Garantie de paiement et contestation des obligations contractuelles dans le cadre de travaux de construction

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Garantie de paiement et contestation des obligations contractuelles dans le cadre de travaux de construction

L’Essentiel : La société OPERA IMMO a engagé des travaux pour modifier un bâtiment, attribuant le lot « Cloisons – Doublages / Faux-plafonds » à DECOR ISOLATION. Après l’achèvement des travaux, DECOR ISOLATION a réclamé un solde de 214 422,28 euros TTC, tandis qu’OPERA IMMO contestait ce montant, évoquant des manquements. En septembre 2024, DECOR ISOLATION a assigné OPERA IMMO en justice pour obtenir une garantie de paiement. Le tribunal a finalement ordonné à OPERA IMMO de fournir une garantie de 201 441,10 euros TTC, tout en rejetant les demandes d’expertise et de provision des deux parties.

Contexte de l’affaire

La société OPERA IMMO, en tant que maître d’ouvrage, a lancé des travaux pour modifier la destination d’un bâtiment situé à [Adresse 1] à [Localité 6]. Pour la maîtrise d’exécution, elle a engagé la société CIM ENGINEERING et a attribué le lot n°8 « Cloisons – Doublages / Faux-plafonds » à la société DECOR ISOLATION pour un montant de 332 000 euros HT.

Problèmes rencontrés durant le chantier

Au cours des travaux, OPERA IMMO a commandé des travaux supplémentaires. Les travaux ont été achevés et réceptionnés le 20 février 2024. Cependant, DECOR ISOLATION a signalé qu’OPERA IMMO lui devait encore 214 422,28 euros TTC après déduction des paiements effectués et de la retenue de garantie de 5%.

Conflit sur les paiements

DECOR ISOLATION a mis en demeure OPERA IMMO par courriers en mars et avril 2024 pour le paiement de la somme due. En réponse, OPERA IMMO a évoqué des manquements de DECOR ISOLATION dans l’exécution des travaux et a résilié le contrat fin août 2023. En juin 2024, OPERA IMMO a contesté le montant réclamé par DECOR ISOLATION et a demandé le paiement d’un solde de 70 146,23 euros TTC.

Procédure judiciaire

Le 25 septembre 2024, DECOR ISOLATION a assigné OPERA IMMO devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir une injonction de fournir une garantie de paiement et une expertise judiciaire. L’affaire a été plaidée le 27 novembre 2024.

Demandes de DECOR ISOLATION

DECOR ISOLATION a demandé au tribunal d’ordonner à OPERA IMMO de fournir une garantie de paiement de 214 422,28 euros, assortie d’une astreinte de 500 euros par jour de retard, ainsi qu’une expertise judiciaire pour examiner les décomptes et les responsabilités des parties.

Réponse d’OPERA IMMO

OPERA IMMO a contesté les demandes de DECOR ISOLATION, arguant qu’aucune contestation n’avait été formulée sur le décompte général notifié le 10 juin 2024, le rendant définitif. Elle a également demandé le paiement de 70 146,23 euros TTC à titre provisionnel.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné OPERA IMMO à fournir à DECOR ISOLATION une garantie de paiement de 201 441,10 euros TTC, assortie d’une astreinte de 500 euros par jour de retard. Les demandes d’expertise judiciaire et de provision formulées par DECOR ISOLATION et OPERA IMMO ont été rejetées. Les dépens ont été partagés entre les deux parties, sans indemnisation pour frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 1799-1 du Code civil concernant la garantie de paiement dans le cadre d’un marché de travaux ?

L’article 1799-1 du Code civil stipule que :

« Le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l’article 1779 doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat. »

Cet article impose au maître d’ouvrage de fournir une garantie de paiement à l’entrepreneur lorsque le montant des travaux dépasse un certain seuil, fixé à 12 000 euros depuis 2002.

La garantie peut être fournie sous forme de caution bancaire ou de délégation de paiement.

Il est important de noter que cette garantie peut être sollicitée à tout moment, même après l’achèvement des travaux, et ce, même en cas de résiliation du contrat.

Ainsi, la contestation sur le montant des sommes dues n’affecte pas l’obligation de fournir cette garantie, comme l’indiquent les décisions de la Cour de cassation (3e Civ., 17 juin 2015, 14-17.897).

