L’Essentiel : Le 12 avril 2017, M. [U] [V] a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la MAIF. Le 28 avril 2023, il a assigné la MAIF en réparation de son préjudice corporel, sollicitant des réparations pour divers préjudices. Bien que la MAIF ait reconnu son droit à indemnisation, elle a proposé une évaluation inférieure. Le tribunal, après avoir examiné les éléments de preuve, a fixé le montant total de l’indemnisation à 205 156,66 €, avec des intérêts au taux légal, confirmant ainsi le droit à réparation de M. [U] [V].
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Accident de la circulationLe 12 avril 2017, M. [U] [V] a subi un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la MAIF. Assignation de la MAIFLe 28 avril 2023, M. [U] [V] a assigné la MAIF en réparation de son préjudice corporel, en se fondant sur la loi du 5 juillet 1985. Demande d’indemnisationM. [U] [V] a sollicité des réparations pour divers préjudices, incluant des préjudices patrimoniaux temporaires et permanents, ainsi que des préjudices extra-patrimoniaux temporaires et permanents, totalisant des sommes significatives. Réponse de la MAIFDans ses conclusions du 1er août 2023, la MAIF a reconnu le droit à indemnisation de M. [U] [V], mais a proposé une évaluation inférieure de son préjudice, tout en demandant des pièces justificatives concernant la situation professionnelle actuelle de M. [V]. Ordonnance de clôtureL’ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024, et la MAIF a tenté de la révoquer par des conclusions notifiées le 6 décembre 2024, mais sans succès. Évaluation du préjudiceLe tribunal a évalué le préjudice corporel de M. [U] [V] en se basant sur un rapport d’expertise, prenant en compte les hospitalisations, les arrêts de travail, et les pertes de gains professionnels. Préjudices patrimoniauxLes préjudices patrimoniaux ont été détaillés, incluant des dépenses de santé, des frais divers, des pertes de gains professionnels, et des incidences professionnelles, avec des montants spécifiques pour chaque catégorie. Préjudices extra-patrimoniauxLes préjudices extra-patrimoniaux ont également été évalués, englobant le déficit fonctionnel temporaire et permanent, les souffrances endurées, et le préjudice esthétique, avec des montants alloués pour chacun. Montant total de l’indemnisationLe montant total de l’indemnisation a été fixé à 205 156,66 €, après déduction d’une provision de 3 000 € déjà versée. Intérêts et exécution provisoireLe tribunal a décidé que la somme due porterait intérêts au taux légal et a condamné la MAIF à verser des intérêts au double du taux légal en raison de l’insuffisance de l’offre d’indemnisation. Décision finale du tribunalLe tribunal a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture, a confirmé le droit à indemnisation de M. [U] [V], et a condamné la MAIF à payer les sommes dues, ainsi qu’à couvrir les dépens de la procédure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la demande d’indemnisation de M. [U] [V] ?La demande d’indemnisation de M. [U] [V] repose sur la loi du 5 juillet 1985, qui régit la responsabilité civile en matière d’accidents de la circulation. Cette loi vise à protéger les victimes d’accidents de la route en leur permettant d’obtenir réparation pour les préjudices subis. L’article 1 de cette loi stipule que « toute personne victime d’un accident de la circulation a droit à une indemnisation intégrale de son préjudice ». Cela inclut les préjudices patrimoniaux, tels que les pertes de gains professionnels et les frais médicaux, ainsi que les préjudices extra-patrimoniaux, comme les souffrances physiques et le préjudice esthétique. En vertu de l’article 2, l’indemnisation doit couvrir l’ensemble des préjudices subis par la victime, qu’ils soient temporaires ou permanents. Ainsi, M. [U] [V] a le droit de demander réparation pour tous les préjudices qu’il a subis à la suite de l’accident, conformément aux dispositions de cette loi. Comment sont évalués les préjudices patrimoniaux temporaires ?Les préjudices patrimoniaux temporaires sont évalués en tenant compte des dépenses engagées par la victime et des pertes de revenus subies en raison de l’accident. Selon l’article 1 de la loi du 5 juillet 1985, ces préjudices doivent être indemnisés de manière intégrale. Dans le cas de M. [U] [V], les préjudices patrimoniaux temporaires incluent : – Dépenses de santé restées à charge : M. [U] [V] a justifié des frais de santé de 643 €. – Frais divers : Ces frais, qui s’élèvent à 3368,71 €, comprennent les honoraires d’assistance à expertise et les frais de déplacement. – Tierce personne temporaire : Le besoin d’assistance a été évalué à 3780 €, basé sur 210 heures d’aide à un tarif horaire de 18 €. – Pertes de gains professionnels actuels : La perte de