Image du salarié sur le site de l’employeur

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Image du salarié sur le site de l’employeur

Une ex salariée a demandé en vain l’allocation d’une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de son droit à l’image. Dans le cadre de ses recherches d’emploi, elle a constaté que son nom et sa photographie apparaissaient toujours sur l’organigramme du site internet de la société Kephren, encore un an après la fin de son contrat, sans qu’elle n’ait jamais donné son accord (ce n’est qu’après une demande de son avocat que la société a supprimé ces éléments de son site internet). La salariée ne démontrant pas une atteinte portée à son image, ni un préjudice né de l’utilisation de cette image (exemple : exploitation publicitaire) aucune indemnisation ne lui a été accordée.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

6e chambre

ARRÊT DU 20 MAI 2021

N° RG 18/01096

N° Portalis DBV3-V-B7C-SFXO

AFFAIRE :

A X

C/

SAS KEPHREN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : Encadrement

N° RG : F 16/01221

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

– Me Gabrielle GURDZIEL

– Me Benjamin LOUZIER

le : 21 mai 2021

LE VINGT MAI DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame A X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentée par Me Gabrielle GURDZIEL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0310

APPELANTE

****************

SAS KEPHREN

N° SIRET : 517 860 540

[…]

[…]

Représentée par Me Benjamin LOUZIER de la SELARL REDLINK, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J044 substitué par Me Raphaël BALJI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 mars 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

Greffier lors du prononcé: Madame Elodie BOUCHET-BERT

Rappel des faits constants

La SAS Kephren, don’t le siège social est situé à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine, est spécialisée dans le conseil scientifique auprès de l’industrie pharmaceutique, la communication et l’édition médicale spécialisée. emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils du 15 avril 1969, dite Syntec.

Mme A X, née le […], a signé avec cette société un contrat d’apprentissage de septembre 2014 à septembre 2015 puis, elle a été engagée selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2015 en qualité de chef de projet, moyennant une rémunération mensuelle de 3 333,48 euros brut.

La SAS Kephren a convoqué Mme X à un entretien préalable, qui s’est déroulé le 29 janvier 2016, lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire, puis l’a licenciée pour faute grave par courrier du 4 février 2016.

Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en contestation de son licenciement par requête reçue au greffe le 13 juin 2016.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 11 janvier 2018, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :

— condamné la société Kephren à verser à Mme X les sommes suivantes :

. heures supplémentaires du 1er octobre 2015 au 4 février 2016 : 1 066,21 euros,

. congés payés afférents : 106,60 euros,

. salaire mise à pied conservatoire : 2 381,04 euros,

. congés payés afférents : 238,10 euros,

. indemnité compensatrice de préavis : 10 000,44 euros,

. congés payés afférents : 1 000 euros,

. indemnité de licenciement : 944,04 euros,

— condamné la société Kephren à remettre à Mme X un certificat destiné à Pôle emploi, un bulletin de paie portant solde de tout compte, conformes au présent jugement, dans les trente jours suivant sa notification, sans qu’il y ait lieu à astreinte,

— débouté Mme X du surplus de ses demandes,

— condamné Mme X à verser à la société Kephren la somme de 13 333,92 euros en remboursement de l’indemnité de non-concurrence indue,

— dit que les intérêts légaux seront calculés selon les dispositions de l’article 1153-1 du code civil,

— dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement au-delà des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, le salaire à retenir étant 3 333,48 euros,

— dit que chacune des parties conservera à sa charge les frais irrépétibles engagés pour la présente instance,

— partagé les dépens entre les parties.

Mme X avait demandé au conseil de :

— dire et juger que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

— fixer la moyenne de ses rémunérations mensuelles à 3 333,48 euros,

— condamner la société Kephren au paiement des sommes suivantes qu’elle estimait lui être dues :

. heures supplémentaires du 1er octobre 2015 au 4 février 2016 : 1 066,21 euros,

. congés payés afférents : 106,60 euros,

. salaire mise à pied conservatoire : 2 381,04 euros,

. congés payés afférents : 238,10 euros,

. indemnité compensatrice de préavis : 10 000,44 euros,

. congés payés afférents : 1 000 euros,

. indemnité légale de licenciement : 944,04 euros,

. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000,88 euros,

. indemnité pour travail dissimulé : 20 000,88 euros,

. dommages-intérêts pour mesures vexatoires : 4 000 euros,

. dommages-intérêts pour violation du droit à l’image : 2 000 euros,

. indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,

— remise d’une attestation destinée à Pôle emploi et de ses bulletins de paie conformes au présent jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

— condamner la société Kephren aux dépens incluant le coût du constat d’huissier,

— ordonner l’exécution provisoire du présent jugement par application des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile.

