Le rédacteur en chef doit avant le tournage rappeler à ses équipes les précautions à prendre et leur faire savoir si l’anonymisation doit avoir lieu dès le tournage en ne filmant pas les visages et les éléments caractéristiques d’un individu. Si aucune précaution n’a été prise au tournage c’est au montage et/ ou à la post-production que doit être réalisé le «’floutage ».
Dans toutes les rédactions audiovisuelles ces deux séquences de fabrication sont sous l’entière responsabilité du rédacteur en chef.
Au regard de l’importance, pour assurer la protection des enfants, d’obtenir une autorisation parentale en cas de diffusion d’images d’un mineur, du fait que le salarié avait été sanctionné et mis en garde pour non-respect de ses obligations professionnelles, le fait de ne pas flouter les images d’un reportage (au montage), ce dernier a été licencié pour cause réelle et sérieuse.
Dans cette affaire, le salarié était garant de la qualité finale du film et devaient veiller au respect des questions de droit à l’image et d’autorisation de diffusion.
L’employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté à condition toutefois que les deux fautes procèdent d’un comportement identique, ce qui était le cas en l’espèce.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
17e chambre
ARRÊT DU 26 JANVIER 2022
N° RG 19/01801
N° Portalis DBV3-V-B7D-TD7I
AFFAIRE :
H X.
C/
S.E.L.A.R.L. V & V agissant par Me Daniel VALMAN
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 janvier 2019 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : E
N° RG : F 16/00791
LE VINGT SIX. JANVIER DEUX. MILLE VINGT DEUX.,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur H X.
Représentant : Me Claire DES BOSCS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0642 et Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
APPELANT
****************
SELARL V & V ASSOCIÉS agissant par Me Daniel VALMAN en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société N O P
N° SIRET : 818 547 889
8 impasse J Claude Chabanne
Représentant : Me Patricia COMPERE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2119
SARL N O P
N° SIRET : 450 114 442
92130 ISSY-LES-MOULINEAUX.
Représentant : Me Patricia COMPERE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2119
Association UNEDIC délégation AGS CGEA D’ILE DE FRANCE OUEST
Représentant : Me AA CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
INTIMÉES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 2 décembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Par jugement du 10 janvier 2019, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :
– dit que l’UNEDIC-AGS CGEA IDF Est et Ouest doit être mis hors de cause,
– débouté M. H X. de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société O P de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les éventuels dépens sont à la charge de M. X..
Par déclaration adressée au greffe le 9 avril 2019, M. X. a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 23 novembre 2021.
Par dernières conclusions remises au greffe le 15 novembre 2021, M. X. demande à la cour de’:
– le déclarer recevable et bien fondé en toutes ses demandes et y faisant droit,
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
– requalifier les contrats en contrat à durée indéterminée à effet du 4 janvier 2010,
et en tout état de cause,
– fixer son ancienneté au 4 janvier 2010,
– fixer la moyenne de son salaire brut à 10 300 euros,
– dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse
à titre principal,
– condamner la société N O P à lui payer les sommes suivantes :
. 10 300,00 euros au titre de l’indemnité de requalification,
. 1 426,12 euros à titre de rappel de salaire (3 jours),
. 142,61 euros au titre des congés payés afférents, . 10 300,00 euros au titre du maintien de salaire pendant la maladie,
. 30 900,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
. 3 090,00 euros au titre des congés payés afférents,
. 66 950,00 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
. 30 900,00 euros au titre du rappel de congés payés,
. 44 284,04 euros au titre de la prime d’ancienneté,
. 4 428,40 euros au titre des congés payés afférents,
. 74 370,67 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,
. 7 437,06 euros au titre des congés payés afférents,
. 61 800,00 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
. 7 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
. intérêts légaux sur les rappels de salaires à compter du 21 mars 2016,
. intérêts légaux sur les dommages et intérêts à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
. ordonner la capitalisation des intérêts,
. entiers dépens,
– ordonner la remise des bulletins de salaire rectifiés et attestation Pôle emploi rectifiée,
à titre subsidiaire,
– fixer au passif de la société N O P représentée par son mandataire judiciaire les sommes suivantes :
. 10 300,00 euros au titre de l’indemnité de requalification,
. 1 426,12 euros à titre de rappel de salaire (3 jours),
. 142,61 euros au titre des congés payés afférents,
. 10 300,00 euros au titre du maintien de salaire pendant la maladie,
. 30 900,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
. 3 090,00 euros au titre des congés payés afférents,
. 66 950,00 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
. 30 900,00 euros au titre du rappel de congés payés,
. 44 284,04 euros au titre de la prime d’ancienneté, . 4 428,40 euros au titre des congés payés afférents,
. 74 370,67 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,
. 7 437,06 euros au titre des congés payés afférents,
. 61 800,00 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
. 7 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
. intérêts légaux sur les rappels de salaires à compter du 21 mars 2016,
. intérêts légaux sur les dommages et intérêts à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
. ordonner la capitalisation des intérêts,
. entiers dépens,
