Exploitation de l’image d’Isabelle Adjani : pas d’extension de procédure collective

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Exploitation de l’image d’Isabelle Adjani : pas d’extension de procédure collective

L’extension d’une procédure collective entre deux personnes ne peut être prononcée judiciairement en l’absence de flux financiers anormaux.

Irrégularité de procédure

La société exploitant l’image d’Isabelle Adjani a finalement obtenu gain de cause en échappant à une extension de procédure collective. En l’espèce du fait de l’intervention de la société, en qualité d’intermédiaire dans le processus de remboursement entre Melle Adjani, le gérant et la société, il n’existait pas de flux financiers entre le gérant et la société, la confusion de patrimoine n’était donc pas établie.

Rapport du juge-commissaire

L’article R 662-12 du code de commerce dispose dans son premier alinéa que le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L 653-8.

Cet article ne mentionne pas expressément l’action en extension de la procédure collective, cependant en visant tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L 653-8, il impose un tel rapport dès lors que celui ci est de nature à apporter au tribunal des éléments en fait et en droit, lui permettant de statuer sur les demandes dont il est saisi sur le fondement de l’article R 662-12, ce qui est le cas en matière d’extension d’une procédure de liquidation judiciaire.

En l’espèce il ne ressort pas du jugement déféré que le juge commissaire à la procédure collective de la société ait établi un rapport. Dans la mesure où cette formalité est substantielle, le jugement a été annulé.

L’action en extension de la procédure collective

L’article L 621-2 du code de commerce dispose qu’ à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. Le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent pour ces demandes.

La confusion des patrimoines

Il résulte de la jurisprudence que la confusion des patrimoines repose sur deux critères alternatifs, soit celui de la confusion des comptes qui supposent une imbrication des éléments d’actifs et passifs composant les patrimoines, soit l’existence de relations financières anormales entre la société débitrice et la personne à laquelle la confusion des patrimoines est opposée.

Les relations financières anormales se définissent comme des transferts patrimoniaux, entrainant un déséquilibre patrimonial significatif, transferts non justifiés par une obligation juridique ou dépourvues d’intérêt pour l’appauvri.

Dans le cadre de ce contrat, pour confirmer le jugement de première instance ayant étendu la liquidation judiciaire de la société, a retenu que la disproportion de facturation dans un contexte où la même personne dirigeait les deux structures sociales, la passation d’un contrat de prestations entre ces deux mêmes structures, en violation des textes applicables aux conventions réglementées, ajoutées au fait qu’il faisait régler des prestations à titre personnel à son concubin, non prévues par le contrat, pour un montant de 40.000 euros, et au fait qu’il faisait supporter les dépenses personnelles de Melle Adjani par la société, le tout dans une totale opacité puisque plus personne n’avait accès aux comptes, ni aux documents administratifs, constituaient un ensemble concordant d’indices caractérisant l’existence de relations financières anormales constitutives d’une confusion des patrimoines.

Cependant, pour ordonner l’extension d’une procédure collective entre deux personnes il convient de caractériser des flux financiers anormaux entre ces deux personnels, flux financiers qui sont la preuve d’une confusion de patrimoines justifiant l’extension, et non seulement de caractériser des relations financières anormales.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 19 MAI 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09715 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXB6

Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation rendu le 29 mai 2019 par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, sur pourvoi d’un arrêt du 27 mars 2018 par le pôle 5 chambre 8 de la Cour d’Appel de PARIS, sur appel d’un jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 14 septembre 2017

APPELANT

Monsieur F X

né le […] à Suresnes

[…]

[…]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représenté par Me Hélène LADIRE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant

INTIMEE

S.E.L.A.F.A. MJA, en la personne de Me Valérie LELOUP-THOMAS

en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés J K, E et de Monsieur F X

102 rue du Faubourg Saint-Denis

[…]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, avocat postulant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 804 et suivants du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 février 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente Madame Déborah CORICON, Conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de: Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Anne Sophie TEXIER, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière.

