Extension des opérations d’expertise et obligation de communication des attestations d’assurance : enjeux et implications.

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Extension des opérations d’expertise et obligation de communication des attestations d’assurance : enjeux et implications.

L’Essentiel : Par ordonnance du 7 avril 2023, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire suite à des désordres survenus lors de travaux de rénovation. Monsieur [K] [L] a été désigné comme expert, remplacé par Monsieur [S]. Le 13 avril et le 15 mai 2024, Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] ont assigné la SELARL MARS et l’entreprise [T] [M] pour étendre l’expertise et obtenir des attestations d’assurance. Lors de l’audience du 25 novembre 2024, le juge a constaté l’absence de défense des parties assignées et a ordonné la communication des documents demandés.

Ordonnance d’expertise judiciaire

Par ordonnance du 7 avril 2023, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire concernant des désordres survenus lors de travaux de rénovation d’une maison. Monsieur [K] [L] a été désigné pour réaliser cette expertise, mais a été remplacé par Monsieur [S] suite à une ordonnance du Magistrat chargé du Contrôle des Expertises.

Assignation des parties

Le 13 avril et le 15 mai 2024, Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] ont assigné la SELARL MARS, en tant que liquidateur de la société GB INVESTISSEMENT, ainsi que l’entreprise [T] [M], devant le Juge des Référés. Ils ont demandé l’extension des opérations d’expertise et la communication des attestations d’assurance de l’entreprise [T] [M] pour les années 2021, 2022 et 2024, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Motifs de la demande

Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] ont justifié leur demande en indiquant que les travaux d’électricité et de plomberie avaient été sous-traités à l’entreprise [T] [M]. De plus, la société GB INVESTISSEMENT avait été placée en liquidation judiciaire, rendant nécessaire la participation de la SELARL MARS à l’expertise pour que le rapport soit opposable.

Audience et absence de défense

Lors de l’audience du 25 novembre 2024, Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] ont maintenu leurs demandes. Bien que régulièrement assignées, la SELARL MARS et l’entreprise [T] [M] n’ont pas constitué avocat, permettant au juge de statuer par décision réputée contradictoire.

Décision sur l’extension des opérations d’expertise

Le juge a constaté qu’il existait un motif légitime pour étendre les opérations d’expertise, conformément à l’article 145 du Code de procédure civile. Les pièces fournies ont montré que la mise en cause de la SELARL MARS et de l’entreprise [T] [M] était nécessaire pour la poursuite de l’expertise, justifiant ainsi l’intérêt légitime de Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A].

Communication des attestations d’assurance

Concernant la demande de communication des attestations d’assurance, l’entreprise [T] [M] n’ayant pas répondu, le juge a ordonné qu’elle fournisse ces documents dans un délai d’un mois, sous peine d’une astreinte de 50 euros par jour de retard pendant deux mois.

Conclusion de la décision

Le Juge des Référés a statué que les opérations d’expertise seraient communes et opposables à la SELARL MARS et à l’entreprise [T] [M], qui devront participer aux réunions d’expertise. La mission de l’expert ne sera pas modifiée, et les frais de la procédure resteront à la charge de Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A], sauf s’ils choisissent de les inclure dans un éventuel préjudice global.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du Code de procédure civile dans le cadre de l’expertise judiciaire ?

L’article 145 du Code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé. »

Cet article permet donc au juge d’ordonner des mesures d’instruction préalables à un procès lorsque des éléments de preuve sont nécessaires pour établir les faits en litige.

Dans le cas présent, les demandeurs, Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A], ont justifié d’un intérêt légitime à faire étendre les opérations d’expertise, en raison de la nécessité d’inclure la SELARL MARS et l’entreprise [T] [M] dans le processus d’expertise.

Cela est d’autant plus pertinent que la mise en cause de ces parties est essentielle pour la poursuite des opérations d’expertise, ce qui répond à l’exigence de l’article 145.

Quelles sont les implications de l’article 149 du Code de procédure civile concernant l’étendue des mesures d’expertise ?

L’article 149 du Code de procédure civile dispose que :

« Le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites. »

Cet article confère au juge une certaine flexibilité dans la gestion des mesures d’instruction. Il peut, en fonction des circonstances et des éléments présentés, décider d’élargir ou de limiter le champ des opérations d’expertise.