– ordonner la remise des bulletins de salaire rectifiés et attestation Pôle emploi rectifiée,
– déclarer le jugement opposable à l’AGS CGEA IDF Ouest,
Par dernières conclusions remises au greffe le 3 octobre 2021, la société N O P et la SELARL V & V représentée par Me Valdman, ès-qualités de commissaire à l’exécution au plan de redressement de la société N O P, demandent à la cour de’:
– déclarer recevable la SELARL V & V agissant par Me Valdman en son intervention volontaire ès-qualités de commissaire à l’exécution au plan de redressement de la société N O P,
– donner acte du remplacement de commissaire à l’exécution au plan de redressement de la société N O P,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 10 janvier 2019 en toutes ses dispositions,
à titre subsidiaire,
pour le cas où les prescriptions soulevées in limine litis par la société N O P ne seraient pas retenues par la cour d’appel,
– déclarer les demandes de M. X. de requalification, mal fondées et l’en débouter,
– débouter M. X. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. X. à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe le 26 septembre 2019, l’AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de’:
– constater l’irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis l’AGS hors de cause et débouté M. X. de l’ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire,
– dire que l’AGS ne pourra être amenée à procéder à des avances que sur justificatif de l’absence de fonds disponible,
– débouter M. X. de ses demandes de requalification et d’indemnités afférentes,
– réduire dans de plus justes proportions le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter M. X. de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,
en tout état de cause,
– mettre hors de cause l’AGS s’agissant des frais irrépétibles de la procédure,
– dire que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L 622-28 du code du commerce,
– fixer l’éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société N O P,
– dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l’AGS, ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du code du travail,
– dire que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
LA COUR,
La société N O P a pour activité principale la collecte, la synthèse et la diffusion des informations servant à la P et aux médias et la Q de reportages pour la télévision (chaîne publique, chaîne privée, TNT).
Elle est distincte de la société N O Q qui est une société de Q audiovisuelle.
Du 4 janvier au 2 novembre 2010, M. X. a signé plusieurs «’contrat de commande de co-écriture d’une oeuvre audiovisuelle (auteur)’» avec les sociétés N O P et N O Q.
A partir du 1er février 2011, M. X. a bénéficié de plusieurs contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) signés avec la société N O P, puis avec la société N O R
Le 31 juillet 2014, il a signé un contrat à durée indéterminée à effet au 1er août 2014, en qualité de rédacteur en chef, avec la société N O P, qui précisait qu’il bénéficiait de la prise en compte de l’ancienneté acquise depuis le 1er avril 2011 par périodes intermittentes depuis le 1er avril 2011. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des journalistes.
Par mail du 25 juin 2015, la société N O P a informé le salarié qu’elle ne souhaitait pas répondre positivement à la demande de rupture conventionnelle qu’il avait formulée.
Par mail du 16 septembre 2015, la société N O P a notifié à M. X. un avertissement en raison de son manque d’implication, de présence et de communication.
M. X. a contesté cet avertissement.
A partir du 10 novembre 2015, M. X. a été placé en arrêt maladie.
Par lettre du 4 mars 2016, M. X. a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 16 mars 2016, avec mise à pied conservatoire.
Il ne s’est pas présenté à son entretien.
Le 16 mars 2016, lors d’une visite de pré-reprise, le médecin du travail a émis l’avis suivant’:
« Cette visite est considérée comme un premier avis d’inaptitude, basé sur le certificat médical du psychiatre. Dans ce but : courrier envoyé à l’employeur avec l’accord du salarié : inaptitude à prévoir à la reprise’».
M. X. a été licencié par lettre du 19 mars 2016 pour faute grave dans les termes suivants’:
«’ (‘)
Dans le cadre de vos fonctions de Rédacteur en Chef, et conformément à l’article 3 de votre contrat de travail, vous êtes responsable de la conception et de la réalisation du contenu rédactionnel des programmes audiovisuels dont vous avez la charge et vous devez notamment impérativement veiller à ce que les règles en vigueur relatives aux autorisations de tournage et au droit à l’image soient respectées dans nos programmes audiovisuels. A cet effet, vous avez autorité sur l’ensemble des équipes des sujets dont vous êtes responsable et devez assurer le lien avec la Q.
Vous avez par ailleurs l’obligation de tenir informée votre hiérarchie, la directrice des rédactions, de l’état d’avancement des sujets dont vous avez la charge et de toute difficulté pouvant être rencontrée impliquant une prise de décision importante.
Il s’agit d’obligations essentielles de votre contrat qui sont également inhérentes à vos fonctions.
Nous avons précédemment dû vous rappeler l’impérieuse nécessité de respecter vos obligations contractuelles ainsi que l’organisation du service rédactionnel et notamment par un avertissement du 16 septembre 2015. En effet, constatant un manque réel d’implication pour traiter avec rigueur les sujets dont vous aviez la charge, nous vous avons rappelé que les responsabilités de votre poste impliquaient une parfaite transparence dans l’accomplissement de vos fonctions et une communication efficace et un suivi sérieux tant avez nos équipes que vous étiez censé encadrer comme par exemple pour le sujet grand format 66 Minutes «’Maternelles’» qu’avec votre hiérarchie que vous deviez tenir informée afin d’anticiper toute difficulté grave pouvant survenir dans le cadre des sujets dont vous aviez la charge.
