Extension des opérations d’expertise et obligation de communication des attestations d’assurance : enjeux et implications.

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Extension des opérations d’expertise et obligation de communication des attestations d’assurance : enjeux et implications.

L’Essentiel : Le 11 juillet 2022, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire sur des non-conformités d’un immeuble, désignant Monsieur [D] [C] comme expert. Le 20 août 2024, la SMABTP a assigné les sociétés GOLDFINGER, ETBA THOMAS et ANCO, demandant l’extension des opérations d’expertise et la production d’attestations d’assurance. Lors de la réunion d’expertise du 13 mars 2024, certaines sociétés n’avaient pas été attraites. Le Juge a ensuite statué pour étendre l’expertise et a ordonné la communication des attestations d’assurance sous astreinte, établissant des opérations communes et opposables.

Ordonnance d’expertise judiciaire

Par ordonnance du 11 juillet 2022, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire concernant des non-conformités affectant un immeuble. Monsieur [D] [C] a été désigné comme expert, remplacé par Monsieur [O] [Z] par une ordonnance ultérieure.

Assignation des sociétés

Le 20 août 2024, la SMABTP, en tant qu’assureur des sociétés ADAM et ALM REALISATION, a assigné les sociétés GOLDFINGER, ETBA THOMAS et ANCO devant le Juge des Référés. Elle a demandé l’extension des opérations d’expertise et la production des attestations d’assurance responsabilité civile et décennale pour les années 2017 à 2022, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Réunion d’expertise et déclarations des sociétés

Lors de la réunion d’expertise du 13 mars 2024, il a été constaté que certaines sociétés n’avaient pas été attraites à la cause. À l’audience du 25 novembre 2024, les sociétés ETBA THOMAS et ANCO ont accepté que les opérations d’expertise leur soient déclarées communes et opposables, tandis que GOLDFINGER a produit ses attestations d’assurance pour les années 2017 à 2023.

Décision du Juge des Référés

Le Juge a statué sur la demande d’ordonnance commune, considérant qu’il existait un motif légitime pour étendre les opérations d’expertise aux sociétés concernées. Il a également ordonné la communication des attestations d’assurance pour les sociétés ETBA THOMAS et ANCO, leur enjoignant de les produire dans un délai d’un mois, sous peine d’astreinte.

Conséquences de la décision

La décision a été prononcée publiquement et a établi que les opérations d’expertise seraient communes et opposables aux sociétés concernées. Les frais de la procédure resteront à la charge de la SMABTP, sauf si ceux-ci sont inclus dans un éventuel préjudice global.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour ordonner des mesures d’instruction en référé selon l’article 145 du Code de procédure civile ?

L’article 145 du Code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé. »

Cette disposition implique que pour qu’une mesure d’instruction soit ordonnée, il doit exister un litige dont l’objet et le fondement sont suffisamment caractérisés.

Ainsi, le juge des référés doit s’assurer que la demande d’expertise est justifiée par un intérêt légitime, ce qui a été le cas dans l’affaire en question, où la SMABTP a démontré la nécessité d’étendre les opérations d’expertise à d’autres sociétés impliquées dans la maîtrise d’œuvre.

Comment le juge peut-il modifier l’étendue des mesures d’instruction selon l’article 149 du Code de procédure civile ?

L’article 149 du Code de procédure civile dispose que :

« Le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites. »

Cela signifie que le juge a une certaine flexibilité pour adapter les mesures d’instruction en fonction des besoins du litige.

Dans le cas présent, le juge a reconnu que la mise en cause des sociétés GOLDFINGER, ETBA THOMAS et ANCO était nécessaire pour la poursuite des opérations d’expertise.

Il a donc décidé d’étendre les opérations d’expertise à ces sociétés, ce qui est conforme à l’article 149, permettant ainsi d’assurer que toutes les parties concernées soient entendues et que le rapport d’expertise soit opposable à toutes.

Quelles sont les conséquences de la non-communication des attestations d’assurance selon la décision du juge ?

La décision du juge stipule que :

« Les sociétés ETBA THOMAS et ANCO devront communiquer leurs attestations d’assurance responsabilité civile et décennale pour les années 2017 à 2022, dans le délai de 1 mois à compter de la signification de la présente ordonnance, passé lequel courra à leur encontre une astreinte provisoire de 50€ par jour de retard pendant deux mois. »

Cela signifie que si ces sociétés ne fournissent pas les documents requis dans le délai imparti, elles seront soumises à une astreinte financière.

