L’Essentiel : La SCI Au bout l’eau a engagé un projet de construction en signant un compromis de vente avec Solorem, mais la transaction a échoué en raison d’une clause restrictive. En 2022, la SCI a refusé de régulariser l’acte de vente et a mandaté la SARL Cach pour la maîtrise d’œuvre, sans permis de construire. Malgré le paiement d’une première facture, deux autres sont restées impayées, entraînant une mise en demeure. Le tribunal a condamné la SCI à régler les sommes dues, décision confirmée par la cour d’appel, qui a également imposé des frais supplémentaires.
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Contexte de l’affaireLa SCI Au bout l’eau a entrepris un projet de construction d’un bâtiment industriel et a signé un compromis de vente avec la société Solorem le 6 mars 2020 pour l’achat de terrains en Meurthe-et-Moselle. Cependant, la vente a échoué en raison d’une clause ajoutée par Solorem interdisant toute activité commerciale dans le bâtiment. Refus de régularisationLe 21 février 2022, la SCI Au bout l’eau a informé Solorem de son refus de régulariser l’acte de vente. Parallèlement, la société Au bout l’eau a mandaté la SARL Cach pour la maîtrise d’œuvre du projet, sans avoir déposé de permis de construire. Facturation et mise en demeureEn 2018 et 2019, un montant d’honoraires de 17760 euros HT avait été convenu. La SARL Cach a émis une première facture de 13464 euros TTC le 16 janvier 2020, que la SCI Au bout l’eau a réglée. Deux autres factures ont été émises le 28 septembre 2020, mais la SCI Au bout l’eau n’a pas effectué le paiement. Le 26 juillet 2022, Cach a mis en demeure Au bout l’eau de régler ces factures. Procédures judiciairesLe 30 août 2022, la SARL Cach a assigné la SCI Au bout l’eau devant le tribunal judiciaire de Nancy pour obtenir le paiement d’une provision. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 14 mars 2023. Le 28 mars 2023, Cach a de nouveau assigné Au bout l’eau pour le paiement de 12084 euros TTC, en plus de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Jugement du tribunalLe 22 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Nancy a condamné la SCI Au bout l’eau à payer 12084 euros TTC pour les factures impayées, ainsi que 1500 euros au titre de l’article 700 et aux dépens. Le tribunal a également noté que le montant des honoraires devait être prouvé par écrit, mais a trouvé un commencement de preuve suffisant. Appel de la décisionLa SCI Au bout l’eau a interjeté appel de ce jugement le 8 janvier 2024, demandant l’infirmation de la décision et le déboutement de la SARL Cach. En réponse, la SARL Cach a demandé la confirmation du jugement et le paiement des sommes dues. Arguments des partiesAu bout l’eau a soutenu qu’elle n’avait jamais accepté la nouvelle ventilation des honoraires et que le paiement de la première facture ne constituait pas un commencement de preuve. De son côté, la SARL Cach a affirmé que la SCI Au bout l’eau n’avait pas contesté les honoraires avant le début de la procédure judiciaire et que le paiement de la première facture prouvait l’acceptation des nouveaux termes. Décision de la cour d’appelLa cour a confirmé le jugement du tribunal de première instance, considérant que le paiement de la première facture constituait un commencement de preuve de l’acceptation des nouveaux honoraires. La SCI Au bout l’eau a été condamnée à payer 2000 euros supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’accord sur les honoraires entre la SCI Au bout l’eau et la SARL Cach ?L’accord initial entre la SCI Au bout l’eau et la SARL Cach portait sur un montant d’honoraires de 17760 euros HT pour la maîtrise d’œuvre d’un bâtiment clé en main. Cependant, un tableau de ventilation des honoraires a été établi le 16 janvier 2020, indiquant un montant total de 33000 euros TTC, ce qui représente une augmentation substantielle des honoraires. Selon l’article 1359, alinéa 1er, du Code civil : « L’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. » Ainsi, l’absence de signature de la SCI Au bout l’eau sur le tableau de ventilation des honoraires soulève des questions quant à la validité de cet accord. Il est également précisé dans l’article 1361 du Code civil que : « Il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve. » Dans ce cas, la société Cach a tenté de prouver l’acceptation de la nouvelle ventilation par le paiement d’une première facture, mais la SCI Au bout l’eau conteste cette