L’Essentiel : Le 12 avril 2019, M. [R] et son épouse, Mme [W], ont souscrit un forfait touristique en Grèce, incluant une assurance « multirisques circuits ». Le 25 mai, un accident de voiture a gravement blessé Mme [R], entraînant une tétraparésie spastique. Après avoir demandé une provision de 50 000 € à son assureur, celui-ci a refusé, arguant un dépassement d’âge. Mme [R] a alors assigné la SA AXA Assistance. Le tribunal a reconnu la responsabilité de l’assureur et, après expertise, a statué en faveur de Mme [R], lui accordant 150 000 € d’indemnisation pour son invalidité.
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Contexte de l’AffaireLe 12 avril 2019, M. [R] a acquis un forfait touristique via l’agence Tui Store, incluant un vol aller-retour vers la Grèce et un séjour de 10 nuits pour lui et son épouse, Mme [W]. Une police d’assurance « multirisques circuits » a été souscrite pour les deux voyageurs. Après leur arrivée en Grèce, M. [R] a loué une voiture pour la période du 20 au 26 mai 2019. Accident et ConséquencesLe 25 mai 2019, un accident de voiture a eu lieu, entraînant de graves blessures pour Mme [R], qui a été hospitalisée. Un diagnostic de tétraparésie spastique a été posé. Suite à cela, une déclaration de sinistre a été faite auprès de la SA AXA Assistance, et un rapatriement a été organisé. Demande d’IndemnisationLe 7 avril 2020, Mme [R] a demandé à son assureur une provision de 50 000 € et les conditions de son contrat d’assurance. L’assureur a refusé de couvrir la garantie individuelle accident, arguant que Mme [R] dépassait l’âge limite stipulé dans le contrat. En réponse, elle a assigné la SA AXA Assistance pour obtenir une indemnisation complète. Intervention de l’AssureurLa société Inter Partner Assistance, en tant qu’assureur, a été impliquée dans le litige. Le tribunal a rendu un jugement le 24 novembre 2022, ordonnant une expertise et reconnaissant la responsabilité de l’assureur pour le sinistre survenu. L’expert a rendu son rapport en août 2023. Prétentions des PartiesDans ses conclusions, Mme [R] a demandé une indemnisation de 150 000 € pour son invalidité, se basant sur le barème d’invalidité du contrat. En revanche, la société Inter Partner Assistance a contesté cette demande, proposant une indemnisation limitée à 60% du plafond, soit 90 000 €. Éléments d’ExpertiseL’expertise a révélé que Mme [R] souffrait d’une tétraparésie spastique, correspondant à une paralysie partielle permanente des quatre membres. L’expert a noté une ambiguïté dans l’interprétation des conditions générales du contrat, notamment concernant le taux d’invalidité. Décision du TribunalLe tribunal a statué que l’invalidité de Mme [R] devait être indemnisée à 100% selon le barème du contrat, considérant que sa paralysie permanente entrait dans le champ d’application de la clause d’indemnisation. La société Inter Partner Assistance a été condamnée à verser 150 000 € à Mme [R]. Conséquences FinancièresEn plus de l’indemnisation, la société Inter Partner Assistance a été condamnée aux dépens et à verser 4 000 € à Mme [R] au titre des frais irrépétibles. La décision a été rendue avec exécution provisoire, permettant à Mme [R] de recevoir rapidement son indemnisation. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée des articles 1103 et 1104 du Code civil concernant l’exécution des contrats ?Les articles 1103 et 1104 du Code civil stipulent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi. Ces dispositions soulignent l’importance de la force obligatoire des contrats, qui ne peuvent être modifiés ou annulés unilatéralement. Ainsi, chaque partie est tenue de respecter les engagements pris, ce qui inclut le respect des clauses d’indemnisation stipulées dans le contrat d’assurance en question. En cas de litige, le juge doit se référer à ces articles pour garantir que les obligations contractuelles soient respectées, en tenant compte des circonstances spécifiques de chaque affaire. Comment les articles 1188 et 1192 du Code civil influencent-ils l’interprétation des clauses contractuelles ?Les articles 1188 et 1192 du Code civil établissent des règles