Responsabilité des établissements financiers face aux obligations de vigilance et aux escroqueries.

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Responsabilité des établissements financiers face aux obligations de vigilance et aux escroqueries.

L’Essentiel : Monsieur [U] [K] a contacté la société BOURSOCARAT pour investir dans des diamants, effectuant quatre paiements totalisant 23.334 euros entre septembre et novembre 2017. En janvier 2021, il a dénoncé une escroquerie et a mis en demeure la CAISSE D’EPARGNE de le rembourser, invoquant un manquement à son obligation de vigilance. En avril 2021, il a assigné la banque, demandant une indemnisation pour préjudice. Cependant, le tribunal a conclu que la banque n’avait pas d’obligation d’intervenir dans les affaires de son client, déboutant Monsieur [K] de ses demandes et le condamnant aux dépens.

Exposé du Litige

Monsieur [U] [K] a été contacté par la société BOURSOCARAT, spécialisée dans le négoce de diamants d’investissement, et a effectué quatre paiements totalisant 23.334 euros entre septembre et novembre 2017. En janvier 2021, il a affirmé avoir été victime d’une escroquerie et a mis en demeure la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE- PAYS DE LOIRE de le rembourser, arguant de manquements à ses obligations de vigilance.

Assignation en Justice

Monsieur [U] [K] a assigné la CAISSE D’EPARGNE devant le Tribunal judiciaire de Nantes en avril 2021, soutenant que la banque avait manqué à son obligation de vigilance, ce qui avait permis l’escroquerie. Il a demandé une indemnisation pour le préjudice subi, incluant le remboursement de son investissement et des dommages pour préjudice moral.

Réponse de la CAISSE D’EPARGNE

La CAISSE D’EPARGNE a contesté les demandes de Monsieur [K], arguant qu’il avait agi de manière autonome et que la banque n’était pas responsable des pertes subies. Elle a demandé que les demandes de Monsieur [K] soient déclarées forcloses et a sollicité des frais à son encontre.

Motifs de la Décision

Le tribunal a examiné les obligations de vigilance des organismes financiers, concluant que celles-ci visent principalement la détection de transactions liées à des activités criminelles. Il a déterminé que Monsieur [U] [K] ne pouvait pas se prévaloir d’un manquement de la banque pour réclamer des dommages-intérêts, car la banque n’avait pas d’obligation d’intervenir dans les affaires de son client.

Devoir Général de Vigilance

Le tribunal a également noté que la banque n’était pas tenue de contrôler la légalité des opérations de son client tant qu’elles ne présentaient pas d’anomalies apparentes. Les virements effectués par Monsieur [U] [K] étaient jugés réguliers, et la banque n’avait pas à s’inquiéter de la destination des fonds.

Conclusion du Tribunal

Monsieur [U] [K] a été débouté de toutes ses demandes contre la CAISSE D’EPARGNE. Le tribunal a condamné Monsieur [K] aux dépens, sans faire droit à la demande de la banque concernant ses frais irrépétibles. L’exécution provisoire a été déclarée de droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique de l’obligation de vigilance des établissements financiers ?

L’obligation de vigilance des établissements financiers est régie par les articles L 561-1 et suivants du Code monétaire et financier. Ces dispositions visent à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Selon l’article L 561-2, les établissements doivent identifier et vérifier l’identité de leurs clients, ainsi que comprendre la nature de leurs activités.

Cette obligation de vigilance est renforcée par l’article L 561-4, qui impose aux établissements de signaler toute opération suspecte.

Il est important de noter que l’article L 561-19 précise que la déclaration de soupçon est confidentielle et ne peut être divulguée au client concerné.

Ainsi, ces articles établissent un cadre strict pour les établissements financiers, leur imposant de surveiller les transactions et d’agir en cas de soupçon de fraude ou d’activités illégales.

La responsabilité de la banque peut-elle être engagée en cas de manquement à l’obligation de vigilance ?

La responsabilité de la banque peut être engagée si elle ne respecte pas son obligation de vigilance, mais cela dépend des circonstances.

L’article 1240 du Code civil stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Cependant, la jurisprudence a établi que la banque n’est pas responsable si elle n’a pas été confrontée à des anomalies manifestes dans les transactions.