revenus a été calculée à 9125,95 €, en tenant compte des indemnités journalières et des salaires perçus. Ces éléments sont essentiels pour établir le montant total des préjudices patrimoniaux temporaires, qui doivent être indemnisés conformément à l’article 2 de la loi précitée. Quelles sont les conditions pour obtenir des préjudices extra-patrimoniaux permanents ?Les préjudices extra-patrimoniaux permanents sont destinés à indemniser les atteintes à la personne qui ne peuvent pas être quantifiées en termes financiers. Selon l’article 2 de la loi du 5 juillet 1985, ces préjudices doivent être évalués en fonction de la souffrance endurée et de la perte de qualité de vie. Pour M. [U] [V], les préjudices extra-patrimoniaux permanents incluent : – Déficit fonctionnel permanent : Estimé à 7 %, ce préjudice a été évalué à 12 600 €. – Préjudice esthétique permanent : Évalué à 2000 €, il tient compte des cicatrices et de l’impact sur l’apparence physique. – Préjudice d’agrément : Ce préjudice, qui compense la perte de plaisir dans les activités de loisirs, a été évalué à 8000 €. Pour obtenir ces indemnités, il est nécessaire de prouver l’existence d’une incapacité permanente, comme le stipule l’article 2 de la loi du 5 juillet 1985, et de fournir des éléments de preuve concernant l’impact sur la qualité de vie de la victime. Quels sont les effets de l’absence d’offre d’indemnisation de l’assureur ?L’absence d’offre d’indemnisation de l’assureur a des conséquences juridiques importantes, notamment en ce qui concerne le doublement des intérêts. Selon l’article L. 211-9 du code des assurances, l’assureur doit présenter une offre définitive d’indemnisation dans un délai de 5 mois suivant la consolidation de l’état de santé de la victime. Dans le cas de M. [U] [V], l’assureur n’a pas respecté ce délai, ce qui a conduit le tribunal à considérer l’offre comme inexistante. En conséquence, conformément à l’article L. 211-9, M. [U] [V] a droit au double des intérêts au taux légal sur le montant de l’indemnisation. Cela signifie que la MAIF est tenue de verser des intérêts au double du taux légal sur la somme due, à compter de la date à laquelle l’offre aurait dû être faite, jusqu’au jugement. Cette disposition vise à protéger les victimes en cas de manquement de l’assureur à ses obligations. Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans ce cas ?L’article 700 du code de procédure civile permet au tribunal de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés pour la défense de ses droits. Dans le cas de M. [U] [V], il a demandé une indemnisation de 5000 € en vertu de cet article. Le tribunal a jugé équitable de condamner la MAIF à verser 1500 € à M. [U] [V] pour couvrir ses frais d’avocat et autres dépenses liées à la procédure. Cette somme est destinée à compenser les frais engagés par la victime pour obtenir réparation de son préjudice. L’article 700 vise à garantir un accès à la justice en permettant aux victimes de récupérer une partie des frais qu’elles ont dû supporter pour faire valoir leurs droits, ce qui est particulièrement pertinent dans les affaires d’accidents de la circulation où les victimes peuvent faire face à des coûts importants. |
DE MARSEILLE
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 23/04800 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3E2F
AFFAIRE : M. [U] [V] (la SELARL ARNOUX-POLLAK)
C/ MAIF (la SCP LIZEE- PETIT-TARLET)
DÉBATS : A l’audience Publique du 10 Décembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré
Président : Monsieur Cyrille VIGNON
Greffier : Madame Taklite BENMAMAS, lors des débats
A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 14 Janvier 2025
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2025
PRONONCE par mise à disposition le 14 Janvier 2025
Par Monsieur Cyrille VIGNON, Vice-Président
Assistée de Madame Taklite BENMAMAS, Greffier
NATURE DU JUGEMENT
réputée contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEUR
Monsieur [U] [V]
né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 6], demeurant [Adresse 5]
immatriculé à la sécurité sociale sous le n° [Numéro identifiant 1]
représenté par Maître Delphine CASALTA de la SELARL ARNOUX-POLLAK, avocats postulant au barreau de MARSEILLE et Me Etienne RONDET de l’AARPI NOVALEGEM, avocat plaidant au barreau de PARIS
C O N T R E
DEFENDERESSES
la MAIF,
dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal
représentée par Maître Charles-Henri PETIT de la SCP LIZEE- PETIT-TARLET, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
l’ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE, (ENIM) dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal
défaillant
Le 12 avril 2017 , M. [U] [V] a été victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule assuré auprès de la MAIF.