d’interprétation des contrats. L’article 1188 précise que, en cas d’ambiguïté dans la compréhension d’une clause, il convient d’interpréter celle-ci selon l’intention des parties et les circonstances de l’affaire. L’article 1192, quant à lui, indique qu’on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation. En cas de doute, l’article 1192 précise que le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé, ce qui est particulièrement pertinent dans le cadre des contrats d’assurance. Cela signifie que si une clause est ambiguë, elle doit être interprétée en faveur de l’assuré, ce qui pourrait jouer en faveur de Mme [R] dans le cadre de son indemnisation. Quelles sont les implications de l’article L. 211-1 du Code de la consommation dans le cadre des contrats d’assurance ?L’article L. 211-1 du Code de la consommation stipule que les contrats d’adhésion, tels que les contrats d’assurance, doivent être interprétés dans le sens le plus favorable à l’assuré en cas de doute. Cette disposition vise à protéger les consommateurs, souvent en position de faiblesse face aux assureurs, en garantissant que les ambiguïtés dans les contrats soient résolues en leur faveur. Dans le cas de Mme [R], cette règle d’interprétation pourrait être déterminante pour établir le taux d’indemnisation applicable à son invalidité, en favorisant une interprétation qui lui accorde 100% du plafond d’indemnisation prévu par le contrat. Comment les articles 696 et 700 du Code de procédure civile régissent-ils les dépens et les frais irrépétibles ?L’article 696 du Code de procédure civile stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. Cela signifie que la société Inter Partner Assistance, ayant succombé dans l’instance, sera condamnée à payer les dépens, conformément à cette règle. L’article 700, quant à lui, permet au juge de condamner la partie perdante à verser à l’autre partie une somme pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Dans ce cas, la société IPA devra verser 4 000 euros à Mme [R] pour les frais irrépétibles, tenant compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée. Ces articles garantissent ainsi une certaine protection financière pour la partie qui a gagné le procès, tout en imposant des obligations à la partie perdante. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
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4ème chambre
2ème section
N° RG 21/04545
N° Portalis 352J-W-B7F-CUDCN
N° MINUTE :
Assignation du :
25 mars 2021
JUGEMENT
rendu le 16 janvier 2025
DEMANDERESSE
Madame [W] [M] épouse [R]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Quiterie LE JOSNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1216
DÉFENDERESSE
S.A. AXA ASSISTANCE FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 7]
défaillante
PARTIE INTERVENANTE
Société INTER PARTNER ASSISTANCE (IPA), prise en sa succursale la Société INTER PARTNER ASSISTANCE S.A. sise [Adresse 2]
[Adresse 1]
[Localité 8] (IRLANDE)
représentée par Me Sylvie BAILLEUL, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant
et par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K148
Décision du 16 janvier 2025
4ème chambre 2ème section
N° RG 21/04545 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUDCN
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
Monsieur Fabrice VERT, Premier Vice-Président
Madame Emeline PETIT, Juge
assistés de Madame Salomé BARROIS, Greffière,
DÉBATS
À l’audience du 03 octobre 2024 tenue en audience publique devant Madame PETIT, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Réputé contradictoire
En premier ressort
Le 12 avril 2019, M. [R] a acheté auprès de l’agence Tui Store [Localité 12] [Localité 10] un forfait touristique comprenant, pour lui-même et son épouse, Mme [W] [M], épouse [R], un vol aller-retour [Localité 11] [Localité 9] (Grèce) et un forfait touristique de 10 nuitées, le départ étant prévu le 16 mai 2019 et le retour le 26 mai 2019.
Dans le cadre de cet achat, a été souscrite une police « multirisques circuits » au profit des deux voyageurs (pièce n°1 de la société Inter Partner Assistance : contrat AX2016002).