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Exposé des faits et de la procédure

La SARL J K est une société créée en 2005 et ayant pour objet principal l’exploitation exclusive de l’image de Madame ISABELLE A., et des droits de propriété intellectuelle y afférents.

La SAS E est une société créée en 2007 a pour activité, le conseil aux entreprises en matière d’organisation, de gestion et de réduction des coûts. Elle est dirigée par Monsieur F X.

Par assemblée générale du 2.05.2011 M. X était nommé gérant d’lSIA, en remplacement du fils de Mme Y moyennant le paiement d’une indemnité de gérance mensuelle de 1200 euros.

Un contrat de prestations de services a été signé entre la société J, par Monsieur X en qualité de gérant, et la société E, par Monsieur X en qualité de gérant, le 20.05.2011, la société E s’engageant à réaliser, pour le compte de la société J K diverses prestations de conseil, d’assistance en matière organisationnelle et de gestion. Il était précisé au contrat que celui ci serait exécuté principalement par Monsieur H A pour le compte de E.

Pendant la gérance de M. X, c’est-à-dire du 2 mai 201 1 au 27 juillet 2012, la société

J K a versé à la société E une somme de 814 143,64 euros, soit au titre de

prestations de conseil, soit au titre de refacturation de frais. Par ailleurs, M. H A

a reçu de la société J K une somme de 40 000 euros.

M. X a été révoqué de ses fonctions de gérant le 27 juillet 2012.

Par jugement du 01 octobre 2014, le tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard d’lSlA IMAGES, désignant la SELAFA MJA en la personne de Maître LELOUP THOMAS.

Par jugement en date du 14.09.2017, saisi sur requête de la SELAFA MJA, le Tribunal de commerce de PARIS a étendu la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la SARL J K à la SAS E et à Monsieur X.

Par arrêt en date du 27.03.2018, la cour d’appel de PARIS a débouté M. F X et la société E de leur demande de nullité du jugement, dit que la société MJA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société J K, avait qualité pour demander l’extension de la procédure de liquidation judiciaire à M. F X et à la société E, a confirmé le jugement, et ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective, et rejeté les demandes d’indemnité pour frais hors dépens.

Par arrêt en date du 29.05.2019 la Cour de Cassation a déclaré irrecevable le pourvoi de la société E, a cassé et annulé mais seulement en ce qu’il étend à M. X la liquidation judiciaire de la société lsia K, l’arrêt rendu le 27 mars 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris et a remis en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.

Monsieur X a saisi la cour de renvoi par conclusions en date du XXX

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 20.12.2021, Monsieur X demande à la cour:

Déclarer recevable et fondé l’appel formé par Monsieur F X.

Y faisant droit,

A titre principal:

Constater que le Tribunal de commerce de Paris a statué en l’absence de rapport du juge-commissaire ;

En conséquence, d’annuler le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 14 septembre 2017

A titre subsidiaire :

Dire et juger que le débiteur initial n’a pas été régulièrement convoqué;

Dire et juger qu’il n’y a pas de relations financières anormales entre J K et Monsieur X;

Dire et juger qu’il n’y a pas de confusion de comptes entre J K et Monsieur X ;

Dire et juger que la SELAFA MJA ès qualités n’a rapporté aucun élément pour caractériser une confusion de patrimoine entre la société J K et de Monsieur X ;

En conséquence,

Annuler ou, en tout état de cause, infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 14 septembre 2017

Statuant de nouveau ;

Déclarer irrecevables ou, en tout état de cause, mal fondées la SELAFA MJA ès qualités en ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause

Condamner la SELAFA MJA ès qualités à payer 10.000 euros au titre de l’amende civile pour procédure abusive ;

Condamner la SELAFA MJA ès qualités à payer à Monsieur X la somme de 40.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

Condamner la SELAFA MJA ès qualités aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 20.09.2021, la SELAFA MJA demande à la cour de:

-CONFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 14 septembre 2017, en ce qu’il a déclaré recevable et bien fondée la SELAFA MJA prise en la personne de Maître LELOUP-THOMAS, es qualité de liquidateur dela société J K;

– CONFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 14 septembre 2017 en ce qu’il a dit que les conditions de l’extension de la procédure de liquidation ouverte le 1er octobre 2014 par le Tribunal de commerce de PARIS à l’encontre d’J K à Monsieur F X sur le fondement de la confusion de patrimoine sont réunies;

-DEBOUTER Monsieur X de l’ensemble de ses demandes

-CONDAMNER Monsieur X à payer à l’intimé la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du NCPC;

-CONDAMNER l’appelant aux entiers dépens.

