L’Essentiel : Le 29 juin 1989, Madame [B] [K] épouse [X], âgée de 15 ans, a été victime d’un grave accident de la circulation, entraînant des blessures sévères, dont des fractures et une paralysie. Une expertise en 1992 a établi une incapacité permanente de 15%. Malgré une indemnisation initiale, des complications médicales ont conduit à plusieurs interventions chirurgicales, dont des amputations en 2014 et 2016. Les expertises contradictoires ont finalement confirmé que ces complications étaient liées à l’accident. Le tribunal a reconnu ce lien de causalité, condamnant la compagnie d’assurance LA SAUVEGARDE à indemniser intégralement Madame [X] pour ses préjudices.
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Accident de la circulationLe 29 juin 1989, Madame [B] [K] épouse [X], âgée de 15 ans, a été impliquée dans un accident de la circulation avec un véhicule assuré par la compagnie LA SAUVEGARDE. Cet accident a entraîné des blessures graves, notamment des fractures et une paralysie. Expertise et indemnisation initialeSuite à l’accident, une expertise a été réalisée le 9 mai 1992, concluant à une incapacité permanente partielle de 15% et à des souffrances endurées. Un accord a été trouvé entre la compagnie d’assurance et les représentants légaux de Madame [X] pour l’indemnisation de ses préjudices. Interventions chirurgicalesEn 1996, Madame [X] a subi une intervention chirurgicale pour corriger un Hallux Valgus, qui a été reconnu comme une conséquence de l’accident. D’autres interventions ont suivi, notamment en mai 2011, entraînant des complications et des infections. Complications et infectionsAprès l’intervention de mai 2011, Madame [X] a développé des infections, nécessitant plusieurs opérations, y compris l’ablation d’un cal osseux. Des prélèvements bactériologiques ont révélé des infections, mais les experts ont contesté l’idée d’une infection nosocomiale. Amputations et aggravation de l’état de santéEn raison des complications, Madame [X] a subi une amputation trans tibiale en juin 2014, suivie d’une seconde amputation en mars 2016. Les experts ont établi un lien entre ces amputations et l’accident initial de 1989. Expertises contradictoiresDeux expertises ont été réalisées, l’une concluant à l’absence de faute médicale et l’autre à l’existence d’une infection nosocomiale. Les experts ont finalement convenu que les complications étaient imputables à l’accident de 1989. Demande d’indemnisationMadame [X] a assigné la compagnie d’assurance LA SAUVEGARDE et d’autres organismes pour obtenir réparation de ses préjudices, en se basant sur les conclusions des expertises qui établissaient un lien de causalité avec l’accident. Décision du tribunalLe tribunal a reconnu le lien de causalité entre les aggravations de l’état de santé de Madame [X] et l’accident de 1989, condamnant LA SAUVEGARDE à indemniser intégralement la victime et la Caisse d’Assurance Maladie des Industries Electriques et Gazières pour les préjudices subis. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la responsabilité des professionnels de santé en cas d’infection nosocomiale ?La responsabilité des professionnels de santé est régie par les articles L.1142-1 et R.4127-32 du Code de la santé publique. Selon l’article L.1142-1-I, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. Cette responsabilité est donc fondée sur un manquement à une obligation de moyens, et non de résultats. Pour engager leur responsabilité, il faut prouver qu’il y a eu un préjudice en relation de causalité directe et certaine avec la faute. L’article L.1142-1-II précise que, lorsque la responsabilité d’un professionnel n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à réparation des préjudices du patient, à condition qu’ils soient directement imputables à des actes de soins et qu’ils aient des conséquences anormales au regard de l’état de santé du patient. Ainsi, pour établir la responsabilité d’un professionnel de santé en cas d’infection nosocomiale, il faut démontrer qu’il y a eu une faute dans la prise en charge, et que cette faute a causé un préjudice. Comment la loi Badinter s’applique-t-elle aux victimes d’accidents de la circulation ?La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, est essentielle pour les victimes d’accidents de la circulation. Son article 1er stipule que les dispositions s’appliquent aux victimes d’accidents impliquant un véhicule terrestre à moteur, y compris les conducteurs, sans que leur propre faute puisse être opposée, sauf en cas de faute inexcusable. L’article 2 précise que les victimes ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers, ce qui renforce leur droit à indemnisation. L’article 3 alinéa 1er indique que les victimes, à l’exception des conducteurs, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne, sans que leur propre faute puisse être opposée. En vertu de l’article L.124-3 du Code des assurances, le tiers lésé a un droit d’action directe contre l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Cela signifie que la victime peut directement demander réparation à l’assureur, ce qui facilite l’indemnisation. Ainsi, la loi Badinter assure une protection forte pour les victimes d’accidents de la circulation, leur permettant d’obtenir une indemnisation intégrale des préjudices subis. Quelles sont les implications du recours subrogatoire pour les organismes sociaux ?Le recours subrogatoire est régi par l’article L.376-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que lorsque la lésion d’un