Expertise partagée : légitimité et responsabilités en matière d’assurance

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Expertise partagée : légitimité et responsabilités en matière d’assurance

L’Essentiel : Le litige a été initié par la S.A.S. SEPHORA, demandant la désignation d’un expert par le Tribunal. Le 15 octobre 2024, la SMABTP a assigné MMA IARD SA et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES pour des opérations d’expertise communes. Lors de l’audience du 13 novembre, les assureurs ont contesté cette demande, la jugeant tardive. Toutefois, le tribunal a rejeté leurs demandes de mise hors de cause, reconnaissant un motif légitime pour l’expertise commune. L’expert a été chargé de convoquer les assureurs et a reçu un délai de quatre mois pour son rapport, avec des conditions financières spécifiques.

Contexte de l’affaire

Le litige a été initié par la S.A.S. SEPHORA, qui a demandé la désignation d’un expert, Monsieur [F] [V], par le président du Tribunal, selon l’ordonnance du 12 mai 2021. Cette demande a été enregistrée sous le RG n° 21/1270.

Demande d’expertise commune

Le 15 octobre 2024, la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) a assigné la MMA IARD SA et la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES pour que les opérations d’expertise soient rendues communes, en raison de leur qualité d’assureurs de la société COTEC.

Protestations des assureurs

Lors de l’audience du 13 novembre 2024, les deux sociétés d’assurance ont exprimé des réserves et des protestations concernant la demande de la SMABTP, arguant que l’assignation était tardive, étant donnée la résiliation de la police d’assurance.

Analyse des responsabilités

Les défenderesses ont demandé leur mise hors de cause, soutenant que l’assignation intervenait après la résiliation de la police d’assurance et que toute action serait vouée à l’échec. Cependant, le tribunal a jugé cette demande prématurée, car elle nécessitait une analyse des responsabilités et des termes du contrat d’assurance.

Motif légitime de l’expertise

La SMABTP a été reconnue comme justifiant d’un motif légitime pour rendre communes les opérations d’expertise, en raison de la souscription d’une police d’assurance par la société COTEC durant la période où des désordres ont été constatés.

Décisions du tribunal

Le tribunal a rejeté les demandes de mise hors de cause des sociétés MMA IARD SA et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES. Il a déclaré les opérations d’expertise communes à ces deux assureurs et a ordonné la communication des pièces et notes de l’expert.

Instructions à l’expert

L’expert a été chargé de convoquer les assureurs à la prochaine réunion d’expertise et d’utiliser l’outil de gestion dématérialisée Opalexe. Un délai supplémentaire de quatre mois a été imparti à l’expert pour déposer son rapport.

Conditions financières

Une provision complémentaire de 500 euros a été fixée pour la rémunération de l’expert, à consigner par la SMABTP dans un délai de trois semaines. En cas de non-consignation, l’extension de la mission de l’expert serait caduque.

Conséquences de la décision

Si la décision est portée à la connaissance de l’expert après le dépôt de son rapport, ses dispositions seront considérées comme caduques. Chaque partie est responsable des dépens qu’elle a exposés.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du code de procédure civile dans le cadre de l’expertise judiciaire ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. »

Cet article permet donc à une partie de demander des mesures d’instruction, comme une expertise, avant même qu’un procès ne soit engagé.

Pour justifier une telle demande, la partie doit démontrer la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

Dans le cas présent, la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) a réussi à établir un motif légitime pour rendre communes les opérations d’expertise aux assureurs de la société COTEC, en raison des désordres constatés durant la période de validité de la police d’assurance.

Ainsi, l’expertise est justifiée par la nécessité de déterminer les responsabilités et d’évaluer les faits avant un éventuel procès.

Quelles sont les implications des clauses du contrat d’assurance en relation avec l’article L124-5 du code des assurances ?

L’article L124-5 du code des assurances précise que :

« Les garanties facultatives ne peuvent être invoquées que si elles ont été expressément acceptées par l’assuré. »

Dans le cadre de l’affaire, les sociétés défenderesses ont soutenu que l’assignation intervenait après la résiliation de la police d’assurance, ce qui pourrait rendre toute action au fond vouée à l’échec.

Cependant, la demande de mise hors de cause a été jugée prématurée, car elle nécessitait une analyse des responsabilités et des termes du contrat d’assurance, ce qui dépasse les compétences du juge du fond à ce stade.

Il est essentiel de noter que la résiliation de la police d’assurance ne signifie pas nécessairement que les désordres constatés ne sont pas couverts, surtout si ceux-ci se sont produits durant la période de validité de la police.

Ainsi, l’expertise ordonnée vise à éclaircir ces points avant de statuer sur la responsabilité des parties.

Comment se justifie la décision de rendre communes les opérations d’expertise aux assureurs de la société COTEC ?

La décision de rendre communes les opérations d’expertise aux MMA IARD SA et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES repose sur le fait que la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) a démontré un motif légitime.

En effet, les désordres constatés durant la période de validité de la police d’assurance et les nouveaux travaux effectués justifient la nécessité d’une expertise pour établir les responsabilités.

L’article 145 du code de procédure civile, qui permet d’ordonner des mesures d’instruction avant tout procès, est ici appliqué pour garantir que toutes les parties concernées puissent participer à l’expertise.