Dans le contexte de l’affaire, le juge a reconnu que les pièces versées aux débats justifiaient l’extension des opérations d’expertise à la SELARL MARS et à l’entreprise [T] [M].

Cette décision est conforme à l’esprit de l’article 149, qui permet d’adapter les mesures d’expertise aux besoins du litige, garantissant ainsi une instruction complète et équitable.

Quelles sont les conséquences de la demande de communication de pièces selon le Code de procédure civile ?

La demande de communication de pièces est régie par les principes généraux du Code de procédure civile, notamment l’article 9 qui impose à chaque partie de prouver ses prétentions.

Dans le cas présent, Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] ont demandé à l’entreprise [T] [M] de communiquer ses attestations d’assurance RCD et RC pour les années 2021, 2022 et 2024.

L’article 9 du Code de procédure civile précise que :

« Chacune des parties doit prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »

L’absence de réponse de l’entreprise [T] [M] à cette demande a conduit le juge à lui enjoindre de fournir ces documents, sous peine d’astreinte.

Cette astreinte, fixée à 50 euros par jour de retard, vise à inciter l’entreprise à se conformer à l’ordonnance et à garantir le droit des demandeurs à obtenir les preuves nécessaires à leur défense.

Comment la décision du juge des référés impacte-t-elle les frais de la procédure ?

La question des frais de la procédure est abordée dans le cadre des articles 696 et suivants du Code de procédure civile, qui traitent des dépens.

Dans cette affaire, le juge a décidé que les dépens seraient laissés à la charge de Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A], sauf à les inclure dans leur éventuel préjudice global.

Cela signifie que, bien que les demandeurs aient obtenu gain de cause sur certaines de leurs demandes, ils devront supporter les frais liés à cette procédure, ce qui peut avoir un impact financier significatif.

Cette décision est conforme à la pratique judiciaire, où les frais sont souvent à la charge de la partie qui initie l’action, sauf disposition contraire ou si le juge estime qu’il y a lieu de les répartir différemment en fonction des circonstances de l’affaire.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

54G

Minute n° 24/

N° RG 24/01093 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZBD6

MI : 23/00000598

4 copies

ORDONNANCE
COMMUNE

GROSSE délivrée
le 30/12/2024
à Me Thomas BELLEVILLE

COPIE délivrée
le 30/12/2024
à

2 copies au service expertise

Rendue le TRENTE DECEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Après débats à l’audience publique du 25 novembre 2024

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Charlène PALISSE, Greffière.

DEMANDEURS

Madame [Y], [Z], [F] [A]
née le 10 août 1994 à [Localité 7] (92)
[Adresse 1]
[Localité 3]

Monsieur [R] [G]
né le 8 décembre 1994 à [Localité 8] (95)
[Adresse 1]
[Localité 3]

Tous les deux représentés par Maître Thomas BELLEVILLE, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSES

SELARL MARS prise en la personne de Maître [E] [U] ès qualité de liquidateur de la société GB INVESTISSEMENT
Dont le siège social est :
[Adresse 4]
[Localité 5]
agissant poursuites et diligences de son représentant légal

Défaillante

Entreprise individuelle [T] [M] exerçant sous le nom commercial “ACTIF ELEC”
Dont le siège social est :
[Adresse 6]
[Localité 2]
Prise en la personne de son(ses) représentants légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Défaillante

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance du 7 avril 2023, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire portant sur des désordres affectant les travaux de rénovation d’une maison et désigné Monsieur [K] [L] pour y procéder, remplacé par Monsieur [S] selon ordonnance du Magistrat chargé du Contrôle des Expertises.

Suivant actes des 13 avril et 15 mai 2024, Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] ont fait assigner la SELARL MARS ès qualité de liquidateur de la société GB INVESTISSEMENT et l’entreprise [T] [M] devant le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux afin de :

– leur voir étendre ces opérations d’expertise au visa de l’article 145 du Code de procédure civile

– voir condamner l’entreprise [T] [M] à communiquer ses attestations d’assurance RCD et RC pour les années 2021, 2022 et 2024 sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir, avec possibilité pour le Juge des référés de liquider cette astreinte.