assuré est imputable à un tiers, l’assuré conserve le droit de demander réparation du préjudice causé, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par les prestations versées par les caisses de sécurité sociale. Les caisses sont tenues de servir les prestations prévues, mais elles ont également le droit d’exercer un recours contre l’auteur responsable de l’accident. Ce recours s’exerce poste par poste, ce qui signifie que les caisses peuvent récupérer les sommes versées pour les préjudices qu’elles ont pris en charge. Cela implique que les organismes sociaux doivent suivre de près les indemnités versées aux victimes, afin de s’assurer qu’elles peuvent récupérer les montants correspondants auprès des tiers responsables. Ce mécanisme vise à éviter le double paiement pour le même préjudice et à garantir que les victimes reçoivent une indemnisation complète. En résumé, le recours subrogatoire permet aux organismes sociaux de récupérer les sommes versées aux victimes, tout en assurant que ces dernières obtiennent une réparation intégrale de leurs préjudices. |
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE CIVIL
2ème Chambre
JUGEMENT RENDU LE
16 Janvier 2025
N° RG 22/01871 –
N° Portalis
DB3R-W-B7G-XINR
N° Minute :
AFFAIRE
[B] [X]
C/
Société CAMIEG, S.A. LA SAUVEGARDE, Organisme CPAM DE [Localité 10]
Copies délivrées le :
DEMANDERESSE
Madame [B] [X]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Maître Anne-laure TIPHAINE de la SELARL SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : .A0251
DEFENDERESSES
Société CAMIEG
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 6]
Intervenante volontaire
représentée par Maître Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0075
S.A. LA SAUVEGARDE
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Maître Gilles GODIGNON SANTONI de la SELARL DOLLA – VIAL & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,
vestiaire : P074
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]
prise en la personne de son Directeur
Service recours contre tiers,
[Adresse 4]
[Localité 10]
non représentée
L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Timothée AIRAULT, Vice-Président, magistrat chargé du rapport
Thomas BOTHNER, Vice-Président
Elsa CARRA, Juge
qui en ont délibéré.
Greffier lors du prononcé : Sylvie MARIUS, Greffier.
JUGEMENT
prononcé en premier ressort, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Le 29 juin 1989, Madame [B] [K] épouse [X], alors âgée de 15 ans, a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la compagnie d’assurance LA SAUVEGARDE.
Madame [X] a présenté, des suites de l’accident, les blessures suivantes : une fracture ouverte du fémur droit, une fracture des deux os de la jambe droite, une fracture des branches ilio et ischio-pubiennes droites, une plaie du visage et de la main droite et une paralysie de la sciatique droite.
Le 9 mai 1992, à la suite d’une expertise contradictoire amiable, les docteurs [S] et [Z] ont déposé un rapport commun, en retenant les conclusions suivantes : une consolidation fixée au 15 août 1991, des souffrances endurées de 4/7, et une incapacité permanente partielle de 15%.
L’intéressée a conservé de cet accident, au titre de l’incapacité permanente partielle : « outre des douleurs de la cheville et du pied droits, une importante diminution de force des releveurs du pied avec déformation définitive de ce pied, une gêne importante à la marche et à la course, et une impossibilité de faire des marches prolongées en relation avec l’atteinte du sciatique ».
Sur la base de ces conclusions d’expertise, la SAUVEGARDE et les représentants légaux de Madame [X] ont conclu un accord en vue de l’indemnisation des préjudices.
Courant 1996, Madame [X] a consulté le docteur [A] du centre hospitalier [Localité 9] en raison d’un Hallux Valgus (c’est-à-dire une déviation du gros orteil) de son avant pied droit. Cette lésion a fait l’objet d’une correction chirurgicale réalisée le 24 juin 1996 au centre hospitalier [Localité 9], en vue d’un alignement du gros orteil par la technique du Scarf.
La SAUVEGARDE a désigné le docteur [T] [I] afin d’examiner Madame [X]. Le 14 juin 1997, cet expert a déposé son rapport en retenant que « l’intervention du 24 juin 1996 est la conséquence de l’accident du 29 juin 1989 », et qu’elle « amène à la cotation des souffrances endurées à 2/7. » Il est également indiqué, s’agissant de l’intervention complète décrite comme devant être envisagée : « La situation de Madame [X] ne peut être améliorée que par une intervention de reconstruction du pied un peu plus complexe. »
L’intervention en question a été pratiquée le 2 mai 2011 par le docteur [N] du centre hospitalier universitaire de [Localité 10]. Le médecin a ainsi « utilisé un abord per cutané de M2, M3, M4, pour faire une ostéotomie. » À la suite de cette intervention, Des prélèvements bactériologiques sont revenus positifs à un staphylocoque multi sensible, traité par Orbénine.
Le 6 décembre 2011, à la suite d’une nouvelle consultation, le docteur [N] a décidé de procéder à l’ablation d’un cal osseux exubérant. Cette chirurgie a été réalisée lors d’une hospitalisation de Madame [X] du 24 au 26 janvier 2012.
En février, de nouveaux prélèvements bactériologiques de surface ont été réalisés, devant une désunion précoce de la cicatrice et un aspect bourgeonnant. Au cours des mois suivants, l’absence d’amélioration a conduit à une nouvelle prise en charge chirurgicale de la plaie chronique le 1er juin 2012, suivie d’une VAC thérapie.