interprétation. Quelles sont les conséquences du non-respect des exigences de preuve écrite ?Le non-respect des exigences de preuve écrite peut avoir des conséquences significatives sur la validité des prétentions d’une partie. En l’espèce, la société Cach ne peut pas se prévaloir d’une preuve littérale au sens de l’article 1359 du Code civil, car le tableau de ventilation des honoraires n’a pas été signé par la SCI Au bout l’eau. Cela signifie que, pour que la société Cach puisse obtenir le paiement des honoraires supplémentaires, elle doit établir un commencement de preuve par écrit, corroboré par d’autres éléments de preuve. L’article 1361 du Code civil stipule que : « Il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve. » Dans cette affaire, le tribunal a considéré que le paiement d’une facture par la SCI Au bout l’eau, qui faisait référence au tableau de ventilation, constituait un commencement de preuve. Cependant, la SCI Au bout l’eau a soutenu que ce paiement ne prouvait pas son acceptation des nouveaux honoraires, ce qui a conduit à un débat sur la validité de l’accord. Comment le tribunal a-t-il évalué les éléments de preuve présentés par la SARL Cach ?Le tribunal a évalué les éléments de preuve présentés par la SARL Cach en tenant compte de plusieurs facteurs. Il a noté que la société Au bout l’eau avait procédé au paiement d’une facture qui faisait référence au tableau de ventilation des honoraires, ce qui a été interprété comme un commencement de preuve par écrit. Le tribunal a également pris en compte les échanges de courriels et de textos entre les parties, ainsi que le témoignage de Madame [V], assistante de direction de la société Cach. Ces éléments ont été jugés corroborants, car ils démontraient que la SCI Au bout l’eau avait reconnu la validité des nouvelles prestations et des honoraires associés. En effet, l’article 1361 du Code civil permet de compléter l’écrit par d’autres moyens de preuve, ce qui a été appliqué dans cette affaire. Le tribunal a ainsi conclu que la société Cach était fondée à réclamer le paiement des factures impayées, en se basant sur l’ensemble des éléments de preuve présentés. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que : « La partie qui succombe est condamnée aux dépens et peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, le tribunal a condamné la SCI Au bout l’eau à payer à la SARL Cach une somme de 1500 euros au titre de l’article 700, en raison de sa position dans le litige. Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie gagnante pour la défense de ses droits. Le tribunal a également décidé de condamner la SCI Au bout l’eau aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais de la procédure. Ces implications financières peuvent être significatives pour la SCI Au bout l’eau, qui doit non seulement régler les factures impayées, mais également faire face aux frais de justice liés à l’affaire. Ainsi, l’article 700 du Code de procédure civile joue un rôle crucial dans la détermination des conséquences financières pour la partie perdante dans un litige. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2025 DU 13 JANVIER 2025
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/00036 – N° Portalis DBVR-V-B7I-FJM3
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,
R.G.n° 23/01024, en date du 22 décembre 2023,
APPELANTE :
S.C.I. AU BOUT L’EAU, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]
Représentée par Me Aline POIRSON de la SELARL LYON MILLER POIRSON, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
S.A.R.L. CACH, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]
Représentée par Me Alexandre GASSE substitué par Me Inès BEDET de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocats au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 Octobre 2024, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Monsieur Thierry SILHOL, Président de Chambre, chargé du rapport,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Laurène RIVORY ;
A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2025, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 13 Janvier 2025, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
EXPOSÉ DU LITIGE
Ayant pour projet l’édification d’un bâtiment industriel, la SCI Au bout l’eau a conclu, le 6 mars 2020, un compromis de vente avec la société Solorem ayant pour objet l’achat de terrains situés dans la [Adresse 4] à [Localité 3] (Meurthe-et-Moselle).