En l’espèce, le tribunal a jugé que la CAISSE D’EPARGNE n’avait pas à s’immiscer dans les affaires de Monsieur [U] [K], car les virements étaient réguliers et ne présentaient pas d’irrégularités apparentes.

Ainsi, la banque n’est pas tenue de contrôler la légalité des opérations tant qu’elles semblent conformes et ne soulèvent pas de doutes.

Quelles sont les implications des alertes de l’AMF et de TRACFIN sur la responsabilité de la banque ?

Les alertes de l’AMF et de TRACFIN sont des indicateurs importants, mais elles ne suffisent pas à engager la responsabilité de la banque.

L’AMF, selon l’article 441-1 de son règlement général, a pour mission de protéger les investisseurs, mais cela ne crée pas une obligation de diligence accrue pour les banques.

De plus, les alertes émises par TRACFIN ne sont pas nécessairement des preuves de fraude.

Dans le cas présent, le tribunal a noté que la société BOURSOCARAT n’était pas sur la liste noire de l’AMF avant septembre 2017, ce qui signifie que la banque ne pouvait pas être considérée comme négligente.

Ainsi, les alertes ne constituent pas une obligation légale pour la banque d’intervenir dans les transactions de ses clients, tant que ces transactions ne présentent pas d’irrégularités manifestes.

Comment se justifie le principe de non-ingérence de la banque dans les affaires de son client ?

Le principe de non-ingérence est fondamental dans la relation bancaire, stipulant que la banque ne doit pas s’immiscer dans les affaires de son client.

Ce principe est soutenu par l’article 9 du Code de procédure civile, qui établit que chacun est libre de gérer ses affaires comme il l’entend, tant qu’il n’y a pas de violation de la loi.

La banque doit simplement vérifier l’identité du donneur d’ordre et l’état d’approvisionnement du compte, conformément à l’article L 133-13 du Code monétaire et financier.

Dans cette affaire, le tribunal a conclu que la CAISSE D’EPARGNE n’avait pas à s’interroger sur l’origine des fonds ou à justifier les opérations tant qu’elles étaient régulières.

Ainsi, la banque n’est pas responsable des choix d’investissement de son client, sauf en cas d’anomalies manifestes.

Quelles sont les conséquences des décisions judiciaires sur les demandes de dommages-intérêts ?

Les décisions judiciaires peuvent avoir des conséquences significatives sur les demandes de dommages-intérêts.

Dans le cas présent, Monsieur [U] [K] a été débouté de ses demandes, ce qui signifie qu’il ne recevra pas de compensation pour les pertes subies.

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que la partie qui succombe dans ses prétentions supporte les dépens, ce qui a été appliqué dans cette affaire.

De plus, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700, qui permettrait à la CAISSE D’EPARGNE de récupérer ses frais irrépétibles.

Ainsi, les décisions judiciaires ont confirmé que la banque n’était pas responsable des pertes de Monsieur [U] [K], et ce dernier devra assumer ses propres frais.

SG

LE 03 JANVIER 2025

Minute n°

N° RG 21/02574 – N° Portalis DBYS-W-B7F-LEBG

[U] [K]

C/

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE

Autres actions en responsabilité exercées contre un établissement de crédit

1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
Me Arnaud DELOMEL
la SELARL LRB – 110

délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
—————————————————

QUATRIEME CHAMBRE

JUGEMENT
du TROIS JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ

Composition du Tribunal lors du délibéré :

Président : Stéphanie LAPORTE, Juge,
Assesseur : Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur : Laëtitia FENART, Vice-Présidente,

GREFFIER : Sandrine GASNIER

Débats à l’audience publique du 01 OCTOBRE 2024 devant Stéphanie LAPORTE, siégeant en Juge Rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 28 NOVEMBRE 2024 prorogé au 03 JANVIER 2025.

Jugement Contradictoire rédigé par Stéphanie LAPORTE, prononcé par mise à disposition au greffe.

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ENTRE :

Monsieur [U] [K], demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

DEMANDEUR.

D’UNE PART

ET :

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
Rep/assistant : Maître Louis NAUX de la SELARL LRB, avocats au barreau de SAINT-NAZAIRE

DEFENDERESSE.

