Expertise et responsabilité : enjeux d’un diagnostic de performance énergétique

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Expertise et responsabilité : enjeux d’un diagnostic de performance énergétique

L’Essentiel : Le tribunal de Toulouse a désigné un expert dans le cadre d’un litige opposant M. et Mme [K] à la SARL CMD C’MON DIAG et à la SA ALLIANZ IARD. Les demandeurs ont assigné ces parties pour rendre les opérations d’expertise opposables. La SA ALLIANZ IARD a demandé sa mise hors de cause et la production rapide de la police d’assurance de la SARL CMD C’MON DIAG. Le juge a constaté des incohérences dans le diagnostic de performance énergétique, justifiant l’extension de la mission de l’expert. Finalement, le tribunal a rejeté les demandes de mise hors de cause et a ordonné la jonction des procédures.

Contexte de l’affaire

La juridiction des référés de Toulouse a désigné un expert, M. [M] [D], par ordonnance du 16 juin 2023, dans le cadre d’un litige lié à la procédure principale RG n°23/00467 (MI 23/00000846).

Assignation des parties

Le 10 et 12 septembre 2024, M. [L] [K] et Mme [U] [K] ont assigné la SARL CMD C’MON DIAG et la SA ALLIANZ IARD, en tant qu’assureur de la SARL CMD C’MON DIAG, devant le juge des référés pour rendre les opérations d’expertise communes et opposables, tout en demandant le débouté de la SA ALLIANZ IARD de sa demande de mise hors de cause.

Demandes de la SA ALLIANZ IARD

La SA ALLIANZ IARD a demandé sa mise hors de cause et a exigé que la SARL CMD C’MON DIAG produise rapidement sa police d’assurance couvrant sa responsabilité civile professionnelle. Elle a également proposé d’étendre la mission de l’expert pour inclure des vérifications sur le diagnostic de performance énergétique réalisé par la SARL CMD C’MON DIAG.

Position de la SARL CMD C’MON DIAG

La SARL CMD C’MON DIAG, bien qu’assignée, n’a pas comparu ni exprimé sa position sur les demandes formulées, laissant ainsi le juge statuer sans sa contribution.

Analyse du juge sur l’appel en cause

Le juge a constaté que l’expert avait relevé des incohérences dans le diagnostic de performance énergétique, justifiant ainsi l’appel en cause de la SARL CMD C’MON DIAG. La SA ALLIANZ IARD n’a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier l’absence de certification de la SARL CMD C’MON DIAG au moment du diagnostic.

Extension de la mission d’expertise

Le juge a décidé d’étendre la mission de l’expert pour inclure l’étude du diagnostic de performance énergétique, en raison des éléments relevés concernant l’insuffisance d’isolation et les infiltrations d’eau.

Demande de production de pièces

Concernant la demande de production de la police d’assurance, le juge a jugé prématurée la demande d’astreinte et a estimé que la communication de la police d’assurance devait se faire dans le cadre de l’expertise.

Décision finale du tribunal

Le tribunal a ordonné la jonction des procédures, a rejeté les demandes de mise hors de cause comme prématurées, et a étendu les opérations d’expertise. Les demandeurs ont été condamnés aux dépens, tandis que la SA ALLIANZ IARD a été déboutée de sa demande de production de la police d’assurance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du code de procédure civile dans le cadre de la demande d’expertise ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« Peuvent être ordonnées en référé, toutes mesures légalement admissibles chaque fois qu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. »

Dans le cas présent, la demande d’expertise formulée par M. [L] [K] et Mme [U] [K] repose sur la nécessité d’établir des éléments de preuve concernant le diagnostic de performance énergétique réalisé par la SARL CMD C’MON DIAG.

L’expert désigné, M. [M] [D], a relevé des anomalies dans le diagnostic, ce qui justifie la demande d’expertise pour établir la véracité des faits avant le procès principal.

Ainsi, l’article 145 permet de garantir que les preuves nécessaires à la résolution du litige soient préservées, ce qui est essentiel dans le cadre d’une procédure où des éléments techniques sont en jeu.