Quelques jours après leur arrivée en Grèce, M. [R] a souscrit auprès de la société Budget un contrat de location d’une voiture pour la période du 20 au 26 mai 2019.
Le 25 mai 2019, la voiture conduite par M. [R] est entrée en collision avec un camion. Son épouse, passagère, gravement blessée, a été transportée à l’hôpital. Une déclaration de sinistre a été faite auprès de la SA AXA Assistance et un rapatriement organisé.
Une tétraparésie spastique a été diagnostiquée.
Le 7 avril 2020, Mme [R], par l’intermédiaire de son conseil, a sollicité de l’assureur le versement d’une provision de 50 000 € ainsi que la communication des conditions générales et particulières du contrat d’assurance auquel elle avait souscrit.
L’assureur a refusé de mobiliser la garantie individuelle accident, invoquant l’article 2 des conditions générales du contrat qui prévoit leur application aux personnes âgées de moins de 70 ans, ce qui n’était pas le cas de Mme [R], née le [Date naissance 3] 1941.
C’est dans ce contexte que, par acte d’huissier du 25 mars 2021, cette dernière a fait assigner la SA AXA Assistance afin d’être indemnisée de l’intégralité des préjudices consécutifs à l’accident du 25 mai 2019, et qu’avant dire droit, soient ordonnés une mesure d’expertise judiciaire et le paiement d’une provision.
Par conclusions notifiées par RPVA le 30 août 2021, est intervenue volontairement aux débats, en tant qu’assureur portant les garanties du contrat AX 201 6002, la société Inter Partner Assistance, société de droit Irlandais, ayant son siège à [Localité 8], prise en sa succursale Inter Partner Assistance SA, société belge immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre, sous le numéro B 316 139 500.
Une première ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2022.
Par jugement du 24 novembre 2022, le tribunal a :
au fond :reçu la société Interpartner Assistance en son intervention volontaire,dit qu’elle devrait garantir le sinistre survenu le 25 mai 2019,l’a condamné à payer à Mme [R] une provision de 50 000 euros,avant dire droit :ordonné une expertise.
L’expert a rendu son rapport le 26 août 2023 (pièce n°32 de Mme [R] : rapport d’expertise médicale du 26/08/2023).
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 novembre 2023, intitulées « Conclusions récapitulatives en ouverture de rapport d’expertise », ici expressément visées, Madame [W] [M], épouse [R], demanderesse, sollicite du tribunal judiciaire de Paris de :
« Vu l’article 1190 du code civil,
Vu l’article L. 211-1 (anc. art. L. 133-2) du Code de la consommation
Vu le jugement du 24 novembre 2022
➢ Dire que Madame [R] souffre d’un taux d’invalidité de 100% suivant le barème d’invalidité permanente du contrat « Multirisques circuits et revente to tiers »
En conséquence,
Condamner la société INTER PARTNER ASSISTANCE à payer à Madame [R] 150.000,00 € au titre de la garantie « individuelle accident » du contrat « Multirisques circuits et revente to tiers »Condamner la société INTER PARTNER ASSISTANCE à payer à Madame [R] 14.400 € au titre de l’article 700 du CPC, outre les entiers dépensDébouter la société INTER PARTNER ASSISTANCE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ».
Mme [R] se fonde sur les dispositions des articles 1190 du code civil et L. 211-1 du code de la consommation relatives à l’interprétation des contrats, sur le contrat d’assurance intitulé garantie « individuelle accident » du contrat « Multirisques circuits et revente to tiers » (pièce n°1 de la société IPA : Police multirisques PRESENCE – contrat n°AX2016002) et sur le rapport d’expertise médicale judiciaire du 26 août 2023. Elle expose que ledit contrat définit un barème d’invalidité permanente prévoyant une indemnisation à 100%, notamment en cas de « paralysie totale ou permanente » ou de la « perte de l’usage de deux membres », ce qui correspondrait à l’invalidité dont elle souffre, en rapport avec une tétraparésie spastique, c’est-à-dire une paralysie partielle permanente des quatre membres.
