L’Essentiel : La société MAISON ALBAR HOTELS (MAH) et CITY MALL PARK 2 ont engagé EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST pour des travaux de restructuration à [Localité 9]. Un litige a émergé concernant des garanties de paiement, EIFFAGE affirmant ne pas les avoir reçues. Le tribunal a ordonné à MAH et CITY MALL PARK 2 de fournir des garanties conformes à l’article 1799-1 du code civil, tout en rejetant les demandes d’EIFFAGE pour des garanties bancaires. En conséquence, MAH et CITY MALL PARK 2 ont été condamnées à payer des frais irrépétibles et des dépens, avec des astreintes en cas de non-respect des délais.
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Contexte de l’affaireLa société MAISON ALBAR HOTELS (MAH) et la société CITY MALL PARK 2 ont entrepris des travaux de restructuration et d’extension d’un immeuble à [Localité 9]. Elles ont confié à EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST les macro-lots n°1 et 5 pour la construction d’un hôtel et d’une galerie commerciale. Deux garanties de paiement ont été souscrites par les maîtres d’ouvrage auprès de leurs maisons mères respectives pour un montant total de 6 250 000 euros. Litige sur les garanties de paiementEIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST a assigné MAH et CITY MALL PARK 2 devant le tribunal judiciaire de Paris, affirmant ne pas avoir reçu les garanties de paiement. Par la suite, EIFFAGE a demandé le paiement de sommes dues et la constitution d’une garantie conforme à l’article 1799-1 du code civil. En réponse, MAH a saisi le juge des référés à Nice pour obtenir l’accès au chantier, ce qui a conduit à une ordonnance ordonnant à EIFFAGE de libérer l’accès et de payer des indemnités. Ordonnances judiciairesLe juge des référés a condamné EIFFAGE à reposer les portes de sécurité manquantes et à indemniser MAH. EIFFAGE a ensuite demandé des garanties bancaires de paiement, tandis que MAH et CITY MALL PARK 2 ont contesté ces demandes, soutenant que les garanties fournies étaient conformes à la loi. Arguments des partiesEIFFAGE a soutenu que les garanties de paiement étaient inappropriées car conditionnées à la validation d’un décompte général. MAH a affirmé que les garanties étaient conformes et que le juge n’était pas compétent pour les interpréter. CITY MALL PARK 2 a également défendu la validité des cautions de type « maison-mère ». Décision du tribunalLe tribunal a statué que les garanties de paiement fournies étaient effectivement conditionnées, ce qui les rendait contraires à l’article 1799-1 du code civil. Il a ordonné à MAH et CITY MALL PARK 2 de fournir des garanties conformes dans un délai de quinze jours, sous peine d’astreinte. Les demandes d’EIFFAGE pour des garanties bancaires ont été rejetées. Conséquences financièresMAH et CITY MALL PARK 2 ont été condamnées à payer des frais irrépétibles à EIFFAGE et aux dépens de l’instance. Le tribunal a également précisé les montants des garanties à fournir, ainsi que les astreintes en cas de non-respect des délais. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre MAISON ALBAR HOTELS et CITY MALL PARK 2 ?La société MAISON ALBAR HOTELS (MAH) et la société CITY MALL PARK 2 ont entrepris des travaux de restructuration et d’extension d’un immeuble à [Localité 9]. Elles ont confié à EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST les macro-lots n°1 et 5 pour la construction d’un hôtel et d’une galerie commerciale. Deux garanties de paiement ont été souscrites par les maîtres d’ouvrage auprès de leurs maisons mères respectives pour un montant total de 6 250 000 euros. Quel litige a surgi concernant les garanties de paiement ?EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST a assigné MAH et CITY MALL PARK 2 devant le tribunal judiciaire de Paris, affirmant ne pas avoir reçu les garanties de paiement. Par la suite, EIFFAGE a demandé le paiement de sommes dues et la constitution d’une garantie conforme à l’article 1799-1 du code civil. En réponse, MAH a saisi le juge des référés à Nice pour obtenir l’accès au chantier, ce qui a conduit à une ordonnance ordonnant à EIFFAGE de libérer l’accès et de payer des indemnités. Quelles ordonnances judiciaires ont été émises par le juge des référés ?Le juge des référés a condamné EIFFAGE à reposer les portes de sécurité manquantes et à indemniser MAH. EIFFAGE a ensuite demandé des garanties bancaires de paiement, tandis que MAH et CITY MALL PARK 2 ont contesté ces demandes, soutenant que les garanties fournies étaient conformes à la loi. Quels étaient les arguments des parties en litige ?EIFFAGE a soutenu que les garanties de paiement étaient inappropriées car conditionnées à la validation d’un décompte général. MAH a affirmé que les garanties étaient conformes et que le juge n’était pas compétent pour les interpréter. CITY MALL PARK 