Formalisation écrite des négociations commerciales

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Formalisation écrite des négociations commerciales

L’article L. 441-3 du code de commerce (communication des conditions générales entre professionnels) ne prévoyant aucune sanction civile en cas de violation de ses dispositions, telle que notamment l’irrecevabilité de la demande en paiement, le client d’un prestataire ne peut être que débouté de sa demande de nullité de facture.

Par ailleurs, l’article L. 441-3 du code de commerce concerne la formalisation écrite des négociations commerciales et est principalement applicable aux relations entre fournisseurs et distributeurs ou prestataires de services. Il n’est donc pas applicable aux associations ne participant pas à des activités commerciales,

En tout état de cause, un prestataire ne peut s’exonérer du règlement de sa facture en invoquant les dispositions de l’article L. 441-3 du code de commerce, l’imprécision des mentions relatives à la consistance de la prestation et au prix facturé, à la supposer établie, n’étant pas de nature à priver cette facture d’une contrepartie réelle.

Nos conseils :

1. Attention à bien respecter les dispositions légales en matière de facturation, notamment l’article L. 441-3 du code de commerce, pour éviter toute contestation ultérieure sur la régularité des factures émises.

2. Il est recommandé de conserver des justificatifs précis et détaillés des prestations réalisées et des dépenses engagées dans le cadre d’un contrat, afin de pouvoir les produire en cas de litige ou de demande de paiement.

3. Il est conseillé de vérifier attentivement les clauses des conventions et contrats signés, notamment en ce qui concerne les modalités de paiement et les obligations des parties, pour éviter tout désaccord ou contentieux ultérieur.

Résumé de l’affaire

L’association Les Yeux de l’Ouïe a été chargée par l’association Résonance culture de dispenser une formation en audiovisuel à des détenus, pour laquelle un montant de 42.872 euros a été facturé. Après avoir reçu un paiement partiel de 30.000 euros, l’association Résonance culture n’a pas réglé le solde restant malgré les relances de l’association Les Yeux de l’Ouïe. Cette dernière a donc saisi le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir le paiement du solde de la facture. Le tribunal a condamné l’association Résonance culture à payer le solde restant ainsi que des dommages et intérêts. En appel, l’association Résonance culture conteste la régularité de la facture et demande le remboursement de l’avance versée, tandis que l’association Les Yeux de l’Ouïe maintient sa demande de paiement du solde et réclame des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Les points essentiels

Sur la régularité de la facture

L’association Résonance culture soulève l’irrégularité de la facture litigieuse du 19 décembre 2014 au regard des dispositions de l’article L. 441-3 du code de commerce et conteste la demande en paiement de l’association Les Yeux de l’Ouïe.

Sur ce

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre de nouvelles prétentions en appel sauf exceptions. L’irrégularité de la facture soulevée par Résonance culture n’est pas une demande nouvelle mais tend à écarter les prétentions adverses.

Sur les demandes en paiement de l’association Les Yeux de l’Ouïe

Résonance culture conteste le paiement de certains postes de la facture, tandis que Les Yeux de l’Ouïe justifient les dépenses effectuées dans le cadre du contrat.

Sur ce

La cour confirme la condamnation de Résonance culture au paiement du solde de la facture litigieuse, en soulignant que les dépenses facturées sont justifiées et que le règlement partiel effectué constitue un commencement d’exécution du contrat.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Les Yeux de l’Ouïe réclament des dommages et intérêts pour la résistance abusive de Résonance culture à ses obligations contractuelles. Cependant, la cour estime qu’aucun préjudice distinct du retard de paiement n’est justifié.

Sur les demandes reconventionnelles de l’association Résonance culture

Résonance culture réclame le remboursement d’un acompte versé et des dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers. La cour rejette ces demandes, estimant qu’aucune faute ne peut être reprochée à Les Yeux de l’Ouïe.

Sur ce

La cour confirme le jugement de première instance et condamne Résonance culture aux dépens et aux frais irrépétibles. Les Yeux de l’Ouïe sont également indemnisés des frais engagés en appel.