Aux termes de son avis signifié par voie électronique le 29.10.2021, le ministère public est d’avis de confirmer le jugement du tribunal de commerce en date du 14.09.2021 en ce qu’il a dit que les conditions de l’extension de la procédure de liquidation ouverte le 1er octobre 2014 par le tribunal de commerce de PARIS à l’encontre d’J K à Monsieur X sur le fondement de la confusion de patrimoine sont réunies, et de rejeter la demande de dommages et intérêts pour demande abusive de Monsieur X.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du jugement

Monsieur X expose qu’aux termes de l’article R 662-12 alinéa 1 du Code de commerce le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire, que la Jurisprudence retient que le rapport est une formalité substantielle de validité du jugement rendu par le Tribunal, qu’en l’espèce il ne résulte ni du jugement, ni d’aucune autre pièce, que cette formalité a été respectée, y compris par le biais d’une présentation orale.

En réponse aux moyens de la défenderesse et du ministère public qui soutiennent que l’extension n’est pas compris dans l’énumération limitative de l’article R 662-12 du code de commerce il soutient que les situations dans lesquelles le rapport du juge commissaire est un pré-requis ne sont pas limitativement énumérées et que les termes ‘sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire’ excluent en effet une énumération limitative mais qu’en outre il ressort de la jurisprudence l’application de l’article R 662-12 du code de commerce à la procédure en extension du redressement judiciaire.

La SELAFA MJA expose que les dispositions de l’article R 662-12 du code de commerce ne sont pas applicables aux décisions d’extension de la liquidation judiciaire conformément à l’énumération limitative de l’article R 662-12.

Elle expose que si il était retenu la nécessité d’un rapport celui-ci peut être oral.

Et elle conclut qu’en tout état de cause Monsieur X n’établit pas que l’absence de ce rapport lui ferait grief.

Le ministère public conclut dans le même sens.

Sur ce

L’article R 662-12 du code de commerce dispose dans son premier alinéa que le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L 653-8.

Cet article ne mentionne pas expressement l’action en extension de la procédure collective, cependant en visant tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L 653-8, il impose un tel rapport dès lors que celui ci est de nature à apporter au tribunal des éléments en fait et en droit, lui permettant de statuer sur les demandes dont il est saisi sur le fondement de l’article R 662-12, ce qui est le cas en matière d’extension d’une procédure de liquidation judiciaire.

En l’espèce il ne ressort pas du jugement déféré que le juge commissaire à la procédure collective de la société J K ait établi un rapport.

Dans la mesure où cette formalité est substantielle, le jugement doit être annulé.

Compte tenu de l’effet dévolutif la cour est saisie de l’entier litige et doit statuer sur la demande d’extension.

Sur la demande d’extension

Monsieur X expose que le débiteur initial n’a pas été convoqué à l’audience pour être entendu sur la demande d’extension et qu’en conséquence la demande du liquidateur sera déclarée irrecevable.

Il soutient qu’il n’existe aucune confusion de compte mais qu’au regard de l’interdiction bancaire de Melle Y il n’a pas souhaité en tant que gérant lui confier une carte bancaire sur le compte de la société, et a fait le choix de lui remettre une carte sur son propre compte et de refacturer ensuite à la société J les dépenses effectuées par Melle Y qui constituaient des dépenses professionnelles devant être prises en charge par la société J, que les dépenses de Melle Y sont clairement identifiées sur les relevés de compte L M produits, qu’il n’existe donc aucune confusion de comptes.

