Garantie de paiement en construction : Questions / Réponses juridiques

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Garantie de paiement en construction : Questions / Réponses juridiques

La société OPERA IMMO a engagé des travaux pour modifier un bâtiment, attribuant le lot « Cloisons – Doublages / Faux-plafonds » à DECOR ISOLATION. Après l’achèvement des travaux, DECOR ISOLATION a réclamé un solde de 214 422,28 euros TTC, tandis qu’OPERA IMMO contestait ce montant, évoquant des manquements. En septembre 2024, DECOR ISOLATION a assigné OPERA IMMO en justice pour obtenir une garantie de paiement. Le tribunal a finalement ordonné à OPERA IMMO de fournir une garantie de 201 441,10 euros TTC, tout en rejetant les demandes d’expertise et de provision des deux parties.. Consulter la source documentaire.

Quelle est la portée de l’article 1799-1 du Code civil concernant la garantie de paiement dans le cadre d’un marché de travaux ?

L’article 1799-1 du Code civil stipule que :

« Le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l’article 1779 doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat. »

Cet article impose au maître d’ouvrage de fournir une garantie de paiement à l’entrepreneur lorsque le montant des travaux dépasse un certain seuil, fixé à 12 000 euros depuis 2002.

La garantie peut être fournie sous forme de caution bancaire ou de délégation de paiement.

Il est important de noter que cette garantie peut être sollicitée à tout moment, même après l’achèvement des travaux, et ce, même en cas de résiliation du contrat.

Ainsi, la contestation sur le montant des sommes dues n’affecte pas l’obligation de fournir cette garantie, comme l’indiquent les décisions de la Cour de cassation (3e Civ., 17 juin 2015, 14-17.897).

En l’espèce, le montant total du marché dépasse le seuil de 12 000 euros, ce qui rend l’application de l’article 1799-1 pertinente.

Le maître d’ouvrage ne peut pas se soustraire à cette obligation en arguant d’une créance qu’il pourrait avoir contre l’entrepreneur pour des malfaçons ou des retards d’exécution.

Quelles sont les conditions pour ordonner une expertise judiciaire selon l’article 145 du Code de procédure civile ?

L’article 145 du Code de procédure civile dispose que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Pour qu’une expertise judiciaire soit ordonnée, il faut donc qu’il existe un motif légitime justifiant la nécessité de conserver ou d’établir des preuves avant le procès.

Le juge dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier ce motif légitime.

Dans le cas présent, la société DECOR ISOLATION a demandé une expertise en raison de l’absence de communication de documents et de justificatifs concernant les retenues et les travaux.

Cependant, le tribunal a estimé que l’absence de ces documents ne justifiait pas l’intervention d’un expert judiciaire.

Il a également noté que l’achèvement des travaux rendait l’expertise inutile pour réévaluer l’avancement des travaux.

Ainsi, la demande d’expertise a été rejetée, car les conditions posées par l’article 145 n’étaient pas remplies.

Comment se prononce le tribunal sur la demande provisionnelle reconventionnelle de la société OPERA IMMO ?

La demande provisionnelle reconventionnelle de la société OPERA IMMO repose sur l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, qui précise que :

« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent. »

En l’espèce, la société OPERA IMMO a sollicité le versement d’une somme de 70 146,23 euros TTC, qu’elle estime due au titre d’un décompte général qu’elle considère comme définitif.

Cependant, le tribunal a constaté qu’il existait une contestation sérieuse concernant ce décompte, notamment en ce qui concerne l’avancement réel des travaux et les retenues opérées.

Ainsi, le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur cette demande provisionnelle, car la société OPERA IMMO n’a pas justifié de manière suffisante son droit à cette somme.

Cela souligne l’importance de la preuve dans les demandes provisionnelles, qui doivent être fondées sur des éléments non sérieusement contestables.

Quelles sont les implications des articles 696 et 700 du Code de procédure civile concernant les dépens et les frais irrépétibles ?

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Cet article établit le principe selon lequel la partie qui succombe dans ses prétentions doit supporter les dépens de l’instance.

Dans le cas présent, les deux parties ont partiellement succombé, ce qui a conduit le tribunal à partager les dépens par moitié entre la société DECOR ISOLATION et la société OPERA IMMO.

Par ailleurs, l’article 700 alinéa 1 et 2 précise que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Cependant, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à indemnisation au titre des frais irrépétibles, en se fondant sur des considérations d’équité.

Cela montre que le juge a une certaine latitude pour apprécier les demandes d’indemnisation au titre des frais irrépétibles, en tenant compte de la situation économique des parties.


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