Les montants alloués dans cette affaire: – Somme de 4.000 euros allouée à l’association Les Yeux de l’Ouïe au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Frais de justice à la charge de l’association Résonance culture, conformément à l’article 699 du code de procédure civile

Réglementation applicable

– Article L. 441-3 du code de commerce
– Article 564 du code de procédure civile
– Article 565 du code de procédure civile
– Article 122 du code de procédure civile
– Article 123 du code de procédure civile
– Article 2224 du code civil
– Article 1134 du code civil
– Article 1315 du code civil
– Article 1104 du code civil
– Article 1112 du code civil
– Article 1240 du code civil

Texte de l’Article L. 441-3 du code de commerce:
« Lorsque les conditions de règlement sont fixées par décret en Conseil d’État, elles sont réputées non écrites si les délais de paiement qui y sont prévus ou, à défaut, le délai de trente jours mentionné au premier alinéa de l’article L. 441-6 ne sont pas respectés. »

Texte de l’Article 564 du code de procédure civile:
« A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »

Texte de l’Article 565 du code de procédure civile:
« Les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. »

Texte de l’Article 122 du code de procédure civile:
« La fin de non-recevoir est tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Texte de l’Article 123 du code de procédure civile:
« Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause. »

Texte de l’Article 2224 du code civil:
« L’action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Texte de l’Article 1134 du code civil:
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Texte de l’Article 1315 du code civil:
« Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. »

Texte de l’Article 1104 du code civil:
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Texte de l’Article 1112 du code civil:
« Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. »

Texte de l’Article 1240 du code civil:
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Hervé BENCHÉTRIT de la SELARL FLG AVOCATS
– Me Hélène MARTIN – CARRON
– Me Cécile CASTELLETTA

Mots clefs associés & définitions

– Motifs de la décision
– Régularité de la facture
– Article L. 441-3 du code de commerce
– Association Résonance culture
– Association Les Yeux de l’Ouïe
– Irrecevabilité de la demande en paiement
– Justificatifs de la facture
– Nouvelle demande en cause d’appel
– Prescription de la demande
– Article 564 du code de procédure civile
– Article 565 du code de procédure civile
– Fin de non-recevoir
– Article 122 du code de procédure civile
– Article 123 du code de procédure civile
– Délai de prescription
– Demande de paiement
– Convention du 14 janvier 2014
– Prestation de service
– Charges personnel pédagogique
– Achat matériel et fournitures
– Suivi administratif
– Montant restant dû
– Subventions
– Bulletins de paie
– Préjudice financier
– Dommages et intérêts
– Résistance abusive
– Pourparlers
– Rupture des pourparlers
– Dépens et frais irrépétibles
– Avocat Maître Hélène Martin
– Article 700 du code de procédure civile
– Motifs de la décision: Raisons qui ont conduit à prendre une décision spécifique
– Régularité de la facture: Conformité de la facture aux règles et normes en vigueur
– Article L. 441-3 du code de commerce: Article du code de commerce concernant les délais de paiement entre professionnels
– Association Résonance culture: Organisation à but non lucratif œuvrant dans le domaine culturel
– Association Les Yeux de l’Ouïe: Association travaillant pour l’inclusion des personnes en situation de handicap sensoriel
– Irrecevabilité de la demande en paiement: Caractère non recevable d’une demande de paiement pour des raisons juridiques
– Justificatifs de la facture: Pièces justificatives nécessaires pour appuyer la validité d’une facture
– Nouvelle demande en cause d’appel: Demande formulée lors d’une procédure d’appel
– Prescription de la demande: Délai au-delà duquel une demande n’est plus recevable
– Article 564 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile concernant les exceptions de procédure
– Article 565 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile concernant les fins de non-recevoir
– Fin de non-recevoir: Moyen de défense permettant de rejeter une demande pour des raisons de forme
– Article 122 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile concernant les exceptions de nullité
– Article 123 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile concernant les fins de non-recevoir
– Délai de prescription: Période au-delà de laquelle une action en justice n’est plus recevable
– Demande de paiement: Réclamation d’un montant dû à une personne ou une entité
– Convention du 14 janvier 2014: Accord ou contrat conclu à une date spécifique
– Prestation de service: Fourniture d’un service en échange d’une rémunération
– Charges personnel pédagogique: Frais liés au personnel enseignant
– Achat matériel et fournitures: Acquisition de biens matériels et de fournitures
– Suivi administratif: Gestion et suivi des tâches administratives
– Montant restant dû: Somme restant à payer après un paiement partiel
– Subventions: Aides financières accordées par une entité publique ou privée
– Bulletins de paie: Documents détaillant la rémunération d’un salarié
– Préjudice financier: Dommage causé par une perte financière
– Dommages et intérêts: Réparation financière accordée à une victime d’un préjudice
– Résistance abusive: Refus injustifié de se conformer à une obligation légale
– Pourparlers: Discussions préliminaires en vue de conclure un accord
– Rupture des pourparlers: Interruption des discussions sans aboutir à un accord
– Dépens et frais irrépétibles: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire non récupérables
– Avocat Maître Hélène Martin: Avocate spécialisée dans le droit civil
– Article 700 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile concernant les frais de justice à la charge de la partie perdante

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 mai 2024
Cour d’appel de Paris
RG n° 21/04556
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 23 MAI 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04556 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIB5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Décembre 2020 – Tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/03047

APPELANTE

ASSOCIATION RESONANCE CULTURE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Hervé BENCHÉTRIT de la SELARL FLG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1992

INTIMÉE

ASSOCIATION LES YEUX DE L’OUIE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Hélène MARTIN – CARRON, avocat au barreau de PARIS, toque : D2142, substitué à l’audience par Me Cécile CASTELLETTA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0816

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été plaidée le 07 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

Mme Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Anne ZYSMAN, Conseillère dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.