A cette occasion, nous avons dû vous rappeler que vous deviez respecter nos instructions à cet égard.
Or, il a été porté à notre connaissance par courrier recommandé avec AR d’Avocat du 22 février2016 reçu le 25 février 2016 assorti d’un projet d’assignation devant Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Nanterre et de diverses pièces, que le diffuseur M6 a également reçu de son côté, une réclamation avec menace d’action judiciaire concernant le sujet grand format intitulé «’Maternelle: mes premiers pas à l’école’» diffusé le 20 septembre 2015 sur M6 dont vous aviez la charge et la responsabilité éditoriale.
Cette réclamation émane de mesdames J K, parents d’un petit de 3 ans et demi (E) qui a été filmé et diffuse non flouté sans leur autorisation, dans le cadre de ce sujet de l’émission 66 Minutes et qui apparait à diverses reprises stigmatisé dans une situation de détresse et dont le prénom est également cité.
Les parents précisent s’être même opposés à la diffusion de l’image de leur enfant de 3 ans et demi compte tenu des difficultés de ce1ui-ci suivi par un psychologue. Or malgré cette demande, leur enfant est apparu 5 diverses reprises en gros plan avec son prénom cité plusieurs fois.
Les parents (la mère, Madame S J K, ayant déposé plainte) réclament l’interdiction de diffusion de ce reportage comportant les plans de leur enfant et la destruction sous astreinte desdits plans ainsi que les commentaires concernant leur enfant et sollicitent outre la prise en charge des frais de leur avocat, une indemnisation de 8. 000 euros tant en leur nom qu’au nom de leur enfant en raison des préjudices importants subis du fait de cette diffusion non autorisée.
Les parents précisent qu’à l’époque du tournage, une procédure d’adoption était en cours, ce qui n’a pas manqué d’inquiéter Madame W AA J K, requérante à l’adoption. Elles ajoutent qu’à la suite de ce reportage, elles ont eu le sentiment d’être jugées par d’autres parents, ce qu’elles avaient pourtant voulu éviter’en ne retournant pas l’autorisation de tournage.
Le diffuseur M6 a immédiatement réagi auprès de nous en sollicitant que l’autorisation signée des parents de cet enfant leur soit communiquée sans délai soulignant l’importance d’un tel document au regard notamment des règles essentielles du CSA sur la protection des mineurs participant à des émissions de télévision.
Après avoir procédé à une enquête en interne, nous avons constaté avec la plus grande consternation:
– qu’il n’y avait aucune autorisation écrite de la mère du petit E.
– que vous étiez clairement informé de l’absence d’autorisation écrite de la mère pour cet enfant de 3 ans avant la délivrance du PAD à la chaîne et sa diffusion.
– que vous n’aviez pris aucune précaution d’usage à cet égard ni fait de recommandation de floutage à votre équipe malgré l’absence d’autorisation écrite des parents (de la mère seule habilitée à 1’époque).
– Que vous aviez, au contraire, pris la décision le 17 septembre 2015 enfreignant toutes règles de précaution et éthiques, de maintenir les plans du jeune E en refusant le floutage malgré les alertes du chargé de Q L C et ce, selon les propos rapportés par ce dernier, «’afin de laisser vivre la séquence » et ce sans en référer à la Directrice des rédactions, ni à la Direction.
– Que vous n’avez en effet à aucun moment alerté votre hiérarchie (Mme M B) de cette situation qu’elle a découvert à l’occasion de cette réclamation.
Force est de constater que la Directrice des rédactions n’aurait pas manqué si elle avait été prévenue, de faire flouter sans conteste cet enfant et ne pas citer son prénom conformément aux règles de précaution et d’éthiques en ce domaine.
L’impact sur l’image de la société tant au regard du diffuser groupe M6, notre principal client, que des tiers est désastreux. Le diffuseur est très méfiant dorénavant à l’égard de la crédibilité de la société sachant que l’émission 66 minutes est essentielle, comme vous le saviez pertinemment, pour la survie de l’entreprise.
Cet incident grave qui vient de se révéler, s’inscrit malheureusement dans le cadre de votre comportement dont nous avons eu à nous plaindre à diverses reprises.
Il ne s’agit pas d’un acte isolé. Nous avions déjà eu à déplorer un incident avec le sujet concernant les gendarmes de Libourne qui a pu être endigué in extremis avant la diffusion du sujet sur W9 (M6) lorsqu’il a été révélé mi octobre 2015 par l’un des gendarmes se plaignant de n’avoir pas été flouté comme il l’avait expressément demandé. Ce dernier a constaté qu’il apparaissait à visage découvert dans la bande annonce du sujet diffusé sur le site Internet de la chaîne.