La société Kephren avait de son côté demandé au conseil de condamner Mme X à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la somme de 13 333,92 euros en remboursement de l’indemnité de non-concurrence.

La procédure d’appel

Mme X a interjeté appel du jugement par déclaration du 16 février 2018 enregistrée sous le numéro de procédure 18/01096.

Par ordonnance rendue le 3 mars 2021, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 25 mars 2021.

A l’issue des débats, il a été proposé aux parties de recourir à la médiation, ce qu’elles ont décliné.

Prétentions de Mme X, appelante

Par conclusions adressées par voie électronique le 15 mars 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme X demande à la cour d’appel de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’aucune faute grave ne pouvait être retenue à son encontre,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée au remboursement de la somme de 13 333,92 euros et dire et juger qu’elle s’est vu verser la somme de 10 981,38 euros au titre de la clause de non-concurrence,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Kephren à lui verser les sommes suivantes :

. rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période allant du 1er octobre 2015 au 4 février 2016 : 1 066,21 euros,

. demande subséquente de congés payés afférents aux heures supplémentaires : 107,40 euros,

. rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée : 2 381,04 euros,

. demande subséquente de congés payés sur rappel indiciaire : 238,10 euros,

. indemnité compensatrice de préavis : 10 000,44 euros,

. demande subséquente de congés payés afférents au préavis : 1 000 euros,

. indemnité légale de licenciement : 944,40 euros,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnité forfaitaire pour dissimulation d’heures salariées,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour mesures vexatoires,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation de son droit à l’image,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé le point de départ de calcul des intérêts légaux conformément aux dispositions de l’article 1153-1 du code civil,

statuant à nouveau,

— condamner la SAS Kephren à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité pour licenciement sans cause réelle est sérieuse (6 mois) : 20 000,88 euros,

. indemnité forfaitaire pour dissimulation d’heures salariées : 20 000,88 euros,

. dommages-intérêts pour mesures vexatoires : 4 000 euros,

. dommages-intérêts au titre de la violation de son droit à l’image : 2 000 euros.

L’appelante sollicite en outre les intérêts de retard au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation et d’orientation du 17 juin 2016, une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l’intimée aux dépens y compris le coût du constat d’huissier.

Prétentions de la SAS Kephren, intimée

Par conclusions adressées par voie électronique le 20 juillet 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la SAS Kephren demande à la cour d’appel de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit que Mme X a violé son obligation de non-concurrence,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme X les sommes suivantes :

. 1 066,21 euros au titre des heures supplémentaires du 1er octobre 2015 au 4 février 2016,

. 106,60 euros au titre des congés payés afférents,

. 2 381,04 euros à titre de rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire,

. 238,10 euros au titre des congés payés afférents,

. 10 000,44 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 000 euros au titre des congés payés afférents,

. 944,04 euros à titre d’indemnité de licenciement,

statuant à nouveau,

— dire et juger que la faute grave est caractérisée,

— dire et juger que le licenciement de Mme X est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

— dire et juger que Mme X ne verse aucun élément au débat susceptible d’étayer sa demande d’heures supplémentaires,

en conséquence,

— débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes,

— condamner Mme X à lui verser la somme de 13 333,92 euros au titre du remboursement de l’indemnité de non-concurrence indûment perçue.

Elle sollicite enfin une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur le licenciement pour faute grave

Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, « tout licenciement pour motif personnel (‘) est justifié par une cause réelle et sérieuse ».

La cause doit être réelle, objective et reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables. Elle doit également être sérieuse. Les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

La faute grave se définit comme la faute qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Il appartient à l’employeur qui entend se prévaloir d’une faute grave du salarié d’en apporter seul la preuve. Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

Par courrier en date du 10 juin 2016, la société Kephren a notifié à Mme X son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

« Par mail du 13 janvier 2016, vous avez gravement mis en cause tant votre direction que certains de vos collègues de manière totalement infondée, dans une tentative évidente de justification de manquements professionnels identifiés auxquels vous saviez que nous étions sur le point de réagir.

Votre poste de chef de projet a été clairement défini lors de notre entretien du 9 juillet 2015, préalablement à la signature de votre embauche en qualité de chef de projet avec le statut cadre au terme de votre contrat d’apprentissage, avec positionnement dans le pôle édition.