D’AUTRE PART

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EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [U] [K] expose qu’après avoir été contacté à la fin de l’année 2017 par la société BOURSOCARAT se présentant comme étant spécialisée dans le négoce et la revente de diamants dit d’investissement. Entre le 18 septembre 2017 et le 09 novembre 2017, il a effectué quatre règlements d’un montant total de 23.334 euros à partir de son compte de dépôt ouvert auprès de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE- PAYS DE LOIRE.

Par courrier du 28 janvier 2021, Monsieur [U] [K] a valoir qu’il avait en réalité été victime d’une escroquerie et a mis en demeure la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE- PAYS DE LOIRE de lui rembourser ces fonds, soutenant qu’elle avait commis plusieurs manquements à ses obligations et notamment, à son obligation de vigilance et de contrôle telle qu’édictée par les articles L 561-1 et suivants du code monétaire et financier.

Par exploit d’huissier en date du 15 avril 2021, Monsieur [U] [K] a fait assigner la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE- PAYS DE LA LOIRE, devant le Tribunal judiciaire de Nantes, faisant valoir un manquement à son obligation de vigilance ayant favorisé l’escroquerie dont Monsieur [U] [K] a été victime et sollicitant l’indemnisation du préjudice qu’il a ainsi subi.

Par dernières conclusions notifiées le 29 août 2024, Monsieur [U] [K] a sollicité du tribunal, au visa des articles L214-1-1, D214-0, L550-1 L561-4 et suivants du code monétaire et financier, des articles 1240 et 1241 du code civil, des articles 1112-1 et 1231-1 et du code civil, des articles 441-1 et 441-3 du Règlement Général de l’AMF, de :
A titre principal :
Juger et retenir que la société CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE – PAYS DE LOIRE n’a pas respecté son obligation légale de vigilance, au titre du dispositif LCB FT ;
Juger et retenir que la société CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE – PAYS DE LOIRE est responsable des préjudices subis par Monsieur [K] ;
A titre subsidiaire :
Juger et retenir que la société CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE – PAYS DE LOIRE n’a pas respecté son obligation légale de vigilance, au titre des règles du code civil.
Juger et retenir que la société CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE – PAYS DE LOIRE est responsable des préjudices subis par Monsieur [K].
En tout état de cause :
Condamner la société CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE – PAYS DE LOIRE à rembourser à Monsieur [K] la somme de 23.334 €, correspondant à la totalité de son investissement auprès de la société BOURSOCARAT, en réparation de son préjudice matériel.
Condamner la société CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE – PAYS DE LOIRE à verser à Monsieur [K] la somme de 4.666,80 €, correspondant à 20 % du montant de l’investissement, au titre du préjudice moral et de jouissance ;
Condamner la société CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE – PAYS DE LOIRE à verser à Monsieur [K] la somme de 3.000 €, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la même aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 05 septembre 2024, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE- PAYS DE LOIRE a sollicité du tribunal, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, de l’article 1937 du code civil, de l’article 9 du code de procédure civile, de l’article 1353 du code civil, de l’article 1382-2 du code civil, de :
Recevoir la CAISSE D’EPARGNE en ses écritures et l’y déclarant bien fondée,
Juger les demandes de Monsieur [K] forcloses.
Débouter Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
Le condamner à payer à la CAISSE D’EPARGNE une somme de 5000 euros au visa des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Le condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL LRB AVOCATS CONSEILS JURIPARTNER (Maître Louis NAUX) conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 01 octobre 2024, date à laquelle l’affaire a été appelée pour plaider. Les parties ont été informées par le président que le jugement serait rendu le 28 novembre 2024 par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile, puis prorogé au 03 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de Monsieur [U] [K]

Sur le manquement à l’obligation de vigilance prévue par les articles L 561-2 et suivants du code monétaire et financier

L’obligation de vigilance imposée aux organismes financiers en application des articles L 561-2 et suivants du code monétaire et financier n’a pour seule finalité que la détection de transactions portant sur des sommes en provenance du trafic de stupéfiants ou d’activités criminelles organisées.