Le diffuseur avait donc dû retirer d’urgence la bande annonce et la modifier. Il était apparu alors que d’autres gendarmes n’avaient pas été floutés également malgré leur demande de sorte que si l’alerte n’avait pas été donnée par ce gendarme inquiet que son consentement n’ait pas été respecté avant la diffusion, le film aurait été diffusé en l’état avec des conséquences dramatiques tant pour leur sécurité que vis-à-vis du diffuseur.
A l’époque, vous aviez cru bon répondre que ce n’était pas si grave car le floutage avait été immédiatement rectifié avant la diffusion et que le film n’avait pas montré le visage du gendarme (sauf sur Internet avec la bande annonce) et que le film avait eu du succès ! Nous avions dû vous rappeler à l’ordre.
Ce nouvel et grave incident concernant le jeune E relève d’une faute grave dont vous portez l’entière responsabilité en votre qualité de rédacteur en chef en charge de ce reportage. Vous avez pris seul sans en référer à votre hiérarchie, la décision ayant conduit à cette situation dramatique révélée aujourd’hui et impactant la société et le diffuseur M6.
Ceci constitue un manquement grave au respect de vos obligations contractuelles et de vos fonctions ainsi que des instructions rappelées mi-septembre dernier. Un tel comportement ne peut être toléré à ce niveau de responsabilité et conduit nécessairement la société à prendre les mesures qui s’imposent.
Un tel comportement et de tels agissements constituent des manquements graves que nous ne pouvons tolérer.
Nous vous informons que nous sommes donc contraints de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans 1’entreprise impossible. Nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied conservatoire dont vous faîtes l’objet depuis sa notification le 4 mars 2016.
Celle-ci vous sera néanmoins payée compte tenu de votre arrêt maladie à la date d’envoi du 4 mars 2016.
Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de notification de cette lettre, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. (…)’»
Le 21 avril 2016, M. X. a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin de demander une requalification de ses contrats d’usage, contester son licenciement et solliciter le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 30 novembre 2017 le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société N O P.
Par jugement en date du 28 septembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté le plan de redressement de la société N O P et a désigné la SELARL Cid & Associés, prise en la personne de Me Isabelle Didier, ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan.
Par ordonnance du 15 janvier 2020, le tribunal de commerce a ordonné le remplacement du commissaire à l’exécution du plan par la SEARL V & V prise en la personne de Me Daniel Valdman.
Sur la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à partir du 4 janvier 2010′:
Le salarié expose que s’il a conclu 15 contrats dits «’ d’auteur » tout au long de l’année 2010, indifféremment avec la société N O P et N O Productions, il a fourni, en qualité de rédacteur en chef, un volume de travail constant et non occasionnel en étant présent tous les jours dans les locaux et en étant intégré dans un service.
Il se prévaut de la présomption de l’existence d’un contrat de travail issue de l’article L. 7112-1.
Il ajoute que la relation contractuelle s’est poursuivie sans aucun contrat de janvier à mai 2011, puis avec des CDDU illicites puisqu’en réalité il occupait un emploi lié à l’activité durable et permanente de l’entreprise.
Il soutient que le délai de prescription n’a commencé à courir qu’au terme du dernier contrat de travail, le contrat de travail à durée indéterminée rompu le 19 mars 2016.
L’employeur oppose que s’agissant des contrats d’auteur le délai de prescription a commencé à courir pour chaque contrat à la date de sa signature et que s’agissant des CDDU le délai de prescription a commencé à courir à la fin de chaque contrat. Il demande donc la confirmation du jugement en ce qu’il a dit prescrites les actions en requalification.
Selon l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. En application de l’article L.’1245-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance susvisée, par l’effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée’déterminée’irrégulier.
Il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a, en cas de succession de contrats à durée déterminée, pour point de départ le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.
La même règle s’applique en cas de requalification de contrats d’auteur successifs.
Le dernier contrat d’auteur signé avec la société N O P date du 2 novembre 2010.
Le dernier CDDU a été signé le 2 décembre 2013 avec la société N O Q pour la période du 6 janvier au 18 juillet 2014, mais le dernier CDDU signé avec la société N O
P est daté du 13 août 2012 pour la période du 13 août au 21 décembre 2012.
Dès lors que le salarié, au motif que la succession des contrats d’auteurs et CDDU montre qu’il occupait un emploi durable de rédacteur en chef, sollicite la requalification de la relation contractuelle à l’encontre de la seule société N O P et exclut expressément toute situation de co-emploi, le délai de prescription s’agissant de la requalification des contrats d’auteur a commencé à courir le 2 novembre 2010 et s’agissant des CDDU à compter du 21 décembre 2012.
La loi du 14 juin 2013 a diminué à deux ans le délai de prescription de toute action portant sur la rupture du contrat de travail. En application des dispositions transitoires, ce délai s’applique aux prescriptions en cours à compter de la promulgation de la loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par loi antérieure.
Dès lors que le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 21 avril 2016, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a dit prescrites les actions en requalification.