Sur la difficulté d’interprétation des conditions générales relevée par l’expert, elle expose qu’ en cas d’ambiguïté des termes ou des expressions contenues dans le contrat d’assurance, il doit s’interpréter en faveur de l’assuré. De sorte qu’en présence de deux interprétations possibles de la définition de l’invalidité permanente et du barème d’invalidité figurant au contrat, relevées par l’expert, il convient de prendre en compte l’interprétation aboutissant à retenir un taux d’invalidité de 100% et non pas de 60%. La demanderesse sollicite ainsi le versement de 100% de l’indemnité prévue au tableau des garanties en cas d’invalidité permanente, à savoir la somme de 150 000 euros.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 novembre 2023, intitulées « Conclusions n°1 post-rapport d’expertise », ici expressément visées, la société Inter Partner Assistance (IPA), défenderesse, sollicite du tribunal judiciaire de Paris de :
« – Débouter Madame [R] de sa demande d’indemnisation à
hauteur de 150.000 euros au titre de la garantie individuelle accident du contrat multirisque circuit et revente to tiers
Dire et juger que la garantie d’INTER PARTNER ASSISTANCE ne pourra excéder 60% du plafond du barème d’indemnisation soit la somme maximale de 90.000 euros. Débouter Madame [R] de sa demande au titre de l’Article 700 du Code de procédure civile et de sa demande de condamnation d’INTER PARTNER ASSISTANCE aux dépens. Condamner Madame [R] à verser à INTER PARTNER ASSISTANCE la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Condamner Madame [R] aux entiers dépens de la procédure en ce compris les frais d’expertise, qui resteront à sa charge, dont distraction dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile. »
La société IPA, se fondant également sur les stipulations dudit contrat d’assurance, oppose que l’expert a certes constaté que Mme [R] souffrait d’une tétraparésie spastique, ce qui correspond à une paralysie partielle permanente des quatre membres, mais qu’il a toutefois indiqué qu’il ne devait pas être exclu une indemnisation au prorata du taux d’incapacité de déficit fonctionnel permanent, estimé à 60% eu égard aux séquelles constatées sur l’assurée. Ainsi, la défendresse expose-t-elle que l’article 2 dudit contrat contient une clause sur les règles d’évaluation stipulée comme tel : « les infirmités non prévues au barème d’invalidité permanente sont indemnisées en proportion de leur gravité comparée à celle des cas énumérés ». Elle estime que cette clause a vocation à s’appliquer, dès lors que le barème des invalidités permanentes garantit la perte totale de l’usage d’un membre ce qui ne serait pas le cas de l’assurée. Elle explique que Mme [R] serait atteinte d’une infirmité non-prévue par le barême : une tétraparésie, ce qui correspondrait à une paralysie légère incomplète avec diminution plus ou moins importante de force musculaire. Elle en conclut que l’indemnisation de cette invalidité doit se faire en proportion de sa gravité, proposant 60% du plafond de 150 000 euros, soit la somme de 90 000 euros.
La société AXA Assistance France, régulièrement citée à comparaître par exploit d’huissier du 21 mars 2021, n’a pas constitué avocat. Il sera par conséquent statué par décision réputée contradictoire.
Pour un complet exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures régulièrement communiquées, conformément aux dispositions de l’article 455 alinéa 2 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 7 décembre 2023, par ordonnance du même jour. L’affaire a été audiencée le 3 octobre 2024 et mise en délibéré au 16 janvier 2025.
Dispositions liminaires
À titre liminaire, il est rappelé qu’en procédure écrite, la juridiction n’est saisie que des seules demandes reprises au dispositif récapitulatif des dernières écritures régulièrement communiquées avant l’ordonnance de clôture et que les demandes de « donner acte », visant à « constater », à « prononcer », « dire et juger » ou à « dire n’y avoir lieu » notamment, ne constituent pas des prétentions saisissant le juge au sens de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif du présent jugement.