Il résulte en effet de l’article L 561-19 du code monétaire et financier que la déclaration de soupçon mentionnée à l’article L 561-15 est confidentielle et qu’il est interdit de divulguer l’existence et le contenu d’une déclaration faite auprès du service mentionné à l’article L 561-23, ainsi que les suites qui lui ont été réservées, au propriétaire des sommes ou à l’auteur de l’une des opérations mentionnées à l’article L. 561-15 ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales visés à l’article L 561-36.
Aux termes de ce dernier article, ces autorités sont seules chargées d’assurer le contrôle des obligations de vigilance et de déclaration mentionnées ci-dessus et de sanctionner leur méconnaissance sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs. Selon l’article L 561-29 I du même code, sous réserve de l’application de l’article 40 du code de procédure pénale, les informations détenues par le service mentionné à l’article L 561-23 ne peuvent être utilisées à d’autres fins que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.

Il s’évince, en outre, de la lecture de tous les considérants préliminaires à la Directive 2015/849, à l’instar de celles auxquelles elle fait suite, qu’elle a pour objectif de “protéger le système financier contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme par des mesures de prévention, de détection et d’enquête” et il ne peut pas être tiré d’un extrait de son considérant 61 selon lequel “l’adoption de normes techniques de réglementation dans le domaine des services financiers devrait garantir une harmonisation cohérente et une protection adéquate des déposants, des investisseurs et des consommateurs dans l’ensemble de l’Union”, qui ne fait qu’introduire les vœux, pour une amélioration générale des normes européennes, que les Autorités Européennes de Surveillances élaborent un “projet de normes techniques de réglementation”, qu’elle aurait pour objet, de manière non médiate et directe, la protection du consommateur. Ces dispositions relatives aux obligations des banques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ne visent pas à protéger des intérêts privés, mais constituent un ensemble de règles professionnelles poursuivant un objectif d’intérêt général, et ne peuvent servir de fondement à une action en responsabilité civile.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l’inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à un organisme financier.

En l’espèce, Monsieur [U] [K] ne peut ainsi se prévaloir d’un manquement de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE- PAYS DE LOIRE à son obligation de vigilance telle que prévue notamment, par les articles L 561-4-1, L 561-10 et L 561-10-2 du code monétaire et financier pour voir engager sa responsabilité et obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il affirme avoir subi.

Il sera donc débouté de ses demandes fondées sur ces dispositions législatives.

Sur le manquement au devoir général de vigilance de la banque

Sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n’a pas à procéder à de quelconques investigations sur l’origine et l’importance des fonds versés sur ses comptes, ni même à l’interroger sur l’existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu’aucun indice de falsification ne peut être décelé.

Ainsi, le prestataire de services de paiement, comme la banque dépositaire de fonds, tenu d’un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, n’a pas, en principe, à s’ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s’assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour lui-même ou des tiers.

La banque prestataire de services n’a donc pas à contrôler la légalité ou le caractère avisé du placement envisagé par son client auprès d’une société tierce au moyen d’un virement bancaire. La banque qui reçoit un ordre de virement doit, afin de l’exécuter promptement ainsi que l’exigent les dispositions de l’article L 133-13 du code monétaire et financier, seulement vérifier l’identité du donneur d’ordre et l’état d’approvisionnement du compte à débiter.

S’il est exact que ce devoir de non-ingérence trouve une limite dans l’obligation de vigilance de la banque prestataire de services de paiement, c’est à la condition que l’opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle.

En l’espèce, Monsieur [U] [K] expose avoir réalisé quatre virements de 10.209 euros, 5000 euros, 3956 euros et 4169 euros, entre le 18 septembre 2017 et le 09 novembre 2017, depuis son compte bancaire ouvert auprès de la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE PAYS DE LOIRE, au profit de la société BOURSOCARAT, qui s’est avérée être rattachée à la structure DIAMONEO, laquelle fait l’objet d’une information judiciaire depuis 2019, pour une escroquerie à l’échelle internationale.

Il soutient que la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE- PAYS DE LOIRE a manqué à son obligation de vigilance, dès lors que les virements mentionnaient l’achat de diamants ce qui constitue des achats atypiques et que l’AMF avait alerté les épargnants dès janvier 2017 sur les offres de placement dans les diamants d’investissement et au sujet de DIAMONEO, en juillet 2017, ainsi que TRACFIN en 2016 et 2017. Il fait également valoir que ces virements correspondaient à une somme totale de 23.334 euros, équivalente à plus d’un an de revenus, vers des destinations étrangères situées au Danemark, en Roumanie et en Hongrie, ce qui ne pouvait constituer un fonctionnement normal et habituel de son compte bancaire.