2 a également défendu la validité des cautions de type « maison-mère ». Quelle a été la décision du tribunal concernant les garanties de paiement ?Le tribunal a statué que les garanties de paiement fournies étaient effectivement conditionnées, ce qui les rendait contraires à l’article 1799-1 du code civil. Il a ordonné à MAH et CITY MALL PARK 2 de fournir des garanties conformes dans un délai de quinze jours, sous peine d’astreinte. Les demandes d’EIFFAGE pour des garanties bancaires ont été rejetées. Quelles ont été les conséquences financières pour MAH et CITY MALL PARK 2 ?MAH et CITY MALL PARK 2 ont été condamnées à payer des frais irrépétibles à EIFFAGE et aux dépens de l’instance. Le tribunal a également précisé les montants des garanties à fournir, ainsi que les astreintes en cas de non-respect des délais. Quelles sont les dispositions légales pertinentes concernant la garantie de paiement ?Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peuvent prescrire en référé des mesures conservatoires ou de remise en état. L’article 1799-1 du code civil stipule que le maître de l’ouvrage doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret. Le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance ou un organisme de garantie collective. Comment le tribunal a-t-il interprété les garanties fournies par MAH et CITY MALL PARK 2 ?Le tribunal a constaté que la garantie délivrée était assortie d’une condition limitant sa mise en œuvre, subordonnée à la validation du décompte général et définitif par le maître de l’ouvrage. Cela a été jugé contraire à l’article 1799-1 du code civil, qui est d’ordre public. Quelles étaient les implications de la contestation sur le montant des sommes dues ?La contestation sur le montant des sommes restant dues était sans incidence sur l’obligation de fournir la garantie de l’article 1799-1 du code civil. Les sociétés MAH et CITY MALL PARK 2 devaient fournir à EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST une garantie de paiement à hauteur des montants invoqués par l’entreprise. Quelles étaient les conclusions finales du tribunal concernant les frais et dépens ?Les sociétés MAH et CITY MALL PARK 2 ont été condamnées in solidum aux dépens de l’instance et à payer à EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST la somme totale de 2 500 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles. Les demandes formées par MAH et CITY MALL PARK 2 ont été rejetées. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/52510 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4MVG
N° : 1-CH
Assignations du :
20 Mars 2024
[1]
[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 27 novembre 2024
par Perrine ROBERT, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Célia HADBOUN, Greffière.
DEMANDERESSE
La Société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD-EST, SAS
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Maître Cyril DUTEIL de la SAS CABINET GRIFFITHS DUTEIL ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #C0721 (avocat plaidant) et par Maître Marie-Claire SCHNEIDER, avocat au barreau de PARIS – #D0290 (avocat postulant)
DEFENDERESSES
S.A.S. MAISON ALBAR HOTELS [8]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Maître Laurence CARLES de la SELARL CLAWZ AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #C0992 (avocat postulant) et par Maître Laurence CRESSIN-BENSA, avocat au barreau de NICE (avocat plaidant)
S.A.S. CITY MALL PARK 2
[Adresse 1], chez Agence Favart cabinet Faralicq
[Localité 6]
représentée par Maître Louis DES CARS de la SELARL ALTANA, avocats au barreau de PARIS – #R021
DÉBATS
A l’audience du 16 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Perrine ROBERT, Vice-Président, assistée de Célia HADBOUN, Greffière,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
La société MAISON ALBAR HOTELS [8] (ci-après MAH) et la société CITY MALL PARK 2 ont fait réaliser des travaux de restructuration et d’extension d’un immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 9], ayant toutes deux la qualité de maître d’ouvrage respectivement pour la construction de l’établissement hôtelier et d’une galerie commerciale.
Elles ont, dans ce cadre, notamment confié à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST les macro-lots n°1 et 5.
Pour les besoins de l’opération, deux garanties de paiement ont été souscrites par les maîtres d’ouvrage les 10 et 11 février 2021 auprès de leurs maisons mère respectives, la société IMMOBILIER HUON et de la société SAS CENTAURUS au bénéfice de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST, la première à hauteur de 1 250 000 euros des prestations réalisées selon les lots 1 et 5 du marché commerces et la seconde à hauteur de 5 000 000 euros au titre des prestations réalisées selon les lots 1 et 5 du marché hôtel.