En l’espèce, le montant total du marché dépasse le seuil de 12 000 euros, ce qui rend l’application de l’article 1799-1 pertinente.

Le maître d’ouvrage ne peut pas se soustraire à cette obligation en arguant d’une créance qu’il pourrait avoir contre l’entrepreneur pour des malfaçons ou des retards d’exécution.

Quelles sont les conditions pour ordonner une expertise judiciaire selon l’article 145 du Code de procédure civile ?

L’article 145 du Code de procédure civile dispose que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Pour qu’une expertise judiciaire soit ordonnée, il faut donc qu’il existe un motif légitime justifiant la nécessité de conserver ou d’établir des preuves avant le procès.

Le juge dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier ce motif légitime.

Dans le cas présent, la société DECOR ISOLATION a demandé une expertise en raison de l’absence de communication de documents et de justificatifs concernant les retenues et les travaux.

Cependant, le tribunal a estimé que l’absence de ces documents ne justifiait pas l’intervention d’un expert judiciaire.

Il a également noté que l’achèvement des travaux rendait l’expertise inutile pour réévaluer l’avancement des travaux.

Ainsi, la demande d’expertise a été rejetée, car les conditions posées par l’article 145 n’étaient pas remplies.

Comment se prononce le tribunal sur la demande provisionnelle reconventionnelle de la société OPERA IMMO ?

La demande provisionnelle reconventionnelle de la société OPERA IMMO repose sur l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, qui précise que :

« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent. »

En l’espèce, la société OPERA IMMO a sollicité le versement d’une somme de 70 146,23 euros TTC, qu’elle estime due au titre d’un décompte général qu’elle considère comme définitif.

Cependant, le tribunal a constaté qu’il existait une contestation sérieuse concernant ce décompte, notamment en ce qui concerne l’avancement réel des travaux et les retenues opérées.

Ainsi, le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur cette demande provisionnelle, car la société OPERA IMMO n’a pas justifié de manière suffisante son droit à cette somme.

Cela souligne l’importance de la preuve dans les demandes provisionnelles, qui doivent être fondées sur des éléments non sérieusement contestables.

Quelles sont les implications des articles 696 et 700 du Code de procédure civile concernant les dépens et les frais irrépétibles ?

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Cet article établit le principe selon lequel la partie qui succombe dans ses prétentions doit supporter les dépens de l’instance.

Dans le cas présent, les deux parties ont partiellement succombé, ce qui a conduit le tribunal à partager les dépens par moitié entre la société DECOR ISOLATION et la société OPERA IMMO.

Par ailleurs, l’article 700 alinéa 1 et 2 précise que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Cependant, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à indemnisation au titre des frais irrépétibles, en se fondant sur des considérations d’équité.

Cela montre que le juge a une certaine latitude pour apprécier les demandes d’indemnisation au titre des frais irrépétibles, en tenant compte de la situation économique des parties.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/56613 – N° Portalis 352J-W-B7I-C53AA

N° : 2

Assignation du :
25 Septembre 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 07 janvier 2025

par Marie PAPART, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Estelle FRANTZ, Greffier.
DEMANDERESSE

La Société DECOR ISOLATION, S.A.S.
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Alain TILLE, avocat au barreau de PARIS – #C1661

DEFENDERESSE

S.A.S. OPERA IMMO
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Véronique BOLLANI de la SCP FORESTIER & HINFRAY, avocats au barreau de PARIS – #P0255

DÉBATS

A l’audience du 27 Novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Marie PAPART, Vice-présidente, assistée de Estelle FRANTZ, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE :

La société OPERA IMMO en sa qualité de maître de l’ouvrage, a entrepris une campagne de travaux aux fins de changer la destination d’un bâtiment édifié [Adresse 1] à [Localité 6].

Elle a confié une mission de maîtrise d’exécution à la société CIM ENGINEERING.

Selon un acte d’engagement en date du 18 juillet 2022, elle a confié les travaux du lot n°8 « Cloisons – Doublages / Faux-plafonds » à la société DECOR ISOLATION pour un montant de 332 000 euros HT, soit 398 400 euros TTC.

En cours de chantier, la société OPERA IMMO a passé commande de travaux supplémentaires.

Les travaux « tous corps d’état » ont été réceptionnés et achevés au 20 février 2024.