Cette vente n’a pu intervenir en raison de l’ajout par la société Solorem dans le projet d’acte authentique d’une clause interdisant à l’acquéreur de poursuivre une activité commerciale dans les cellules commerciales du bâtiment industriel.
Par courrier du 21 février 2022, la société Au bout l’eau a informé la société Solorem de son refus de régulariser l’acte de vente.
La société Au bout l’eau a confié à la SARL Cach la maîtrise d »uvre, hors dépôt d’un permis de construire, de ce projet de construction d’un bâtiment industriel.
En 2018 et 2019, les parties avaient convenu d’un montant d’honoraires de 17760 euros HT.
Le 16 janvier 2020, la société Cach a émis une première note d’honoraires d’un montant de 13464 euros TTC comprenant le diagnostic/esquisse et l’avant projet. La société Au bout l’eau s’est acquittée de ce montant.
Le 28 septembre 2020, la société Cach a émis deux factures d’un montant respectif de 11484 euros TTC et de 600 euros TTC.
Par lettre recommandée du 26 juillet 2022 dont l’accusé de réception a été signé le 9 août 2022, la société Cach a mis en demeure la société Au bout l’eau de payer ces deux factures.
Par acte du 30 août 2022, la société Cach a fait assigner la société Au bout l’eau devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy aux fins d’obtenir le paiement d’une provision correspondant au montant des factures litigieuses. Par ordonnance du 14 mars 2023, ce juge a rejeté cette demande et renvoyé les parties à faire valoir leurs prétentions au fond.
Par acte du 28 mars 2023, la société Cach a fait assigner la société Au bout l’eau devant le tribunal judiciaire de Nancy aux fins de condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 12084 euros TTC au titre des factures impayées, outre la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire prononcé le 22 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Nancy a :
– condamné la SCI Au bout l’eau à payer à la SARL Cach la somme de 12084 euros TTC correspondant aux deux factures impayées émises le 28 septembre 2020, avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2022,
– condamné la SCI Au bout l’eau à payer à la SARL Cach la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SCI Au bout l’eau aux dépens,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit attachée à la décision.
Pour statuer ainsi, le jugement relève que le montant des honoraires de la société Cach excédant la somme de 1500 euros, l’acte juridique portant sur cette somme doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.
Il constate qu’un accord était intervenu sur un montant d’honoraires de 17760 euros HT pour un montant de travaux d’un bâtiment clé en main de 534000 euros HT mais qu’en revanche, le tableau de ventilation des honoraires établi le 16 janvier 2020 par la société Cach n’a pas été signé par la société Au bout l’eau.
Après avoir rappelé les dispositions de l’article 1361 du code civil, le jugement observe que si le montant initial des honoraires avait été fixé à 17760 euros HT en 2018 et 2019, il s’évince des documents du 16 janvier 2020 produits par la demanderesse que suite à des discussions entre la société Au bout l’eau et la société Cach, cette dernière a adressé par courriel un document intitulé « tableau de ventilation des honoraires » pour un montant de 33000 euros TTC, accompagné d’une facture d’un montant de 13464 euros correspondant aux travaux d’ores et déjà réalisés.
Il considère que cette facture ne peut être dissociée du tableau de ventilation des honoraires adressé dans le même temps, dès lors que ladite facture mentionne expressément en gras qu’elle est établie « selon réunion du mercredi 15 janvier 2020 suivant le tableau de ventilation des honoraires ». A cet égard, le jugement relève que si le tableau de ventilation des honoraires n’a pas été signé par la société Au bout l’eau, cette dernière a procédé au règlement de la facture, qui y faisait référence, en indiquant « facture n°20/01/002 SCI Au bout l’eau ».