Quelles sont les conditions de mise en cause d’un tiers selon l’article 331 du code de procédure civile ?

L’article 331 du code de procédure civile dispose que :

« Un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement. »

Dans cette affaire, la SA ALLIANZ IARD a été mise en cause par M. [L] [K] et Mme [U] [K] en raison de son rôle en tant qu’assureur de la SARL CMD C’MON DIAG.

La mise en cause est justifiée par l’intérêt des demandeurs à voir le jugement rendu à l’égard de l’assureur, étant donné que la responsabilité de la SARL CMD C’MON DIAG pourrait engager celle de la SA ALLIANZ IARD.

Cette disposition vise à assurer que toutes les parties ayant un intérêt dans le litige soient présentes et puissent défendre leurs droits, ce qui est fondamental pour la bonne administration de la justice.

Comment l’article 11 du code de procédure civile s’applique-t-il à la demande de production de pièces ?

L’article 11 du code de procédure civile énonce que :

« Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. »

Dans le contexte de cette affaire, la SA ALLIANZ IARD a demandé la production de la police d’assurance de la SARL CMD C’MON DIAG.

Cependant, le juge a estimé que la demande d’astreinte était prématurée, car la SA ALLIANZ IARD n’a pas justifié de la nécessité de cette mesure.

De plus, la communication de la police d’assurance devait être effectuée dans le cadre de l’expertise, ce qui rendait la demande de production immédiate inappropriée.

Ainsi, l’article 11 permet au juge d’ordonner la production de preuves, mais il doit également s’assurer que cette demande est justifiée et proportionnée au contexte de l’affaire.

Quelles sont les implications de la décision de débouter la SA ALLIANZ IARD de sa demande de mise hors de cause ?

La décision de débouter la SA ALLIANZ IARD de sa demande de mise hors de cause signifie que l’assureur reste partie au litige et doit répondre des demandes formulées contre la SARL CMD C’MON DIAG.

Cette décision est fondée sur le fait que la SA ALLIANZ IARD n’a pas apporté de preuves suffisantes pour justifier sa mise hors de cause, notamment en ce qui concerne la certification de la SARL CMD C’MON DIAG au moment du diagnostic.

En maintenant la SA ALLIANZ IARD dans le litige, le tribunal garantit que toutes les parties ayant un intérêt dans l’affaire sont présentes, ce qui est essentiel pour une résolution équitable du litige.

Cela souligne également l’importance de la responsabilité des assureurs dans les litiges liés à la responsabilité civile professionnelle, en veillant à ce qu’ils soient tenus de répondre des conséquences de leurs assurés.

N° RG 24/01806 – N° Portalis DBX4-W-B7I-TJJ4

MINUTE N° :
DOSSIER : N° RG 24/01806 – N° Portalis DBX4-W-B7I-TJJ4
NAC: 50D

FORMULE EXÉCUTOIRE
délivrée le

à Me Fabienne FINATEU
à la SCP GEORGES DAUMAS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 17 JANVIER 2025

DEMANDEURS

M. [L] [K], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Fabienne FINATEU, avocat au barreau de TOULOUSE

Mme [U] [K], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Fabienne FINATEU, avocat au barreau de TOULOUSE

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. CMD C’MON DIAG, dont le siège social est sis [Adresse 3]

défaillante

S.A. ALLIANZ IARD, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Georges DAUMAS de la SCP GEORGES DAUMAS, avocats au barreau de TOULOUSE (postulant) et Me Claire SAINT JEVIN, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats à l’audience publique du 05 décembre 2024

PRÉSIDENT : Carole LOUIS, Vice-Président

GREFFIER : Elissa HEVIN et Amandine Gauci, greffiers

ORDONNANCE :

PRÉSIDENT : Carole LOUIS, Vice-Président

GREFFIER : Audrey LEUNG KUNE CHONG, Greffier

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe,

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

La juridiction des référés de Toulouse a rendu une ordonnance en date du 16 juin 2023 ayant désigné M. [M] [D] comme expert, concernant le litige relatif à la procédure principale RG n°23/00467 (MI 23/00000846).