*

EXPOSE DU LITIGE

L’association Les Yeux de l’Ouïe, créée le 9 décembre 1997, a pour activité principale la production de films pour le cinéma.

L’association Résonance culture, anciennement dénommée Cultures, publics et territoires, a été créée en février 2007 et a pour activité de favoriser et promouvoir les actions culturelles et artistiques développées en direction des publics qui en sont éloignés en mettant en réseau les professionnels des champs culturels et sociaux qui développent des projets auprès de ces publics.

Suivant convention en date du 14 janvier 2014, l’association Cultures, publics et territoires, devenue Résonance culture, a confié à l’association Les Yeux de l’Ouïe la mise en oeuvre d’une formation dispensée à la maison d’arrêt de [6], destinée à proposer aux personnes détenues un parcours de professionnalisation dans le domaine de l’audiovisuel.

La durée de cette prestation était de 14 semaines à raison de trois jours et demi par semaine, du 3 février au 9 mai 2014, et portait sur 288 heures de formation audiovisuelle et multimédia.

L’article 11 de la convention prévoyait que la rémunération du prestataire s’effectuerait sur présentation de facture.

Cette prestation s’inscrivait dans un projet porté par l’association Résonance culture et

matérialisé par une convention-cadre régularisée entre la maison d’arrêt de [6] et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation de [Localité 5], d’une part, l’association Résonance culture et l’association Les Yeux de l’Ouïe, d’autre part.

L’association Les Yeux de l’Ouïe a établi un budget prévisionnel qu’elle a transmis à l’association Résonance culture ainsi qu’aux différents partenaires institutionnels dont le Conseil régional d’Ile de France qui a accepté de subventionner le projet à hauteur de 40.000 euros.

Le 19 décembre 2014, l’association Les Yeux de l’Ouïe a établi une facture n° 104 /14 d’un montant de 42.872 euros se décomposant comme suit :

– 50.080 euros correspondant aux charges du personnel pédagogique

– 3.030 euros correspondant au coût d’achat de matériel et de fournitures

– 7.262 euros correspondant au coût du suivi administratif

– 17.500 euros déduits du montant total facturé au titre de l’apport du prestataire, l’association Les Yeux de l’Ouïe.

L’association Résonance culture a réglé la somme de 30.000 euros par virement bancaire le 29 octobre 2015.

Par courriers recommandés des 16 mars et 18 avril 2016 puis du 2 septembre 2016 par l’intermédiaire de son conseil, l’association Les Yeux de l’Ouïe a mis l’association Résonance culture en demeure de régler le solde de 12.872 euros, en vain.

C’est dans ce contexte que, par acte du 7 mars 2018, l’association Les Yeux de l’Ouïe a fait assigner l’association Résonance culture devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Paris afin d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 12.872 euros en règlement du solde de la facture, outre le versement de la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement du 1er décembre 2020, le tribunal a :

– condamné l’association Résonance culture à payer à l’association Les Yeux de l’Ouïe la somme de 12.872 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2016,

– rejeté toutes autres demandes des parties plus amples ou contraires,

– condamné l’association Résonance culture à payer à l’association Les Yeux de l’Ouïe la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’association Résonance culture aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 8 mars 2021, l’association Résonance culture a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 juillet 2022, l’association Résonance culture demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L.441-3 et suivants du code de commerce,

Vu les dispositions des articles 1134, 1147, 1315 et 2241 suivants du code civil,

Vu les dispositions des articles 563.565 et suivants du code de procédure civile,

– Débouter l’association Les Yeux de l’Ouïe de ses moyens fins et prétentions,

– Recevoir l’association Résonance culture en ses écritures,

– Juger ses moyens recevables,

– Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 1er décembre 2020,

Y faisant droit,

Sur le paiement de la facture litigieuse :

– Prononcer l’irrégularité de la facture du 19 décembre 2014,

– Juger que l’association Les Yeux de l’Ouïe est irrecevable à en demander paiement,