Sur l’indemnité de requalification’:
Dès lors que l’action en requalification des CDDU a été déclaré irrecevable, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
Sur l’indemnité de travail dissimulé’:
Le salarié fait valoir que l’employeur recourt habituellement aux droits d’auteur pour payer ses salariés et fait ainsi l’économie de charges sociales conséquentes.
En l’absence de tout autre élément, dès lors que la demande de requalification des contrats d’auteur a été déclarée irrecevable, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
Sur la fixation de l’ancienneté au 4 janvier 2010 :
Par une demande distincte, le salarié sollicite une reprise d’ancienneté à partir du 4 janvier 2010 en se prévalant de l’article L. 1243-11 du code du travail qui prévoit une reprise d’ancienneté automatique des CDD antérieurs au CDI.
Il convient d’abord de relever que le contrat de travail à durée indéterminée du 31 juillet 2014 a prévu une reprise d’ancienneté à partir du 1er avril 2011 en précisant que le salarié a travaillé de manière intermittente avec la société N V P et la société N V Q depuis le 1er avril 2011, alors qu’en réalité la collaboration par CDDU a débuté le 1er février 2011.
D’ailleurs la société N V P dans ses écritures (page 25) fait état d’une reprise d’ancienneté à partir du premier CDDU, soit le 1er février 2011.
Pour la période antérieure, couverte par des contrats d’auteur qui n’ont pas été requalifiés, l’article L. 1243-11 n’a pas vocation à s’appliquer.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de ce chef et de fixer la reprise de l’ancienneté à compter du 1er février 2011.
Sur les primes d’ancienneté’:
Le salarié sollicite le paiement de primes d’ancienneté à hauteur de 44 284,04 euros. Il fonde sa demande sur le fait que son ancienneté aurait dû être reprise à partir de janvier 2010 et pas seulement à partir du 1er février 2011. Il affirme que l’employeur a reconnu le principe de la créance en procédant à une régularisation au mois de février 2016.
L’employeur se prévaut de la prescription triennale, du fait que compte tenu de la reprise de son ancienneté à compter du 1er février 2011 le salarié n’a eu droit à une prime d’ancienneté qu’à partir du mois de février 2016 et que le rappel de salaire qui figure sur le bulletin de paie du mois de février 2016 correspond à la majoration effective en janvier 2015 du minimum conventionnel.
En application de la loi du 14 juin 2013, qui réduit la prescription pour les créances salariales à trois ans et des dispositions transitoires qui prévoient que ce délai s’applique aux prescriptions en cours à compter de la promulgation de la loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par loi antérieure, le salarié ayant saisi le conseil de prud’hommes le 21 avril 2016, ses demandes sont recevables pour les créances exigibles à partir du 21 avril 2011.
En revanche, le salarié fonde sa demande uniquement sur une reprise d’ancienneté au 4 janvier 2010 qui lui a été refusée. Au surplus, le rappel de salaire obtenu par le salarié en février 2016 ne concerne pas la prime d’ancienneté.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
Sur le maintien de salaire’:
Dès lors que le salarié a été débouté de sa demande de reprise d’ancienneté à compter du 4 janvier 2010, lorsqu’il a été placé en arrêt de maladie le 10 novembre 2015 il ne disposait pas de 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise et n’avait donc pas droit à un maintien de salaire pendant 4 mois.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
Sur le rappel de congés payés’:
Le salarié prétend qu’il aurait dû bénéficier de 25 jours de congés payés acquis au fur et à mesure des années et qui ne lui ont jamais été payés par l’employeur. Il sollicite la somme de 30 900 euros correspondant selon lui à 3 mois de salaire.
Il résulte des bulletins de paie que pendant la période couverte par un CDDU le salarié a perçu 10’% d’indemnité compensatrice de congés payés et qu’il a pris 20 jours de congés payés en août 2014, 3 jours en décembre 2014, 10 jours en juillet 2015 et 10 jours en août 2015.
Le salarié ayant été rempli de ses droits, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de ce chef.
Sur les heures supplémentaires’:
Le salarié prétend que la très importante charge de travail qui lui était imposée l’a contraint à accomplir de très nombreuses heures supplémentaires.
Il précise qu’il était le rédacteur en chef qui gérait le plus grand nombre de films dans la société.
Il sollicite le paiement d’heures supplémentaires pour l’année 2013, 2014 et 2015.
La société N O P réplique qu’elle n’était pas l’employeur de M. X. en 2013, le salarié étant lié par des CDDU à la société N O Q jusqu’au mois de juillet 2014.
Elle communique cependant des tableaux précis et détaillés pour l’ensemble de la période et prétend démontrer que le salarié a récupéré les heures supplémentaires effectives qu’il avait déclarées.
Elle indique que l’horaire collectif est de 10h à 19h avec une coupure déjeuner de 2 heures et qu’en cas d’heures supplémentaires de soirée et week-end un système déclaratif a été mis en place avec demande de récupération mais que M. X. était le seul rédacteur en chef à remettre ses demandes de récupération avec beaucoup de décalage.