A la suite des complications consécutives à l’intervention du 2 mai 2011, Madame [X] a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation de Haute-Normandie, estimant notamment être victime d’une infection nosocomiale. Une mesure d’expertise a ainsi été confiée aux docteurs [C] et [L]. Le 5 avril 2013, ceux-ci ont déposé leur rapport, en concluant notamment à des soins dispensés conformes aux données acquises de la science et à l’absence de survenue d’une infection nosocomiale.
Ces conclusions ayant été contestées, une nouvelle expertise a été confiée aux docteurs [F] et [W], laquelle a abouti, le 7 novembre 2013 à des conclusions sensiblement différentes, retenant l’existence d’une infection nosocomiale et de plusieurs fautes médicales, la première relative à la technique opératoire, et la seconde concernant le suivi de la plaie.
Au vu de ces conclusions d’expertise, Madame [X] a formulé une demande de règlement amiable. Le 6 février 2014, la CCI de Haute Normandie a rendu un avis en décidant notamment que la réparation des préjudices incombait au centre hospitalier universitaire de [Localité 10].
Le 13 juin 2014, Madame [X] a subi une amputation trans tibiale en raison de l’ostéoarthrite du médio pied droit. Le 14 mars 2016, Madame [X] a dû subir une seconde amputation au niveau de la partie distale du fémur.
A la suite, le docteur [O] a été missionné afin d’évaluer les préjudices de Madame [X]. Cet expert a déposé un rapport le 6 septembre 2016, en constatant l’absence de consolidation.
Par ordonnance de référé rendue le 6 mai 2019, le juge des référés a fait droit à la demande d’expertise. Ont été désignés in fine pour y procéder le docteur [D], infectiologue, et le docteur [H], chirurgien orthopédiste. Ceux-ci se sont adjoints les services d’un sapiteur psychiatre en la personne du professeur [J]. Ceux-ci ont conclu, notamment et pour l’essentiel, à une indication opératoire initiale en mai 2011 ainsi qu’une réalisation conforme aux règles de l’art, à une prise en charge au CHU de [Localité 10] n’appelant pas de critique particulière, à la survenue certes d’infections successives au cours des années de prise en charge, mais sans qu’aucune d’entre elles ne puisse être qualifiée de nosocomiale, et donc à une imputabilité totale à l’accident initial des dommages en aggravation.
Par acte régulièrement signifié les 16 et 22 février 2022, Madame [X] a assigné la SAUVEGARDE, et la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 10] (ci-après désignée « la CPAM de [Localité 10] »). La Caisse d’Assurance Maladie des Industries Electriques et Gazières (ci-après désignée « la CAMIEG ») est intervenue volontairement à l’instance ultérieurement.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023, Madame [B] [X] demande au tribunal de :
– La dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes ;
– Dire que ses séquelles ont pour origine l’accident de la circulation routière survenu en 1989 ;
– Condamner en conséquence LA SAUVEGARDE, assureur du véhicule responsable de l’accident, à réparer l’entier préjudice subi par la requérante ;
– CONDAMNER ladite compagnie à lui verser, en réparation des préjudices subis et d’ores et déjà évalués par les experts, les indemnités suivantes :
– Dépenses de sante actuelles : 89,00 €, à parfaire,
– Frais divers : 237 252,92 €, à parfaire,
– Déficit fonctionnel temporaire : 66 366,60 €,
– Souffrances endurées : 50 000,00 €,
– Préjudice esthétique temporaire : 45 000,00 €,
– Préjudice d’agrément : 50 000,00 € ;
– Voir la compagnie condamnée à verser au requérant, lesdites sommes, outre les intérêts de droit y afférent, à compter du jour de la délivrance de l’assignation ;
– Déclarer n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– Dire que le jugement à intervenir sera opposable à l’organisme social, et que la liquidation de la créance de l’organisme social interviendra poste par poste conformément aux dispositions de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale ;
– Condamner la compagnie défenderesse à lui verser la somme de 4000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, lesquels comprendront les dépens d’expertise.
Celle-ci avance, au visa de la loi du 5 juillet 1985, notamment et pour l’essentiel, les moyens suivants. Elle met en avant que si LA SAUVEGARDE conclut à la nécessaire mise en cause de l’assureur du CHU de [Localité 10] et de l’ONIAM, vu les conclusions du rapport de novembre 2013 retenant des fautes médicales et l’existence d’une infection nosocomiale, il convient cependant de relever que les docteurs [L] et [C], missionnés par la CCI, ont déposé en avril 2013 un rapport ne retenant pas la qualification d’infection nosocomiale, et ne retenant pas davantage de manquements à l’encontre de l’hôpital. La demanderesse fait valoir que les conclusions des experts sont claires quant à l’imputabilité de ses dommages actuels à l’accident de la route survenu en 1989. Elle avance aussi que les experts ont pu mettre en évidence une multitude de germes, et fréquemment le staphylocoque doré, révélateur du fait qu’elle en est porteuse permanente. En d’autres termes, ses séquelles sont consécutives selon elle à l’aggravation de son état, lesquelles trouvent donc leur origine dans l’accident de la circulation routière survenu en juin 1989. Dès lors, elle considère qu’il s’agit bien d’une maladie imputable à l’accident, et sans lien avec son état antérieur ou tout autre facteur externe.
Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 juillet 2022, la CAMIEG demande au tribunal de :
– La RECEVOIR en son intervention volontaire ;
– Lui DONNER ACTE de ce qu’elle s’en rapporte à la justice sur les demandes formulées par la victime ;
– CONSTATER que sa créance provisoire au 25 juillet 2022 s’élève à la somme de 228 776,73€ au titre des prestations en nature et frais de transport ;
– ET FIXER cette créance provisoire à cette somme ;
– DIRE ET JUGER qu’elle a droit au remboursement de sa créance sur l’indemnité mise à la charge du tiers réparant l’atteinte à l’intégrité physique de la victime ;
– DIRE qu’en application de la loi du 21 décembre 2006, son recours subrogatoire devra s’exercer poste par poste sur les seules indemnités réparant les préjudices pris en charge par ses soins :
– Les frais d’hospitalisation, les frais médicaux, pharmaceutiques, d’appareillage et assimilés doivent être imputés sur le poste de Dépenses de Santé Actuelles (DSA),
– Les frais de transport doivent être imputés sur le poste des Frais Divers (FD) ;
– FIXER le poste de préjudice des Dépenses de Santé Actuelles à une somme qui ne saurait être inférieure à 220 551,56 € ;
– FIXER le poste de préjudice Frais Divers à une somme qui ne saurait être inférieure à 223 903,79 € (8225,17 € versés par la CPAM + 215 678,62 € sollicités par la victime) ;
– CONDAMNER la SAUVEGARDE à lui verser la somme de 228 776,73 € correspondant aux prestations en nature et frais de transport, exposées pour le compte de la victime ;
– DIRE ET JUGER que cette somme portera intérêts de droit à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement ;
– ORDONNER la capitalisation des intérêts échus pour une année en application de l’article 1343-2 du code civil ;
– Lui DONNER ACTE de ses réserves pour les prestations non connues à ce jour, et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement ;
– CONDAMNER la SAUVEGARDE à lui verser la somme de 1114,00 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;
– CONDAMNER la SAUVEGARDE à lui verser la somme de 2000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais exposés ;
– DIRE n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire assortie à la décision à venir ;
– CONDAMNER la SAUVEGARDE aux entiers dépens qui seront recouvrés par son conseil, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’organisme social s’associe, notamment et pour l’essentiel, aux moyens développés par Madame [X] s’agissant de l’aggravation, et fonde surtout ses demandes sur les dispositions de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale relatives au recours subrogatoire.
Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022, la SAUVEGARDE demande au tribunal de :
– DEBOUTER Madame [X] et tout autre demandeur de l’ensemble de ses demandes de condamnations provisionnelles à son égard ;
– CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens.
Celle-ci avance, notamment et pour l’essentiel, les moyens suivants. Elle estime qu’il ne peut être perdu de vue que Madame [X] a été victime d’un accident de la circulation dont elle a conservé un certain nombre de séquelles, au nombre desquelles ne figurait pas l’hallus valgus. En outre, un hallux valgus ne conduit pas à devoir procéder à une amputation. Selon l’assureur, les premiers experts judiciaires ont mis en évidence que Madame [X] n’a pas été informée sur les risques de complications inhérents à la technique opératoire, ni sur l’efficacité réelle de celle-ci. L’assureur met en avant qu’il existe indéniablement une divergence notoire entre les conclusions des experts ayant eu à examiner Madame [X]. Dans le cadre de la procédure CCI, il s’avère, selon les conclusions des docteurs [F] et [W], que l’intervention du 2 mai 2011 ne visait qu’à procéder à un simple alignement du gros orteil droit, et que Madame [X] a dû in fine subir deux amputations de sa jambe droite. Cette situation est imputable selon eux à une infection nosocomiale, conjuguée à un traitement médical non conforme aux règles de l’art médical.
La CPAM de [Localité 10], quoique régulièrement assignée par acte remis à personne morale le 16 février 2022, n’a pas constitué avocat. Susceptible d’appel, la présente décision est réputée contradictoire.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
La clôture de la présente procédure a été prononcée le 28 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le moyen avancé en défense tiré de l’infection nosocomiale et des fautes médicales
Il résulte des dispositions des articles L.1142-1-I et R.4127-32 du code de la santé publique que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. Tout manquement à cette obligation qui n’est que de moyens, n’engage la responsabilité du praticien que s’il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.
L’article L.1142-1-II du code de la sante publique dispose en outre que « lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ».
En l’espèce, il est constant que suite à l’accident du 29 juin 1989 dont a été victime Madame [B] [K] épouse [X], sur la base des conclusions du rapport d’expertise déposé par les docteurs [S] et [Z], les représentants légaux de l’intéressée ont conclu un accord en vue de l’indemnisation de ses préjudices.
Il résulte de la lecture du rapport d’expertise du 14 juin 1997, relatif à la première aggravation tenant à l’apparition et au traitement de l’Hallux Valgus, c’est-à-dire la déviation du gros orteil de son avant pied droit, ce qui suit : « L’intervention du 24 juin 1996 est la conséquence de l’accident du 29 juin 1989, Elle a entrainé un arrêt de travail du 24 juin au 28 août 1996 ». Il est également indiqué, s’agissant de l’intervention complète décrite comme devant être envisagée : « La situation de Madame [X] ne peut être améliorée que par une intervention de reconstruction du pied un peu plus complexe. Le bilan effectué le 19 décembre 1996 par le docteur [R] correspond tout à fait à la réalité. Une intervention a été proposée mais Madame [X], enceinte actuellement, souhaite ne la faire pratiquer que plus tard. » La première critique formulée en défense par la compagnie d’assurance, concernant l’imputabilité de l’aggravation, s’agissant de l’Hallux Valgus, ne pourra qu’être écartée. Ces conclusions d’expertise, tout à fait claires, permettent sans difficulté de démontrer l’existence de cette aggravation et son lien de causalité direct et certain avec l’accident initial du 29 juin 1989.
Pour le surplus, et notamment les aggravations ultérieures tenant à l’ostéotomie de mai 2011, l’ablation du cal osseux de décembre 2011, les prélèvements bactériologiques revenus positifs et, in fine, les amputations pratiquées en juin 2014 ainsi qu’en mars 2016, il convient de noter que dans le rapport d’expertise judiciaire du docteur [D], infectiologue, et du docteur [H], chirurgien orthopédiste, ceux-ci ont conclu à une indication opératoire initiale en mai 2011 ainsi qu’une réalisation conformes aux règles de l’art, à une prise en charge au CHU de [Localité 10] n’appelant pas de critique particulière, à la survenue certes d’infections successives au cours des années de prise en charge, mais sans qu’aucune d’entre elles ne puisse être qualifiée de nosocomiale, et donc à une imputabilité totale à l’accident initial des dommages en aggravation.
Il résulte plus précisément de la lecture de ce rapport les éléments ci-après détaillés : « L’indication opératoire du 2 mai 2011 était fondée et la réalisation technique du geste ne souffre pas de critique particulière. Les soins prodigués en postopératoire au CHU de [Localité 10] ont été attentifs, consciencieux et apparaissent conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science à l’époque des faits. » L’évolution demeure ainsi décrite comme « simple et en aucun cas celle d’une ostéite avérée, comme en témoignent les constatations peropératoires du 24 janvier 2012, donc 8 mois plus tard, et la négativité des prélèvement peropératoires réalisés à cette occasion. » Il est également relevé que lors de la nouvelle reprise le 1er juin 2012, il n’y avait toujours aucun signe d’infection profonde. Les experts indiquent ainsi : tout d’abord que « la prise en charge au CHU de [Localité 10] s’interrompt en décembre 2012, alors qu’il n’y a pas de signe scanographique d’ostéite » ; ensuite que « les germes isolés chez Madame [X] sur une période de 10 ans illustrent bien la diversité et le caractère fluctuant des germes qui colonisent ou infecte une plaie chronique, avec une influence variée mais pas toujours délétère sur la cicatrisation », et que « la fréquence d’isolement de staphylocoque doré témoigne à l’évidence du fait que la patiente en est porteuse permanente, probablement au niveau des fosses nasales » ; et enfin que « l’état de santé antérieur de Madame [X] ne l’exposait pas particulièrement à la survenue d’infections. » Ils concluent : « Comme l’écrit le professeur [J], ce sont bien les séquelles de l’accident de 1989 qui ont, par le biais d’une détestation massive de son membre inférieur droit cristallisant l’ensemble de ses difficultés de vie, vraisemblablement conduit Madame [X] a favorisé inconsciemment l’infection de ses cicatrices successives. […] La cause déterminante du dommage subi par Madame [X], en lien avec ces amputations successives centripètes, relève de la pathologie psychiatrique qu’elle présente et apparait donc bien extérieure aux différents lieux où les soins ont été prodigués. » Le rapport du professeur [J] complète d’ailleurs utilement ces éléments : « Force est de constater que le membre inférieur droit semble avoir cristallisé dès l’AVP de 1989 beaucoup de difficultés de vie de Madame [X]. […] Madame [X] indique avoir souhaité l’amputation dès 2013 voire 2012 […] et cette amputation est vécue comme une force. […] Chez Madame [X], l’accident de 1989 a conduit à faire du membre inférieur droit un objet détesté de sorte que tout devrait concourir à son amputation. […] Il n’existe pas d’état antérieur. […] Ce qui motive la détestation de ce membre droit, c’est la honte qu’il suscite, pas le danger qu’il représente. Et cette honte est en lien avec les séquelles de l’accident de 1989. […] Au total, nous concluons que l’accident de 1989 a conduit du fait de ses séquelles esthétiques à une détestation massive du membre inférieur droit de Madame [X]. Cette détestation a cristallisé l’ensemble de ses difficultés de vie antérieures et depuis. Elle l’a vraisemblablement conduite, et ce de façon inconsciente, à favoriser l’infection des cicatrices des différentes interventions sur ce membre. Les amputations successives ont été la conséquence inéluctable de ces infections. A ce jour persiste après une désarticulation de hanche une infection de la cicatrice, ce qui expose le pronostic vital de Madame [X]. »
Il convient de noter que les experts ainsi que le sapiteur se sont exprimés en des termes précis, circonstanciés et cohérents, et qu’ils se sont prononcés au terme d’un raisonnement méthodique et rigoureux, selon des opérations d’expertise réalisées au contradictoire de LA SAUVEGARDE, mais également du CHU de [Localité 10] et de son assureur, et de l’ONIAM. Ils ont également répondu à l’intégralité des dires transmis par les parties. La prudence dont les experts se sont efforcés de faire preuve dans leur rapport, s’agissant des constats, de l’analyse et in fine de la conclusion, n’affaiblit nullement la valeur probante du rapport. Elle témoigne au contraire d’une analyse d’autant plus objective et complète des données du cas d’espèce. Au vu de ces éléments : il n’est pas possible de retenir l’existence d’une infection nosocomiale ou d’une faute médicale, au sens des dispositions précitées de l’article L.1142-1 du code de la santé publique ; et il est au contraire établi un lien de causalité direct et certain entre les aggravations tenant à l’ostéotomie de mai 2011, l’ablation du cal osseux de décembre 2011, et in fine les amputations pratiquées en juin 2014 ainsi qu’en mars 2016, avec l’accident initial du 29 juin 1989 dont a été victime Madame [X].
Les conclusions expertales des docteurs [D] et [H], aidés du professeur [J], demeurent d’ailleurs utilement complétées par celles du rapport des docteurs [C] et [L] déposé le 5 avril 2013. Ceux-ci ont en effet conclu, notamment et pour l’essentiel, comme suit : « Les soins dispensés, à savoir l’ostéotomie per cutanée, ont été conformes aux données acquises de la science médicale. Cette intervention chirurgicale s’est compliquée d’un hématome local qui a été évacué ‘‘manuellement’’. Il s’agit d’une complication évolutive non fautive, imprévisible. […] La culture [bactériologique] correspond donc à une souillure et non à un germe d’origine nosocomial. Au total, il n’existe aucune confirmation d’une infection du site opératoire, tant clinique que paraclinique ».
En face, les éléments fournis en défense demeurent trop ténus pour remettre en cause l’imputabilité de ces aggravations à l’accident initial de 1989. Si les docteurs [F] et [W], dans leur rapport du 7 novembre 2013, concluent de manière différente, retenant l’existence d’une infection nosocomiale et de plusieurs fautes médicales, la première relative à la technique opératoire, et la seconde concernant le suivi de la plaie, ils n’ont cependant retenu que les éléments suivants : « Le dommage consiste en les séquelles importantes en rapport avec une infection survenant dans les suites d’un geste chirurgical. Cette infection est peu évidente initialement, néanmoins devant une plaie ne cicatrisant pas en 18 mois, ce diagnostic est fortement suspect. Un germe est retrouvé lors d’un prélèvement dès le 23 mai. Ce prélèvement a été effectué au bloc opératoire. […] Le scanner du 6 décembre 2011 évoque clairement une ostéite. […] L’évolution torpide de cette plaie évoque un problème infectieux chronique. […] L’indication initiale est fondée. » En outre, il est considéré par les experts que les soins dispensés ne sont pas conformes aux règles de l’art : o Pas de prise en charge suffisante de la plaie chronique ; o Gestion insuffisante de l’antibiothérapie ; o L’avis dermatologique n’est pas effectuée ou tracé ; o L’avis RCP du CRIOA pas tracé donc probablement pas sollicité. Les experts critiquent également la technique opératoire, en ce qu’une « ostéotomie classique était possible ce qui aurait évité les brûlures qui peuvent expliquer le défaut de cicatrisation constaté initialement menant secondairement à l’infection ».
Force est de constater que les éléments mis en avant par les docteurs [F] et [W] ont bien été identifiés par les autres experts. Ceux-ci ne contestent en effet nullement les différents retours positifs des prélèvements bactériologiques effectués, mais expliquent de manière tout à fait claire et précise en quoi il ne peut pas être conclu à l’existence d’une infection nosocomiale. En outre, les docteurs [F] et [W] ont été beaucoup plus succincts dans leurs analyses et conclusions relatives aux infections nosocomiales et fautes médicales qu’ils ont relevées.
Dans ces conditions, il ne saurait être conclu à la survenance d’infections nosocomiales ou de fautes médicales. Les demandes et moyens avancés en défense à ce titre ne pourront qu’être écartés. Les aggravations tenant à l’ostéotomie de mai 2011, l’ablation du cal osseux de décembre 2011, et in fine les amputations pratiquées en juin 2014 ainsi qu’en mars 2016, sont bien en lien de causalité direct et certain avec l’accident initial du 29 juin 1989 dont a été victime Madame [X].
Sur le droit à indemnisation au titre de la loi de 1985 relative aux accidents de la circulation
La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, dite « loi Badinter » dispose : en son article 1er que les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ; en son article 2 que les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un véhicule mentionné à l’article 1er ; et en son article 3 alinéa 1er que les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident.
Aux termes de l’article L.124-3 du code des assurances, « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ».
En l’espèce, il est constant que le 29 juin 1989, Madame [B] [K] épouse [X] a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de LA SAUVEGARDE.
Le droit à l’indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l’accident de la circulation n’est pas contesté et résulte des articles 1 et 2 de la loi du 5 juillet 1985 relative aux victimes d’accidents de la circulation, ainsi que de l’article L.124-3 du code des assurances permettant une action directe contre l’assureur.
Les aggravations tenant à l’ostéotomie de mai 2011, l’ablation du cal osseux de décembre 2011, et in fine les amputations pratiquées en juin 2014 ainsi qu’en mars 2016, étant bien en lien de causalité direct et certain avec l’accident initial du 29 juin 1989 dont a été victime Madame [X], comme ci-dessus développé, l’indemnisation des préjudices correspondants doit être mise également à la charge de l’assureur du véhicule impliqué.
Dans ces conditions, il convient de condamner LA SAUVEGARDE à l’indemnisation intégrale de la victime au titre des préjudices résultant de ces aggravations.
Sur l’évaluation du préjudice corporel de la victime directe
La personne qui a subi un préjudice a droit à la réparation de celui-ci, en ce sens qu’elle doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit. L’auteur d’un dommage est tenu à la réparation intégrale du préjudice, de telle sorte qu’il ne puisse y avoir pour la victime ni perte ni profit.
Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, le préjudice subi par Madame [B] [K] épouse [X], née le [Date naissance 3] 1973 et âgée par conséquent de 15 ans lors de l’accident initial de juin 1989, de 37 ans à la date du début des aggravations en mai 2011, et de 47 ans au jour du dernier examen médical pratiqué par les experts judiciaires, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.
Sur les dommages, ils sont quantifiés comme suit par les docteurs [D] et [H] :
– Déficit fonctionnel temporaire total du 1er au 4 mai 2011, de 50% du 5 au 22 mai 2011, total du 23 au 24 mai 2011, à 50% du 25 mai 2011 au 23 janvier 2012, total du 24 au 26 janvier 2012, à 50% du 27 janvier au 30 mai 2012, total le 1er juin 2012, à 50% du 2 au 19 juin 2012, total le 20 juin 2012, à 50% du 21 juin 2012 au 10 juin 2013, total du 11 juin au 3 août 2013, à 50% du 4 août au 24 septembre 2013, total du 25 septembre au 17 octobre 2013, à 50% du 18 octobre 2013 au 15 juin 2014, total du 16 juin au 25 juillet 2014, 75% du 26 au 30 juillet 2014, total du 31 juillet au 22 août 2014, 75% du 23 août au 30 septembre 2014, à 50% du 1er octobre 2014 au 12 mars 2016, total du 13 au 23 mars 2016, 66% du 24 mars 2016 au 29 janvier 2019, total du 30 janvier au 20 février 2019, à 75% du 21 au 26 février 2019, 66% du 27 février 2019 au 20 janvier 2020, total du 21 janvier au 5 février 2020, 66% du 6 février 2020, en cours lors de l’examen du 2 avril 2021 ;
– Aide humaine : 2h30 par jour pendant les périodes de DFTP à 50%, 3h par jour pendant les périodes de DFTP à 60%, et 4h par jour pendant les périodes de DFTP à 75% ;
– Consolidation non acquise ;
– Arrêt des activités professionnelles depuis le 1er mai 2011, en cours ;
– Souffrances endurées non-inférieures à 5,5/7 ;
– Préjudice esthétique temporaire globalisé à 3/7 de mai 2011 à juin 2014, puis à 5/7 et toujours en cours ;
– Le préjudice d’agrément relevant de l’évidence mais à affiner après la consolidation.
Il ne pourra qu’être constaté que les docteurs [D] et [H], assistés du professeur [J] comme sapiteur, ont conclu à une consolidation médicolégale non-acquise s’agissant de l’état de santé de la victime. Au vu des données du présent cas d’espèce, il conviendra de liquider le préjudice tenant au déficit fonctionnel temporaire du 1er mai 2011 jusqu’au 2 avril 2021, et de surseoir à statuer non seulement pour la période ultérieure mais aussi sur les autres postes de préjudice, dans l’attente de dépôt d’un certificat de consolidation.
Ce poste de préjudice indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.