Il indique que la doctrine et la jurisprudence retiennent que les relations anormales doivent exister entre la personne dont il s’agit d’étendre la procédure et la personne visée par l’extension et que si la procédure vise une personne physique, les relations qualifiées d’anormales entre ladite société et une autre société dont la personne physique était l’associé ne peuvent à elles seules fonder l’extension contre ladite personne physique, qu’enfin, la jurisprudence exige des juges qui retiennent la confusion des patrimoines qu’ils expliquent en quoi les opérations qualifiées d’anormales sont contraires à l’objet social de la personne morale en procédure collective en vue d’une extension, qu’en l’espèce, l’examen du Jugement fait apparaître que la quasi-intégralité des motifs du jugement concerne l’extension de la liquidation judiciaire d’J K à E, que l’extension de la liquidation judiciaire à l’encontre personnelle de Monsieur X est exclusivement motivée sur le fait qu’il y a eu confusion des comptes avec l’utilisation d’une carte « L M  » souscrite par Monsieur X, utilisée par Madame Y, dont les débits ont été refacturés à J K, et que les explications du mandataire judiciaire concernent exclusivement la société E et non F X.

Il souligne que le seul objet du litige porte sur deux refacturations de frais exposés par Melle Y avec la carte personnelle de Monsieur X, ce qui ne caractérise pas la volonté systématique d’imbriquer les patrimoines exigée par la jurisprudence.

La SELAFA MJA expose qu’il y a eu une volonté délibérée et concertée entre Monsieur A et Monsieur X de prélever des sommes ne correspondant à aucune prestation au préjudice de la société J K;

Elle expose qu’en aucun cas l’article L 621-2 alinéa 2 du code de commerce ne soumet la recevabilité de la procédure d’extension à la convocation du débiteur initial, que par contre la décision doit lui être signifiée, qu’en tout état de cause cette demande est invoquée pour la première fois en appel de sorte qu’elle est irrecevable.

Elle expose que l’extension d’une procédure collective peut être fondée sur la confusion

des patrimoines entre plusieurs personnes ou sur la fictivité d’une personne morale, qu’en l’espèce les faits de la présente caractérisent une confusion de patrimoine, que lorsque les éléments qui composent deux ou plusieurs patrimoines sont mêlés de telle façon qu’il

n’est plus possible de distinguer ce qui est propre à chacun, il est justifié d’étendre à toutes les personnes physiques ou morales concernées la liquidation judiciaire prononcée contre l’une d’elles, en raison de l’imbrication née dela confusion des patrimoines, que l’anormalité se déduit de l’absence de toute contrepartie, que contrairement à ce que soutient Monsieur X la cour de cassation ne fait pas référence à une volonté systématique des dirigeants d’imbriquer les patrimoines.

Elle soutient qu’il a été démontré que des flux financiers anormaux ont existé entre la SARL J K et la société E, d’avril 2011 à juillet 2012 dont le dirigeant commun était F X puisque la société J a réglé à la société E, la somme globale de 814143.64 euros TTC au titre de prétendues prestations de conseils et de refacturations de frais ne correspondant à aucun service rendu, caractérisant ainsi des relations financières anormales.

Elle indique qu’il est surprenant que Monsieur X ait proposé que les frais professionnels de Melle Y soient réglés avec une carte sur son compte personnel alors qu’il s’agissait de frais professionnels de Mme Y qui devaient être pris en charge par la société J K, qu’il aurait été plus conforme à l’objet social d’J K de prévoir une carte bancaire à son nom spécialement destinée aux frais professionnels de Melle Y

Le ministère public fait valoir les comportements de Monsieur X qui en tant que dirigeant commun des sociétés J K et E, a obtenu un avantage ne correspondant à aucun service rendu par la société J K, d’un montant de 814.143,64 €, en se prévalant d’une convention de service qui ne repose sur aucun élément concret d’exécution, et a eu un comportement contraire à l’intérêt social d’J K en lui faisant supporter des règlements injustifiés au profit de la société E mais aussi auprès de son concubin M. A qui a bénéficié d’un virement de 40.000€ sans aucune facture et contrepartie en juillet 2012.