Il en déduit l’existence d’un commencement de preuve par écrit.
Il ajoute que cet élément de preuve est corroboré par la demande formulée par textos et par courriels, du paiement des deux factures d’un montant de 12084 euros, portant le montant des honoraires à 25548 euros et que la société Au bout l’eau n’a pas contesté cette demande, se limitant à demander l’envoi de documents et à indiquer qu’elle était en attente d’un financement pour les régulariser.
Le jugement s’appuie également sur une attestation délivrée par Madame [V], assistante de direction de la société Cach, selon laquelle la modification des honoraires est intervenue à la demande du gérant de la société Au bout l’eau, celui-ci ayant, par ailleurs, précisé lors de plusieurs conversations téléphoniques que le règlement des factures allait arriver.
Le jugement en déduit que le commencement de preuve étant corroboré par l’ensemble de ces éléments, la société Cach est bien fondée à réclamer le paiement de la somme de 12084 euros correspondant aux deux factures impayées émises le 28 septembre 2020.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 8 janvier 2024, la société Au bout l’eau a relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 16 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Au bout l’eau demande à la cour de :
– infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,
y faisant droit,
– débouter la SARL Cach de ses demandes,
– condamner la SARL Cach à payer à la SCI Au bout l’eau la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 22 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Cach demande à la cour, sur le fondement des articles 1203 et suivants du code civil, de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 22 décembre 2023,
– condamner la SCI Au bout l’eau à payer à la SARL Cach la somme de 12084 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 9 août 2022,
– condamner la SCI Au bout l’eau à payer à la SARL Cach une somme de 3500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 30 juillet 2024.
L’audience de plaidoirie a été fixée au 21 octobre 2024 et le délibéré au 13 janvier 2025.
Vu les dernières conclusions déposées par la société Au bout l’eau le 16 juillet 2024 et par la société Cach le 22 juillet 2024,
Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 30 juillet 2024,
Sur la demande principale
Au soutien de son appel, la société Au bout l’eau fait valoir qu’elle n’a jamais régularisé la nouvelle ventilation des honoraires qui lui a été adressée le 16 janvier 2020 par la société Cach,
aucune preuve par écrit de cet accord n’étant rapportée. Elle affirme que le règlement de la première facture ne s’explique que par les importantes difficultés personnelles rencontrées par ses gérants, Monsieur et Madame [I], et l’empressement de la société Cach à obtenir ce règlement.
Elle souligne que le seul règlement de cette facture, qui correspond à un montant inférieur au prix des honoraires initialement convenu entre les parties ne peut, en toute hypothèse, constituer un commencement de preuve par écrit d’une acceptation de la teneur et du prix de la prestation.
A cet égard, elle affirme que l’accord des parties portait sur un prix forfaitaire de 17760 euros HT représentant l’intégralité de la mission de maîtrise d’oeuvre pour un bâtiment clé en mains et que l’augmentation substantielle de ces honoraires à la somme de 33000 euros HT, pour une prestation demeurée identique à celle convenue initialement, constitue un avenant au contrat qu’elle n’a jamais accepté.
Elle ajoute qu’elle a contesté cette nouvelle ventilation des honoraires dès qu’elle en a eu connaissance.
Elle observe que la société Cach ne justifie nullement des motifs de cette augmentation.
Enfin, elle estime que l’attestation de Madame [V] sur laquelle le tribunal s’est fondé ne constitue qu’un témoignage indirect et que les textos échangés entre les parties démontrent qu’aucun accord n’était intervenu sur l’augmentation du prix de la prestation.
Pour sa part, la société Cach soutient que la société Au bout l’eau n’a pas contesté le montant des honoraires avant l’engagement de la procédure judiciaire et que cette société a laissé traîner le règlement de ces factures jusqu’à ce qu’elle décide de ne plus les payer quand le projet d’un bâtiment industriel a été abandonné.