La société DECOR ISOLATION se plaint de ce que le maître d’ouvrage reste lui devoir la somme de 214 422,28 euros TTC après imputation des paiements déjà intervenus et de la retenue de garantie de 5% au titre du parfait achèvement.

Par courriers datés des 18 mars et 05 avril 2024, la société DECOR ISOLATION a mis en demeure le maître d’ouvrage de lui régler cette somme.

La société OPERA IMMO se plaint en retour de manquements de la part de la société DECOR ISOLATION dans l’exécution des travaux qui lui ont été confiés, et indique avoir résilié le contrat la liant à cette dernière fin août 2023.

Par courrier daté du 10 juin 2024, la société OPERA IMMO a contesté le montant réclamé par la société DECOR ISOLATION et réclamé le paiement à son profit d’un solde de 70 146,23 euros TTC au titre de son propre décompte définitif.

Par acte d’huissier délivré le 25 septembre 2024, la société DECOR ISOLATION a fait assigner la société OPERA IMMO devant le Président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé aux fins d’injonction de fournir une garantie de paiement sous astreinte et d’expertise judiciaire.

L’affaire, appelée à l’audience du 27 novembre 2024, a été retenue pour être plaidée.

A l’audience, la société DECOR ISOLATION représentée par son conseil réitère ses demandes initiales et sollicite la juridiction de :
« Vu l’article 145 du CPC ,
Vu les articles 1103 et suivants du code civil,
Vu l’article 1799-1 du code civil,

Il est demandé à Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Débouter la société OPERA IMMO de sa demande reconventionnelle et moyens

I – La demande d’injonction de fournir la garantie de paiement sous astreinte calendaire

Ordonner à la société OPERA IMMO de fournir à la société DECOR ISOLATION, la garantie de paiement prévue par la loi (article 1799-1 du code civil), soit par la remise d’une caution bancaire égale au montant du marché de travaux, soit par la délégation de paiement entre les mains de l’établissement bancaire qui finance le cas échéant les travaux, d’un montant égal au solde de son décompte, soit 214.422,28 €,
Dire que cette injonction sera assortie d’une astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir et au seul de la remise à partie de la minute de l’ordonnance,

II – La demande d’expertise judiciaire

Désigner tel Expert qu’il lui plaira qui aura pour mission de :
– Se rendre sur place, [Adresse 1] à [Localité 6],
– Prendre connaissance de tous documents contractuels et d’une façon générale de toutes pièces nécessaires à la compréhension du litige,
– Entendre les parties et tous sachants, après les avoir convoqués,
– Examiner et donner son avis sur le décompte du 24 octobre 2023 de la société DECOR ISOLATION notamment en le confrontant à la facture du 23 mai 2024 de la société OPER IMMO,
– Faire un compte entre les parties,
– Donner au Tribunal les éléments permettant de se prononcer sur les responsabilités des parties sur la résiliation du contrat,

III – Les demandes accessoires

Condamner la société OPERA IMMO au paiement d’une somme de 2.400 € au titre de l’article 700 du CPC. »

Dans ses conclusions visées par le greffe et oralement soutenues à l’audience du 27 novembre 2024, la société OPERA IMMO, représentée par son conseil, sollicite la juridiction de :

« Vu les pièces produites,
Vu l’article 145 du code de procédure civile,
Vu l’article 835 al.2 du code de procédure civile,

Il est demandé au Madame ou Monsieur le Juge des référés de :

A titre principal
– JUGER que, depuis le 10 juin 2024, aucune pièce n’est produite par la Société DECOR ISOLATION venant justifier de ce que cette dernière aurait, par écrit, contesté ou formulé des observations sur le décompte général lui ayant été notifié par la société OPERA IMMO, et ce, dans le délai de 10 jours imparti à l’article 18.8.2.3 du CCAP,
– JUGER, en conséquence, que le décompte général notifié le 10 juin 2024 par la Société OPERA IMMO est devenu le décompte général définitif et qu’il est donc intangible,
– JUGER que toute action de la Société DECOR IMMO en contestation de ce décompte est vouée à l’échec,
– JUGER que la demande d’expertise financière et technique sollicitée par la Société DECOR ISOLATION au titre de ce décompte général est dépourvue de motif légitime,
– JUGER la demande de fourniture d’une garantie de paiement conforme à l’article 1799-1 du code civil dépourvue de tout objet,
– DEBOUTER la Société DECOR ISOLATION de toutes ses demandes, fins et prétentions,

A titre reconventionnel
– CONDAMNER, à titre provisionnel, la Société DECOR ISOLATION au paiement de la somme de 70.146,23 € TTC au titre du décompte général définitif du 10 juin 2024,

En toute hypothèse
– CONDAMNER la Société DECOR ISOLATION au paiement de la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles, outre à supporter les dépens de l’instance. ».