Soutenant que ces garanties ne lui avaient pas été remises, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST a assigné la société CITY MALL PARK 2 et la société MAH devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris par actes d’huissier du 20 mars 2024.
Aux termes de plusieurs courriers des 18 juillet 2024, 8 et 19 août 2024, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST a demandé à la société MAH paiement de sommes qu’elle estimait lui être dues en exécution des prestations réalisées outre la constitution d’une garantie de paiement conforme à l’article 1799-1 du code civil.
Parallèlement, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST ayant bloqué les accès de l’hôtel au maître de l’ouvrage et aux entreprises devant intervenir sur le chantier, la société MAH a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice qui, par ordonnance du 7 août 2024, a notamment ordonné à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST de libérer l’accès aux ouvrages et biens appartenant à la société MAH sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la décision, de lui payer une somme de 5 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles et aux dépens.
Selon procès-verbal du 7 août 2024, Me Carla NOWACK a constaté que les portes DAS (Dispositif Actionné de Sécurité) du chantier avaient été déposées.
La société MAH, autorisée à assigner la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST en référé d’heure à heure, a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice par acte d’huissier du 16 août 2024.
Par ordonnance du 26 août 2024, celui-ci a condamné la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST à reposer ou faire reposer les portes DAS manquantes ainsi que les équipements de serrurerie manquants au sein du chantier avant le 30 août 2024, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter du 31 août 2024 et à payer à la société MAH la somme de 5 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.
Le chantier est en cours.
Dans le cadre de la présente instance, l’audience a fait l’objet de deux renvois à la demande des parties.
L’affaire a été retenue à l’audience du 16 octobre 2024 lors de laquelle les parties étaient régulièrement représentées par leurs avocats.
Aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l’audience du 16 octobre 2024, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD-EST demande au juge des référés de :
A titre principal,
– condamner la société MAH à lui remettre une garantie bancaire de paiement d’un montant de 3 830 838, 05 euros TTC, sans conditions ayant pour effet d’en limiter la mise en oeuvre, et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard au-delà d’un délai de 15 jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir,
– condamner la société CITY MALL PARK 2 à lui remettre une garantie bancaire de paiement d’un montant de 120 775, 32 euros TTC sans conditions ayant pour effet d’en limiter la mise en oeuvre, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard au delà d’un délai de 15 jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir,
Subsidiairement,
– condamner la société MAH à lui remettre une caution de sa maison mère d’un montant de 3 830 838, 05 euros TTC dépourvue de condition ayant pour effet d’en limiter la mise en oeuvre, et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard au-delà d’un délai de 15 jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir,
– condanmr la société CITY MALL PARK 2 à lui remettre une caution de sa maison mère d’un montant de 120 775, 32 euros TTC dépourvue de condition ayant pour effet d’en limiter la mise en oeuvre, et ce sous astreinte de 1 000 euros apr jour de retard au-delà d’un délai de 15 jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir,
En toute hypothèse,
– condamner les sociétés MAH et CITY MALL PARK 2 aux dépens avec distraction au profit de Me Claire SCHNEIDER, avocat postulant et à lui payer chacune la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l’audience, la société MAISON ALBAR HOTELS [8] demande au juge des référés de débouter la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST de l’intégralité de ses demandes dirigées à son encontre et de condamner la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.
Aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l’audience, la société CITY MALL PARK 2 demande au juge de dire n’y avoir lieu à référé, débouter la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD-EST de ses demandes et de condamner la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD-EST à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.
I. Sur la garantie de paiement
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
La société EIFFAGE CONSTRUCTION fait valoir que si des garanties de paiement lui ont été accordées, ces dernières ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 1799-1 du code civil dès lors qu’elles conditionnent le versement des sommes par la caution à l’établissement d’un décompte général définitif. Elle soutient ainsi qu’elle est bienfondée à solliciter la condamnation des parties défenderesses à lui en remettre une conforme à l’ordre public. Elle demande à ce que cette garantie prenne la forme d’une garantie bancaire en excipant des difficultés financières des cautions, les sociétés L’IMMOBILIER HUON et CENTAURUS.
La société MAH soutient que la garantie versée est conforme à l’article 1799-1 du code civil et que le juge des référés est incompétent pour interpréter les conventions et leurs conformités à l’ordre public. Elle fait également valoir que le montant de la garantie alléguée est sujet à contestation sérieuse.