Elle fait valoir que si dans un premier temps, la société Au bout l’eau lui a demandé la conception et la construction d’un bâtiment clé en main, elle ne lui a ensuite demandé que les études et la conception ACT (assistance aux contrats de travaux). Elle précise que dans ce cadre, le montant des honoraires afférents à cette nouvelle prestation a été fixé à la somme de 33000 euros HT et accepté par la société Au bout l’eau.
A cet effet, elle remarque que la première facture émise le 16 janvier 2020 et payée par la société Au bout l’eau a été établie sur la base de cette nouvelle ventilation et non sur la base des premiers bilans financiers réalisés lorsqu’il était prévu que la prestation porterait sur la construction du bâtiment.
Elle considère que le virement du 9 mars 2020 effectué en paiement de l’intégralité de la première facture constitue un commencement de preuve par écrit.
Enfin, elle prétend que ce commencement de preuve par écrit est corroboré par les échanges entre les parties ainsi que par le témoignage de Madame [V] dont elle déduit que la société Au bout l’eau lui a demandé de poursuivre l’exécution des prestations et s’est engagée à régler les factures correspondantes.
* * *
Il résulte de l’article 1359, alinéa 1er, du code civil que l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.
Aux termes de l’article 1361 du code civil, il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.
En l’espèce, il est constant que l’engagement litigieux porte sur une somme excédant 1500 euros et que, selon les bilans financiers des 2 octobre 2018 et 12 mars 2019 produits par la société Au bout l’eau, les parties avaient convenu d’un montant d’honoraires de 17760 euros HT correspondant à la construction d’un bâtiment industriel clé en main d’une valeur de 534000 euros HT.
Postérieurement à l’établissement de ces documents, un nouveau tableau de ventilation des honoraires a été établi le 16 janvier 2020 par la société Cach. Les honoraires d’un montant total de 33000 euros HT mentionnés dans ce document sont répartis entre, d’une part, ceux afférents à la phase études (20790 euros dont 1980 euros au titre du diagnostic/esquisse, 9240 euros au titre de l’avant projet – APS 3300 euros, APD 5940 euros-, 6930 euros au titre du projet et 2640 euros au titre de l’ACT) et, d’autre part, ceux afférents à la phase travaux (12210 euros dont 2640 euros au titre du visa, 7920 euros au titre de l’établissement des travaux et 1650 euros au titre de l’assistance aux opérations de réception).
Il n’est pas davantage contesté que ce nouveau tableau de ventilation n’a pas été signé par la société Au bout l’eau, en sorte que la société Cach ne peut se prévaloir d’une preuve littérale au sens de l’article 1359 du code civil.
Cela étant, il convient de relever que consécutivement à une discussion entre les parties, ce tableau de ventilation a été expédié par courriel du 16 janvier 2020 auquel était également joint une facture intitulée « note d’honoraires » portant le numéro 20/01/002 et mentionnant en gras qu’elle est établie « selon réunion du mercredi 15 janvier 2020 suivant le ‘tableau de ventilation des honoraires’ ». Cette facture d’un montant de 11220 euros HT, soit 13464 euros TTC, correspond aux prestations de diagnostic/esquisse et d’avant projet (APS et APD) figurant dans le tableau de ventilation des honoraires.
Or, il ressort de l’extrait de compte bancaire du mois de mars 2020 de la société Cach que la société Au bout l’eau a procédé, le 9 mars 2020, au paiement de cette facture en indiquant la référence « Facture N.20/01/002-SCI Au bout l’eau ».
Il en découle, comme l’a exactement relevé le premier juge, que ce virement effectué en règlement d’une facture se rapportant expressément au tableau de ventilation des honoraires constitue un commencement de preuve par écrit de l’acceptation par la société Au bout l’eau de la teneur et du prix de la nouvelle prestation proposée par la société Cach.