Il souligne que dans le cadre du contrôle fiscal de la société J K de 2010, il a été mis en exergue que la société E a facturé 364.357,33€ au titre de remboursements de frais engagés dans l’intérêt de la société J K sans démontrer le lien avec la société J K.

Il fait valoir que M. X a remis à Mme Y sa carte bancaire personnelle, afin d’effectuer des dépenses personnelles et professionnelles, dont le montant lui était ensuite remboursé par la société E, dont il était le dirigeant, laquelle les refacturait ensuite à la société J K, soulignant la complexité et l’ambiguïté d’un tel montage alors qu’il aurait été plus simplement prévoir une carte bancaire au nom d’J K destinée aux frais professionnels de Melle Y, que ce n’est pas la prétendue annulation de la carte qui a conduit à la révocation de M. X de sa qualité de gérant d’lSlA IMAGES, mais la découverte par Mme Y de la situation financière dramatique d’lSIA K, qu’ainsi un faisceau d’indices suffisant permet de caractériser la confusion de patrimoine.

Sur ce

M. X soulève le fait que le débiteur principal n’a pas été convoqué à l’audience statuant sur l’extension, pour conclure à l’irrecevabilité de la demande du liquidateur.

Or, l’irrégularité alléguée de la procédure devant le tribunal de commerce n’a pas d’incidence sur la régularité de la requête saisissant la juridiction, de telle sorte que ce moyen sera rejeté.

L’article L 621-2 du code de commerce dispose qu’ à la demande de l’administrateur, du

mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. Le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent pour ces demandes.

Il résulte de la jurisprudence que la confusion des patrimoines repose sur deux critères alternatifs, soit celui de la confusion des comptes qui supposent une imbrication des éléments d’actifs et passifs composant les patrimoines, soit l’existence de relations financières anormales entre la société débitrice et la personne à laquelle la confusion des patrimoines est opposée. En l’espèce de telles relations doivent être caractérisées entre la société J K et Monsieur X.

Les relations financières anormales se définissent comme des transferts patrimoniaux, entrainant un déséquilibre patrimonial significatif, transferts non justifiés par une obligation juridique ou dépourvues d’intérêt pour l’appauvri.

La société J exerce une activité principale de création et distribution d’oeuvres audiovisuelles avec perceptions des droits d’auteur y afférents, et également:

– une activité de fourniture de conseils, de prestations de services, d’assistance et d’études, l’exécution de tous travaux dans les domaines littéraires, artistiques, musicales, théâtrales et cinématographiques

– l’exploitation, la reproduction, l’utilisation, la diffusion et plus généralement la gestion commerciale exclusive de l’image de Mademoiselle ISABELLE A. et des droits de propriétés intellectuelles y afférents.

La société E aux termes du contrat signé, effectuait pour la société J, des prestations de conseil, d’assistance en matière organisationnelle et de gestion et selon l’annexe détaillé au contrat:

– conseil pour le développement de l’activité d’J K à l’export

– conseil pour le développement du chiffre d’affaires d’J K en France et à l’étranger, notamment au travers de la signature de nouveaux contrats d’image (joaillerie, cosmétiques habillement) ou de nouveaux contrats de production, tant en France qu’à l’étranger,

– conseil à J K dans le cadre de ses relations avec Melle ISABELLE A. et les autres partenaires principaux de la société J K présents ou à venir (notamment et non exclusivement, VMA, LANCEL, B, MA PRODUCTION, etc…)

– conseil relatif à l’organisation des ressources humaines d’J K

– conseil relatif à la gestion financière d’J K.