Vos missions principales consistaient dans la conception, la coordination, la communication ainsi que le suivi des actions des revues Revue de gériatrie et Jog et leurs solutions d’éditions, et la préparation du lancement de Tribune K au travers de trois nouvelles publications.

Lors de la réunion d’information générale de rentrée présentant la nouvelle organisation/ organigramme en date du 16 septembre 2015, ce positionnement de votre poste de chef de projet édition a été formellement identifié et présenté devant l’ensemble du personnel.

Vous connaissiez donc parfaitement vos fonctions et missions bien avant votre prise de fonction officielle du 1er octobre 2015, étant rappelé que nous avons signé votre contrat dès le mois de juillet à votre demande pour vous permettre d’acquérir un bien immobilier.

Votre positionnement au sein du pôle édition a été encore confirmé lors de la réunion d’information du 17 décembre 2015.

Ce positionnement sur les projets d’édition (Revue de gériatrie, Job, Tribune K) relève d’une stratégie de l’entreprise donc vous connaissez parfaitement l’importance.

La publication Kephren Publishing a ainsi représenté un CA de plus de 1,5 M € en 2015, soit plus de 50% du CA de la partie oncologie du groupe.

Ces projets d’édition sont donc prioritaires dans la stratégie de développement du groupe. Nous avons malheureusement constaté de graves défaillances de votre part dans ces missions essentielles.

Vous n’avez mis en place aucun déploiement sérieux d’un plan de communication sur la Revue gériatrie et le Journal d’oncogériatrie, bien que disposant de l’ensemble des éléments essentiels vous permettant de travailler.

Aucun résultat n’est non plus à mettre à votre actif dans le renouvellement des comités du Journal d’oncogériatrie, débuté à l’été 2015.

Nous ne constatons que peu de résultats sur l’ensemble des actions décidées en réunion ou lors de points informels.

Sur le projet d’édition My Gedeon, nous avons noté l’absence de mise en place du plan de communication prospectif dans le cadre du renouvellement du projet.

Sur le projet Tribune K, nous avons également constaté l’absence d’anticipation et de mise en place du plan de communication.

Sur les feuilles de route Revue de gériatrie, vous ne faites état dans votre mail du 13 janvier 2016 que d’actions de C Z.

Vous n’avez formulé aucune proposition sur la communication ou dans la proposition d’actions auprès de partenaires potentiels.

Vous avez également totalement omis d’anticiper l’université de cancérologie du sujet âgé, qui est un projet majeur.

Concernant le projet « recommandation Circadin » vous avez fourni un draft de 46 pages « à finaliser » totalement inexploitable qui a entraîné un décalage de la soumission du projet.

Votre mail du 13 janvier 2016 démontre, non pas une insuffisance professionnelle, comme nous l’avions estimé dans un premier temps, mais bien votre mauvaise volonté et votre mauvaise foi, après avoir déjà multiplié les caprices comme lorsque vous avez exigé de bénéficier d’une salle de réunion pour échanger avec un collaborateur, ou demandé au président de déplacer un véhicule de fonction afin de pouvoir garer votre véhicule personnel ou refusé de disposer d’un Iphone 4 de fonction parce qu’un de vos collègues disposait d’un Iphone 5.

Il n’est déjà pas sérieux d’affirmer que les projets « hors édition » vous auraient empêchée d’effectuer vos missions principales.

Il s’agit de trois projets long terme où vous apportez une aide dans l’exécution, sous la conduite de votre responsable Mme D E.

Il est ensuite totalement inacceptable, et ce d’autant plus de la part d’une salariée bénéficiant du statut cadre, de vous lire mettre en cause gravement votre hiérarchie et vos collègues et ce de manière mensongère. Votre mise en cause de votre hiérarchie et de son prétendu manque de disponibilité traduit à la fois une attitude d’insubordination et un manquement à votre devoir de loyauté.

Des réunions régulières formelles et informelles sur l’ensemble des sujets ont été réalisées avec M. Y.

Des points réguliers ont été également menés avec votre responsable hiérarchique et opérationnelle, Mme D E. De nombreux comptes rendus que vous avez établis en attestent.

Il est encore plus grave et inadmissible de vous lire accuser le dirigeant de l’entreprise de manquer de disponibilité sur la prise de décision pour tenter de justifier votre inertie et votre négligence.

Votre démarche ne fait que confirmer votre attitude d’opposition permanente et votre insubordination.

Votre mail du 13 janvier 2016 confirme également votre incapacité à travailler avec d’autres collaborateurs directs.