Cette mesure vise à inciter les parties à se conformer à l’ordonnance du juge et à garantir que les informations nécessaires soient disponibles pour la bonne conduite de l’expertise.

L’astreinte est un outil coercitif qui permet de s’assurer que les obligations de communication de pièces sont respectées, renforçant ainsi l’efficacité de la procédure judiciaire.

Quel est le rôle du juge des référés dans la gestion des dépens selon la décision rendue ?

La décision indique que :

« À ce stade de la procédure, et alors que la question du fond reste entière, les dépens seront laissés à la charge de la SMABTP ès qualité d’assureur des sociétés ADAM et ALM REALISATION, sauf à les inclure dans son éventuel préjudice global. »

Cela signifie que le juge des référés a le pouvoir de décider qui supporte les frais de la procédure, en l’occurrence, la SMABTP.

Cette décision est prise en tenant compte du fait que la question du fond n’a pas encore été tranchée, et que les dépens peuvent être réclamés ultérieurement dans le cadre d’une demande de préjudice global.

Le juge des référés joue donc un rôle crucial dans la gestion des coûts liés à la procédure, en veillant à ce que les parties soient traitées équitablement tout en permettant une continuité dans le traitement du litige.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

54G

Minute n° 24/

N° RG 24/01776 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZPII

MI : 22/00001299

8 copies

ORDONNANCE
COMMUNE

GROSSE délivrée
le 30/12/2024
à la SELARL AVOCAGIR
la SELAS CABINET LEXIA
la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE
la SCP RAFFIN & ASSOCIES
l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND

COPIE délivrée
le 30/12/2024
à

2 copies au service expertise

Rendue le TRENTE DECEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Après débats à l’audience publique du 25 novembre 2024,

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Charlène PALISSE, Greffière.

DEMANDERESSE

La SMABTP -SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS
ès qualité d’assureur de la Société ADAM et de la Société ALM REALISATION
société d’assurances mutuelles à cotisation variable dont le siège social est :
[Adresse 9]
[Localité 8]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Jean CORONAT de la SELARL AVOCAGIR, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSES

La Société GOLDFINGER anciennement LAABO ARCHITECTES
SARL dont le siège social est :
[Adresse 5]
[Localité 10]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Stéphane MILON de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocats au barreau de BORDEAUX

La société ETBA THOMAS
société à responsabilité limitée dont le siège social est :
[Adresse 1]
[Localité 4]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Benjamin LAJUNCOMME de la SELAS CABINET LEXIA, avocats au barreau de BORDEAUX

La société ANCO
SARL dont le siège social est :
[Adresse 2] à [Localité 14] ( MARTINIQUE-97233)
prise en son établissement secondaire ANCO ATLANTIQUE
sis [Adresse 7]
[Localité 10]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Patricia LE TOUARIN-LAILLET de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE VOLONTAIRE

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA [13], sis [Adresse 3] à [Localité 11] représenté par son Syndic, la Société SQUARE & HASHFORD, SARL dont le siège social est sis [Adresse 6] à [Localité 10]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Thomas RIVIERE de l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance du 11 juillet 2022, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire portant sur diverses non-conformités affectant l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 11] et désigné Monsieur [D] [C] pour y procéder, remplacé par Monsieur [O] [Z] selon ordonnance du Magistrat chargé du Contrôle des Expertises du 19 octobre 2022.

Suivant actes du 20 août 2024, la SMABTP ès qualité d’assureur des sociétés ADAM et ALM REALISATION a fait assigner la société GOLDFINGER, la société ETBA THOMAS et la société ANCO devant le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux afin de
– leur voir étendre ces opérations d’expertise au visa de l’article 145 du Code de procédure civile
– voir condamner les sociétés ETBA THOMAS, GOLDFINGER et ANCO à produire leurs attestations d’assurance responsabilité civile et décennale pour les années 2017 à 2022, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la date de l’ordonnance à intervenir.

Au soutien de sa demande, la SMABTP ès qualité d’assureur des sociétés ADAM et ALM REALISATION expose que lors de la réunion d’expertise du 13 mars 2024 il serait apparu que trois sociétés n’avaient pas été attraites à la cause alors qu’elles faisaient partie de l’équipe de maîtrise d’oeuvre, et qu’il est donc nécessaire qu’elles soient attraites à la cause afin que le rapport d’expertise à intervenir leur soit commun et opposable.

L’affaire a été appelée à l’audience du 25 novembre 2024, au cours de laquelle la SMABTP ès qualité d’assureur des sociétés ADAM et ALM REALISATION a maintenu ses demandes.

La société ETBA THOMAS et la société ANCO ont indiqué à la barre ne pas s’opposer à ce que les opérations d’expertise lui soient déclarées communes et opposables, sous toutes protestations et réserves d’usage.

La société GOLDFINGER a indiqué ne pas s’opposer à ce que les opérations d’expertise lui soient déclarées communes et opposables, sous toutes protestations et réserves d’usage et verse aux débats ses attestations d’assurance MAF pour les années 2017 à 2023.

Le syndicat des copropriétaires de la [12] sollicite son intervention volontaire.

Il y a dès lors lieu de statuer par décision contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’ordonnance commune :

Selon l’article 145 du Code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

La mise en oeuvre de cette disposition suppose l’existence d’un litige dont l’objet et le fondement sont suffisamment caractérisés.

De même, l’article 149 du Code de procédure civile dispose que le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

En l’espèce, les pièces versées aux débats, et notamment la note aux parties, laissent apparaître que la mise en cause de la société GOLDFINGER, la société ETBA THOMAS et la société ANCO est nécessaire pour la poursuite des opérations d’expertise. De ce fait, la SMABTP ès qualité d’assureur des sociétés ADAM et ALM REALISATION justifie d’un intérêt légitime à faire étendre les opérations d’expertise confiées à Monsieur [O] [Z].

Sans que la présente décision ne comporte de préjugement quant aux responsabilités et garanties encourues, il convient de faire droit à la demande.

La présente décision n’entraîne pas de modification de la mission impartie à l’expert. Elle ne nécessite pas de consignation complémentaire, sous réserve de la demande que l’expert pourrait formuler.

Sur la demande de communication de pièces :

La SMABTP ès qualité d’assureur des sociétés ADAM et ALM REALISATION sollicite la condamnation des sociétés ETBA THOMAS, GOLDFINGER et ANCO à produire leurs attestations d’assurance responsabilité civile et décennale pour les années 2017 à 2022, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la date de l’ordonnance à intervenir.

La société GOLDFINGER a produit ses attestations d’assurance MAF pour les années 2017 à 2023, la demande à son encontre est dès lors sans objet.

Les sociétés ETBA THOMAS et ANCO n’ayant pas satisfait à cette demande, il y a lieu de leur enjoindre de communiquer leurs attestations d’assurance responsabilité civile et décennale pour les années 2017 à 2022, dans le délai de 1 mois à compter de la signification de la présente ordonnance, passé lequel courra à leur encontre une astreinte provisoire de 50€ par jour de retard pendant deux mois.

À ce stade de la procédure, et alors que la question du fond reste entière, les dépens seront laissés à la charge de la SMABTP ès qualité d’assureur des sociétés ADAM et ALM REALISATION, sauf à les inclure dans son éventuel préjudice global.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux, statuant par ordonnance contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et susceptible d’appel ;

CONSTATE l’intervention volontaire du syndicat des copropriétaires de la [12],

DIT que les opérations d’expertise confiées à Monsieur [O] [Z]  par ordonnance de référé du 11 juillet 2022 seront communes et opposables à la société GOLDFINGER, à la société ETBA THOMAS et à la société ANCO qui seront tenues d’y participer ;

DIT que les opérations d’expertise seront reprises en présence de ces nouvelles parties, et qu’elles seront convoquées à toute réunion d’expertise ultérieure ;

DIT n’y avoir lieu à modifier la mission impartie à l’expert ;

DIT n’y avoir lieu en l’état à consignation complémentaire ;

DIT que la présente décision sera caduque dans l’hypothèse où l’expert aurait déjà déposé son rapport ;

DIT que les sociétés ETBA THOMAS et ANCO devront communiquer leurs attestations d’assurance responsabilité civile et décennale pour les années 2017 à 2022, dans le délai de 1 mois à compter de la signification de la présente ordonnance, passé lequel courra à leur encontre une astreinte provisoire de 50€ par jour de retard pendant deux mois.

DIT que la SMABTP ès qualité d’assureur des sociétés ADAM et ALM REALISATION conservera à sa charge les frais de la présente procédure, sauf à les inclure dans son éventuel préjudice global.

La présente décision a été signée par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente, et par Charlène PALISSE, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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