La société CITY MALL PARK 2 fait quant à elle valoir que les cautions de types « maison-mère » sont conformes aux dispositions de l’article 1799-1 du code civil et que le conditionnement de la mobilisation de la garantie à une validation du décompte général et définitif n’est pas contraire à l’ordre public.
L’article 1799-1 alinéa 1 et 3 du code civil dispose que le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l’article 1779 doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat (alinéa 1).
Lorsque le maître de l’ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu’il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d’une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. Tant qu’aucune garantie n’a été fournie et que l’entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l’exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l’issue d’un délai de quinze jours.
Cette disposition est d’ordre public et les parties ne peuvent y déroger par contrat.
Le juge des référés est compétent pour contraindre le maître de l’ouvrage à respecter son obligation de délivrance d’une garantie de paiement conforme à l’article 1799-1 du code de procédure civile et à mettre fin au trouble illicite causé à l’entrepreneur en l’absence d’une telle garantie.
La garantie de paiement des sommes dues en exécution du marché ne doit être assortie d’aucune condition ayant pour effet d’en limiter la mise en oeuvre telle que la stipulation subordonnant l’engagement de la caution à la notification du décompte final par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur (Cass., 3e civ., 4 mars 2021, n° 19-25.964).
Elle peut être sollicitée par l’entrepreneur à tout moment voire après la résiliation du marché de travaux dès lors que le montant des travaux n’a pas été intégralement réglé.
Le maître de l’ouvrage ne peut être déchargé de son obligation impérative de fournir unegarantie en raison de l’éventualité d’une compensation future entre les sommes dues à l’entrepreneur et celles qui pourraient être mises à sa charge, notamment au titre de pénalités de retard ou d’indemnités réparatoires.
La contestation sur le montant des sommes restant dues est sans incidence sur l’obligation de fournir la garantie de l’article 1799-1 du code civil.
En l’espèce, l’article 46.3 du Cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable aux marchés de travaux conclu entre les parties stipule :
“46.3.1 Garantie de paiement du prix des Marchés commerce
En application des dispositions de l’article 1799-1 du code civil, le maître d’ouvrage commerces mettra en place une garantie de paiement “Maison mère” du Prix des Marchés commerces.
Du fait de cette garantie de paiement “Maison mère” qui constitue une garantie de l’Entrepreneur, l’Entrepreneur dégagera le maître d’ouvrage de la fourniture de toute autre garantie (bancaire ou autre) visée à l’article 1799-1 du code civil.
Les modalités d’application par Lot de cette garantie de paiement sont précisées en Annexe 13.
46.3.2 Garantie de paiement du Prix des Marchés Hôtel
En application des dispositions de l’article 1799-1 du code civil, le Maître d’Ouvrage Hôtel mettra en place une garantie de paiement du prix des Marchés Hôtel.
Du fait de cette garantie de paiement “Maison mère” qui constitue une garantie de l’Entrepreneur, l’Entrepreneur dégagera le Maître d’Ouvrage de la fourniture de toute autre garantie (bancaire ou autre) visée à l’article 1799-1 du code civil.
Les modalités d’application par Lot de cette garantie de paiement sont précisées en Annexe 14″.
En application de cette stipulation, les sociétés CITY MALL PARK 2 et MAH ont chacune souscrit la première le 11 février 2021 auprès de la société L’IMMOBILIERE HUON à hauteur de 1 250 000 euros, la seconde le 10 février 2021 auprès de la société CENTAURUS à hauteur de 5 000 000 euros, une garantie de paiement libellée comme suit :
“ se porte irrévocablement et inconditionnellement caution solidaire du débiteur en faveur du bénéficiaire afin de garantir le paiement à hauteur d’un montant maximum de 5 000 000 d’euros (ou 1 250 000 euros), des sommes dues par le débiteur au titre des prestations réalisées selon les lots 1 et 5 du marché Hôtel (ou du marché Commerce) et validées en décompte général définitif par le débiteur ou son assistant à maîtrise d’ouvrage désigné”.
Si les sociétés CITY MALL PARK 2 et MAH étaient autorisées à délivrer à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST une garantie de paiement sous la forme d’une stipulation particulière (“garantie maison mère”), il ressort néanmoins de manière manifeste que la garantie délivrée est assortie d’une condition ayant pour effet d’en limiter la mise en oeuvre, celle-ci étant subordonnée à la validation du décompte général et définitif par le maître de l’ouvrage.