Vous formulez là aussi des allégations mensongères et déplacées à l’égard de collègues, notamment M. C Z. Il est inacceptable que vous tentiez ainsi de justifier vos propres manquements en mettant en cause vos collègues, attitude d’autant plus grave qu’elle émane d’un cadre.

Nous déplorons donc de votre part une attitude de mauvaise volonté, d’insubordination et de déloyauté, mettant gravement en cause le bon fonctionnement et même la pérennité de l’entreprise (‘) ».

Les parties sont en désaccord sur la teneur des griefs reprochés à la salariée. Mme X prétend qu’il lui est reproché des manquements professionnels, un manque de résultats, de la mauvaise volonté et de la mauvaise foi, une grave mise en cause de ses supérieurs hiérarchiques et de ses collègues dans un courriel du 13 janvier 2016 et une attitude d’opposition permanente, d’insubordination et de déloyauté mettant en cause le bon fonctionnement et la pérennité de l’entreprise, tandis que la SAS Kephren indique avoir licencié la salariée au motif qu’elle avait abusé de sa liberté d’expression, les propos tenus dans le courriel du 13 janvier 2016 étant excessifs et diffamatoires, ayant fait l’objet d’une publicité et révélant une volonté de décrédibiliser M. Y, président de la société.

L’employeur indique, page 11 de ses conclusions, que les faits relatifs aux retards et carences de Mme X, dont il est précisé à plusieurs reprises qu’ils ne constituent pas la cause du licenciement bien qu’ils soient caractérisés, n’ont été énoncés que pour expliquer le contexte dans lequel le courriel litigieux a été envoyé.

Il résulte des termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que celle-ci vise essentiellement le courriel du 13 janvier 2016 comme cristallisant tous les reproches faits à la salariée. Il convient dès lors de l’examiner à titre principal.

Ce courriel de cinq pages en date du 13 janvier 2016, adressé par Mme X à M. Y, président de la société et N+ 3 de la salariée, énonce : « Dimitri, suite à notre entretien de ce jour que j’ai demandé à D lors de notre point fixe du 17 novembre 2015, tu trouveras ci-dessous les points détaillés que j’ai souhaité aborder.

J’ai souhaité te remettre par écrit ces points afin que les décisions abordées se concrétisent, à l’inverse de notre entretien du 9 juillet 2015 qui définissait le cadre de mon CDI, mais également pour que tu réalises pleinement la réelle charge de travail qui est la mienne.

1. Chef de projets édition

. Absence de fiche de poste et d’objectifs clairement définis, contrairement à ce qui a été convenu lors de notre entretien du 9 juillet 2015

. Absence de réunion hebdomadaire Dimitri Y (DV)/A X (RL) pour avancer de manière régulière sur l’édition, contrairement à ce qui a été convenu lors de notre entretien du 9 juillet 2015

. Mise en place des feuilles de route pour la revue de gériatrie (RDG) puis pour le journal d’Oncogériatrie (JOG)

– Indisponibilité permanente de C Z (RV) pour rédiger les feuilles de route (tableau des abonnements, mailing, etc)

– Feuilles de route réalisées toujours à la dernière minute malgré des réunions préparatoires que je demande, elle sont toujours annulées par RV qui a d’autres priorités. N’ayant aucun pouvoir hiérarchique sur RV, je suis dans l’incapacité de lui imposer ces réunions préparatoires.

– Nous avons programmé la même fréquence de points pour la RDG et le JOG (une fois par mois), tu as souvent annulé les points JOG : points JOG fixés puis annulés le 12 novembre 2015, le 16 décembre 2015, le 23 décembre 215 et le 13 janvier 2016. De ce fait, très peu d’actions ont pu être mises en place.

– Dans ces conditions, il est impossible d’avoir une vision sur le long terme et de réfléchir à un plan d’actions complet et détaillé.

. Nécessité de clarifier mon positionnement au sein de ce pôle édition

– JOG

. J’ai travaillé à la réorganisation du JOG depuis mars avec RV: changement de la parution, changement des comités. Cependant ma présence n’était pas prévue lors de la réunion du nouveau comité lors du congrès de la SOFOG en septembre 2015. J’ai dû faire du forcing auprès de D E (MS) pour y assister.

. Vu l’absence des points JOG, RV considère comme prioritaires les actions à mettre en place pour la RDG (relance des abonnés, mailing, etc), peu d’actions pour le JOG sont réalisées, malgré mes relances = pas d’évolution du nombre d’abonnés. N’ayant aucun pouvoir hiérarchique sur RV, je suis dans l’incapacité de faire changer cela.