– Juger que s’agissant de prestations dont le montant n’a pas été prévu contractuellement, elles doivent être payées sur justificatifs,

– Juger que l’association Les Yeux de l’Ouïe n’a jamais apporté de justifications des prestations de la facture litigieuse,

Ce faisant,

– Débouter l’association Les Yeux de l’Ouïe de sa demande de paiement pour le poste « charges de personnel »,

– Débouter l’association Les Yeux de l’Ouïe de sa demande de paiement pour le poste « achat matériel de fournitures »,

– Débouter l’association Les Yeux de l’Ouïe de sa demande de paiement pour le poste « suivi administratif »,

En conséquence,

– Condamner l’association Les Yeux de l’Ouïe à rembourser à l’association Résonance culture la somme de 30.000 euros versés à titre d’avance,

– Condamner l’association Les Yeux de l’Ouïe à rembourser à l’association Résonance culture la somme de 12.872 euros à laquelle elle a été condamnée en première instance,

A titre reconventionnel,

– Condamner l’association Les Yeux de l’Ouïe à verser :

Au titre du préjudice financier

‘ 5.000 euros pour la réalisation de la note de synthèse envoyée par mail du 27 novembre 2012

‘ 500 euros pour la rédaction du courrier adressé par mail du 29 novembre 2012

‘ 1.000 euros pour les observations sur la note de synthèse adressée le 5 décembre 2012

‘ 1.000 euros pour le rendez vous de travail du 6 décembre (prouvé par le mail du 29 novembre 2012)

‘ 5.000 euros pour la réalisation du budget prévisionnel adressé le 13 mars 2013

Au titre de son préjudice moral

‘ 2.500 euros de dommages intérêts

– Condamner l’association Les Yeux de l’Ouïe à verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la demanderesse aux entiers dépens de l’instance.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 mars 2022, l’association Les Yeux de l’Ouïe demande à la cour de :

Vu les articles 564 et suivants du code de procédure civile,

Vu l’article 2224 du code civil,

Vu les anciens articles 1134 et 1147 du code civil,

– Recevoir l’association Les Yeux de l’Ouïe en ses demandes et l’y dire bien fondée,

– Confirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a débouté l’association Les Yeux de l’Ouïe de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

In limine litis,

– Juger que la demande de l’association Résonance culture tendant à voir déclarer irrecevable la demande en paiement de l’association Les Yeux de l’Ouïe pour irrégularité de facture du 19 décembre 2014 constitue une demande nouvelle, et à titre subsidiaire, une demande prescrite,

– Juger que la demande reconventionnelle de l’association Résonance culture tendant à voir l’association Les Yeux de l’Ouïe condamnée à lui verser la somme de 15.000 euros décomposée comme suit, est prescrite :

‘ 5.000 euros pour la réalisation de la note de synthèse envoyée par email du 27 novembre 2012,

‘ 500 euros pour la rédaction du courrier adressé par email du 29 novembre 2012,

‘ 1.000 euros pour les observations sur la note de synthèse adressées le 5 décembre 2012, ‘ 1.000 euros pour le rendez-vous de travail du 6 décembre (prouvé par l’email du 29 novembre 2012),

‘ 5.000 euros pour la réalisation du budget prévisionnel adressé le 13 mars 2013,

‘ 2.500 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.

En conséquence,

– Déclarer ces demandes irrecevables,

A titre principal,

– Condamner l’association Résonance culture à verser à l’association Les Yeux de l’Ouïe le solde dû de 12.872 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2016, date de la première mise en demeure,

– Débouter l’association Résonance culture de l’intégralité de ses demandes,

Y ajoutant,

– Condamner l’association Résonance culture à verser à l’association Les Yeux de l’Ouïe la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– Condamner l’association Résonance culture à verser à l’association Les Yeux de l’Ouïe la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel, en sus de la somme de 4.000 euros allouée en première instance, ainsi qu’aux entiers dépens en vertu de l’article 696 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Hélène Martin, qui y a pourvu dans les conditions de l’article 699 du même code.

La clôture a été prononcée le 13 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité de la facture

L’association Résonance culture soulève l’irrégularité de la facture litigieuse du 19 décembre 2014 au regard des dispositions de l’article L. 441-3 du code de commerce et, par voie de conséquence, l’irrecevabilité de l’association Les Yeux de l’Ouïe à en demander le paiement.