Il est également rappelé qu’aux termes des dispositions du 2ème alinéa de l’article 768 du code de procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 2020 et applicable aux instances en cours à cette date : « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ».
Sur la mise hors de cause de la S.A. AXA Assistance France
Aucune demande n’étant formée à l’encontre de la S.A. AXA Assistance France, il convient de la mettre hors de cause.
Sur l’indemnisation de Mme [R] au titre du contrat d’assurance
Selon les dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; ils doivent être exécutés de bonne foi.
En cas d’ambiguïté dans la compréhension d’une clause contractuelle, il convient de faire application des règles d’interprétation prévues par les articles 1188 et suivants du même code.
Dans ce cadre, l’article 1192 du code civil dispose qu’on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation. Quant à l’article 1192 du même code, il précise que, dans le doute, le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé. Plus précisément, en application des dispositions de l’article L 211-1 du code de la consommation – lequel a vocation à régir le contrat d’adhésion à une assurance – en cas de doute, l’interprétation se fait dans le sens le plus favorable à l’assuré.
Il est en l’espèce constant que le présent litige est régi par un contrat d’assurance intitulé « Multirisques Circuits et Renvente to tiers – Contrat n°AX2016002 », produit aux débats (pièce n°1 de la société IPA).
Il convient de rappeler que, par jugement du 24 novembre 2022, le tribunal a dit que la société IPA devait garantir le sinistre survenu le 25 mai 2019, rejetant le moyen de l’assureur tiré de l’inopposabilité du contrat à raison de l’âge de l’assuré. A également été ordonné une expertise médicale, laquelle a été réalisé le 5 avril 2023, donnant lieu à un rapport établi le 21 juin 2023, produit aux débats, lequel est assorti d’un « Dire » du médecin-conseil de Mme [R] et d’un « Dire n°1 » du conseil de la société IPA (pièce n°32 de Mme [R]).
Le présent litige porte uniquement sur les modalités d’indemnisation, les parties étant en désaccord sur le point de savoir si l’infirmité dont souffre Mme [R] des suites de son accident, doit donner lieu à une indemnisation correspondant à 100% du plafond prévu par le barème du contrat ou doit être réduite, l’assureur proposant 60% dudit plafond.
Sur ces questions, dans le paragraphe du contrat d’assurance relatif à l’indemnisation d’un accident de voyage (p. 23 à 25), il est précisé :
« INVALIDITÉ PERMANENTE
Lorsque l’Accident a pour conséquence une invalidité permanente, l’Assureur versera à l’Assuré ou à son représentant légal la fraction du capital assuré indiquée au Tableau des Garanties correspondant au barème et aux règles d’évaluation ci-après, avec un maximum de 100%. »
Figure ensuite un barème d’invalidité permanente, comme suit :
« BARÈME D’INVALIDITÉ PERMANENTE
Aliénation mentale totale et incurable, cécité complète, paralysie totale ou permanente, amputation ou perte de l’usage de deux membresPerte complète de la vision d’un œil
100%
25%
Surdité totale et incurable des deux oreillesSurdité totale et incurable d’une oreille40%
15%
Amputation ou perte totale de l’usage de
Bras, avant-bras ou mainPouce Index Autre doigt Deux doigts autre que pouce et indexUne jambe au-dessus du genou Une jambe du genou et au-dessous Un pied Gros orteil Autres orteilsDROIT
60%
20%
15%
8%
12%
50%
45%
40%
5%
1% »
GAUCHE
50%
15%
10%
5%
8%
Le contrat prévoit ensuite des règles d’évaluation, en ces termes :
« RÈGLES D’ÉVALUATION
[…]
Si plusieurs parties du même membre sont atteintes à l’occasion du même Accident, le cumul des indemnités attribuées à chacune d’elles ne peut dépasser l’indemnité prévue pour la perte totale de ce membre.