– RDG

. Les actions réalisées suite aux feuilles de route RDG sont chronophages mais nous ont permis de maintenir les abonnés et d’augmenter le CA (…)

. Refonte du site prévue en août 2015

Depuis, impossibilité d’avancer = en attente de RV concernant le dossier de

financement depuis octobre 2015. Mes six réunions de calage ont été annulées par RV car « non prioritaires » (…)

– Concernant le démarrage de la nouvelle revue « Immunité et cancer » prochainement, depuis mon entretien du 9 juillet 2015 tu ne m’as toujours pas briefée à ce sujet. Je m’interroge donc sur mon positionnement au sein du pôle édition.

. Tribune’K

– Retard important dans le lancement des sites suite aux nombreux changements que tu as demandés après avoir pourtant validé la maquette en juillet 2015 (…)

– Bien qu’étant le chef de projet Tribune’K, tu ne m’as pas informée de ton rendez-vous prévu chez AMGEN le 7 janvier 2016 pour présenter le projet. Tu es donc allé seul en rendez-vous sans faire de point préalable. De plus, tu ne m’as jamais prévenue de ce rendez-vous, je l’ai appris par hasard dans le couloir par quelqu’un d’autre. Je n’ai aucune vision du sponsoring Tribune’K, n’ayant eu aucun retour de ta part concernant tes contacts laboratoires. Quid de mon rôle de chef de projet Tribune’K'(…).

2. Geriamed (…)

Comme tu me l’as demandé, j’ai réalisé un fichier clients en septembre 2015 (prospection, contacts congrès). Un courrier de prospection a été envoyé courant septembre 2015, aucune action de relance ou autre n’a été mise en place depuis car tu annules les points Geriamed, considérés comme non prioritaires (‘).

Au vu des points évoqués ci-dessus, j’espère que tu pourras prendre conscience de la pression qui est la mienne pour faire face à tes demandes dans la désorganisation décrite ci-dessus. Il apparaît primordial de prioriser les projets et de définir par écrit mon poste et mes missions, c’est-à-dire de convenir du périmètre d’action défini (‘).

J’espère qu’à la suite de cet entretien, tu as pu réaliser la charge de travail qui m’incombe, ainsi que l’absence d’une ligne directrice claire, m’obligeant aujourd’hui, afin de répondre à toutes tes demandes, à me « disperser tous azimuts ». D’autre part, tes actions directes, sans concertation ni information, me décrédibilisent auprès des intervenants de mes projets. Professionnellement cette situation est intenable pour moi et ne peut plus perdurer. J’ai déjà, à plusieurs reprises, signalé ces faits, j’ai vraiment besoin que tu redéfinisses et clarifies ma position dans l’entreprise (‘).

Je tiens à te préciser mon attachement à ce groupe si prometteur et grandissant, aux structures encore en constante évolution. Ce groupe m’a permis d’apprendre et d’évoluer énormément. Tu m’as donné la possibilité d’exprimer mon potentiel et de m’épanouir dans mon travail de chef de projet, cependant depuis le mois de septembre 2015, le flou autour de ma fiche de poste et mes missions, comme évoqué ce jour, m’empêche de faire mon travail de façon efficiente en désorganisant les plannings des projets. Ceci est générateur d’un stress important intenable à long terme » (pièces 7 de l’employeur et 12 de la salariée).

Aux termes de l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Toutefois, la liberté d’expression dont jouit le salarié dans l’entreprise à l’égard de son employeur ne doit pas dégénérer en abus et doit se concilier avec les exigences du lien de subordination et l’obligation de loyauté inhérente au contrat de travail, qui se manifeste par un devoir de réserve et une obligation de discrétion.

Pour apprécier un abus du salarié dans l’exercice de sa liberté d’expression, il y a lieu de tenir compte de la teneur des propos et du contexte dans lequel ceux-ci sont intervenus.

Aux termes du courriel, Mme X a mis en cause le management et le manque de disponibilité du président de la société, M. Y, lui reprochant d’être à l’origine de difficultés dans l’exercice de ses fonctions : absence de réunion hebdomadaire, retard important dans le lancement des sites, absence d’information d’un rendez-vous de présentation d’un projet, annulation de points considérés comme prioritaires, absence de ligne directrice claire préjudiciable, absence de concertation et d’information.

En outre, Mme X a directement mis en cause un autre salarié de la société, membre de son équipe, M. Z, en lui imputant des manquements comme son indisponibilité permanente ou des feuilles de route réalisées toujours à la dernière minute,

Le jeune âge de la salariée, son absence d’expérience, sa faible ancienneté de trois mois et demi, ne peuvent expliquer les propos critiques tenus, lesquels apparaissent excessifs, en ce que Mme X porte des appréciations sur le travail de son supérieur hiérarchique et de ses collègues ainsi que sur le fonctionnement de l’entreprise.

