Filmer la voie publique sans autorisation : risque maximal 
Filmer la voie publique sans autorisation : risque maximal 

L’installation d’un système de vidéoprotection filmant la voie publique sans autorisation administrative et sans information du public peut emporter fermeture de l’établissement à l’origine de cette installation. L’arrêté par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé la fermeture administrative temporaire d’un établissement pour une durée de trois mois, a été conformé par les juges administratifs.   

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Tribunal administratif de Montreuil, 10 août 2022, n° 2212508

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2022, l’EURL Promo Glaçon, représentée par Me Arlaud, demande au juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de l’autoriser à rouvrir son établissement dont la fermeture administrative temporaire a été ordonnée par un arrêté de cette autorité en date du 11 juillet 2022, à tout le moins de réduire fortement la durée de la fermeture ou de modifier la sanction en la remplaçant par une amende.

Vu :

— les pièces du dossier ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. L’hôte, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. ». Aux termes de l’article L. 521-2 de ce code : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». L’article L. 522-3 du même code dispose : « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu’il y ait lieu d’appliquer les deux premiers alinéas de l’article L. 522-1 ». Enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 du code de justice administrative : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire ».

2. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1 et

L. 521-2 du code de justice administrative qu’il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 et qu’il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, résultant de l’action ou de la carence de cette personne publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu’existe une situation d’urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai. Ces mesures doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu’aucune mesure de cette nature n’est susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.

3. L’EURL Promo Glaçon demande au juge des référés d’enjoindre à l’administration de l’autoriser à rouvrir son établissement, à tout le moins de réduire fortement la durée de la fermeture ou de modifier la sanction en la remplaçant par une amende. De telles conclusions, compte tenu du caractère provisoire des mesures qui peuvent être prises en référé, sont manifestement irrecevables.

4. A supposer que l’EURL Promo Glaçon puisse être regardée comme demandant au juge des référés de suspendre l’exécution de l’arrêté du 11 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé la fermeture administrative temporaire de son établissement pour une durée de trois mois en raison de l’ installation d’ un système de vidéo-protection filmant la voie publique sans autorisation administrative et sans information du public, il résulte de l’instruction, notamment d’un courrier émanant de la société qui a procédé à l’installation de ce système de vidéo-protection en mars 2022 qu’elle avait averti le gérant de l’EURL promo Glaçon de la nécessité d’obtenir une autorisation administrative, que les services de police ont effectué un contrôle de l’entreprise requérante le 5 avril 2022 au cours duquel ils ont constaté l’installation de ce système sans autorisation administrative, qu’une mise en demeure sous quinze jours de déposer une demande d’autorisation d’installation de ce système ou d’apporter la preuve de sa destruction a été envoyée à l’EURL Promo Glaçons le 30 mai 2022 et réceptionnée par elle le 3 juin 2022, que ce n’est que le 14 juin 2022, après un nouveau contrôle des services de police constatant que le système était toujours actif, qu’elle a vainement tenté d’envoyer par courriel aux services de la préfecture un dossier de demande d’autorisation, que si elle a envoyé un nouveau dossier par courrier le 30 juin 2022, il s’est avéré être incomplet, enfin que ce n’est que le 20 juillet 2022 qu’elle a fait procéder à l’enlèvement de ce système. Dans ces conditions, la requérante ne peut être regardée comme démontrant l’existence d’une situation d’urgence particulière justifiant l’intervention du juge des référés dans le très bref délai prévu par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’autant plus qu’à la date d’introduction du présent référé la fermeture administrative durait déjà depuis 30 jours.

5. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la requête de l’EURL Promo Glaçon, selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code précité.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de l’EURL Promo Glaçon est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l’EURL Promo Glaçon et au ministre de l’intérieur et des outre-mer

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Fait à Montreuil, le 10 août 2022.

Le juge des référés,

Signé

F. L’HÔTE

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.


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