Les infirmités non prévues au Barème d’Invalidité Permanente sont indemnisées en proportion de leur gravité comparée à celle des cas énumérés. […] »
L’examen de Mme [R], réalisé dans le cadre de l’expertise judiciaire, est relaté de la façon suivante :
« VI. EXAMEN :
Taille : 158 cm – Poids : 53 kg. Droitière
Sur le plan neurologique :
Madame [R] peut marcher avec une spasticité importante bilatérale avec un frottement des extrémités des pieds plus important à droite qu’à gauche.
Elle doit être maintenue de chaque côté.
La position debout en statique est possible mais reste quelque peu instable.
La force musculaire segmentaire :
aux membres inférieurs :
orteil 3/5 à droite, 4/5 à gauche extension de jambe sur cuisse : 4-/5 à droite, 4/5 à gauche flexion de jambe sur cuisse : 4/5 à droite et à gauche flexion de cuisse sur le bassin : 4-/5 à droite et à gauche aux membres supérieurs : flexion de l’avant-bras sur le bras: 4/5 à droite et à gauche extension du poignet : 3/5 à droite, 4/5 à gauche Au niveau de la main, on note les déformations des mains avec des doigts fixés en demi-flexion de façon plus importante à droite notamment au niveau des IVème et Vème doigts qui sont tenus séparés au risque de se chevaucher par une orthèse.
L’extension des doigts est impossible à droite.
A gauche Pl peut s’étendre de façon incomplète avec une force cotée à 3/5.
L’extension des phalanges distales est très faible : 2/5.
Tendance à la flexion doigts.
Flexion : 3/5 à droite et à gauche.
Les doigts étant plus fléchis à gauche et limitant l’amplitude des mouvements de flexion.
Pince pouce/index : 3-/5 à droite et 3/5 à gauche.
Pouce /Vème doigt: 3/5 à gauche, impossible à réaliser à droite.
Sur le plan de la sensibilité, il est noté une hypoesthésie allant de l’extrémité des pieds jusqu’au niveau C7, bilatérale.
Madame [R] doit faire attention lorsqu’elle prend sa douche, car elle ne sent pas la température sur son corps.
Les ROT sont présents et symétriques un peu vifs aux quatre membres non diffusés, non polycinétiques.
Trépidation épileptoïde des deux pieds, très brève à gauche, plus importante et non épuisable à droite.
Les réflexes cutanés plantaires sont indifférents.
Sur le plan sphinctérien, il a été mentionné plus haut qu’il y avait un contrôle sphinctérien mais une certaine impériosité qui pouvait amener à avoir des fuites. » (pièce n°32 de Mme [R], p.11 et 12).
Aux termes d’un pré-rapport d’expertise daté du 12 juin 2023, l’expert a considéré qu’il y avait une difficulté d’interprétation des conditions générales du contrat, ignorant s’il devait retenir un taux de Déficit Fonctionnel Permanent de 60 %, suivant le droit commun, ou s’en tenir au barème strict d’invalidité permanente prévu au contrat (pièce n°31 de Mme [R], p. 13).
Les parties ont transmis des « dires » sur ce point d’interprétation.
L’expert conclut dans son rapport final : « D’après l’histoire clinique de Madame [R] et son état clinique actuel, celle-ci est bien atteinte d’une invalidité permanente suite au dommage et rentre donc dans la catégorie sus-citée. » En réponse aux « dires », il précise : « l’expert a considéré qu’il abordait une discussion qui n’était pas du ressort de ses compétences […]Il ne sera retenu que le fait Madame [R] présente bien une infirmité permanente en lien avec la perte de l’usage de 2×2 membres. » (pièce n°32 de Mme [R], p.13).
Au vu de ces éléments, il faut tout d’abord relever que l’indemnisation de Mme [R] doit se faire selon les stipulations contractuelles susvisées.