Par acte d’huissier délivré le 28 avril 2023, M. [U] [V] a assigné la MAIF pour qu’elle soit condamnée à réparer, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, le préjudice subi à la suite de l’accident de la circulation précité.
Le Docteur [C], désigné dans un cadre amiable, ayant déposé son rapport, M. [U] [V] sollicite que lui soient accordées, en réparation de son préjudice corporel, les sommes suivantes:
I) Préjudices Patrimoniaux
I-A) Préjudices patrimoniaux temporaires
– Dépenses de santé restées à charge 643 €
– Frais divers 3140 € + 228,71 €
– Tierce personne temporaire 4288,85 €
– Pertes de gains professionnels actuels 21 191,14 €
– Incidence professionnelle temporaire 1754,74 €
I-B) Préjudices patrimoniaux permanents
– Pertes de gains professionnels futurs 146 215,22 € + 1 595 638,49 €
– Incidence professionnelle 50 000 €
II) Préjudices extra-patrimoniaux
II-A) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires
– Déficit fonctionnel temporaire total 150 €
– Déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % 1350 €
– Déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % 4381,25 €
– Souffrances endurées 15 000 €
– Préjudice esthétique temporaire 1000 €
II-B) Préjudices extra-patrimoniaux permanents
– Déficit fonctionnel permanent 14 700 €
– Préjudice esthétique permanent 5000 €
– Préjudice d’agrément 15 000 €
dont il convient de déduire la somme de 3000 €, déjà versée à titre de provision.
M. [U] [V] demande en outre au tribunal de :
– condamner la MAIF à lui payer la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire et juger que les sommes qui seront allouées à Monsieur [V] porteront intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai prévu aux articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances jusqu’au jour du jugement à intervenir,
– dire et juger n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
– condamner la MAIF aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Etienne RIONDET sur son affirmation de droit.
Par conclusions notifiées le 1er août 2023 , la MAIF ne conteste pas le droit à indemnisation de M. [U] [V] mais demande au tribunal de :
EVALUER son préjudice comme suit :
Préjudices patrimoniaux : 31.287,66€ sauf mémoire.
Préjudices extra-patrimoniaux : 27.077,50 €.
Avant dire droit sur l’évaluation du poste PGPF, condamner M [V] à produire aux débats
toutes les pièces justifiant de la situation professionnelle actuelle de M. [V] (contrat,
bulletins de salaires, avis d’imposition sur les revenus 2020, 2021 et 2022…).
Déduire en tout état de cause les deux provisions versées à hauteur de 3.000 €.
Vu l’offre de la MAIF du 31/01/20200, rejeter toute demande de doublement du taux légal.
RAMENER les demandes au titre de l’article 700 du CPC à de plus justes proportions.
L’ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE (ENIM), bien que régulièrement mis en cause ne comparaît pas.
L’ordonnance de clôture intervenait le 14 mai 2024.
Par conclusions notifiées le 6 décembre 2024, la MAIF sollicitait la révocation de l’ordonnance de clôture et que le tribunal déclare ses dernières conclusions recevables.
La MAIF n’invoque aucun motif susceptible de pouvoir justifier de révoquer l’ordonnance de clôture du 14 mai 2024, dans ses conclusions notifiées plus de 6 mois après cette ordonnance et 3 jours avant l’audience; la demande de révocation de l’ordonnance de clôture sera nécessairement rejetée.