Dans le cadre de ce contrat la cour d’appel de PARIS, pour confirmer le jugement de première instance ayant étendu la liquidation judiciaire de la société J K à la société E, a retenu que la disproportion de facturation dans un contexte où Monsieur X dirigeait les deux structures sociales, la passation d’un contrat de prestations entre ces deux mêmes structures, en violation des textes applicables aux conventions réglementées, ajoutées au fait qu’il faisait régler des prestations à titre personnel à son concubin, non prévues par le contrat, pour un montant de 40.000 euros, et au fait qu’il faisait supporter les dépenses personnelles de Melle Y par la société J K, le tout dans une totale opacité puisque plus personne n’avait accès aux comptes, ni aux documents administratifs, ainsi qu’il résulte de l’attestation de Mme D, constituent un ensemble concordant d’indices caractérisant l’existence de relations financières anormales constitutives d’une confusion des patrimoines.

Cet arrêt en ce qu’il a étendu la liquidation judiciaire d’J K à E est désormais définitif.

Il ressort des éléments retenus par l’arrêt au titre des relations financières anormales, comme des pièces versées aux débats s’agissant en particulier du redressement fiscal en date du 20.11.2013 pour la période du 1.01.2010 au 31.12.2011 les éléments saillants suivants:

– le montant des facturations de E à J K entre mai 2011 et juillet 2012: plus de 800.000 euros, alors que la réalité du travail effectué était résumée à 6 notes

– le fait que dans ces facturations était inclus la refacturation des frais de déplacement, hôtels, théâtre et de restaurant pour des sommes très importantes supérieures aux sommes payées par la société E

– le fait que l’administration fiscale a remis en cause pour 2011 les frais et prestations facturés par la société E pour 478.501 euros, en retenant qu’aucun document ne permettait de constater la réalité de la prestation soit disant exécutée par la SAS E, et que la société E s’était comportée avec la société J comme une agence de voyage sans lien avec l’activité de la société.

En 2012 la société E en plus des prestations de conseil, a de nouveau facturé des frais à la société J K dont des frais relevant de l’utilisation par Melle Y de la carte L M de Monsieur X comme celui ci le reconnait en page 8 et 9 de ses conclusions:

Les relevés distinguent spécifiquement les sommes dépensées par Melle Y par la mention ‘Opérations pour ISABELLE A.’ pour les périodes et montants suivants (Pièce n°26: extrait du relevé bancaire L M) :

du 8 janvier au 5 février 2012: 14.162,63 € du 8 février au 5 mars 2012 2: 11.437,21 €

du 7 mars au 31 mars 2012:19.259,59 €

du 8 avril au 2 mai 2012 1:8.698,91 €

du 4 mai au 5 juin 2012:1.984,08 €

du 7 juin au 5 juillet 2012 :8.985,46 €

du 6 juillet au 22 juillet 2012: 1.644,83 €

Certaines sommes identifiables comme frais professionnels de Mlle Y (frais de representation ou de déplacement, cadeaux) ont ensuite été refacturées par la société E à la société J K.

(…)

Selon les pièces finalement versées par le liquidateur sous le numéro 30 après deux ans de procédures E a ainsi émis deux factures de refacturation de certains frais engagés par Melle Y de janvier et février 2012 avec ladite carte L M.

(…)

Au regard des montants de ces deux factures -inférieurs à ceux des relevés L M, toutes les dépenses de Melle Y n’ont pas été refacturées à J K.

Ainsi, de son aveu même, Monsieur X mettait à disposition de Melle Y une carte de paiement L M, puis les sommes dépensées par Melle Y à l’aide de ce moyen de payement, qualifiées de frais professionnels, ont été facturées à la société J K par la société E.

En d’autres termes, des dépenses engagées à titre professionnel par Melle Y dans le cadre de l’activité de la société J K, ont été réglées par le gérant de la société, par le biais de sa carte de paiement personnelle L M, qu’il a mis à disposition de Melle Y, frais dont le paiement a été facturé par la société E, dont Monsieur X était également le gérant, à la société J K.

Etant précisé qu’il n’est pas produit aux débats les éléments financiers de refacturation entre Monsieur X et E.

Et qu’il n’est pas soutenu, et donc pas établi, que les dépenses personnelles de Melle Y aient été incluses dans ce circuit de facturation, une procédure ayant été introduite par ailleurs par Monsieur X à l’encontre de Melle Y pour avoir paiement des sommes dépensées à titre personnel.