Dès lors, il est nécessaire de vérifier si ce commencement de preuve est corroboré par des éléments qui lui sont extérieurs.
Sur ce point, il ressort d’un courriel du 13 octobre 2020 que Monsieur [W], gérant de la société Cach, a adressé à la société Au bout l’eau le dossier d’analyse des offres et proposition de maîtrise d’oeuvre, la liste des entreprises préconisées et divers devis d’entreprises ainsi que deux factures remises en main propre le 28 septembre précédent dont il a demandé le paiement.
Ces factures sont pour la première d’un montant de 600 euros au titre des frais d’étude thermique avancés par la société Cach, pour la seconde d’un montant de 9750 euros HT, soit 11484 euros TTC, au titre des prestations de projet et d’assistance aux contrats de travaux mentionnés dans le tableau de ventilation des honoraires du 16 janvier 2020.
Il y a également lieu d’observer que selon textos échangés entre le 13 octobre et le 11 décembre 2020, Monsieur [I], gérant de la société Au bout l’eau a relancé Monsieur [W] et lui a réclamé l’envoi des derniers documents, sans opposer de contestation à la demande de paiement de ces factures.
Par ailleurs, il résulte d’un courriel adressé le 26 octobre 2021 par la société Cach à la société Au bout l’eau que, à l’occasion d’une conversation au sujet du paiement des deux factures du 28 septembre 2020, Monsieur [I] a confirmé que le « projet allait se faire (le panneau du chantier a été mis en place) » et qu’il attendait un financement pour régulariser ces factures.
En outre, dans son attestation délivrée le 26 octobre 2022, Madame [V], qui exerçait les fonctions d’assistante de direction au sein de la société Cach, précise que « M. [I] avait souhaité passer d’un bâtiment clé en main à un projet comprenant les phases APS AVP ESQ PRO et ACT » et qu’en conséquence, elle avait « établi un tableau de ventilation des honoraires, conformément à la loi MOP ». Elle ajoute que « lors d’un rendez-vous, M. [W] avait présenté le dossier ACT (grilles ACT, grilles comparatives des prix et devis des entreprises par lot) à M. [I]. Ce dossier ne lui avait pas été remis ce jour-là puisque la facture n’avait pas été réglée ». Madame [V] affirme « avoir entendu M. [W] et M. [I] à plusieurs reprises en conversation téléphonique et M. [I] demander à maintes reprises ce fameux dossier ACT en précisant que le règlement de la facture aller arriver. Après un certain temps, M. [W], en toute confiance, a donc donné ce document à M. [I]. »
Ces éléments, qui établissent que la société Au bout l’eau avait accepté la teneur et le prix de la nouvelle prestation figurant dans le tableau de ventilation des honoraires établi le 16 janvier 2020, corroborent le commencement de preuve par écrit produit par la société Cach.
Il est acquis que la société Cach n’a accompli que les prestations liées à la phase études, le projet de construction d’un bâtiment industriel n’ayant pu aboutir.
Dans ces conditions, la société Au bout l’eau est redevable de la somme de 20790 euros HT, soit 24948 euros TTC, qui correspond au prix de la phase études figurant dans le tableau de ventilation des honoraires, outre celle de 600 euros TTC au titre des frais d’étude thermique avancés par la société Cach.
En conséquence, c’est à bon droit que, après avoir déduit le paiement d’un montant de 13464 euros acquitté le 9 mars 2020, le premier juge a condamné la société Au bout l’eau au paiement de la somme de 12084 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 août 2022, date de réception de la mise en demeure.
Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Au bout l’eau aux dépens et à payer à la société Cach la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant à hauteur de cour, la société Au bout l’eau doit supporter les dépens d’appel.
Enfin, l’équité commande de condamner la société Au bout l’eau à payer à la société Cach la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 22 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Nancy,
Y ajoutant,
Condamne la SCI Au bout l’eau à payer à la SARL Cach la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI Au bout l’eau aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en huit pages.
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