Sur le droit à indemnisation :
Il convient de donner acte à la MAIF qu’elle ne conteste pas devoir indemniser M. [U] [V] des conséquences dommageables de l’accident du 12 avril 2017 .
Sur le montant de l’indemnisation :
Aux termes du rapport d’expertise, l’accident a entraîné pour la victime, les conséquences médico-légales suivantes :
Hospitalisations : du 12 avril 2017 au 14 avril 2017 et du 14 décembre 2017 au 15 décembre 2017
arrêts d’activité professionnelle :
du 12/04/2017 au 03/05/2018 et du 04/07/2018 au 25/08/2018
DFTT :
du 14 décembre 2017 au 15 décembre 2017
le 22 février 2019
DFTP de classe II
du 15 avril 2017 au 31 mai 2017
du 16 décembre 2017 au 16 janvier 2018
du 23 février 2019 au 23 mars 2019
DFTP de classe I
du 1er juin 2017 au 13 décembre 2017
du 17 janvier 2018 au 21 février 2019
du 24 mars 2019 au 5 juillet 2019
Tierce personne temporaire : 5 heures par jour du 15 avril 2017 au 31 mai 2017
Consolidation du 5 juillet 2019
DFP : 7%
Souffrances endurées : 3,5/7
Préjudice esthétique : 1/7
Répercussion sur l’activité professionnelle : une part imputable à l’accident du travail est retenue à hauteur de 2/3. Une part imputable de 1/3 est en lien avec le second traumatisme du 24 août 2018
Préjudice d’agrément : Gêne pour la pratique du VTT et des sports sollicitant les prises.
Sur la base de ce rapport et compte tenu des conclusions et des pièces produites, le préjudice corporel de M. [U] [V] compte tenu de son âge au moment de sa consolidation, doit être évalué ainsi qu’il suit :
I) Les Préjudices Patrimoniaux :
I-A) Les Préjudices Patrimoniaux Temporaires :
Les dépenses de santé restées à charge :
La victime justifie avoir gardé à sa charge des frais d’un montant de 643 €.
Les frais divers :
Les frais divers sont représentés par les honoraires d’assistance à expertise du médecin conseil, et les frais de déplacements, soit 3368,71 €, tel qu’admis par les deux parties.
La tierce personne temporaire :
Ces dépenses sont liées à l’assistance temporaire d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Les parties s’accordent sur un besoin total de 210 heures en la matière. Compte tenu du coût moyen de l’emploi d’une personne non qualifiée à domicile, en dehors du recours à une association prestataire, le coût horaire de 18 € sera retenu. Le préjudice de M. [U] [V] s’élève ainsi à la somme suivante : 210 heures x 18 € = 3780 €
Les pertes de gains professionnels temporaires :
Le tribunal retiendra sur ce point la période fixée par l’expert, à savoir : du 12/04/2017 au 03/05/2018 et du 04/07/2018 au 25/08/2018 au , soit 701 jours et non la période allant du 12 avril 2017 (date de l’accident) au 5 juillet 2019 (date de la consolidation) comme le revendique à tort M. [U] [V]. Le salaire moyen net de M. [V] retenu sera de 2 258 €/mois. Dès lors la perte indemnisable s’établit ainsi qu’il suit :
52 761,93 €
– 36 309,09 € (indemnités journalières)
– 1 378,77 € (pension d’invalidité)
– 5 948,12 € (salaires perçus)
= 9 125,95 €
Il n’ y a pas lieu de revaloriser ce montant.
L’incidence professionnelle temporaire :
L’incidence professionnelle ne peut être évaluée qu’après la consolidation de l’état de santé de la victime (Cass. 2e civ., 4 février 2016, n° 14-29.255). Le rejet de la demande d’indemnisation de l’incidence professionnelle temporaire s’impose du fait de son absence dans la nomenclature Dintilhac, son incompatibilité avec la définition jurisprudentielle de l’incidence professionnelle, le risque de double indemnisation, et l’absence de base légale pour reconnaître un tel préjudice distinct des postes existants.
I-B) Les Préjudices Patrimoniaux Permanents :
Les pertes de gains professionnels futurs :
Les pertes de gains professionnels futurs indemnisent la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.