Elle est dès lors contraire à l’article 1799-1 du code civil d’ordre public.
La société EIFFAGE CONTRUCTION SUD EST soutient qu’elle n’a pas été intégralement réglée des prestations de son marché, à hauteur de 120 775, 32 euros TTC s’agissant du marché commerces et à hauteur de 3 830 838, 05 euros TTC s’agissant du marché Hôtel.
Les sociétés CITY MALL PARK 2 et MAH ne contestent pas ne pas avoir réglé l’intégralité du marché de travaux de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST.
Seul est discuté par la société MAH le montant de 3 830 838, 05 euros TTC retenu par l’entreprise au titre du montant du marché non réglé.
Elle fait valoir à ce titre que le montant initialement sollicité par l’entreprise était de 4 266 893, 55 euros TTC, qu’il doit être tenu compte de retenue évaluées par le maître d’oeuvre à 715 172, 75 euros , que les travaux ont pris du retard suite au blocage de l’accès au chantier et à la dépose des portes DAS par la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST, retard qu’elle devra indemniser.
Ces contestations ne sont pas sérieuses. La lecture des pièces ne permet pas de comprendre à quoi correspondent les retenues effectuées par le maître d’oeuvre et la société MAH n’apporte elle-même aucune explication à ce titre. En outre, les indemnités qui pourraient accordées en indemnisation de préjudices subis par la MAH du fait des travaux défectueux, du retard ou de l’attitude de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST durant le chantier sont sans incidence sur le montant des sommes impayées objet de la garantie de paiement.
En conséquence, les sociétés MAH et CITY MALL PARK 2 doivent fournir à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST une garantie de paiement à hauteur des montants invoqués par l’entreprise.
En revanche, il n’appartient pas au juge des référés de substituer à la garantie de paiement prévue au contrat (article 46.3 du CCAP susvisé) sous la forme d’un cautionnement des sociétés mères des maîtres d’ouvrage, une caution bancaire telle que sollicitée à titre principal par la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST. En effet, et alors que celle-ci argue de difficultés financières des maisons mères lui laissant craindre un risque d’insolvabilité et une impossibilité d’honorer leurs engagements de caution, une telle demande qui impliquerait d’interpréter le contrat et de déterminer si les garanties convenues par les parties sont suffisantes, se heurte à une contestation sérieuse.
En conséquence, il n’y a pas lieu à référé sur les demandes principales formées par la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST.
Les sociétés MAH et CITY MALL PARK 2 seront en revanche condamnées à fournir à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST à titre de garantie de paiement des garanties “maison mère” conformes aux dispositions d’ordre public de l’article 1799-1 du code civil, dans les termes du dispositif ci-après.
Sur les frais et les dépens
Les sociétés MAH et CITY MALL PARK 2 seront condamnées in solidum aux dépens de l’instance et à payer à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST la somme totale de 2 500 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles.
Les demandes formées de ces chefs par les sociétés MAH et CITY MALL PARK 2 seront rejetées.
Statuant par ordonnance de référé, mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort, et par mise à disposition,
CONDAMNONS la société MAISON ALBAR HOTELS [8] à délivrer au profit de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST une garantie de paiement sous la forme d’une caution de sa maison mère d’un montant de 3 830 838, 05 euros TTC, conforme à l’article 1799-1 du code civil, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance,
DISONS que, faute pour la société MAISON ALBAR HOTELS [8] de délivrer cette garantie de paiement, elle sera redevable, passé ce délai, d’une astreinte provisoire de 5 000 euros par jour de retard pendant trois mois,
CONDAMNONS la société CITY MALL PARK 2 à délivrer au profit de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST une garantie de paiement sous la forme d’une caution de sa maison mère d’un montant de 120 775, 32 euros TTC, conforme à l’article 1799-1 du code civil, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance,
DISONS que, faute pour la société CITY MALL PARK 2 de délivrer cette garantie de paiement, elle sera redevable, passé ce délai, d’une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard pendant trois mois,
DISONS n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST tendant à obtenir deux garanties bancaires,
CONDAMNONS in solidum la société MAISON ALBAR HOTELS [8] et la société CITY MALL PARK 2 à payer à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST la somme totale de 2 500 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles,
CONDAMNONS in solidum la société MAISON ALBAR HOTELS [8] et la société CITY MALL PARK 2 aux dépens et AUTORISONS les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Fait à Paris le 27 novembre 2024
La Greffière, La Présidente,
Célia HADBOUN Perrine ROBERT
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