Puis, par acte d’huissier du 10 septembre 2024 et du 12 septembre 2024, auxquels il convient de se reporter pour de plus amples exposés, M. [L] [K] et Mme [U] [K] ont fait assigner la SARL CMD C’MON DIAG et la SA ALLIANZ IARD, ès qualité d’assureur de la SARL CMD C’MON DIAG, devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Toulouse, pour que les opérations d’expertise leurs soient rendues communes et opposables, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. Ils sollicitent en outre le débouté de la SA ALLIANZ IARD de sa demande de mise hors de cause.

Suivant ses dernières conclusions, la SA ALLIANZ IARD sollicite sa mise hors de cause, ainsi que la condamnation de la SARL CMD C’MON DIAG à produire sans délai la police d’assurance couvrant sa responsabilité civile professionnelle à compter du 14 août 2023, le cas échéant sous streinte, si le juge des référés l’estime approprié. A titre subsidiaire, elle fait connaître qu’elle ne s’oppose pas à son appel en cause, en faisant valoir les protestations et réserves d’usage, et sollicite que la mission de l’expert soit complétée des chefs de mission suivants :

– Dire si le résultat du diagnostic de performance énergétique réalisé par la SARL CMD C’MON DIAG était erroné, ce qui suppose de reproduire le diagnostic de performance énergétique dans les mêmes conditions qu’à l’époque et avec les mêmes bases de calcul réglementaire définies, telles qu’applicables à la date du diagnostic,
– Dans l’hypothèse où une erreur serait relevée par l’expert dans l’établissement du diagnostic de performance énergétique, qu’elle a été l’incidence de ce diagnostic de performance énergétique sur la décision d’acheter de M. [V] [H], au regard des circonstances de la vente,
– D’une façon générale, si les caractéristiques de l’immeuble quant à sa performance énergétique pouvaient légitimement être ignorées des parties à la vente, dont la bonne foi conditionne la validité du contrat.

La SARL CMD C’MON DIAG , régulièrement assignée, ne comparaît pas ni fait connaître sa position sur la mesure demandée, en faisant valoir éventuellement les protestations et réserves d’usage.

SUR QUOI, LE JUGE

Sur la demande d’appel en cause

Suivant l’article 145 du code de procédure civile, peuvent être ordonnées en référé, toutes mesures légalement admissibles chaque fois qu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

L’article 331 du code de procédure civile précise qu’un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

En l’espèce, l’expert, M. [M] [D], a relevé, dans son compte-rendu n°1 en date du 2 avril 2024, une épaisseur d’isolation différente de celle relevée par le diagnostiqueur énergétique, traduisant selon lui une absence de conformité thermique de l’habitat. Il apparaît que le diagnostiqueur énergétique ayant réalisé le diagnostic de performance énergétique antérieur à la vente est la SARL CMD C’MON DIAG, de sorte qu’il convient de dire justifié son appel en cause.

En outre, la SA ALLIANZ IARD ne produit aux débats aucune pièce justifiant de l’absence de certification de la SARL CMD C’MON DIAG au moment de la réalisation du diagnostic, en dehors d’une capture d’écran incomplète et ne comprenant aucune date de validité des certifications mentionnées. M. [L] [K] et Mme [U] [K] produisent quant à eux, aux débats, une capture d’écran qui mentionne des dates de validité des certifications ne correspondant pas à la date de réalisation du diagnostic litigieux. Il semble que l’assureur de la SARL CMD C’MON DIAG, au moment de la réalisation du diagnostic, était la SA ALLIANZ IARD, ce qu’elle ne conteste pas. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de dire justifié l’appel en cause de cet assureur.

Sur la demande d’extension de mission

En l’espèce, dans la mesure où l’expertise judiciaire porte notamment sur des infiltrations d’eau à travers la toiture et sur l’insuffisance d’isolation de la toiture ; où l’expert, M. [M] [D], dans son compte-rendu n°2 en date du 24 juillet 2024, a mis en exergue la non-conformité thermique de l’habitat ; et où il est fait droit à la demande d’appel en cause de la SARL CMD C’MON DIAG, il apparaît pertinent d’étendre la mission de l’expert à l’étude du diagnostic de performance énergétique réalisé antérieurement à la vente.