Au moment de l’accident, Monsieur [V] occupait un poste de marin au sein de la société SMCM sur la Corsica Linea. Le Docteur [I], médecin du travail, a constaté, le 11 octobre 2019, l’inaptitude de Monsieur [V] à son poste et à tout poste embarqué; au vu de son inaptitude constatée par la médecine du travail, son inaptitude à la navigation a été déclarée le 6 novembre 2019. Le 19 août 2020, Monsieur [V] a signé un contrat de professionnalisation pour un poste de conseiller développement relation client-conseil et vente; le 31 août 2022, son contrat a pris fin sans qu’une proposition d’embauche ne lui soit faite. Monsieur [V] s’est inscrit comme demandeur d’emploi à POLE EMPLOI à compter du 1er septembre 2022. Monsieur [V] sollicite une indemnisation fondée sur un salaire moyen de 2.951,43 € par mois; concernant la capitalisation, il revendique une perte intégrale de ce salaire.
Si, du fait de l’accident, Monsieur [V] n’est plus en mesure d’exercer son métier de matelot, il n’en demeure pas moins que ses séquelles ne l’empêchent pas de pouvoir travailler dans d’autre secteurs d’activités. Si l’accident a privé Monsieur [V] de la possibilité de poursuivre son métier de matelot, il ne l’a pour autant pas privé de la capacité d’exercer toute activité professionnelle. Il s’en suit qu’il n’est pas possible de pouvoir considérer que l’accident en cause a privé Monsieur [V] de la possibilité de se procurer des revenus professionnels. Par contre, compte tenu de l’absence de qualifications particulières autres que celles d’ordre maritime, l’accident contraint a priori Monsieur [V] a ne pouvoir exercer que des activités de base induisant une rémunération du niveau du salaire minimu; à ce titre Monsieur [V] peut utilement revendiquer le différentiel ainsi subi entre son ancien salaire moyen de 2 258 €/mois et le salaire minimum en vigueur de 1800 €, soit un manque à gagner mensuel de 458 €.
Sur la période échue : du 5 juillet 2019 au 2023 octobre 2023, soit 51 mois et 23 jours, le calcul s’établit ainsi qu’il suit : 23 358 € + 351 € = 23 709 €.
Concernant la capitalisation, le calcul s’établit ainsi qu’il suit :
(458 € x 12 mois) x (64 ans – 46 ans = 18) = 98 928 €;
Au total, il est du à Monsieur [V] la somme de 122 637 €.
L’incidence professionnelle :
Ce poste a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, telles que la dévalorisation sur le marché du travail, la perte de chance professionnelle, l’augmentation de la pénibilité de l’emploi occupé ou le préjudice consécutif à l’abandon de la profession exercée avant l’accident au profit d’une autre choisie en fonction du handicap.
Compte tenu de son âge, combiné à ses compétences professionnelles essentielement fondées sur des métiers manuels impliquant des positionnements et/ou des sollicitations physiques et de l’ampleur (7 % de DFP) et de la nature de ses séquelles, ce préjudice spécifique et distinct sera justement indemnisé à hauteur de 30 000 €.
II) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :
II-A) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Temporaires :
Le déficit fonctionnel temporaire :
Ce poste de préjudice cherche à indemniser l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu’à sa consolidation et correspond à une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante incluant le préjudice d’agrément temporaire pendant cette période. Le demndeur évoque par erreur des DFTP de 50 % et de 25 %, alors que l’expert releève des DFTP de 25 % et de 10 %.
– déficit fonctionnel temporaire total : 75 €
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % : 675 €
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % : 1752 €
Total 2502 €
Les souffrances endurées :
Les souffrances endurées fixées par l’expert à 3,5/7 seront indemnisées par le versement de la somme de 10 000 €.
Le préjudice esthétique temporaire :
Ce poste vise à réparer le préjudice né de l’obligation pour la victime de se présenter temporairement au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.Monsieur [V] a été immobilisé pendant 6 semaines avec une attelle disgracieuse; ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 500 €.
II-B) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Permanents :
Le déficit fonctionnel permanent :
Ce poste de préjudice cherche à indemniser le préjudice extra-patrimonial découlant de l’incapacité médicalement constatée et à réparer ses incidences touchant exclusivement la sphère personnelle de la victime, soit non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de celle-ci mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d’existence après consolidation.
