Image des anonymes
Associer l’image d’une personne à un article de presse citant des faits auxquels il est totalement étranger constitue une atteinte à son droit à l’image. Dans un magazine bimestriel a été publiée en gros plan, la photographie d’un anonyme accompagnant un article de presse faisant état d’une affaire judiciaire survenue aux Etats-Unis d’Amérique où une personne, arrêtée pour conduite en état d’ivresse dans une voiture volée, avait été incarcérée durant vingt-deux mois, dans des conditions ultérieurement jugées comme constitutives d’un traitement inhumain. Par la suite, le prisonnier avait obtenu la condamnation de l’État à lui verser la somme de 15,5 millions de dollars en réparation de ses préjudices décrits dans l’article.
Périmètre du droit à l’image
En vertu de l’article 9 du Code civil, toute personne a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection, toute personne dispose également, en vertu du même texte, d’un droit exclusif sur son image, attribut de la personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, droit qui lui permet, en principe, de s’opposer à la diffusion de son image sans son autorisation et d’obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé de ce fait. Ces droits peuvent cependant céder devant les nécessités de la liberté d’expression lorsque la diffusion des informations ou des images est légitime au regard de ces nécessités, notamment si elles sont utiles à un débat d’intérêt général, dépourvue de malveillance et d’atteinte à la dignité de la personne.
En l’espèce, pour se dédouaner, l’éditeur n’a pu faire valoir que le cliché litigieux a été acquis auprès de l’agence SHUTTERSTOCK, pour arguer d’une autorisation donnée par le demandeur à la reproduction de son image. En effet, dès lors que cette reproduction est associée au texte relatant des faits relatifs à une tierce personne dans une présentation qui donne à penser que le demandeur est cette tierce personne, l’utilisation de son image constitue à l’évidence, une dénaturation de l’éventuelle autorisation qu’il aurait pu donner.
Préjudice de l’atteinte au droit l’image
Si la seule constatation des atteintes à la vie privée et au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, il appartient toutefois au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué, l’évaluation du préjudice étant appréciée par le juge, au jour où il statue, de manière concrète, compte tenu de la nature des atteintes ainsi que des éléments invoqués et établis. L’anonyme victime de l’association malheureuse de son image à ce fait divers a obtenu la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêt.
Responsabilité du directeur de la publication
A noter qu’en matière d’atteinte aux droits consacrés par l’article 9 du Code civil, la présomption d’imputabilité du directeur de la publication prévue par l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881, ne saurait trouver application. Sa responsabilité n’est engagée que par la démonstration d’un fait positif.