Néanmoins, la mission de l’expert sera libellée comme suit dans le dispositif à l’exception de toute question orientée ou juridique.

Sur la demande de production de pièces

Au titre de l’article 11 du code de procédure civile, si une partie détient un élément de
preuve le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte.

En l’espèce, en l’état des constatations, la SA ALLIANZ IARD ne justifie pas de la nécessité de l’astreinte, ni de la rétention volontaire du document visé par la SARL CMD C’MON DIAG aux fins de faire échec à l’expertise. Dès lors, la demande d’astreinte est prématurée.

Par ailleurs, la communication de la police d’assurance, exclue de toute mesure d’astreinte, semble également prématurée, dans la mesure où elle devra être fournie au cours de l’expertise.

Sur les autres demandes

Les dépens seront à la charge des demandeurs, M. [L] [K] et Mme [U] [K], dans la mesure où il appartient à la partie qui procède à un appel en cause d’en assumer la charge dans un premier temps.

PAR CES MOTIFS

Nous, Carole Louis, vice-présidente du Tribunal judiciaire de Toulouse, statuant en référé, par ordonnance réputée contradictoire, publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et par décision exécutoire par provision,

Vu les articles 145 et 331 du code de procédure civile,

Vu l’article 11 du code de procédure civile,

Ordonnons la jonction des procédures RG n°24/00467 (MI 23/00000846) et RG n°24/01806 sous le numéro le plus ancien.

Vu la procédure principale RG n°23/00467 et MI 23/00000846,

Y joignant,

Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir comme ils en aviseront,

Mais, sans délai,

Tous droits et moyens étant réservés sur le fond,

Rejetant toutes autres conclusions contraires ou plus amples,

Donnons acte aux parties comparantes ou concluantes de leurs protestations et réserves,

Déclarons toutes mises hors de cause comme prématurées,

Déclarons étendues et communes et dès lors opposables à la SARL CMD C’MON DIAG et à la SA ALLIANZ IARD les opérations d’expertise confiées à M. [M] [D], suivant la décision en date du 16 juin 2023 (RG n°24/00467 et MI 23/00000846) et suivant les mêmes modalités.

Etendons la mission d’expertise confiée à M. [M] [D] suivant décision du 16 juin 2023 (RG n°24/00467) aux points suivants :

– Dire si le résultat du diagnostic de performance énergétique réalisé par la SARL CMD C’MON DIAG était erroné techniquement,
– Dire, d’une façon générale, si les caractéristiques de l’immeuble quant à sa performance énergétique pouvaient légitimement être ignorées des parties à la vente.

Disons que les prochaines réunions se dérouleront au contradictoire de toutes les parties requises.

Disons que l’expert notifiera les constatations et vérifications réalisées aux parties nouvelles, recueillera auprès d’elles tous documents utiles à l’accomplissement de sa mission, en dressera inventaire et poursuivra les opérations conformément à sa mission.

Disons que le suivi de ces extensions par le juge chargé de la surveillance des expertises s’effectuera, notamment pour les prorogations de délais, dans le cadre du dossier initial auquel la présente est jointe.

Invitons les parties à respecter le délai prévu pour la remise du rapport.

Disons que la partie ayant procédé aux appels en cause ou la partie la plus diligente transmettra dès réception la présente ordonnance à l’expert afin que celui-ci poursuive ses investigations sans perte de temps.

Déboutons la SA ALLIANZ IARD de sa demande visant à condamner la SARL CMD C’MON DIAG à produire sans délai la police d’assurance couvrant sa responsabilité civile professionnelle à compter du 14 août 2023, le cas échéant sous streinte, si le juge des référés l’estime approprié.

Condamnons les demandeurs, M. [L] [K] et Mme [U] [K], au paiement des entiers dépens.

La minute a été signée par le président et le greffier aux jour, mois et an énoncés en en-tête.

Le greffier, Le président,


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