Elle fait valoir que la facture ne répond pas aux exigences de l’article L. 441-3 du code de commerce, applicable aux associations, en ce qu’elle contient des postes dont la quantité et la dénomination sont imprécis et ne concordent pas avec le contrat ; qu’elle est donc irrégulière et ne doit pas recevoir paiement. Elle précise que c’est la raison pour laquelle des justificatifs ont été demandés. Elle réplique que l’irrégularité de la facture, qu’elle soulève en cause d’appel, n’est pas une demande nouvelle puisqu’elle se rattache aux demandes initiales formulées en première instance (absence de justification des prestations) et tend aux mêmes fins ; qu’en outre, elle n’est pas prescrite dès lors qu’elle a la même finalité que les moyens développés en première instance par lesquels elle contestait les demandes en paiement formulées par l’association Les Yeux de l’Ouïe.

L’association Les Yeux de l’Ouïe prétend que cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d’appel au sens de l’article 564 du code de procédure civile. Elle considère que refuser le paiement d’une facture en raison d’une absence de justificatifs et soulever l’irrégularité de ladite facture ne tendent pas à la même fin. Elle ajoute que cette demande est également irrecevable comme étant prescrite en application de l’article 2224 du code civil, la facture ayant été adressée à l’association Résonance culture le 19 décembre 2014, point de départ du délai de prescription quinquennale.

Sur ce

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Il résulte toutefois de l’article 565 du même code que les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Par ailleurs, l’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 123 du code de procédure civile précise que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.

En l’occurrence, l’irrégularité de la facture au regard des dispositions de l’article L. 441-3 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, soulevée par l’association Résonance culture en cause d’appel, ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile pouvant être soulevée en tout état de cause, ni une prétention nouvelle au sens de l’article 564 du même code mais une demande tendant à faire écarter les prétentions adverses.

En outre, s’agissant d’une demande tendant à faire écarter la demande principale, elle est recevable en tout état de cause et n’est donc pas prescrite.

L’association Résonance culture est donc recevable à invoquer l’irrégularité de la facture litigieuse du 19 décembre 2014.

Toutefois, l’article L. 441-3 du code de commerce ne prévoyant aucune sanction civile en cas de violation de ses dispositions, telle que notamment l’irrecevabilité de la demande en paiement, l’association Résonance culture doit être déboutée de sa demande tendant à voir juger que l’association Les Yeux de l’Ouïe est irrecevable à en demander le paiement.

Sur les demandes en paiement de l’association Les Yeux de l’Ouïe

L’association Résonance culture demande l’infirmation du jugement qui l’a condamnée au paiement du solde de la facture litigieuse en faisant valoir, au visa des articles 1134 et 1315 anciens du code civil, que lorsque la rémunération du prestataire n’est pas établie au jour de la conclusion du contrat, comme en l’espèce, il s’agit d’une « rémunération sur facture » qui doit être justifiée.

Elle rappelle que la prestation prévue contractuellement consistait en « 288 heures de formation audiovisuelle et multimédia dispensées par le prestataire », le contrat précisant en outre que « le prestataire s’engage à réunir l’ensemble des conditions opérationnelles et pédagogiques permettant la réalisation de la formation » et qu’il avait notamment pour mission de choisir « les intervenants professionnels ». Elle en déduit qu’il n’était pas prévu au contrat qu’elle prenne à sa charge des éléments complémentaires ou des frais accessoires, de sorte qu’elle ne peut être condamnée au paiement « d’achat de matériel et fournitures » pour 3.030 euros et du « suivi administratif » pour 7.262 euros.

Elle précise que s’il était effectivement prévu des charges de personnel pédagogique à hauteur de 50.080 euros, ce montant doit être justifié par la production de bulletins de paie. Elle relève que les bulletins de paie et le tableau récapitulatif des salaires produits par l’association Les Yeux de l’Ouïe devant la cour ne concernent pas le projet contractuellement convenu entre les parties et ne peuvent y être rattachés.

Elle ajoute :

– que le paiement partiel de 30.000 euros et l’enregistrement en comptabilité de la facture litigieuse ne peuvent valoir reconnaissance de dette et ne sont pas de nature à la priver de ses droits ;

– que les pièces produites par l’association Les Yeux de l’Ouïe émanent d’elle-même et ne sont étayées par aucun justificatif ;

– qu’elle a effectué le premier règlement de 30.000 euros après l’obtention des subventions des différents organismes, la facture litigieuse ayant été établie dans le but de compléter le dossier de financement à adresser au Conseil régional d’Ile de France, ce qui est corroboré par la production d’une autre facture à la même date pour la même prestation d’un montant supérieur, soit 60.372 euros.