Elle ajoute que M. X. s’absentait parfois longuement dans la journée et que ses collègues s’en plaignaient.
Elle affirme que M. X. n’était pas surchargé de travail, qu’il était assisté et avait à sa disposition deux enquêtrices.
Elle rappelle que le poste de rédacteur en chef est sédentaire, qu’il valide le séquencier écrit par le réalisateur avant le tournage, qu’il vérifie les rushes de tournage, puis le tournage et qu’hormis la veille d’un visionnage par la chaîne il n’intervient pas en urgence.
Il convient tout d’abord de relever, comme le fait valoir la société N O P, qu’en l’absence de requalification de la relation contractuelle le salarié ne peut pas formuler à son encontre de demande d’heures supplémentaires pour la période antérieure à son embauche soit avant le 1er août 2014.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires applicables.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul,’l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au soutien de sa demande le salarié produit des tableaux sur lesquels figurent chaque jour une heure d’arrivée, une heure de départ et le total d’heures effectuées après déduction du temps de déjeuner, en général 10,5 heures à 20 heures et deux heures de pause méridienne.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de produire ses propres éléments.
L’employeur oppose des tableaux journaliers accompagnés de commentaires pour chaque journée, contestant généralement l’heure de départ et précisant que les heures supplémentaires qui y figurent n’étaient pas demandées et pas nécessaires car aucune tâche urgente n’était à réaliser. Sur ces tableaux figurent les jours de récupération.
Le salarié communique quatre attestations de rédacteurs en chef ou journalistes ayant travaillé au sein de la société N V P ou collaboré avec lui qui décrivent la surcharge de travail qui lui était imposée et notamment les tâches qui ne relevaient pas de sa compétence’: monter des images qu’ils n’avaient pas tournées, trouver lui-même les réalisateurs, écrire les commentaires à leur place. Ils décrivent un turn over très importants de salariés, un management «’féodal » à la limite du harcèlement moral.
Il produit également des mails et des plannings, mais qui ne mettent pas en évidence une activité professionnelle d’une particulière intensité.
Au surplus, le témoignage de M. Y (pièce S n°337), directeur de Q à la société Giraf Prod, qui déclare que de 2011 à 2016 pendant le contrat d’alternance de son fils au sein de la société Giraf Prod M. X. venait régulièrement déjeuner avec lui et parfois allait en salle de montage pour lui prodiguer des conseils montre que le salarié bénéficiait d’une grande souplesse d’horaire.
Mme Z, directrice de Q atteste (pièce E n°50) avoir rencontré des difficultés de collaboration en 2015 avec le salarié qui était très souvent introuvable et impossible à joindre, ce dont les réalisateurs avec lesquels il travaillait se plaignaient.
Il est également établi que le salarié formulait des demandes de journée de récupération (pièces E n°110 et 111) lorsqu’il avait travaillé la soirée ou la nuit et qu’il les obtenait. Par exemple, le 5 juin 2015 il a récapitulé les 8 jours s’étalant entre janvier et avril 2015 pour lesquels il demandait une récupération d’abord pour la journée du 9 juin.
L’ensemble de ces éléments démontre que M. X. disposait d’une grande liberté horaire, que ses dépassements horaires étaient pris en compte et faisaient l’objet de récupération et que l’ampleur de ses responsabilités ne nécessitaient pas la réalisation d’heures supplémentaires au-delà de celles qui étaient récupérées.
A juste titre, le premier juge a estimé que M. X. n’avait pas effectué d’heures supplémentaires non récupérées.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
Sur la rupture’:
Le salarié expose qu’en juin 2015 il a fait part des difficultés insurmontables liées à sa surcharge de travail et qu’en réaction la société s’est livrée à un véritable acharnement contre lui à son retour de vacances, allant jusqu’à lui notifier un avertissement pour manque d’implication totalement injustifié.
Il ajoute que cette situation éprouvante a affecté son état de santé et a provoqué son arrêt de travail pour maladie à partir du 10 novembre 2015.
Il soutient que l’employeur, qui a voulu éviter un licenciement pour inaptitude physique et le paiement des indemnités correspondantes, a fait un usage opportuniste du projet d’assignation communiquée par l’avocat des parents de l’enfant E.
Il affirme que le rédacteur en chef n’est pas responsable des autorisations de diffusion et du floutage, ce rôle incombant aux directeurs et chargés de Q.
Il précise qu’avec la rédactrice adjointe, Mme A, toutes les précautions avaient été prises pour s’assurer que les autorisations avaient été obtenues et les floutages demandés effectués.
Il fait valoir que le reportage n’a été diffusé qu’une fois le 20 septembre 2015 et que les parents de E ne se sont manifestés que 5 mois plus tard en février 2016.
En ce qui concerne le non-floutage du gendarme de Libourne, le salarié se prévaut de la prescription de ce fait dont l’employeur avait connaissance depuis le 13 octobre 2015 et souligne que seule la Q a été destinataire de la réclamation du gendarme et a pu régler le problème qui portait sur le non-floutage de la bande-annonce le film qu’il avait encadré étant lui bien flouté, ce qui montre bien que cette question relevait de la Q.
