui soient accordées, en réparation de son préjudice corporel, les sommes suivantes :

I) Préjudices Patrimoniaux

I-A) Préjudices patrimoniaux temporaires

– Frais divers 500 €

II) Préjudices extra-patrimoniaux

II-A) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

– Déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % 175 €
– Déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % 635 €
– Souffrances endurées 4 500 €
– Préjudice esthétique temporaire 1 000 €

II-B) Préjudices extra-patrimoniaux permanents

– Déficit fonctionnel permanent 4 800 €

SOIT AU TOTAL 11 610 €
dont il convient de déduire la somme de 2 600 €, déjà versée à titre de provision.

M. [Z] [H] demande en outre au tribunal de :

– le doublement des intérêts,
– condamner la société ABEILLE ASSURANCES à lui payer la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société ABEILLE ASSURANCES aux entiers dépens,

Par conclusions notifiées le 06 mai 2024, la société ABEILLE ASSURANCES ne conteste pas le droit à indemnisation de M. [Z] [H] mais sollicite :

– l’acceptation des frais d’assistance à expertise,
– le débouté concernant la demande portant sur le préjudice esthétique temporaire,
– la réduction des autres prétentions émises,
– que soit retranché le recours des tiers payeurs des postes de préjudice sur lesquels ils doivent s’imputer,
– le rejet de sa demande de doublement de l’intérêt légal et d’application de l’article L 211-13 du Code des assurances, ou à défaut, qu’il soit jugé que l’assiette du doublement de l’intérêt légal est constituée par l’indemnité offerte par l’assureur et non par l’indemnité fixée par le Tribunal,
– qu’il soit tenu compte de la provision de 2 600 euros déjà versée et qu’il soit jugé que celle-ci constitue une circonstance justifiant que le Tribunal juge que l’exécution provisoire ne saurait être prononcée, à tout le moins en totalité,
– le rejet de la demande formulée en vertu de l’article 700 du CPC,
– le rejet de ses prétentions contraires ou plus amples,
– que soit déclarée commune et opposable à l’organisme social appelé en la cause la décision à prononcer,
– la distraction des dépens au profit de son conseil,

L’organisme social bien que régulièrement mis en cause ne comparaît pas mais fait connaître le montant de ses débours, soit la somme de 351,53 euros.

MOTIFS DU JUGEMENT :

Sur le droit à indemnisation :

Il convient de donner acte à la société ABEILLE ASSURANCES qu’elle ne conteste pas devoir indemniser M. [Z] [H] des conséquences dommageables de l’accident du 16 juin 2020.

Sur le montant de l’indemnisation :

Aux termes non contestés du rapport d’expertise, l’accident a entraîné pour la victime, les conséquences médico-légales suivantes :

– un déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % de 15 jours
– un déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % de 128 jours
– une consolidation au 05 novembre 2020
– une atteinte à l’intégrité physique et psychique de 2 %
– des souffrances endurées qualifiées de 2/7

Sur la base de ce rapport, contre lequel aucune critique médicalement fondée n’est formée, et compte tenu des conclusions et des pièces produites, le préjudice corporel de M. [Z] [H] compte tenu de son âge au moment de sa consolidation, doit être évalué ainsi qu’il suit :

I) Les Préjudices Patrimoniaux :

I-A) Les Préjudices Patrimoniaux Temporaires :

Les frais divers :

Les frais divers sont représentés par les honoraires d’assistance à expertise du médecin conseil, soit 500 €, tel qu’admis par les deux parties.

II) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

II-A) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Temporaires :

Le déficit fonctionnel temporaire :

Ce poste de préjudice cherche à indemniser l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu’à sa consolidation et correspond à une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante incluant le préjudice d’agrément temporaire pendant cette période.

Compte tenu de la nature des lésions subies par M. [Z] [H] et de la gêne qu’elles ont entraînées sur sa vie quotidienne, il y a lieu d’indemniser ce poste de préjudice sur la base de 900 € par mois (montants arrondis).

– déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % : 113 €
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % : 384 €

Total 497 €

Les souffrances endurées :

Les souffrances endurées fixées par l’expert à 2/7 seront indemnisées par le versement de la somme de 4 000 €.

Le préjudice esthétique temporaire :

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l’obligation pour la victime de se présenter temporairement au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.

Il n’est pas retenu par l’expert mais M. [Z] [H] a conservé un collier cervical durant 15 jours de façon continue : il s’agit d’éléments disgracieux.

Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 150 €.

II-B) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Permanents :

Le déficit fonctionnel permanent :

Ce poste de préjudice cherche à indemniser le préjudice extra-patrimonial découlant de l’incapacité médicalement constatée et à réparer ses incidences touchant exclusivement la sphère personnelle de la victime, soit non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de celle-ci mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d’existence après consolidation.

Compte tenu des séquelles conservées par la victime, il a été estimé par l’expert à 2 %. Il y a donc lieu de l’indemniser par l’allocation de la somme de 4 300 €.

RÉCAPITULATIF

– frais divers 500 €
– déficit fonctionnel temporaire 497 €
– souffrances endurées 4 000 €
– préjudice esthétique temporaire 150 €
– déficit fonctionnel permanent 4 300 €

TOTAL 9 447 €

PROVISION A DÉDUIRE 2 600 €

RESTE DU 6 847 €

En application de l’article 1231-7 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Sur les demandes accessoires :

L’offre devait intervenir avant le 11 août 2023; tel n’a pas été le cas; le fait d’alléguer que la société ABEILLE ASSURANCES n’aurait pas été destinataire du rapport d’expertise complet demeure sans incidence sur l’appréciation des délais, dans la mesure où s’agissant d’une expertise judiciaire, il lui incombait de faire diligence auprès de l’expert, ce qui n’a pas été le cas. La société ABEILLE ASSURANCES sera donc condamnée au paiement du montant correspondant au double du taux légal sur la somme de 7 697,2 € sur la période comprise entre le 11 août 2023 et le 6 mai 2024.

L’article 514 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l’article 3 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020 prévoit que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision n’en dispose autrement. Il n’y a pas lieu en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit.

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société ABEILLE ASSURANCES, partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de la présente procédure.

M. [Z] [H] ayant exposé des frais pour obtenir la reconnaissance de ses droits, il est équitable de condamner la société ABEILLE ASSURANCES à lui payer la somme de 1 300 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire, en matière civile ordinaire, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société ABEILLE ASSURANCES qu’elle ne conteste pas devoir indemniser M. [Z] [H] des conséquences dommageables de l’accident du 16 juin 2020 ;

Evalue le préjudice corporel de M. [Z] [H], hors débours de la CPAM des Bouches du Rhône, ainsi qu’il suit ;

– frais divers 500 €
– déficit fonctionnel temporaire 497 €
– souffrances endurées 4 000 €
– préjudice esthétique temporaire 150 €
– déficit fonctionnel permanent 4 300 €

SOIT AU TOTAL 9 447 €
dont il convient de déduire la somme de 2 600 euros, versée à titre de provision.

EN CONSÉQUENCE :

Condamne la société ABEILLE ASSURANCES à payer avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement à M. [Z] [H] :

– la somme de 6 847 € en réparation de son préjudice corporel, et ce déduction faite de la provision précédemment allouée;

– le montant correspondant au double du taux légal sur la somme de 7 697,2 € sur la période comprise entre le 11 août 2023 et le 6 mai 2024;

– la somme de 1 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Déclare le présent jugement commun et opposable à la CPAM des Bouches du Rhône;

Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision;

Condamne la société ABEILLE ASSURANCES aux entiers dépens ;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 07 JANVIER DEUX MILLE VINGT-CINQ

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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