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 07 janvier 2025, date du présent jugement.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé aux dernières conclusions du demandeur et aux notes d’audience.

MOTIVATION :

I – Sur la demande d’injonction de fournir la garantie de paiement sous astreinte :

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. ».

Aux termes de l’article 1799-1 alinéa 1 du code civil : « Le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l’article 1779 doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat. ».

Aux termes de l’article 1779 du même code : « Il y a trois espèces principales de louage d’ouvrage et d’industrie :
1° Le louage de service ;
2° Celui des voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du transport des personnes ou des marchandises ;
3° Celui des architectes, entrepreneurs d’ouvrages et techniciens par suite d’études, devis ou marchés.
La garantie de l’article 1799-1 du code civil peut être sollicitée à tout moment, même après la réalisation des travaux, par l’entrepreneur qui n’a pas été payé par le maître de l’ouvrage. »

Aux termes de l’article 1er du décret n°99-658 du 30 juillet 1999 : « Le seuil prévu au premier alinéa de l’article 1799-1 du code civil est fixé, hors taxes, à 79 000 F et, à compter du 1er janvier 2002, à 12 000 euros. Les sommes dues s’entendent du prix convenu au titre du marché, déduction faite des arrhes et acomptes versés lors de la conclusion de celui-ci. ».

La garantie de l’article 1799-1 du code civil peut être sollicitée à tout moment, même après la réalisation des travaux et y compris après la résiliation du marché, par l’entrepreneur qui n’a pas été payé par le maître de l’ouvrage. Les dispositions de l’article 1799-1 précitées sont d’ordre public, et la contestation sur le montant des sommes restant dues est sans incidence sur l’obligation de fournir la garantie prévue par les dispositions précitées (3e Civ., 17 juin 2015, 14-17.897). La possibilité d’une compensation future avec une créance d’un maître de l’ouvrage, même certaine en son principe, ne dispense pas celui-ci de l’obligation légale de fournir la garantie de paiement du solde dû sur le marché (3e Civ., 11 mai 2010, 09-14.558).

Le montant de la provision n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

En l’espèce, le montant total du marché conclu entre les parties dépasse le seuil de 12 000 euros prévu par le décret précité.

Le maître d’ouvrage ne conteste pas n’avoir pas satisfait aux dispositions de l’article 1799-1 du code civil, mais allègue que la demande de fourniture d’une garantie est sans objet dans la mesure où celle-ci a vocation à garantir des sommes dont il serait encore débiteur envers l’entreprise, ce qui n’est pas le cas selon lui compte tenu du fait que la société DECOR ISOLATION est débitrice de sommes à son profit au regard du décompte général définitif qu’il a transmis.

Compte tenu de ce qui a déjà été rappelé ci-dessus et de ce que l’existence d’une éventuelle créance du maître de l’ouvrage contre le constructeur au titre de malfaçons ou de retard d’exécution ne peut le dispenser de fournir la garantie susvisée, l’argumentation sur ce point du maître de l’ouvrage sera rejetée, et il sera donc condamné à fournir la garantie de paiement demandée au titre du solde du marché, lequel sera déterminé sur la base du montant global du marché et des situations déjà réglées ne faisant l’objet d’aucune contestation sérieuse, et non sur le fondement des différents décomptes généraux présentés par chacune des parties, contestés tant dans leur principe que dans leur montant.

A ce titre, les parties ne contestent pas que la somme de 218 484,74 euros TTC a été versée à l’entreprise au regard des travaux effectués ni que la retenue de garantie au titre du parfait achèvement soit de 5% du montant total des travaux.
En revanche, il existe une contestation sérieuse sur l’évaluation du montant global du marché.
Le maître d’ouvrage reconnaissant avoir conclu un marché avec l’entreprise pour un montant total de 368 356 euros HT soit 442 027,20 euros TTC au moins, ce montant non contesté sera retenu.
La retenue de garantie correspondante s’élevant à la somme de 22 101,36 euros TTC au moins (442 027,20 x 0,05), il y a donc lieu de faire droit aux prétentions de la société demanderesse et de condamner la société défenderesse à fournir une garantie de paiement pour un montant de 201 441,10 euros TTC (442 027,20 – 22 101,36 – 218 484,74).