Les relations financières ainsi décrites apparaissent anormales.

La remise d’une carte de paiement personnel du gérant à l’associée de la société pour régler des frais en relation avec l’activité de la société et donc qualifiés de frais professionnels est difficilement compréhensible dans la mesure où:

– lesdites dépenses peuvent être payées par une carte de paiement au nom de la société

– ou par l’associée qui se fait rembourser les dépenses professionnelles acquittées par elle, étant précisé que Melle Y a été interdite bancaire sur déclaration de LCL en mars 2012 seulement alors que l’utilisation de la carte L M a débuté en janvier 2012, et que cette interdiction bancaire ne peut donc expliquer le circuit de paiement critiqué,

Le circuit de remboursement des dépenses professionnelles effectuée par l’associée, Melle Y, à l’aide de la carte personnelle de paiement de Monsieur X gérant des sociétés J et E,, à la société E, prestataire de service en charge d’une mission de conseil, est curieux dans la mesure où:

– le gérant était en mesure de se faire rembourser directement par la société J des frais payés par lui dans l’intérêt de la société.

– l’intervention comme intermédiaire dans l’opération de remboursement de la société E ne répond à aucune nécessité comptable;

Les explications de Monsieur X qui expose que cette organisation était un moyen de maitriser les dépenses de Melle Y en évitant de lui confier une carte de paiement de la société ne résistent pas à l’examen:

– d’une part si Melle Y faisait preuve d’une certaine prodigalité justifiant qu’il ne lui soit pas remis une carte de paiement de la société J on peine à comprendre pourquoi Monsieur X lui a remis sa carte de paiement personnelle présentant les mêmes risque de dépenses incontrôlées. Au contraire aucune carte de paiement de quelque compte que ce soit n’aurait du lui être remise et les frais professionnels auraient du passer par un autre circuit de paiement intégrant le contrôle du gérant avant que la dépense ne soit effectuée.

– d’autre part les motivations de cette remise de la carte de paiement L M personnelle de Monsieur X à Melle Y ne justifient en aucune façon le fait que le processus de remboursement passe par la société E alors que les remboursements pouvaient parfaitement être effectués par la société à son gérant,

Cependant, pour ordonner l’extension d’une procédure collective entre deux personnes il convient, comme il a été rappelé supra, de caractériser des flux financiers anormaux entre ces deux personnels, flux financiers qui sont la preuve d’une confusion de patrimoines justifiant l’extension, et non seulement de caractériser des relations financières anormales. Or en l’espèce du fait de l’intervention de la société E, en qualité d’intermédiaire dans le processus de remboursement entre Melle Y, Monsieur X et la société J K, il n’existe pas de flux financiers entre Monsieur X et la société J K et la confusion de patrimoine entre Monsieur X et la société J K, n’est donc pas établie.

Il convient en conséquence de débouter la SELAFA MJA de sa demande d’extension.

Sur l’amende civile

Monsieur X conclut à la condamnation du liquidateur au paiement de la somme de 10.000 euros à ce titre.

L’amende civile impose de caractériser un abus du droit d’ester en justice, abus qui n’est pas établi en l’espèce, le fait qu’il ne soit pas fait droit à la demande du mandataire judiciaire en extension de la procédure collective à Monsieur X ne rapportant pas, en lui-même, la preuve dudit abus.

Sur les autres demandes

Il est équitable de laisser chacune des parties supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense.

Les dépens sont passés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

Annule le jugement rendu le 14.09.2017 par le tribunal de commerce de PARIS concernant Monsieur F X

Et statuant à nouveau

Déboute la SELAFA MJA, es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société J K, de sa demande d’extension de la liquidation judiciaire de la société J K à Monsieur F X

Et y ajoutant

Déboute Monsieur X de sa demande de condamnation de la SELAFA MJA, es qualités, à verser une amende civile

Laisse chaque partie supporter la charge des frais irrépétibles par elle exposés,

Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective.

La greffière La présidente


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