Dans cette optique, il convient de statuer sur le point de savoir si l’infirmité dont souffre Mme [R] est prévue par le barème d’invalidité permanente et doit être indemnisée selon ce barème ou, si elle n’est pas envisagée, et doit être indemnisée en proportion de sa gravité, comparée à celle des cas énumérés par ledit barème.
Sur ce point, ledit barème prévoit une indemnisation à hauteur de 100% en cas de « paralysie totale ou permanente ».
Si l’assureur considère qu’il faut en comprendre qu’est garantie par cette clause la perte totale de l’usage d’un membre, cela ne ressort pas clairement de sa lecture, la clause faisant état d’une paralysie totale « ou » permanente. Cette absence de clarté justifie que cette clause soit interprétée selon les modalités ci-dessus rappelées.
L’utilisation du terme « ou » implique l’existence d’une alternative entre les cas deux cas de figure visés, à savoir, la « paralysie totale » ou la « paralysie permanente ». De cette alternative, il faut en déduire qu’une paralysie permanente, même si elle est partielle, entre dans le champ d’application de ce barème.
Autrement dit, une paralysie partielle, dès lors qu’elle a un caractère permanent, donne lieu à indemnisation au titre de cette clause.
En l’espèce, l’expert a conclu que Mme [R] souffrait d’une tétraparésie spastique, dont il est établi que cela correspond à une paralysie partielle permanente des quatre membres.
Cette invalidité entre donc dans le champ d’application du barème de l’invalidité permanente tel qu’interprété ci-dessus, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’appliquer la clause alternative du contrat relative aux infirmités non-prévues par le barème, comme le sollicitait l’assureur.
Le contrat prévoyant une indemnisation à hauteur de 100% du plafond dans ce cas de figure, c’est ce taux qui sera retenu.
En conséquence, la société IPA sera condamnée à verser à Mme [R] la somme de 150 000 euros d’indemnisation au titre du contrat d’assurance.
4. Sur les autres demandes
4.1 Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La société IPA, qui succombe à l’instance, sera condamné aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Le Josne, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La demande de distraction à son profit formée par le conseil de la société IPA, condamnée aux dépens, est en conséquence sans objet.
4.2 Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
La société IPA , condamnée aux dépens, devra verser une somme qu’il est équitable de fixer à 4 000 euros.
Elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre.
4.2 Sur l’exécution provisoire
L’exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances dont relève le cas présent et introduites, comme en l’espèce, à compter du 1er janvier 2020.
Le tribunal statuant conformément à la loi, publiquement, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe le jour du délibéré :
MET HORS DE CAUSE la S.A. AXA ASSISTANCE FRANCE ;
CONDAMNE la société INTER PARTNER ASSISTANCE (IPA), société de droit irlandais, ayant son siège à [Localité 8], prise en sa succursale INTER PARTNER ASSISTANCE SA, société belge (immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro B 316 139 500) à payer à Mme [W] [M], épouse [R], la somme de 150 000 euros (cent cinquante mille euros) d’indemnisation au titre du contrat contrat d’assurance (contrat AX2016002) ;
CONDAMNE la société INTER PARTNER ASSISTANCE (IPA), société de droit irlandais, ayant son siège à [Localité 8], prise en sa succursale INTER PARTNER ASSISTANCE SA, société belge (immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro B 316 139 500) aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Le Josne ;
CONDAMNE la société INTER PARTNER ASSISTANCE (IPA), société de droit irlandais, ayant son siège à [Localité 8], prise en sa succursale INTER PARTNER ASSISTANCE SA, société belge (immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro B 316 139 500) à verser à Mme [W] [M], épouse [R], la somme de 4 000 euros (quatre mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige ;
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
Fait et jugé à Paris, le 16 janvier 2025.
LA GREFFIÈRE
Salomé BARROIS
LA PRÉSIDENTE
NathalieVASSORT-REGRENY
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