Image des personnes et exception d’actualité

·

·

Image des personnes et exception d’actualité

Affaire Le Figaro

Dans l’un de ses numéros, Le Figaro  a consacré un sujet sous le titre « Le roman noir de la mafia Corse», évoquant un rappel historique du «crime organisé» en Corse avec des clichés photographiques de ceux que le journaliste nommait «La fine ,fleur des parrains corses», et l’analyse de l’évolution de cette violence, des «clans» qui se forment, des intérêt en jeu – notamment liés à la spéculation immobilière – et des moyens mis en oeuvre par l’État pour «tenter d’arrêter ce fléau».

Exception d’actualité retenue

Etait notamment reproduit un cliché photographique pris lors des obsèques de Jean-Baptiste Jérôme COLONNA dit Jean-Jé COLONNA, cliché représentant, sur une petite route, un important cortège suivant le cercueil devant lequel marche le demandeur vêtu de vêtements clairs. La légende du cliché précisait « Les obsèques de Jean-Jé COLONNA, le 3 novembre 2006, à Pila-Canale. La mort accidentelle de ce parrain a rebattu les cartes du crime organisé corse ».

En vertu de l’article 9 du Code civil, toute personne a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection, toute personne dispose également en vertu du même texte, d’un droit exclusif sur son image, attribut de la personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, qui lui permet, en principe, de s’opposer à la diffusion de son image sans son autorisation et d’obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé de ce fait.

Ces droits peuvent cependant céder devant les nécessités de la liberté d’expression lorsque la diffusion des informations ou des images est légitime au regard de ces nécessités, l’appréciation de cette légitimité étant fonction d’un ensemble de circonstances tenant essentiellement à la personne qui se plaint de l’atteinte aux droits protégés par l’article 9 du Code civil, notamment sa qualité et son comportement antérieur, et à l’objet de la publication en cause – son contenu, sa forme, l’absence de malveillance et d’atteinte à la dignité de la personne, ainsi que sa participation à un débat d’intérêt général, ces critères sont conformes aux stipulations des articles 8 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

En l’espèce, si la personne photographiée dans le cortège pouvait légitiment invoquer l’atteinte portée au respect dû à sa vie privé laquelle comprend également les sentiments d’affliction des proches d’une personne décédée, et l’atteinte portée à son droit à l’image du fait de la reproduction sans son autorisation du cliché photographique le représentant lors des obsèques de son oncle, c’est à juste titre que la société Le Figaro invoquait le principe de la liberté d’expression.

La notoriété de Jean-Baptiste Jérôme COLONNA du fait de son évasion en 1975 et de l’implication qui lui est prêtée dans un milieu criminel associé à un système mafieux, n’est en effet pas contestée, de sorte que son décès et ses obsèques constituaient bien,  un événement d’actualité.

En outre, compte tenu des rivalités, rapportées par l’auteur de l’article, et qui ont, toujours selon le journaliste, donné lieu à de violents affrontements «entre deux clans de la Brise de mer» qui se sont disputés son héritage de 2006 à 2009, le cliché photographique représentant ses funérailles constitue une illustration pertinente de l’article consacré – peu de temps après l’assassinat de l’avocat Antoine SOLLACARO – à l’analyse de l’évolution de la violence en Corse, le journaliste décrivant une implantation du «crime organisé», porté par la spéculation immobilière, qui s’est substitué à la vendetta et à l’action politique indépendantiste des «années 70» que cet article est incontestablement lié à un sujet d’intérêt général au sens de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.


Chat Icon