Il apparait à la lecture de ces éléments que Monsieur [U] [K] a réalisé seul et de sa seule initiative les investissements litigieux et que la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE PAYS DE LOIRE n’est intervenue qu’en qualité de teneur de compte et non en tant que conseiller en investissements. Elle n’était donc tenue à son égard qu’à un devoir général de vigilance.

Par conséquent, et en vertu des principes régissant la responsabilité de droit commun du banquier, précédemment rappelés, selon le principe de non-ingérence dans les affaires de son client, auquel elle est tenue, la banque n’est pas autorisée à procéder à des investigations particulières pour déterminer notamment l’identité du bénéficiaire ou l’objet de l’opération, ni intervenir pour empêcher son client d’effectuer un acte inopportun ou dangereux pour ses intérêts. Elle n’a pas davantage à se préoccuper de la destination des fonds ou de l’opportunité des opérations effectuées. Il n’en ira différemment que si elle se trouve confrontée, à l’occasion des opérations demandées par son clients, à des anomalies et des irrégularités manifestes qu’elle se doit de détecter conformément à son obligation de vigilance.

En l’espèce, la régularité formelle des ordres de virement litigieux n’est pas contestée par Monsieur [U] [K].

Par ailleurs, la nature internationale des opérations n’est pas suffisante pour justifier une alerte de la banque, d’autant qu’en l’espèce les destinataires des fonds se situaient dans des Etats de l’Union européenne et que le destinataire final, à savoir DIAMONEO, n’apparaissait nullement part et ne pouvait être décelé par la banque.

En outre, il ressort du relevé de compte courant produit par Monsieur [U] [K], qu’il avait approvisionné son compte le 16 septembre 2017, d’un premier virement interne de 7000 euros, suivi d’un second de 3209 euros et que le compte a été débité de la somme de 10209 euros, le 18 septembre 2017 ; qu’il en a été de même les 14 et 16 octobre 2017, pour assurer des virements de 5000 et 3956 euros effectués les 17 et 19 octobre 2017, ainsi que le 08 novembre 2017, pour un dernier virement de 4169 euros le 09 novembre. Monsieur [U] a ainsi principalement procédé à des virements internes pour alimenter les investissements réalisés et au versement d’un crédit, d’un montant de 5883,87 euros, laissant penser qu’il disposait des sommes ainsi investies, en dépit de ses faibles revenus.

Ainsi, le caractère prétendument anormal du fonctionnement de son compte à raison du paiement inhabituel en son montant et quant à sa destination, ne saurait être retenu dès lors que le client est libre de disposer de ses économies comme il l’entend et que l’historique du compte montre que Monsieur [U] était en mesure de couvrir les investissements réalisés.

S’agissant du caractère suspect des sociétés d’investissement de diamants et des alertes de l’Autorité des Marchés Financiers, les documents produits ne démontrent pas que la société BOURSOCARAT figurait sur la liste noire de l’AMF, avant septembre 2017 et les virements réalisés, de sorte qu’elle aurait dû être considérée comme suspecte.

En outre, il importe peu que certains établissements bancaires teneurs de compte, procèdent par alerte à l’occasion d’opération particulières, cette manière de procéder n’établit pas qu’il existerait une obligation de cette nature pesant sur le banquier. Il en est de même quant à la pratique bancaire consistant à plafonner le montant des virements que le client peut effectuer seul sans avoir à faire intervenir son interlocuteur de la banque. Le demandeur ne justifie pas d’un tel engagement de la banque à son endroit.

En conséquence, eu égard à l’ensemble de ces éléments, Monsieur [U] [K] sera débouté de ses demandes fondées sur un manquement de l’établissement bancaire à son devoir général de vigilance.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Monsieur [U] [K] qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, qui seront recouvrés par la SELARL LRB AVOCATS CONSEILS JURIPARTNER (Maître Louis NAUX) conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En revanche, l’équité s’oppose à sa condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE PAYS DE LOIRE au titre de ses frais irrépétibles.

L’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

DÉBOUTE Monsieur [U] [K] de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE PAYS DE LOIRE ;

CONDAMNE Monsieur [U] [K] aux dépens qui seront recouvrés par la SELARL LRB AVOCATS CONSEILS JURIPARTNER (Maître Louis NAUX) conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT quel l’exécution provisoire est de droit.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandrine GASNIER Stéphanie LAPORTE


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