Au soutien de leur demande, Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] exposent que la partie électricité et plomberie aurait été sous-traitée à l’entreprise [T] [M] et que la société GB INVESTISSEMENT aurait été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du 19 décembre 2023 désignant la SELARL MARS ès qualité de liquidateur, et qu’il est donc nécessaire qu’elle soit attraite à la cause afin que le rapport d’expertise à intervenir leur soit commun et opposable.

L’affaire a été appelée à l’audience du 25 novembre 2024, au cours de laquelle Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] ont maintenu leurs demandes.

Bien que régulièrement assignées, la SELARL MARS ès qualité de liquidateur de la société GB INVESTISSEMENT et l’entreprise [T] [M] n’ont pas constitué avocat.

Il y a dès lors lieu de statuer par décision réputée contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’extension des opérations d’expertise :

Selon l’article 145 du Code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

La mise en oeuvre de cette disposition suppose l’existence d’un litige dont l’objet et le fondement sont suffisamment caractérisés.

De même, l’article 149 du Code de procédure civile dispose que le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

En l’espèce, les pièces versées aux débats, et notamment l’extrait KBIS , la facture ACTIF ELEC et la note 4, laissent apparaître que la mise en cause de la SELARL MARS ès qualité de liquidateur de la société GB INVESTISSEMENT et l’entreprise [T] [M] est nécessaire pour la poursuite des opérations d’expertise. De ce fait, Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] justifient d’un intérêt légitime à faire étendre les opérations d’expertise confiées à Monsieur [S].

Sans que la présente décision ne comporte de préjugement quant aux responsabilités et garanties encourues, il convient de faire droit à la demande.

La présente décision n’entraîne pas de modification de la mission impartie à l’expert. Elle ne nécessite pas de consignation complémentaire, sous réserve de la demande que l’expert pourrait formuler.

Sur la demande de communication de pièces :

Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] sollicitent la condamnation de l’entreprise [T] [M] à communiquer ses attestations d’assurance RCD et RC pour les années 2021, 2022 et 2024 sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir, avec possibilité pour le Juge des référés de liquider cette astreinte.
L’entreprise [T] [M] n’ayant pas satisfait à cette demande, il y a lieu de lui enjoindre de communiquer ses attestations d’assurance RCD et RC pour les années 2021, 2022 et 2024 , dans le délai de 1 mois à compter de la signification de la présente ordonnance, passé lequel courra à son encontre une astreinte provisoire de 50€ par jour de retard pendant deux mois.

À ce stade de la procédure, et alors que la question du fond reste entière, les dépens seront laissés à la charge de Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A], sauf à les inclure dans son éventuel préjudice global.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux, statuant par ordonnance réputée contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et susceptible d’appel ;

DIT que les opérations d’expertise confiées à Monsieur [K] [L] par ordonnance de référé du 7 avril 2023 , remplacé par Monsieur [S]  seront communes et opposables à  la SELARL MARS ès qualité de liquidateur de la société GB INVESTISSEMENT et à l’entreprise [T] [M] qui seront tenues d’y participer ;

DIT que les opérations d’expertise seront reprises en présence de ces nouvelles parties, et qu’elles seront convoquées à toute réunion d’expertise ultérieure ;

DIT n’y avoir lieu à modifier la mission impartie à l’expert ;

DIT n’y avoir lieu en l’état à consignation complémentaire ;

DIT que la présente décision sera caduque dans l’hypothèse où l’expert aurait déjà déposé son rapport ;

DIT que l’entreprise [T] [M] devra communiquer ses attestations d’assurance RCD et RC pour les années 2021, 2022 et 2024 , dans le délai de 1 mois à compter de la signification de la présente ordonnance, passé lequel courra à son encontre une astreinte provisoire de 50€ par jour de retard pendant deux mois,

DIT que Monsieur [R] [G] et Madame [Y] [A] conserveront à leur charge les frais de la présente procédure, sauf à les inclure dans leur éventuel préjudice global.

La présente décision a été signée par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente, et par Charlène PALISSE, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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