Sur la base d’une indemnisation de 28 € par jour pour un déficit total, conforme aux tarifs en vigueur ainsi qu’au référentiel tel que récemment actualisés, il sera alloué la somme suivante :
dates
28,00 €
/ jour
début période
01/05/2011
taux déficit
total
fin de période
04/05/2011
4
jours
100%
112,00 €
fin de période
22/05/2011
18
jours
50%
252,00 €
fin de période
24/05/2011
2
jours
100%
56,00 €
fin de période
23/01/2012
244
jours
50%
3 416,00 €
fin de période
26/01/2012
3
jours
100%
84,00 €
fin de période
31/05/2012
126
jours
50%
1 764,00 €
fin de période
01/06/2012
1
jour
100%
28,00 €
fin de période
19/06/2012
18
jours
50%
252,00 €
fin de période
20/06/2012
1
jour
100%
28,00 €
fin de période
10/06/2013
355
jours
50%
4 970,00 €
fin de période
03/08/2013
54
jours
100%
1 512,00 €
fin de période
24/09/2013
52
jours
50%
728,00 €
fin de période
17/10/2013
23
jours
100%
644,00 €
fin de période
15/06/2014
241
jours
50%
3 374,00 €
fin de période
25/07/2014
40
jours
100%
1 120,00 €
fin de période
30/07/2014
5
jours
75%
105,00 €
fin de période
22/08/2014
23
jours
100%
644,00 €
fin de période
30/09/2014
39
jours
75%
819,00 €
fin de période
12/03/2016
529
jours
50%
7 406,00 €
fin de période
23/03/2016
11
jours
100%
308,00 €
fin de période
29/01/2019
1 042
jours
66%
19 256,16 €
fin de période
20/02/2019
22
jours
100%
616,00 €
fin de période
26/02/2019
6
jours
75%
126,00 €
fin de période
20/01/2020
328
jours
66%
6 061,44 €
fin de période
05/02/2020
16
jours
100%
448,00 €
fin de période
02/04/2021
422
jours
66%
7 798,56 €
61 928,16 €
Cette somme sera allouée avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, rien ne justifiant de retenir une autre date dans le présent cas d’espèce.
Sur le recours subrogatoire de l’organisme social
Aux termes de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale : « Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l’assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l’assuré ou ses ayants droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l’assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l’auteur responsable de l’accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel. »
En l’espèce, il convient de rappeler l’absence d’acquisition de la consolidation médico-légale de l’état de santé de Madame [X], tel que relevée par les docteurs [D] et [H] dans leur rapport, assistés du professeur [J] comme sapiteur.
Dans ces conditions et au vu de ce qui précède, il convient :
D’une part de condamner LA SAUVEGARDE à l’indemnisation intégrale de l’organisme social, au titre des préjudices résultant de ces aggravations ;D’autre part de surseoir à statuer sur l’ensemble des demandes formulées par la CAMIEG, pour les mêmes raisons que celles ci-dessus évoquées.
Sur les demandes accessoires et l’exécution provisoire
Aux termes des articles 696 et 700 du code de procédure civile : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. […] Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».
Les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile disposent : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. […] Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. »
En l’espèce, il convient de réserver les dépens. Il convient également de surseoir à statuer sur les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tant par Madame [X] que par l’organisme social.
Il convient de rappeler l’exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s’agissant en effet d’une instance introduite après le 1er janvier 2020.
Le tribunal,
Reçoit la Caisse d’Assurance Maladie des Industries Electriques et Gazières en son intervention volontaire ;
Dit que les aggravations tenant à l’ostéotomie de mai 2011, l’ablation du cal osseux de décembre 2011, et in fine les amputations pratiquées en juin 2014 ainsi qu’en mars 2016, sont bien en lien de causalité direct et certain avec l’accident initial du 29 juin 1989 dont a été victime Madame [B] [K] épouse [X] ;
Condamne la compagnie d’assurance LA SAUVEGARDE à indemniser intégralement Madame [B] [K] épouse [X] de ses préjudices résultant de ces aggravations ;
Condamne la compagnie d’assurance LA SAUVEGARDE à indemniser intégralement la Caisse d’Assurance Maladie des Industries Electriques et Gazières des préjudices résultant de ces aggravations ;
Condamne la compagnie d’assurance LA SAUVEGARDE à payer à Madame [B] [K] épouse [X] à titre de réparation de son préjudice corporel tenant à ces aggravations, en deniers ou quittances, provisions non déduites, la somme de 61 928,16 € au titre du déficit fonctionnel temporaire pour la période allant du 1er mai 2011 au 2 avril 2021, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Sursoit à statuer sur l’indemnisation en ce qui concerne la période ultérieure du déficit fonctionnel temporaire et sur les autres postes de préjudices de Madame [B] [B] [K] épouse [X], ainsi que sur l’ensemble des demandes de la Caisse d’Assurance Maladie des Industries Electriques et Gazières, et ce jusqu’à dépôt d’un certificat de consolidation ;
Dit n’y avoir lieu à déclarer le présent jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 10], celle-ci ayant été valablement assignée et mise dans la cause ;
Sursoit à statuer sur les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tant par Madame [B] [K] épouse [X] que par la Caisse d’Assurance Maladie des Industries Electriques et Gazières ;
Réserve les dépens ;
Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 10 juin 2025 à 9:30 pour production par Madame [B] [K] épouse [X] d’un certificat de consolidation ;
Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
signé par Timothée AIRAULT, Vice-Président et par Sylvie MARIUS, Greffier présent lors du prononcé .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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