Afin d’assurer la bonne exécution de cette condamnation, elle sera assortie d’une astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification de la présente décision. Cette astreinte courra pendant une durée maximale de six mois.

II – Sur la demande d’expertise :

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».

L’existence du motif légitime de nature à justifier une mesure d’instruction sollicitée par application des dispositions précitées relève du pouvoir souverain du juge.

En l’espèce, la société DECOR ISOLATION fait valoir à l’appui de sa demande d’expertise judiciaire l’absence de communication de détail sur la minoration à l’avancement des travaux, de justificatifs pour les retenues en annexe de la facture du 23 mai 2024 et les travaux dits de substitution ainsi que pour la retenue de bonne fin prélevée alors qu’aucune stipulation contractuelle ne la prévoit.

Sur ce point, il n’est pas justifié en quoi l’absence de communication de documents et de production de justificatifs nécessitent l’intervention d’un expert judiciaire et constituent un motif légitime d’ordonner la désignation d’un tel expert.

La société DECOR ISOLATION fait également valoir que le maître d’ouvrage a apporté des réfactions importantes sur l’avancement quantitatif des travaux et que la dépréciation qui s’ensuit aurait dû se faire à la date contemporaine de leur réalisation, les travaux étant achevés à l’heure actuelle.

Sur ce point, compte tenu de l’achèvement des travaux, il n’est pas justifié en quoi l’intervention d’un expert judiciaire permettrait de réintégrer le niveau d’avancement effectif facturé par la société DECOR ISOLATION.

Enfin, la société DECOR ISOLATION allègue les modifications unilatérales du calendrier d’exécution des travaux par le maître d’ouvrage expliquant les pénalités de retard appliquées par celui-ci, sans indiquer à ce titre quel serait le motif légitime qui en découle permettant de désigner un expert judiciaire.

Par conséquent, il n’y a pas lieu à référé sur sa demande d’expertise judiciaire, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments invoqués à l’appui du rejet de cette demande.

III – Sur la demande provisionnelle reconventionnelle de la société OPERA IMMO :

Il sera rappelé que le montant de la provision n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

En l’espèce, la société OPERA IMMO sollicite le versement d’une somme de 70 146,23 euros TTC qu’elle estime due au titre du décompte général devenu selon elle décompte général définitif depuis le 21 juin 2024.

Cependant, il sera fait observer que celle-ci ne justifie aucunement à l’appui de ce document de l’avancement réel des travaux, des retenues opérées sur les situations de travaux non plus que de la substitution de la société demanderesse par une autre entreprise.

A ce titre et sans qu’il soit besoin de répondre aux moyens soulevés quant à la validité des différents décomptes présentés par les parties, il y a lieu de constater l’existence d’une contestation sérieuse à cette demande provisionnelle.

Par conséquent, il ne saurait y avoir lieu à référé sur ce point.

IV – Sur les dépens et frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. ».

Les deux parties succombant partiellement en leurs prétentions, supporteront les dépens.

Aux termes de l’article 700 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. »

En équité, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes formulées au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ;

Condamnons la société OPERA IMMO à fournir à la société DECOR ISOLATION la garantie de paiement du solde dû sur le marché pour un montant total de 201 441,10 euros TTC, garantie de paiement prévue aux dispositions de l’article 1799-1 du code civil, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification de la présente décision ;

Disons que l’astreinte courra pendant six mois ;

Réservons la liquidation de l’astreinte, à titre provisoire ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande d’expertise judiciaire formulée par la société DECOR ISOLATION ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle formulée par la société OPERA IMMO ;

Condamnons la société DECOR ISOLATION et la société OPERA IMMO aux dépens de l’instance ;

Partageons les dépens de l’instance par moitié entre la société DECOR ISOLATION et la société OPERA IMMO ;

Disons n’y avoir lieu à indemnisation au titre des frais irrépétibles ;

Rejetons toute autre demande ;

Rappelons que l’exécution provisoire est de droit.

Fait à Paris le 07 janvier 2025

Le Greffier, Le Président,

Estelle FRANTZ Marie PAPART


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