L’envoi de ce courriel fait suite à une réunion que Mme X avait sollicitée auprès du président du groupe, M. Y, celui-ci lui ayant adressé un courriel le 5 janvier 2016 en ces termes : « A, D m’a fait part de ton souhait de pouvoir t’entretenir avec moi sur ton poste de chef de projets édition et faire un bilan d’étape à six mois. Je te propose un RV d’étape mercredi 13 janvier de 16h à 17h. Merci de ton retour. Dimitri ».

Les propos ont donc été tenus alors même que la prise de fonctions de Mme X était encadrée de façon bienveillante par la direction de l’entreprise, ainsi qu’en témoignent les termes de ce courriel.

Ces propos doivent dans ces conditions être analysés, non comme une expression destinée à améliorer les conditions de travail mais comme une contestation du pouvoir de direction de l’employeur incompatible avec le lien de subordination.

Ainsi, ce courriel, qui ne répond ni à la condition de légitimité, ni à celle de proportionnalité énoncées par l’article L. 1121-1 du code du travail, constitue un abus du droit d’expression de la salariée à l’égard de son employeur au sein de l’entreprise.

La remise en cause du lien de subordination, d’une ampleur telle qu’elle mettait l’employeur dans l’impossibilité de continuer à exercer son pouvoir de direction, rendait impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise y compris pendant la durée du préavis, ce qui justifiait la rupture immédiate du contrat de travail de Mme X.

Sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, il s’ensuit le rejet des demandes subséquentes de la salariée.

Le jugement, qui a écarté la faute grave, sera dès lors infirmé.

Sur les circonstances vexatoires du licenciement

Mme X fait valoir ici qu’elle a fait montre d’une grande détermination et d’une compétence idoine qui ont convaincu son employeur de lui proposer un poste de chef de projet dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, qu’elle s’est engagée sans réserve dans son poste pour obtenir la satisfaction et la gratitude de ses supérieurs, qu’elle a également été une collègue appréciée pour ses qualités humaines ne comptant pas ses heures, que ses résultats et son implication ont été salués par ses collègues, qu’elle a toujours évolué dans un climat de confiance, en communiquant sur ses projets mais aussi sur ses éventuelles difficultés avec ses collègues et ses supérieurs hiérarchiques nonobstant sa charge de travail et le poids de ses déplacements professionnels, que la réaction de M. Y à réception de son courriel du 13 janvier 2016 a constitué un véritable choc pour elle qui n’a pas compris la posture prise par son employeur, qu’il a été incompréhensible pour elle de recevoir, deux jours après sa rencontre avec M. Y, une convocation à entretien préalable, assortie d’une mise à pied conservatoire. Elle ajoute que la remise du courrier en main propre a constitué pour elle un événement extrêmement violent et soudain, l’ensemble de ces circonstances entourant la rupture étant vexatoires.

La SAS Kephren conteste cette demande. Elle souligne la mauvaise foi de Mme X, qui a accusé son supérieur hiérarchique et ses collègues d’incompétence, à l’origine de carences dans le fonctionnement de la société. Elle fait également valoir que le salarié ne peut prétendre à des dommages-intérêts distincts de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’en cas de comportement fautif de l’employeur dans les circonstances de la rupture, or la salariée ne verse aux débats aucune pièce de nature à démontrer le caractère vexatoire des mesures, pas plus qu’elle ne prouve l’existence d’un quelconque préjudice moral.

Sur ce, le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice

distinct de celui résultant de la perte de son emploi et cumuler une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, à la condition de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement, de nature brutale ou vexatoire.

Ni la seule remise d’un courrier en main propre, ni les motifs du licenciement, au demeurant jugés fondés, ne constituent en l’espèce des conditions vexatoires entourant le licenciement.

Mme X sera déboutée de cette demande par confirmation du jugement entrepris.

Sur le droit à l’image

Mme X explique, à l’appui de sa demande tendant à l’allocation d’une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de son droit à l’image, que dans le cadre de ses recherches d’emploi, elle a constaté que son nom et sa photographie apparaissaient toujours sur l’organigramme du site internet de la société Kephren, encore un an après la fin de son contrat, sans qu’elle n’ait jamais donné son accord, et que ce n’est qu’après une demande de son avocat en février 2017 que la société a supprimé ces éléments de son site internet.