Compte tenu des séquelles conservées par la victime, il a été estimé par l’expert à 7 %. Il y a donc lieu de l’indemniser par l’allocation de la somme de 12 600 €.
Le préjudice esthétique :
Estimé à 1/7 par l’expert au vu de la présence d’éléments cicatriciels, ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 2000 €.
Le préjudice d’agrément :
Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité ou à la difficulté pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs et doit être évalué in concreto.
Au vu des documents produits, le préjudice d’agrément est justifié par la nature et la localisation des séquelles entravant la pratique de la moto, du VTT et du judo. Il sera évalué à la somme de 8000 €.
RÉCAPITULATIF
– dépenses de santé restées à charge 643 €
– frais divers 3368,71 €
– tierce personne temporaire 3780 €
– pertes de gains professionnels actuels 9125,95 €
– incidence professionnelle temporaire débouté
– pertes de gains professionnels futures 122 637 €
– incidence professionnelle 30 000 €
– déficit fonctionnel temporaire 2502 €
– souffrances endurées 10 000 €
– préjudice esthétique temporaire 500 €
– déficit fonctionnel permanent 12 600 €
– préjudice esthétique permanent 2000 €
– préjudice d’agrément 8000 €
TOTAL 205 156,66 €
PROVISION A DÉDUIRE 3000 €
RESTE DU 202 156,66 €
En application de l’article 1231-6 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Sur le doublement de l’intérêt légal :
L’article L 211-9 du code des assurances dispose que l’assureur doit présenter à la victime une offre définitive d’indemnisation dans un délai de 5 mois à compter de la date à laquelle il a été informé de sa consolidation. Aucune offre n’a été émise dans le délai imparti. En l’espèce le caractère nettement insuffisant de l’offre émise implique de devoir la considérer comme inexistante. Il convient de condamner la MAIF au paiement du montant du double des intérêts au taux légal sur la somme de 342 007,06 € sur la période comprise entre le 9 avril 2022 et le 14 janvier 2025.
Sur les demandes accessoires :
L’article 514 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l’article 3 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020 prévoit que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision n’en dispose autrement. Il n’y a pas lieu en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit.
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la MAIF, partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de la présente procédure.
M. [U] [V] ayant exposé des frais pour obtenir la reconnaissance de ses droits, il est équitable de condamner la MAIF à lui payer la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire, en matière civile ordinaire, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formulée par la MAIF;
Donne acte à la MAIF qu’elle ne conteste pas devoir indemniser M. [U] [V] des conséquences dommageables de l’accident du 12 avril 2017 ;
Evalue le préjudice corporel de M. [U] [V], après déduction des débours hors débours de l’ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE (ENIM) , aisni qu’il suit :
– dépenses de santé restées à charge 643 €
– frais divers 3368,71 €
– tierce personne temporaire 3780 €
– pertes de gains professionnels actuels 9125,95 €
– incidence professionnelle temporaire débouté
– pertes de gains professionnels futures 122 637 €
– incidence professionnelle 30 000 €
– déficit fonctionnel temporaire 2502 €
– souffrances endurées 10 000 €
– préjudice esthétique temporaire 500 €
– déficit fonctionnel permanent 12 600 €
– préjudice esthétique permanent 2000 €
– préjudice d’agrément 8000 €
EN CONSÉQUENCE :
Condamne la MAIF à payer avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement à M. [U] [V] :
– la somme de 202 156,66 € en réparation de son préjudice corporel, et ce déduction faite de la provision précédemment allouée,
– la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne la MAIF à payer à M. [U] [V] le montant du double des intérêts au taux légal sur la somme de 342 007,06 € sur la période comprise entre le 9 avril 2022 et le 14 janvier 2025;
Déboute M. [U] [V] du surplus de ses demandes;
Déclare le présent jugement commun et opposable à l’ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE (ENIM) ;
Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision;
Rappelle que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire ;
Condamne la MAIF aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Etienne RIONDET, avocat, sur son affirmation de droit ;
AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 14 JANVIER DEUX MILLE VINGT-CINQ
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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