L’association Les Yeux de l’Ouïe rappelle qu’aux termes de la convention du 14 janvier 2014, la formation, dispensée aux détenus au sein de la maison d’arrêt de [6] devait être suivie d’un stage d’une durée d’un mois au sein d’un atelier en détention ou d’une entreprise à l’extérieur. Elle explique que c’est dans le cadre du stage prévu à la fin de cette formation que le court métrage « Horizon Clair/Obscur » a été réalisé par les stagiaires, encadrés par des salariés de l’association Les Yeux de l’Ouïe, rémunérés en tant que réalisateurs du chantier de production audiovisuelle, et intermittents du spectacle ; que la dénomination « De face » mentionnée sur les fiches de paie versées aux débats est le nom de la production générale réalisée par Les Yeux de l’Ouïe avec les stagiaires dans le cadre de cette formation, et « Horizon Clair/Obscur » est le nom du court-métrage réalisé lors du stage de mai à juin 2014.

Elle rappelle qu’aux termes de l’article 11 de la convention, il était contractuellement prévu que « La rémunération du prestataire s’effectuera sur présentation de facture », de sorte que l’association Résonance culture n’est pas fondée à exiger autre chose que la facture du 19 décembre 2014, qu’elle a elle-même transmis au Conseil régional d’Île de France pour obtenir le versement des subventions qu’elle était supposée lui reverser.

Elle ajoute :

– que l’article L. 441-3 du code de commerce est inapplicable aux associations qui n’exercent aucune activité commerciale,

– que la facture du 19 décembre 2014 reprend les différents postes de dépenses mentionnés dans le budget définitif réalisé en commun par les associations Résonance culture et Les Yeux de l’Ouïe à l’issue de la mission et figurant dans le bilan financier de l’action adressé par Résonance culture au Conseil régional d’Ile de France,

– que le règlement de 30.000 euros a été fait par l’association Résonance culture sur simple présentation de la facture datée du 19 décembre 2014, sans demande du moindre justificatif, ce qui constitue un commencement d’exécution et suffit à démontrer qu’elle est bien fondée à en obtenir le paiement,

– que l’association Résonance culture a refusé de lui régler le solde dû de 12.872 euros afin de faire pression sur elle et obtenir des versements indus dans le cadre d’un autre projet,

– que l’association Résonance culture a sollicité et obtenu de la région Ile de France le versement d’une subvention de 40.000 euros en certifiant que le projet était « terminé au coût définitif de 87.805,10 euros » et en joignant un récapitulatif détaillé des paiements effectués, mentionnant des dépenses faites par Les Yeux de l’Ouïe pour un montant de 60.372 euros, ce qui démontre que cette somme ne correspond pas au montant prévisionnel des dépenses mais bien au montant des dépenses effectivement réalisées.

Sur ce

Selon l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l’espèce, la convention du 14 janvier 2014 qui lie les parties, dont la validité n’est pas remise en cause, stipule en son article 11 que « la rémunération du prestataire s’effectuera sur présentation de facture ».

En application de cette convention, l’association Les Yeux de l’Ouïe a établi, le 19 décembre 2014, une facture numéro 104/14 intitulée « Prestation de service : « Chantier-production en audiovisuel » » d’un montant de 42.872 euros se décomposant comme suit :

– Charges personnel pédagogique : 50.080

– Achat matériel et fournitures : 3.030

– Suivi administratif : 7.262

– Coût total frais pédagogiques : 60.372

– Apport du prestataire : – 17.500

– Soit un montant restant dû pour cette prestation de 42.872 euros.

L’article L. 441-3 du code de commerce invoqué par l’association Résonance culture concerne la formalisation écrite des négociations commerciales et est principalement applicable aux relations entre fournisseurs et distributeurs ou prestataires de services. Il n’est donc pas applicable aux associations ne participant pas à des activités commerciales, telle que l’association Les Yeux de l’Ouïe, association régie par la loi du 1er juillet 1901, reconnue d’intérêt général et à but non lucratif. En tout état de cause, l’association Résonance culture ne peut s’exonérer du règlement de cette facture en invoquant les dispositions de l’article L. 441-3 du code de commerce, l’imprécision des mentions relatives à la consistance de la prestation et au prix facturé telle qu’alléguée par l’association Résonance culture, à la supposer établie, n’étant pas de nature à priver cette facture d’une contrepartie réelle.

En l’occurrence, c’est à bon droit et à la faveur de motifs pertinents méritant adoption par la cour que les premiers juges ont condamné l’association Résonance culture à payer à l’association Les Yeux de l’Ouïe le solde de la facture litigieuse d’un montant de 12.872 euros en relevant que l’association Résonance culture n’avait jamais contesté que l’association Les Yeux de l’Ouïe se soit conformée à ses engagements tels que prévus à l’article 9 de la convention ni qu’elle ait mené à bien sa prestation dans les délais contractuellement fixés, que les montants sollicités au titre des divers postes dans la facture résultent du budget définitif figurant dans le bilan financier de l’action adressé par l’association Résonance culture au Conseil régional d’Ile de France pour obtenir le solde de la subvention à l’issue de la mission, que l’association Résonance culture a opéré un règlement partiel mais important de 30.000 euros le 29 octobre 2015 qu’elle a elle-même qualifié « d’avance » dans son courrier en réponse à la demande de paiement du solde de la facture, daté du 8 avril 2016, et qu’elle ne justifie pas avoir sollicité de l’association Les Yeux de l’Ouïe des justificatifs sur le montant des postes mentionnés sur la facture du 19 décembre 2014 avant la réception de la demande de paiement du solde le 16 mars 2016.

Il convient d’ajouter que la demande de versement de subvention datée du 27 juillet 2015 versée aux débats par l’association Résonance culture en première instance et produite par l’association Les Yeux de l’Ouïe devant la cour en pièce n° 26 démontre que l’appelante a sollicité et obtenu de la région Ile de France le versement de la subvention de 40.000 euros en certifiant que le projet était « terminé au coût définitif de 87.805,10 euros » et en joignant un récapitulatif détaillé des paiements effectués mentionnant des dépenses faites par l’association Les Yeux de l’Ouïe pour un montant de 60.372 euros.

En outre, si la facture produite par l’association Résonance culture en pièce n° 4 mentionne la somme de 60.372 euros et non celle de 42.872 euros figurant sur la facture produite en pièce n° 9 (et pièce n° 6 de l’intimée) représentant le montant dû par l’association Résonance culture, il résulte de la pièce 6 de l’appelante (mail de [N] [W] de l’association Résonance culture en date du 19 mai 2015) que la demande de subvention auprès du conseil régional d’Ile de France devait être accompagnée d’une « facture mentionnant le coût total de la prestation sans mention de l’apport du prestataire, soit un montant de 60.372 euros TTC ».

Par ailleurs, l’association Les Yeux de l’Ouïe produit les bulletins de paie ainsi qu’un récapitulatif des salaires versés dans le cadre de ce projet, justifiant ainsi avoir réglé des charges de personnel pédagogique à hauteur de 50.800 euros. Les allégations de l’association Résonance culture selon lesquelles ces bulletins de paie ne concerneraient pas le projet objet de la convention du 14 janvier 2014 ne sont étayées par aucun élément.

De plus, contrairement à ce que soutient l’association Résonance culture, la clause de la convention prévoyant que « le prestataire s’engage à réunir l’ensemble des conditions opérationnelles et pédagogiques permettant la réalisation de la formation » et avait notamment pour mission de choisir « les intervenants professionnels » n’interdit pas à l’association Les yeux de l’Ouïe, chargée d’organiser et de dispenser la formation, de facturer, outre les charges de personnel (pédagogique et administratif), des frais « accessoires » tels que les achats de matériel, fournitures pédagogiques, équipement individuel et petit équipement des stagiaires.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné l’association Résonance culture à payer à l’association Les Yeux de l’Ouïe le solde de la facture litigieuse d’un montant de 12.872 euros, majoré des intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2016, date de la première mise en demeure.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

L’association Les Yeux de l’Ouïe reproche aux premiers juge de l’avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre et fait valoir que l’association Résonance culture s’est soustraite pendant plus de six années et avec mauvaise foi à ses obligations contractuelles en refusant de lui restituer la somme de 12.872 euros qu’elle savait devoir lui reverser, la contraignant à agir en justice et lui causant en outre un préjudice financier dès lors que, privée de cette somme importante, elle n’a pu faire face à des dépenses essentielles, telles que le paiement de certains salariés, le règlement de charges et la réalisation de projets.

L’association Résonance culture n’a pas conclu sur cette demande.

Sur ce

Il résulte de l’article 1240 du code civil selon lequel « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » que l’octroi de dommages et intérêts sur le fondement de la résistance abusive et injustifiée suppose que soient caractérisés l’existence d’un abus dans l’exercice du droit de résister ainsi que d’un préjudice subi en conséquence de cet abus.

L’association Les Yeux de l’Ouïe ne justifie pas d’un préjudice distinct du retard de paiement indemnisé par l’octroi des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure. Ce préjudice ne pouvant être présumé, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes reconventionnelles de l’association Résonance culture

L’association Résonance culture soutient qu’à défaut de justificatif précis de toute diligence, elle est bien fondée à solliciter de l’association Les Yeux de l’Ouïe le remboursement de la somme de 30.000 euros versés le 29 octobre 2015 à titre d’acompte outre le remboursement de celle de 12.872 euros à laquelle elle a été condamnée en première instance.