La SAS Kephren conteste que le maintien du nom de la salariée, de ses précédentes fonctions et de sa photographie lui aient causé un préjudice. Elle souligne que Mme X a occupé plusieurs emplois de façon continue depuis qu’elle a quitté l’entreprise et n’a donc eu aucune difficulté à être recrutée malgré cet oubli.

Sur ce, il sera retenu que Mme X se limite à contester le maintien de son nom, de l’indication de ses précédentes fonctions et de sa photographie sur l’organigramme du site internet de la société, non pas durant la relation contractuelle mais après son licenciement, sans invoquer une utilisation de son image à des fins commerciales ou publicitaires.

Elle ne démontre pas une atteinte portée à son image, ni un préjudice né de l’utilisation de cette image, étant relevé qu’elle a retrouvé immédiatement un emploi.

Il sera par ailleurs retenu que Mme X reconnaît que l’employeur a retiré les informations litigieuses dès qu’il a été interpellé à ce sujet.

Ces considérations conduisent à débouter Mme X de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les heures supplémentaires

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, Mme X était soumise, aux termes de l’article 7 de son contrat de travail, à un horaire hebdomadaire de 38h30 dans la limite de 219 jours travaillés par an, outre « un volume forfaitaire annuel de 103,92 heures supplémentaires, dites de suractivité, effectuées ou non, donnant lieu à un complément de rémunération ».

Mme X produit, à l’appui de sa demande, les relevés d’heures de travail qu’elle adressait mensuellement à son supérieur hiérarchique (ses pièces 7 à 10), lesquels font état, sur la base de 38h30 par semaine outre 2 heures supplémentaires au titre du volume forfaitaire annuel :

— de 32,14 heures supplémentaires sur la semaine 41,

— de 5,55 heures supplémentaires sur la semaine 44,

— de 1,4 heure supplémentaire sur la semaine 45,

— de 3 heures supplémentaires sur la semaine 51,

— de 3 heures supplémentaires sur la semaine 1 de 2016.

L’employeur ne produit aucun élément utile de nature à remettre en cause les heures de travail que la salariée déclare avoir accomplies.

Pour autant, il y a lieu de tenir compte de la définition contractuelle de la durée du travail rémunérée, notamment du volume forfaitaire annuel de 103,92 heures supplémentaires prévu contractuellement ramené au prorata du temps de présence de la salariée dans l’entreprise, pour fixer à la somme de 834,17 euros le montant du rappel de salaires dû au titre des heures supplémentaires non rémunérées outre la somme de 83,41 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé sur le montant de la condamnation.

Sur le travail dissimulé

S’agissant de l’indemnité pour travail dissimulé, il est rappelé que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié visée à l’article L. 8221-5 du code du travail doit être établi.

Or en l’espèce, aucun élément ne vient justifier du caractère intentionnel d’une dissimulation d’emploi salarié, les heures supplémentaires revendiquées par la salariée étant en nombre modéré et le temps de travail étant décompté selon un système spécifique pouvant donner lieu à interprétation.

Mme X sera déboutée de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur l’obligation de non-concurrence

La SAS Kephren invoque la violation par son ancienne salariée de son obligation de non-concurrence au titre du contrat souscrit à compter de mai 2016 et de celui souscrit à compter d’octobre 2016. Elle demande le remboursement de l’indemnité de non-concurrence indûment perçue.

Mme X conteste ne pas avoir respecté son obligation de non-concurrence dans le cadre des trois emplois qu’elle a occupés pendant la période considérée. Elle souligne en cas de condamnation qu’elle s’est vu verser la somme de 10 981,38 euros et non celle de 13 333,92 euros visée dans la condamnation prononcée à ce titre par le conseil de prud’hommes.

Sur ce, le contrat de travail liant les parties prévoyait une clause de non-concurrence dans les termes suivants :

« Dans tous les cas de rupture du présent contrat, pour quelque cause que ce soit et quel qu’en soit l’auteur, la salariée s’interdira sur son secteur géographique d’intervention de s’intéresser directement en son nom ou pour un tiers, à toute entreprise ayant le même objet et la même activité, et ceci pendant une durée d’un an à compter de la rupture du contrat, renouvelable pour une durée équivalente par courrier recommandé avec accusé de réception avant expiration de la période initiale.

En contrepartie de l’obligation ainsi souscrite, la SAS Kephren prend l’engagement de verser mensuellement à la salariée pour toute la période d’interdiction, et sauf à ce que celle-ci soit interrompue en raison notamment de la disparition de l’objet de ladite interdiction, une somme brute correspondant au tiers du salaire mensuel fixe du salarié tel que défini au présent (‘).