L’employeur réplique qu’en sa qualité de rédacteur en chef le salarié devait veiller au respect des règles relatives aux autorisations en matière de droit à l’image et tenir informée la directrice des rédactions, Mme B, de l’état d’avancement des sujets et de toute décision nécessitant une décision importante.
Il précise qu’il faut distinguer la décision de flouter ou non une personne, qui relève de la responsabilité du rédacteur en chef, de la réalisation du floutage, qui relève du service Q.
Il affirme que M. X., qui avait été alerté par M. C, chargé de Q, de l’absence d’autorisation parentale a pris la décision de refuser le floutage de l’enfant E.
Il souligne que le salarié avait déjà été averti et que ses obligations lui avaient été rappelées car ses équipes se plaignaient d’un manque d’accompagnement.
Il ajoute que M. X. avait déjà provoqué un incident de ce type au mois d’octobre 2015 au sujet du reportage sur «’les gendarmes de Libourne ».
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise’; la charge de la preuve incombe à l’employeur qui l’invoque.
L’employeur produit plusieurs témoignages de rédacteurs en chef ayant travaillé avec lui qui déclarent qu’en cette qualité ils étaient garants de la qualité finale du film et devaient veiller au respect des questions de droit à l’image et d’autorisation de diffusion.
M. D (pièce E n°129) journaliste, médiateur de l’information de France Télévision, atteste que la loi interdit toute diffusion d’images d’enfants mineurs sans le consentement écrit des parents, règle que tout cadre de rédaction doit connaître, que le rédacteur en chef doit avant le tournage rappeler à ses équipes les précautions à prendre et leur faire savoir si l’anonymisation doit avoir lieu dès le tournage en ne filmant pas les visages et les éléments caractéristiques d’un individu. Il précise que si aucune précaution n’a été prise au tournage c’est au montage et/ ou à la post-Q que doit être réalisé le «’floutage » et affirme que dans toutes les rédactions audiovisuelles ces deux séquences de fabrication sont sous l’entière responsabilité du rédacteur en chef.
Pour tenter de se dédouaner de sa responsabilité, le salarié se prévaut de ce qu’il n’était pas informé des floutages non réalisés. Cependant, les mails dont il se prévaut (pièces S n°231, 234 et 254) et dont il n’était pas destinataire sont relatifs à la réalisation technique des floutages et non à l’obtention des autorisations.
Il prétend n’avoir jamais été avisé d’une absence d’autorisation des parents de l’enfant E, mais sa responsabilité en qualité de rédacteur en chef était justement de s’assurer que l’autorisation avait été donnée. Au surplus, Mme B, directrice de la rédaction, par mail du 6 novembre 2014 avait demandé aux rédacteurs en chef de vérifier les demandes d’autorisation rédigées par les jeunes enquêteurs et journalistes.
M. C, chargé de Q, (pièce E n°75) atteste que le tournage du sujet «’ Ma rentrée à l’école maternelle » nécessitait la collecte de nombreuses autorisations, ce qui a constitué un travail très fastidieux, qu’il s’était rendu compte que manquait l’autorisation pour E, qu’il s’était rapproché de M. X. et de son adjointe Mme A pour évoquer ce problème, qu’ils étaient revenus vers lui en lui disant qu’ils avaient obtenu l’accord verbal de la mère, qu’il leur avait dit que ce n’était pas suffisant et leur avait renvoyé une autorisation de diffusion pour qu’elle la remplisse que M. X. avait refusé de l’envoyer en disant que c’était trop tard qu’il ne devait pas flouter afin de «’laisser vivre la séquence ».
Mme A, interrogée sur les faits après la réception par l’employeur du projet d’assignation, par mail du 3 mars 2016 (pièce E n°73) a indiqué que la mère de E ne les a jamais informé qu’elle n’avait pas signé l’autorisation et qu’elle pensait que celle-ci figurait dans les autorisations en possession de la directrice de l’école. Elle ajoute que M. X. n’avait donné aucune consigne pour que par précaution soient floutés les enfants pour lesquels les autorisations papiers n’étaient pas parvenues à l’agence.
Ces éléments suffisent à établir que le salarié est responsable de la diffusion du reportage qui, malgré l’absence d’autorisation parentale, montre E non flouté.
Il n’est pas discuté que ce reportage n’a été diffusé qu’une fois le 20 septembre 2015, en raison de l’annulation de son accord d’un participant M. F.
Mais l’employeur démontre que le diffuseur M6 a exprimé un fort mécontentement en recevant le projet d’assignation des parents de E.
L’employeur se prévaut de ce qu’au mois d’octobre 2015 un reportage sur les gendarmes de Libourne, qui avaient exigé le respect de leur anonymat, n’avaient pas été floutés dans le documentaire qui allait être diffusé dans l’émission «’ Enquête d’action » sur W9 et que la catastrophe avait été évitée de peu.