Elle réclame en outre, au visa des articles 1104 et 1112 du code civil, l’indemnisation du préjudice moral et financier qu’elle estime avoir subi du fait de la rupture fautive des pourparlers dans le cadre du projet « En quête d’autres regards (réfléchir les images de la prison) », invoquant son investissement pour ce projet dans la mesure où elle a contribué à l’élaboration et au dépôt du dossier, mobilisé du temps au côté de l’association Les Yeux de l’Ouïe pour préparer au mieux ce dossier, lui faire bénéficier de son savoir-faire, de sa connaissance et de son relationnel avec les partenaires institutionnels à l’effet d’augmenter ses chances d’obtenir une subvention avant d’apprendre son éviction au mois de juillet 2015.

L’association Les Yeux de l’Ouïe répond que cette demande, formulée pour la première fois en cause d’appel, est irrecevable comme prescrite, l’association Résonance culture s’étant contentée de solliciter en première instance la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.

Sur le fond, elle relève que l’association Résonance culture fonde ses prétentions sur les articles 1104 et 1112 du code civil dans leur rédaction postérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 qui sont inapplicables en l’espèce, les faits invoqués étant antérieurs à cette date.

Elle fait valoir que l’association Résonance culture ne produit aucun document justifiant son investissement dans le cadre du projet tunisien, de sorte qu’aucune faute ne peut lui être reprochée.

Sur ce

Compte tenu du sens du présent arrêt, l’association Résonance culture ne peut qu’être déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 30.000 euros versée le 29 octobre 2015 en règlement partiel de la facture du 19 décembre 2014. Le jugement sera confirmé de ce chef.

S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour rupture fautive des pourparlers, force est de constater, à lecture du jugement déféré, que cette demande reconventionnelle n’est pas nouvelle, seul le montant de la réclamation étant modifié.

Elle est donc recevable.

Sur l’application de la loi dans le temps des textes relatifs à la rupture des pourparlers,

si les articles 1104 et 1112 du code civil sur lesquels l’association Résonance culture fonde sa demande sont issus de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et donc inapplicables en l’espèce, les faits invoqués étant antérieurs à son entrée en vigueur, la jurisprudence constante antérieure sanctionnait déjà la rupture abusive des pourparlers.

Il est de principe que les parties sont libres de mettre fin aux pourparlers et que l’auteur de la rupture peut voir sa responsabilité délictuelle engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil lorsque la rupture dégénère en abus.

Pour apprécier le caractère fautif de la rupture des pourparlers, il convient de prendre en considération notamment la durée, l’avancée des pourparlers, l’existence ou non d’un motif légitime de rupture, ou le fait pour l’auteur de la rupture d’avoir suscité chez son partenaire la confiance dans la conclusion du contrat envisagé.

En l’espèce, si comme l’ont justement relevé les premiers juges, l’opposition au paiement de l’association Résonance culture sous le prétexte d’un manque de justificatifs est à mettre en perspective avec les difficultés rencontrées dans le cadre d’un autre projet « En quête d’autres regards (réfléchir les images de la prison) » dans le cadre duquel des échanges ont eu lieu entre les parties sur ce projet initié en 2012 et une ébauche de travail commun a été réalisée, pour autant, aucune rupture abusive de pourparlers ne peut être imputée à l’association Les Yeux de l’Ouïe, l’association Résonance culture ne rapportant pas la preuve de l’avancement très important de pourparlers sur ce projet et d’une rupture soudaine, imprévisible et injustifiée de ces pourparlers à l’initiative de l’association Les Yeux de l’Ouïe.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’association Résonance culture de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à la confirmation des dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de l’association Résonance culture.

L’association Résonance culture, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d’appel avec le droit pour Maître Hélène Martin, avocate, de recouvrer directement les dépens d’appel dont elle aura fait l’avance sans avoir reçu provision en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Enfin, condamnée aux dépens, l’association Résonance culture sera également condamnée à payer à l’association Les Yeux de l’Ouïe la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel en application de l’article 700 du même code et ne peut elle-même prétendre à l’application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que l’association Résonance culture est recevable à soulever l’irrégularité de la facture du 19 décembre 2014,

Déboute l’association Résonance culture de sa demande tendant à voir juger que l’association Les Yeux de l’Ouïe est irrecevable à en demander le paiement,

Dit que la demande reconventionnelle de l’association Résonance culture en paiement de dommages et intérêts est recevable,

Condamne l’association Résonance culture à payer à l’association Les Yeux de l’Ouïe la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’association Résonance culture aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Hélène Martin conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


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