Il est expressément précisé que la SAS Kephren se réserve la possibilité de délier la salariée de l’obligation de non-concurrence précitée, et ce dans un délai de trente jours à compter de la rupture du contrat, notification devant être faite par voie de lettre recommandée avec accusé de réception ».

Sur ce, la charge de la preuve de la violation de la clause de non-concurrence repose sur l’ancien employeur qui s’en prévaut, en démontrant qu’il exerce effectivement la même activité que le nouvel employeur.

Il est rappelé que la SAS Kephren est spécialisée dans le conseil scientifique et stratégique auprès de l’industrie pharmaceutique, la communication et l’édition médicale spécialisée et développe plus spécifiquement des médicaments d’oncologie et d’hématologie.

Conformément à la clause de non-concurrence souscrite par Mme X, celle-ci était tenue de ne pas travailler dans une entreprise ayant la même activité que la SAS Kephren.

A la suite de son licenciement, à compter du 7 mars 2016, Mme X a conclu un contrat de travail à durée déterminée auprès de la société Impact, en qualité d’assistante responsable de budget, statut employé. La SAS Kephren ne remet toutefois pas en cause ce contrat de travail au titre de l’obligation de non-concurrence.

De mai à octobre 2016, Mme X a occupé le poste de « chargée de mission accompagnement des réseaux de santé » au sein de l’Union Nationale des Réseaux de Santé (UNR Santé).

Au regard d’un extrait de son site internet (pièce 13 de l’employeur), l’UNR Santé est une association à but non lucratif financée par les cotisations de ses adhérents et toute autre ressource non interdite, notamment par l’État, qui a pour objet de définir et de faire évoluer les réseaux de santé sur le plan local.

Son activité est donc étrangère à l’activité pharmaceutique de la SAS Kephren, même si elle a trait au secteur médical, et ne s’exécute au demeurant pas dans un cadre commercial.

Il ne peut dès lors être retenu une activité concurrente au titre de ce contrat de travail, peu important les fonctions exercées par Mme X au sein de cette association.

Enfin, à compter de novembre 2016, Mme X a été engagée en qualité de « chargée de projets communication formations médecins », statut cadre au sein des laboratoires PILEJE. Elle fait

toujours partie de cette entreprise.

Le fait que le laboratoire PILEJE soit un laboratoire qui développe des compléments alimentaires (micronutrition et phytonutrition) et non des médicaments, comme le soutient l’appelante et ainsi que cela résulte de son site internet (pièce 14 de l’employeur), permet d’exclure que les activités de ces sociétés soient concurrentes. En effet, même voisins, le champ d’action et le c’ur de métier de ces deux sociétés sont distincts, les compléments alimentaires étant utilisés pour aider à prévenir l’apparition éventuelle de maladies chroniques et les médicaments étant utilisés pour traiter une pathologie.

Il n’y a dès lors pas lieu de retenir une violation de l’obligation de non-concurrence et donc le remboursement par la salariée de l’indemnité de non-concurrence, par infirmation du jugement entrepris.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur. Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation pour les créances contractuelles, soit en l’espèce le 20 juin 2016.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Compte tenu de la teneur de la décision, chaque partie supportera la moitié des dépens et pour des considérations tirées de l’équité, elles seront déboutées de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a partagé les dépens de première instance et débouté les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 11 janvier 2018, excepté en ce qu’il a débouté Mme A X de ses demandes au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre du travail dissimulé, au titre des conditions vexatoires du licenciement et au titre du droit à l’image,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement prononcé par la SAS Kephren à l’égard de Mme A X fondé sur une faute grave,

DÉBOUTE Mme A X de ses demandes subséquentes au titre de la rupture du contrat de travail,

CONDAMNE la SAS Kephren à payer à Mme A X la somme de 834,17 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, outre la somme de 83,41 euros au titre des congés payés afférents,

DÉBOUTE la SAS Kephren de sa demande de remboursement par Mme A X de l’indemnité de non-concurrence,

CONDAMNE la SAS Kephren à payer à Mme A X les intérêts de retard au taux légal sur la créance au titre des heures supplémentaires à compter du 20 juin 2016,

DÉBOUTE Mme A X de sa demande présentée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS Kephren de sa demande présentée sur le même fondement,

CONDAMNE Mme A X et la SAS Kephren à supporter chacun, la moitié des dépens.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Isabelle Vendryes, présidente, et par Mme Élodie Bouchet-Bert, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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