Par courrier du 13 octobre 2015, le gendarme s’est inquiété de ce que malgré sa demande de floutage les extraits de l’émission sur le site le fassent apparaître à visage découvert. Il a demandé le floutage sur les extraits et le site.
Contrairement à ce que soutient le salarié, c’est à lui que Mme G, directrice générale, (pièce S n°246) s’est adressée par mail le 13 octobre en lui écrivant «’ nous avons un souci dans le film dont tu as la charge ». Le salarié a répondu que les séquences avaient été effectuées par le réalisateur précédent qui avait dit avoir toutes les autorisations nécessaires quand les gendarmes n’étaient pas floutés. Il a indiqué qu’ils allaient vérifier les autorisations.
L’employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté à condition toutefois que les deux fautes procèdent d’un comportement identique, ce qui est le cas en l’espèce.
Il est donc bien fondé à soutenir que M. X. avait déjà manqué de vigilance au sujet du reportage «’ les gendarmes à Libourne ».
Il est également fondé à se prévaloir de l’avertissement notifié le 16 septembre 2015 pour manque d’implication dont le salarié ne demande pas l’annulation.
Au regard de l’importance, pour assurer la protection des enfants, d’obtenir une autorisation parentale en cas de diffusion d’images d’un mineur, du fait que le salarié avait été sanctionné et mis en garde pour non-respect de ses obligations professionnelles, mais prenant aussi en considération son ancienneté et la dégradation avérée de son état de santé au moment des faits, puisqu’il justifie avoir été placé en arrêt de travail pour maladie à partir du 10 novembre 2015 pour des troubles anxiodépressif et qu’une inaptitude à tout poste dans l’entreprise était à prévoir le 16 mars 2016, les faits établis étaient constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement et non d’une faute grave.
Il convient donc, infirmant le jugement, de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Le salarié a donc droit aux indemnités de rupture dont il a été abusivement privé.
Il en sollicite l’attribution sur la base d’un salaire de 10 300 euros qu’il calcule en intégrant les primes d’ancienneté et les heures supplémentaires.
Dès lors qu’il a été débouté de ses demandes de ce chef, il convient de retenir que son salaire brut mensuel comportant la prime d’ancienneté s’élevait au montant de 7 615,94 euros bruts.
Il lui sera donc accordé la somme de 15 231,88 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et celle de 38 714,36 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.
Comme le préavis ne court qu’à compter de la date de présentation de la lettre de licenciement et qu’il a été jugé que le salarié avait droit au paiement du préavis, il convient infirmant le jugement de lui accorder le paiement des 3 jours écoulés entre le 19 mars date d’envoi de la lettre de licenciement et le 21 mars 2016 date de présentation, soit la somme de 1 142,39 euros outre les congés payés afférents.
Sur la fixation au passif et la mise hors de cause de l’AGS’:
En application des articles L. 622-22 et L. 625-3 du code de commerce et L. 3253-8 du code du travail, s’agissant d’une créance due par l’employeur en raison de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, même après l’adoption d’un plan de redressement ou de continuation, elle doit être fixée au passif de la société.
En application de l’article L.’3253-8 du code du travail, l’assurance de garantie des salaires couvre :
– les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire,
– les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d’observation, même après un plan de redressement par cession ou par continuation.
Dès lors que le salarié présente des demandes de rappels de salaire afférents à des périodes antérieures à l’ouverture de la procédure collective ainsi qu’au titre de la rupture du contrat de travail intervenue avant l’ouverture de la procédure collective, l’AGS, qui ne conteste pas d’ailleurs qu’elle pourrait être appelée à garantir ces créances à défaut de fonds disponibles, doit être déboutée de sa demande de mise hors de cause.
Sur les intérêts’:
Le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 30 novembre 2017, qui a prononcé l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de la société N O P, a arrêté le cours des intérêts légaux.
Les créances salariales porteront intérêts de la date de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation au novembre 2017.
Il convient de prononcer la capitalisation des intérêts dans la limite de l’arrêt du cours des intérêts.
Sur la remise des documents’:
Il convient d’ordonner à la société N O P de remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt.
Sur l’article 700 du code de procédure civile’
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. X. les frais par lui exposés non compris dans les dépens à hauteur de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
FIX.E ainsi qu’il suit la créance de M. X. au passif du redressement judiciaire de la société N O P :
. 15 231,88 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 1 523,18 euros au titre de congés payés sur préavis,
. 38 714,36 euros au titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
. 1 142,39 euros à titre de rappel de 3 jours de salaire,
. 114,23 euros à titre de congés payés afférents,
. 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de la société N O P devant le bureau de conciliation jusqu’audit jugement d’ouverture de la procédure collective le 30 novembre 2017,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans la limite de l’arrêt du cours des intérêts,
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l’AGS (CGEA d’Ile de France Ouest) dans les limites de sa garantie légale, laquelle ne comprend pas l’indemnité de procédure, et dit que cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,
ORDONNE à la société N O P de remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
DIT que les dépens seront portés au passif de la société N O P.
.prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
.signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffer auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente