Si une photographie de produit n’est pas protégée par les droits d’auteur, en raison d’une absence d’originalité, reste au titulaire des droits l’action en parasitisme. Cette dernière ne prospère que si la photographie fait l’objet d’une commercialisation payante.
La photographie vise à mettre en valeur les aliments par différents moyens techniques relevant d’un savoir-faire de photographe. Le choix de poser neuf fromages sur un plat en osier sur table en bois, devant des verres et des couverts est banal et ne témoigne ni d’une mise en scène ni d’un effort créatif particuliers. S’agissant du cadrage du sujet et de la captation de lumières mettant en valeur le produit, il s’agit du savoir-faire technique du photographe culinaire consistant dans la mise en valeur de différentes textures ne réagissant pas à la luminosité de la même manière ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’article de presse sur le développement de la photographie culinaire et non de l’empreinte de sa personnalité, même pris en combinaison avec les choix de mise en scène précités. La photographie en cause n’ouvre donc pas droit à la protection par le droit d’auteur et les demandes présentées sur ce fondement seront par conséquent rejetées, sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen tiré du défaut de titularité des droits sur l’image. En revanche, aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. L’article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Le parasitisme, qui n’exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, n°16-23.694). L’action en parasitisme peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif, et il n’importe pas que les faits incriminés soient matériellement les mêmes que ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif, s’il en résulte une faute (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 juin 2008, n°07-15.050). La caractérisation d’une faute de parasitisme n’exige pas la constatation d’un élément intentionnel (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 13 octobre 2021, n°19-20.504). Sous réserve de leur licéité et de leur loyauté, la preuve des faits de parasitisme peut être rapportée par tout moyen (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 9 janvier 1991, n°89-17.338 ; également chambre commerciale, 12 février 2020, n°17-31.614). Il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mars 2021, n°18-24.373).tant inférieur le coût de ces licences. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne la société Sucré salé qui a constaté que sa photographie culinaire intitulée « Plateau de fromages » était utilisée sans autorisation sur le site internet des sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7]. Après des tentatives de négociation restées sans réponse, la société Sucré salé a assigné les sociétés Battle en contrefaçon de droit d’auteur. Les sociétés Battle ont à leur tour assigné Mme [L] et la société Consortium financier Lasib en intervention forcée. L’affaire a été plaidée en novembre 2023 et un jugement a ordonné aux parties de rencontrer un médiateur. Les prétentions des parties incluent des demandes de réparation de préjudices patrimoniaux et moraux, ainsi que des demandes de condamnation aux dépens.
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→ Les points essentielsSur la demande reconventionnelle en procédure amiable et de réouverture des débatsLes sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] demandent la désignation d’un médiateur ou d’un conciliateur afin de résoudre le litige arguant n’avoir jamais reçu les courriers envoyés par la demanderesse. La société Sucré salé estime avoir fait le nécessaire en vue d’un règlement amiable du litige sans que les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] n’y donne suite. La société Consortium financier Lasib et Mme [L] n’ont pas conclu à ce titre. En application de l’article 131-1 alinéa 1 du code de procédure civile, le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner une médiation. Selon l’article 750-1 du même code, en application de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5000 euros. Aux termes de l’article 803 alinéa 1 du même code, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. Au cas présent, les sommes réclamées par la société Sucré salé excèdent 5000 euros et, une première fois par demande du 29 novembre 2021 les parties ont invitées les parties à procéder par voie de médiation, puis par jugement du 6 décembre 2023 le tribunal les a enjointes de rencontrer un médiateur ; cette injonction s’est soldée par un échec. Le tribunal ne pouvant contraindre les parties à trouver un accord, la demande des sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] sera rejetée, de même que celle de réouverture des débats qui n’est justifiée par aucune cause grave. Sur la demande principale en contrefaçon de droit d’auteurLa société Sucré salé soutient que la photographie litigieuse est originale et porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, lequel lui a transmis ses droits d’auteur, outre qu’elle bénéficie de la présomption de titularité du fait de sa divulgation sous son nom. Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] opposent que la photographie en cause est générique et dépourvue de toute créativité artistique, de même que la demanderesse ne démontre pas être titulaire des droits d’auteur qu’elle invoque. La société Consortium financier Lasib et Mme [L] concluent également à l’absence d’originalité de la photographie invoquée en demande et à l’absence de démonstration par la demanderesse de la titularité des droits d’auteur qu’elle invoque. Selon l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. En application de l’article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. La protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. Au cas présent, la société Sucré salé revendique comme originale la combinaison des caractéristiques suivantes :- “au stade préparatoire, cette photographie révèle un travail de mise en scène : sur une table en bois brut est posé un plat en osier marron sur lequel sont disposés neuf fromages. En arrière plan, l’on peut apercevoir des couverts et des verres. Au stade de la prise de vue, le photographe a choisi un plan centré sur le plateau de fromage. Les matières brutes de la table et du plateau de fromages donnent un caractère rustique à la photographie. Les fromages sont savamment disposés afin de pouvoir être tous distingués. La lumière vient de l’arrière donnant un effet saturé à l’arrière plan. Les couverts et les verres invitent, quant à eux, à une dégustation conviviale et immédiate du plat” (ses conclusions page 6). La photographie vise à mettre en valeur les aliments par différents moyens techniques relevant d’un savoir-faire de photographe. Le choix de poser neuf fromages sur un plat en osier sur table en bois, devant des verres et des couverts est banal et ne témoigne ni d’une mise en scène ni d’un effort créatif particuliers. S’agissant du cadrage du sujet et de la captation de lumières mettant en valeur le produit, il s’agit du savoir-faire technique du photographe culinaire consistant dans la mise en valeur de différentes textures ne réagissant pas à la luminosité de la même manière ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’article de presse sur le développement de la photographie culinaire (pièce n°3 de la société Sucré salé) et non de l’empreinte de sa personnalité, même pris en combinaison avec les choix de mise en scène précités. La photographie en cause n’ouvre donc pas droit à la protection par le droit d’auteur et les demandes présentées sur ce fondement seront par conséquent rejetées, sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen tiré du défaut de titularité des droits sur l’image. Sur la demande subsidiaire en responsabilité délictuelleLa société Sucré salé estime que l’utilisation de la photographie litigieuse, extraite de son catalogue, constitue une appropriation indue de son travail et de ses investissements caractérisant un parasitisme. Elle ajoute que le fait d’utiliser le fruit de son travail, de le détourner à son détriment sans en payer le prix, est, à tout le moins, constitutif d’une faute. Elle considère les captures d’écran qu’elle produit comme suffisamment probantes des faits qu’elle reproche aux défenderesses. Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] contestent toute faute en l’absence de preuve de la demanderesse de son droit de propriété sur la photographie litigieuse et de démonstration des investissements consentis en lien avec cette photographie. Elles estiment que les captures d’écran produites par la demanderesse sont insuffisantes à établir l’authenticité des images reproduites, faute de constat d’huissier, outre qu’à supposer cette photographie comme provenant du catalogue de la demanderesse, il s’agirait d’un incident isolé sans intention fautive. La société Consortium financier Lasib et Mme [L] objectent que la demanderesse ne peut pas qualifier cumulativement un même fait de contrefaçon et de concurrence déloyale parasitaire, outre qu’elle ne justifie pas des prétendus investissements qu’elle allègue. Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. L’article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Le parasitisme, qui n’exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, n°16-23.694). L’action en parasitisme peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif, et il n’importe pas que les faits incriminés soient matériellement les mêmes que ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif, s’il en résulte une faute (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 juin 2008, n°07-15.050). La caractérisation d’une faute de parasitisme n’exige pas la constatation d’un élément intentionnel (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 13 octobre 2021, n°19-20.504). Sous réserve de leur licéité et de leur loyauté, la preuve des faits de parasitisme peut être rapportée par tout moyen (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 9 janvier 1991, n°89-17.338 ; également chambre commerciale, 12 février 2020, n°17-31.614). En l’occurrence, la société Sucré salé démontre par les captures d’écran du 23 juin 2020 qu’elle produit qu’une photographie strictement identique à celle intitulée “Plateau de fromages” qu’elle propose dans son catalogue est reproduite sur le site (pièces Sucré salé n°4-1, 4-2, 5-1 et 5-2). Ce site internet est exploité, indistinctement, par les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] depuis le 20 juillet 2017, date de sa cession par la société Consortium financier Lasib (pièce Sucré salé n°6 et pièces Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] n°2-1 et 2-2). Cette photographie représente une valeur économique puisque sa mise à disposition ne peut se faire que dans le cadre d’une licence payante (ses pièces n°4-2 et 11). Or, en utilisant ce cliché sans autorisation, à des fins de promotion de ses propres produits, les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] se sont placées dans le sillage de la société Sucré salé afin de profiter sans rien dépenser des investissements commerciaux, humains et financiers nécessaires à la constitution de son propre site et qu’elle supporte pour assurer la commercialisation de licences d’utilisation de ses photographies. Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] ont, dès lors, engagé indistinctement leur responsabilité à l’égard de la société Sucré salé pour l’utilisation sans autorisation de cette photographie et seront, en conséquence, tenus à en réparer in solidum les conséquences dommageables. Sur les demandes au titre des mesures réparatricesLa société Sucré salé demande la condamnation des défenderesses à lui payer les revenus manqués du fait de l’utilisation fautive de la photographie litigieuse, les frais générés pour la détection de l’utilisation illicite de cette photographie, le préjudice moral résultant de la dévalorisation du cliché, outre des frais de gestion et des pénalités. Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] réfutent l’existence de tout préjudice, faute de preuve de l’existence de ceux invoqués par la demanderesse. La société Consortium financier Lasib et Mme [L] reprennent les mêmes moyens et arguments à ce titre. Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il en résulte un principe tendant à rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 12 février 2020, n°17-31.614). Il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mars 2021, n°18-24.373). En l’espèce, la société Sucré salé produit au soutien de ses demandes un tableau du coût des licences qu’elle accorde pour l’utilisation des photographies issues de son fonds de commerce (sa pièce n°11). Si les défenderesses critiquent le fait que cette pièce émane de la demanderesse, il sera rappelé, d’une part, que la preuve des faits juridiques peut être rapportée par tout moyen y compris des pièces de la demanderesse (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 13 février 2014, n° 12-16.839), d’autre part, qu’elles-mêmes ne produisent aucune pièce permettant de fixer à un montant inférieur le coût de ces licences. De même, la société Sucré salé a subi un préjudice moral résultant des faits de parasitisme. En revanche, la société Sucré salé ne justifie par aucune pièce de ses prétentions en remboursement de divers frais. En conséquence, les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] seront condamnées in solidum à payer 2000 euros à la société Sucré salé à titre de dommages-intérêts. Sur la demande en résistance abusiveLa société Sucré salé tient pour fautif la résistance des défenderesses à ses différentes demandes, en particulier amiables, l’obligeant à saisir le tribunal. Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] opposent n’avoir jamais reçu les mises en demeure adressées par la demanderesse. La société Consortium financier Lasib et Mme [L] font valoir qu’elles ont répondu à la mise en demeure qui leur a été adressée et qu’elles sont étrangères aux faits litigieux depuis la cession de leur fonds de commerce aux sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7]. Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Le droit d’agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il dégénère en abus constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil lorsqu’il est exercé en connaissance de l’absence totale de mérite de l’action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l’autre partie à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d’obtenir ce que l’on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 octobre 2012, n° 11-15.473). En l’occurrence, il n’est pas démontré que la résistance des défenderesses ait dégénéré en abus de droit, le seul fait de ne pas avoir répondu aux diverses tentatives de règlement amiable de la demanderesse étant à cet égard insuffisant pour le caractériser et la société Sucré salé ne démontre aucun préjudice distinct des frais engagés pour la défense de ses droits, lesquels sont indemnisés au titre des frais non compris Les montants alloués dans cette affaire: – Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] sont condamnées à payer 2000 euros à la société Sucré salé à titre de dommages-intérêts
– Les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] sont condamnées aux dépens – Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] sont condamnées à payer 4000 euros à la société Sucré salé – Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] sont condamnées à payer 2500 euros à la société Consortium financier Lasib – Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] sont condamnées à payer 2500 euros à Mme [B] [L] en application de l’article 700 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Code de procédure civile
– Code de la propriété intellectuelle – Code civil Article 131-1 alinéa 1 du code de procédure civile: Article 750-1 du code de procédure civile: Article 803 alinéa 1 du code de procédure civile: Article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle: Article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle: Article 1240 du code civil: Article 1241 du code civil: Article 9 du code de procédure civile: Article 331 du code de procédure civile: Article 1103 du code civil: Article 1104 du code civil: Article 696 du code de procédure civile: Article 700 du code de procédure civile: Article 514 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Jean-marie LEGER
– Me Antoine LE BRUN – Me Sylvie KONG THONG – Me Pascal LAVISSE |
→ Mots clefs associés & définitions– Motivation
– Procédure amiable – Réouverture des débats – Médiation – Conciliation – Ordonnance de clôture – Contrefaçon de droit d’auteur – Originalité – Titularité des droits d’auteur – Responsabilité délictuelle – Parasitisme – Préjudice – Mesures réparatrices – Dommages-intérêts – Résistance abusive – Garantie – Dépens – Article 700 du code de procédure civile – Exécution provisoire – Motivation: Ensemble des facteurs internes et externes qui poussent un individu à agir dans un certain sens.
– Procédure amiable: Procédure visant à régler un litige à l’amiable, sans recourir à une décision de justice. – Réouverture des débats: Possibilité de demander à reprendre les débats lors d’un procès pour apporter de nouveaux éléments. – Médiation: Processus de résolution des conflits impliquant l’intervention d’un tiers neutre pour aider les parties à trouver un accord. – Conciliation: Processus de résolution des conflits impliquant l’intervention d’un tiers pour faciliter le dialogue entre les parties. – Ordonnance de clôture: Décision du juge mettant fin à la phase de débats lors d’un procès. – Contrefaçon de droit d’auteur: Utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par le droit d’auteur. – Originalité: Caractère distinctif et créatif d’une œuvre permettant sa protection par le droit d’auteur. – Titularité des droits d’auteur: Droit exclusif détenu par l’auteur d’une œuvre sur celle-ci. – Responsabilité délictuelle: Responsabilité civile résultant d’un acte illicite causant un préjudice à autrui. – Parasitisme: Pratique consistant à tirer profit de la notoriété ou du travail d’autrui de manière déloyale. – Préjudice: Dommage subi par une personne du fait d’un acte illicite ou d’une faute commise par autrui. – Mesures réparatrices: Mesures visant à réparer le préjudice subi par la victime d’un dommage. – Dommages-intérêts: Somme d’argent versée à la victime d’un préjudice pour compenser le dommage subi. – Résistance abusive: Refus injustifié de se conformer à une décision de justice. – Garantie: Engagement pris par une partie de répondre de l’exécution d’une obligation contractuelle. – Dépens: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire et qui peuvent être mis à la charge de la partie perdante. – Article 700 du code de procédure civile: Disposition permettant au juge d’allouer une somme d’argent à la partie gagnante pour ses frais de justice. – Exécution provisoire: Possibilité de mettre en œuvre une décision de justice avant même qu’elle ne soit définitive. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 21/06768
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Le
Expédition exécutoire délivrée à :
– Me Le Brun, NA702
– Me Kong Thong, L0069
Copie certifiée conforme délivrée à :
– Me Leger, D2159
■
3ème chambre
3ème section
N° RG : 21/06768
N° Portalis : 352J-W-B7F-CUN4A
N° MINUTE :
Assignation du :
25 janvier 2021
et 10 janvier 2022
JUGEMENT
rendu le 29 mai 2024
DEMANDERESSE
La société SUCRE SALE
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée Me Jean-marie LEGER de la SELEURL LEGI-ART, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire D2159
DÉFENDERESSES
La société CONSORTIUM FINANCIER LASIB (CFL)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Madame [B] [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentées par Me Antoine LE BRUN de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire NA702
Décision du 29 mai 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG : 21/06768 N° Portalis : 352J-W-B7F-CUN4A
La société BATTLE [Localité 8]
[Adresse 9]
[Localité 3]
S.A.R.L. BATTLE [Localité 7]
[Adresse 9]
[Localité 3]
représentées par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire L0069 et Me Pascal LAVISSE, avocat au barreau d’Orléans, avocat plaidant
____________________________
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Anne BOUTRON, vice-présidente
Linda BOUDOUR, juge
assistés de Lorine MILLE, greffière,
DÉBATS
A l’audience du 22 novembre 2023, tenue en audience publique devant Anne BOUTRON et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition le 27 mars 2024.
Le délibéré a été prorogé en dernier lieu au 29 mai 2024.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
____________________________
La société Sucré salé déclare exploiter une banque de photographies culinaires pour lesquelles elle délivre des licences d’utilisation à partir de son site www.photocuisine.fr, parmi lesquelles la photographie n° 60238689 intitulée “Plateau de fromages”.
Les sociétés à responsabilité limitée Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] se présentent comme des sociétés sœurs constituées en vue du rachat de deux fonds de commerce d’exploitation de salles de bowling, dont l’une est située à [Localité 8] et l’autre à [Localité 7].
La cession de ces fonds, comprenant notamment le site internet www.bowlingstriky.fr, a été consentie le 20 juillet 2017 par Madame [B] [L], divorcée [U], aujourd’hui gérante de la société Consortium financier Lasib.
La société Sucré salé expose avoir constaté que la photographie intitulée “Plateau de fromages” référencée sous le n°69238689 était utilisée sans son autorisation sur le site internet www.bowlingstriky.fr.
Par courrier du 23 juin 2020, la société Sucré salé indique avoir réclamé le paiement des sommes qu’elle estimait dues en contrepartie de l’exploitation de la photographie litigieuse et avoir réitéré sa demande le 14 août 2020 sans qu’il n’y soit donné suite. Les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] contestent cependant toute tentative de négociation amiable faute d’avoir reçu lesdites lettres qui n’ont pas été envoyées à l’adresse de leur siège social.
Par acte d’huissier du 25 janvier 2021, la société Sucré Salé a fait assigner les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] en contrefaçon de droit d’auteur.
Par acte d’huissier du 10 janvier 2022, les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] ont fait assigner Mme [L] et la société Consortium financier Lasib en intervention forcée.
L’instruction de l’affaire a été clôturée par une ordonnance du 16 février 2023 et l’affaire plaidée à l’audience du 22 novembre 2023.
Par jugement du 6 décembre 2023, le tribunal a enjoint les parties à rencontrer un médiateur.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, la société Sucré salé a demandé au tribunal de :à titre principal,
– rejeter l’intégralité des demandes et prétentions des sociétés Battle [Localité 7], Battle [Localité 8], Consortium financier Lasib et Mme [L] à son encontre
– dire et juger que les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] ont commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur à son préjudice en reproduisant sans son autorisation sur son site la photographie n° 60238689 “Plateau de fromages”
à titre subsidiaire,
– juger que la reproduction intégrale sans autorisation par les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8], pour l’illustration de leur site, d’une photographie commercialement exploitée par elle, constitue un comportement parasitaire fautif engageant sa responsabilité civile
en tout état de cause,
– condamner solidairement les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] à lui payer :
> 2736 euros, en réparation de ses préjudices patrimoniaux
> 3000 euros, en réparation de ses préjudices moraux
> 3000 euros au titre de leur résistance abusive
> une indemnité de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– les condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2023, les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] ont demandé au tribunal de :- déclarer la société Sucré salé, Mme [L] et la société Consortium financier Lasib mal fondées en leurs demandes, fins, moyens et prétentions à leur encontre, les en débouter
– les déclarer recevables et bien fondées en leurs demandes, y faire droit et en conséquence :
> ordonner avant dire droit une conciliation judiciaire ou à tout le moins la mise en place d’une médiation, ainsi que la suspension des débats
> en cas de refus, ordonner la réouverture des débats
> déclarer la société Sucré salé mal fondée en ses demandes, l’en débouter intégralement
> déclarer n’y avoir lieu à exécution provisoire et débouter la partie adverse de sa demande en ce sens
> déclarer recevable l’appel en cause formé à l’encontre de Mme [B] [L]
> condamner Mme [L] et la société Consortium financier Lasib, en tout état de cause et sans que cela constitue une reconnaissance du bien- fondé des demandes de la société Sucré salé, à les garantir intégralement contre toute condamnation pécuniaire éventuelle qui pourrait être prononcée contre elles par le tribunal
> condamner solidairement la société Sucré salé, Mme [L] et la société Consortium financier Lasib à leur payer 5750 euros sur le fondement de l’article 700 CPC
> condamner la société Sucré salé, Mme [L] et la société Consortium financier Lasib aux entiers dépens, avec bénéfice de l’article 699 CPC au profit de Maître Sylvie Kong Thong (AARPI Olivier – Kong Thong).
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 décembre 2022, Mme [L] et la société Consortium Financier Lasib ont demandé au tribunal de :- dire irrecevable et mal fondée l’assignation en intervention forcée délivrée à la requête des sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8]
– dire la société Sucré salé irrecevable et mal fondée en ses demandes
– rejeter l’intégralité des demandes présentées par les sociétés Sucré salé, [Adresse 6]
– condamner les sociétés Sucré salé, Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] à verser 2600 euros à chacune d’elle au titre des frais irrépétibles
– condamner les sociétés Sucré salé, Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] aux entiers dépens.
I – Sur la demande reconventionnelle en procédure amiable et de réouverture des débats
Moyens des parties
Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] demandent la désignation d’un médiateur ou d’un conciliateur afin de résoudre le litige arguant n’avoir jamais reçu les courriers envoyés par la demanderesse.
La société Sucré salé estime avoir fait le nécessaire en vue d’un règlement amiable du litige sans que les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] n’y donne suite.
La société Consortium financier Lasib et Mme [L] n’ont pas conclu à ce titre.
Réponse du tribunal
En application de l’article 131-1 alinéa 1 du code de procédure civile, le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner une médiation.
Selon l’article 750-1 du même code, en application de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5000 euros.
Aux termes de l’article 803 alinéa 1 du même code, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Au cas présent, les sommes réclamées par la société Sucré salé excèdent 5000 euros et, une première fois par demande du 29 novembre 2021 les parties ont invitées les parties à procéder par voie de médiation, puis par jugement du 6 décembre 2023 le tribunal les a enjointes de rencontrer un médiateur ; cette injonction s’est soldée par un échec.
Le tribunal ne pouvant contraindre les parties à trouver un accord, la demande des sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] sera rejetée, de même que celle de réouverture des débats qui n’est justifiée par aucune cause grave.
II – Sur la demande principale en contrefaçon de droit d’auteur
Moyens des parties
La société Sucré salé soutient que la photographie litigieuse est originale et porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, lequel lui a transmis ses droits d’auteur, outre qu’elle bénéficie de la présomption de titularité du fait de sa divulgation sous son nom.
Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] opposent que la photographie en cause est générique et dépourvue de toute créativité artistique, de même que la demanderesse ne démontre pas être titulaire des droits d’auteur qu’elle invoque.
La société Consortium financier Lasib et Mme [L] concluent également à l’absence d’originalité de la photographie invoquée en demande et à l’absence de démonstration par la demanderesse de la titularité des droits d’auteur qu’elle invoque.
Réponse du tribunal
Selon l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
En application de l’article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
La protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue.
Au cas présent, la société Sucré salé revendique comme originale la combinaison des caractéristiques suivantes :- “au stade préparatoire, cette photographie révèle un travail de mise en scène : sur une table en bois brut est posé un plat en osier marron sur lequel sont disposés neuf fromages. En arrière plan, l’on peut apercevoir des couverts et des verres.
Au stade de la prise de vue, le photographe a choisi un plan centré sur le plateau de fromage. Les matières brutes de la table et du plateau de fromages donnent un caractère rustique à la photographie. Les fromages sont savamment disposés afin de pouvoir être tous distingués. La lumière vient de l’arrière donnant un effet saturé à l’arrière plan. Les couverts et les verres invitent, quant à eux, à une dégustation conviviale et immédiate du plat” (ses conclusions page 6).
La photographie vise à mettre en valeur les aliments par différents moyens techniques relevant d’un savoir-faire de photographe. Le choix de poser neuf fromages sur un plat en osier sur table en bois, devant des verres et des couverts est banal et ne témoigne ni d’une mise en scène ni d’un effort créatif particuliers.
S’agissant du cadrage du sujet et de la captation de lumières mettant en valeur le produit, il s’agit du savoir-faire technique du photographe culinaire consistant dans la mise en valeur de différentes textures ne réagissant pas à la luminosité de la même manière ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’article de presse sur le développement de la photographie culinaire (pièce n°3 de la société Sucré salé) et non de l’empreinte de sa personnalité, même pris en combinaison avec les choix de mise en scène précités.
La photographie en cause n’ouvre donc pas droit à la protection par le droit d’auteur et les demandes présentées sur ce fondement seront par conséquent rejetées, sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen tiré du défaut de titularité des droits sur l’image.
III – Sur la demande subsidiaire en responsabilité délictuelle
Moyens des parties
La société Sucré salé estime que l’utilisation de la photographie litigieuse, extraite de son catalogue, constitue une appropriation indue de son travail et de ses investissements caractérisant un parasitisme. Elle ajoute que le fait d’utiliser le fruit de son travail, de le détourner à son détriment sans en payer le prix, est, à tout le moins, constitutif d’une faute. Elle considère les captures d’écran qu’elle produit comme suffisamment probantes des faits qu’elle reproche aux défenderesses.
Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] contestent toute faute en l’absence de preuve de la demanderesse de son droit de propriété sur la photographie litigieuse et de démonstration des investissements consentis en lien avec cette photographie. Elles estiment que les captures d’écran produites par la demanderesse sont insuffisantes à établir l’authenticité des images reproduites, faute de constat d’huissier, outre qu’à supposer cette photographie comme provenant du catalogue de la demanderesse, il s’agirait d’un incident isolé sans intention fautive.
La société Consortium financier Lasib et Mme [L] objectent que la demanderesse ne peut pas qualifier cumulativement un même fait de contrefaçon et de concurrence déloyale parasitaire, outre qu’elle ne justifie pas des prétendus investissements qu’elle allègue.
Réponse du tribunal
Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Le parasitisme, qui n’exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, n°16-23.694).
L’action en parasitisme peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif, et il n’importe pas que les faits incriminés soient matériellement les mêmes que ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif, s’il en résulte une faute (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 juin 2008, n°07-15.050).
La caractérisation d’une faute de parasitisme n’exige pas la constatation d’un élément intentionnel (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 13 octobre 2021, n°19-20.504).
Sous réserve de leur licéité et de leur loyauté, la preuve des faits de parasitisme peut être rapportée par tout moyen (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 9 janvier 1991, n°89-17.338 ; également chambre commerciale, 12 février 2020, n°17-31.614).
En l’occurrence, la société Sucré salé démontre par les captures d’écran du 23 juin 2020 qu’elle produit qu’une photographie strictement identique à celle intitulée “Plateau de fromages” qu’elle propose dans son catalogue est reproduite sur le site (pièces Sucré salé n°4-1, 4-2, 5-1 et 5-2). Ce site internet est exploité, indistinctement, par les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] depuis le 20 juillet 2017, date de sa cession par la société Consortium financier Lasib (pièce Sucré salé n°6 et pièces Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] n°2-1 et 2-2).
Cette photographie représente une valeur économique puisque sa mise à disposition ne peut se faire que dans le cadre d’une licence payante (ses pièces n°4-2 et 11).
Or, en utilisant ce cliché sans autorisation, à des fins de promotion de ses propres produits, les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] se sont placées dans le sillage de la société Sucré salé afin de profiter sans rien dépenser des investissements commerciaux, humains et financiers nécessaires à la constitution de son propre site et qu’elle supporte pour assurer la commercialisation de licences d’utilisation de ses photographies.
Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] ont, dès lors, engagé indistinctement leur responsabilité à l’égard de la société Sucré salé pour l’utilisation sans autorisation de cette photographie et seront, en conséquence, tenus à en réparer in solidum les conséquences dommageables.
IV – Sur les demandes au titre des mesures réparatrices
Moyens des parties
La société Sucré salé demande la condamnation des défenderesses à lui payer les revenus manqués du fait de l’utilisation fautive de la photographie litigieuse, les frais générés pour la détection de l’utilisation illicite de cette photographie, le préjudice moral résultant de la dévalorisation du cliché, outre des frais de gestion et des pénalités.
Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] réfutent l’existence de tout préjudice, faute de preuve de l’existence de ceux invoqués par la demanderesse.
La société Consortium financier Lasib et Mme [L] reprennent les mêmes moyens et arguments à ce titre.
Réponse du tribunal
Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il en résulte un principe tendant à rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 12 février 2020, n°17-31.614).
Il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mars 2021, n°18-24.373).
En l’espèce, la société Sucré salé produit au soutien de ses demandes un tableau du coût des licences qu’elle accorde pour l’utilisation des photographies issues de son fonds de commerce (sa pièce n°11). Si les défenderesses critiquent le fait que cette pièce émane de la demanderesse, il sera rappelé, d’une part, que la preuve des faits juridiques peut être rapportée par tout moyen y compris des pièces de la demanderesse (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 13 février 2014, n° 12-16.839), d’autre part, qu’elles-mêmes ne produisent aucune pièce permettant de fixer à un montant inférieur le coût de ces licences.
De même, la société Sucré salé a subi un préjudice moral résultant des faits de parasitisme.
En revanche, la société Sucré salé ne justifie par aucune pièce de ses prétentions en remboursement de divers frais.
En conséquence, les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] seront condamnées in solidum à payer 2000 euros à la société Sucré salé à titre de dommages-intérêts.
V – Sur la demande en résistance abusive
Moyens des parties
La société Sucré salé tient pour fautif la résistance des défenderesses à ses différentes demandes, en particulier amiables, l’obligeant à saisir le tribunal.
Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] opposent n’avoir jamais reçu les mises en demeure adressées par la demanderesse.
La société Consortium financier Lasib et Mme [L] font valoir qu’elles ont répondu à la mise en demeure qui leur a été adressée et qu’elles sont étrangères aux faits litigieux depuis la cession de leur fonds de commerce aux sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7].
Réponse du tribunal
Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le droit d’agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il dégénère en abus constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil lorsqu’il est exercé en connaissance de l’absence totale de mérite de l’action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l’autre partie à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d’obtenir ce que l’on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 octobre 2012, n° 11-15.473).
En l’occurrence, il n’est pas démontré que la résistance des défenderesses ait dégénéré en abus de droit, le seul fait de ne pas avoir répondu aux diverses tentatives de règlement amiable de la demanderesse étant à cet égard insuffisant pour le caractériser et la société Sucré salé ne démontre aucun préjudice distinct des frais engagés pour la défense de ses droits, lesquels sont indemnisés au titre des frais non compris dans les dépens.
La demande à ce titre de la société Sucré salé sera, en conséquence, rejetée.
VI – Sur la demande reconventionnelle en garantie
Moyens des parties
Les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] réclament la garantie de la société Consortium financier Lasib et Mme [L] compte tenu que la photographie litigieuse figurait sur le site internet qu’elles ont acquis en 2017, que les copies d’écran produites par la demanderesse sont datées de 2017, en sorte que tant la société Consortium financier Lasib que Mme [L] sont à l’origine de la présence de la photographie litigieuse sur leur site internet, leur garantie leur étant due de ce fait.
La société Consortium financier Lasib et Mme [L] soutiennent que les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] n’indiquent aucun fondement relatif à la responsabilité personnelle de Mme [L], n’étant pas intervenue personnellement aux actes de cessions des fonds de commerce, qu’aucun document ne démontre que l’insertion de la photographie litigieuse serait antérieure à la date de la cession et que les actes de cession ont exclu la garantie du cédant.
Réponse du tribunal
Conformément à l’article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal.Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense.
En application des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Au cas présent, par contrats du 20 juillet 2017, les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] ont acquis leurs fonds de commerce de bowling des sociétés Consortium financier Lasib, Sportif Bowling et Excel Bowling, incluant le site internet www.bowlingstriky.fr. Ces contrats ont été signés par Mme [L], en tant que représentante de ces sociétés.
Les copies d’écran produites par la société Sucré salé pour fonder sa demande dirigée contre les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] sont datées du 23 juin 2020. Si l’une de ces pièces mentionne dans son adresse URL “buffet-strike-2017”, cette mention est insuffisante à démontrer que l’insertion de la photographie litigieuse serait antérieure au 20 juillet 2017, date de la cession des fonds de commerce incluant le site internet litigieux par la société Consortium financier Lasib aux sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] (pièces Sucré salé n°4-1, 4-2, 5-1, 5-2 et 6 et pièces Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] n°2-1 et 2-2).
La demande en garantie des sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] sera, en conséquence, rejetée.
VII – Sur les demandes accessoires
VII.1 – S’agissant des dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
Les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7], parties perdantes à l’instance, seront condamnées aux dépens.
VII.2 – S’agissant de l’article 700 du code de procédure civile
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7], parties tenues aux dépens, seront condamnées in solidum à payer 4000 euros à la société Sucré salé, 2500 euros à la société Consortium financier Lasib et 2500 à Mme [L] à ce titre.
VII. 3 – S’agissant de l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.
Le tribunal,
Rejette les demandes des sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] de désignation d’un médiateur ou d’un conciliateur et de réouverture des débats ;
Déboute la société Sucré salé de ses demandes en contrefaçon de droit d’auteur ;
Condamne, in solidum, les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] à payer 2000 euros à la société Sucré salé à titre de dommages-intérêts;
Déboute la société Sucré salé du surplus de ses demandes indemnitaires et de sa demande en résistance abusive ;
Rejette la demande en garantie des sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] à l’encontre de la société Consortium financier Lasib et Mme [B] [L] ;
Condamne les sociétés Battle [Localité 8] et Battle [Localité 7] aux dépens ;
Condamne, in solidum, les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 8] à payer 4000 euros à la société Sucré salé, 2500 euros à la société Consortium financier Lasib et 2500 euros à Mme [B] [L] en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 29 Mai 2024
La greffièreLe président
Lorine MilleJean-Christophe Gayet