Cela permet également d’assurer une équité dans le processus, en permettant aux assureurs de formuler leurs observations et de contribuer à l’évaluation des faits.

Ainsi, la décision de rendre communes les opérations d’expertise est conforme aux exigences légales et vise à garantir une bonne administration de la justice.

Quelles sont les conséquences d’un défaut de consignation de la provision complémentaire par la SMABTP ?

La décision stipule que :

« Faute de consignation par la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) lui revenant dans ce délai impératif, l’extension de la mission de l’expert à la MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC et la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en qualité d’assureur de la société COTEC sera caduque et privée de tout effet. »

Cela signifie que si la SMABTP ne consigne pas la somme de 500 euros dans le délai imparti, l’extension de la mission de l’expert aux assureurs sera annulée.

Cette mesure vise à garantir que les frais d’expertise soient couverts et que l’expert puisse mener à bien sa mission sans entrave.

Le non-respect de cette obligation de consignation pourrait donc avoir des conséquences significatives sur le déroulement de l’expertise et sur les droits des parties impliquées.

Il est donc crucial pour la SMABTP de respecter ce délai afin d’éviter toute caducité de l’extension de la mission de l’expert.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 13 JANVIER 2025

N° RG 24/02429 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZR66

N° de minute :

Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP)

c/

MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC,
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en qualité d’assureur de la société COTEC

DEMANDERESSE

Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP)
[Adresse 5]
[Localité 4]

Représentée par Maître David GIBEAULT de la SELARL SAUPHAR GIBEAULT FELDMAN, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E1195

DEFENDERESSES

MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC
[Adresse 1]
[Localité 3]

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en qualité d’assureur de la société COTEC
[Adresse 1]
[Localité 3]

Toutes deux représentées par Maître Guillaume RODIER de la SELARL RODIER ET HODE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C2027

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : David MAYEL, Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,
Greffier : Philippe GOUTON, Greffier

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous Président, après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 19 Décembre 2024, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon l’ordonnance du 12 mai 2021 enregistrée sous le RG n° 21/1270, le président du Tribunal de céans statuant en référé a, sur la demande de la S.A.S. SEPHORA, désigné Monsieur [F] [V] en qualité d’expert.

Par assignation délivrée le 15 octobre 2024, la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) demande que les opérations d’expertise soient rendues communes à la MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC et la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en qualité d’assureur de la société COTEC.

A l’audience du 13 Novembre 2024, la MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC et la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en qualité d’assureur de la société COTEC ont formulé des protestations et réserves.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

L’expert a donné son avis selon note en date du 30 septembre 2024.

Les sociétés défenderesses sollicitent leurs mises hors de cause motif pris que l’assignation intervient postérieurement à la résiliation de la police d’assurance. Elle soutient que par application des clauses du contrat relatives aux garanties facultatives, qui renvoient à l’article L124-5 du code des assurances, toute action au fond serait vouée à l’échec.

Une telle demande de mise hors de cause apparaît prématurée à ce stade, dès lors qu’elle suppose une analyse des responsabilités, qui est la raison même de l’expertise diligentée, et une analyse des termes du contrat d’assurance, qui excède les pouvoirs du juge du fond. Il suffit de constater que la société COTEC a bien souscrit une police d’assurance auprès des MMA à effet du 1er janvier 2018 et résiliée au 31 décembre 2023 et que des désordres ont été constaté durant cette période, ainsi que des nouveaux travaux effectués.

La Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) justifie donc d’un motif légitime de rendre communes à la MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC et la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en qualité d’assureur de la société COTEC les opérations d’expertise.

PAR CES MOTIFS,

REJETONS les demandes de mises hors des causes des sociétés MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en qualité d’assureur de la société COTEC ;

DÉCLARONS communes à la MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC et la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en qualité d’assureur de la société COTEC les opérations d’expertise ordonnées par l’ordonnance de référé du 12 mai 2021 enregistrée sous le RG n° 21/1270, l’ordonnance de référé du 31 janvier 2022 enregistrée sous le RG n° 21/2970 et l’ordonnance de référé du 17 juin 2022 enregistrée sous le RG n° 22/454, ayant désigné Monsieur [F] [V] en qualité d’expert ;

DISONS que la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) communiquera sans délai à la MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC et la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en qualité d’assureur de la société COTEC l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert ;

DISONS que l’expert devra convoquer la MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC et la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en qualité d’assureur de la société COTEC à la prochaine réunion d’expertise au cours de laquelle il sera informé des diligences déjà accomplies et invité à formuler ses observations ;

Informons la partie intéressée qu’elle pourra être invitée par l’expert à l’utilisation d’Opalexe, outil de gestion dématérialisée de l’expertise ;

IMPARTISSONS à l’expert un délai supplémentaire de quatre mois pour déposer son rapport ;

FIXONS à la somme de 500 euros la provision complémentaire à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, [Adresse 2], dans le délai de trois semaines à compter de la présente ordonnance, sans autre avis ;

DISONS que, faute de consignation par la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) lui revenant dans ce délai impératif, l’extension de la mission de l’expert à la MMA IARD SA, en qualité d’assureur de la société COTEC et la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en quali té d’assureur de la société COTEC sera caduque et privée de tout effet ;

DISONS que dans l’hypothèse où la présente décision est portée à la connaissance de l’expert après dépôt de son rapport, ses dispositions seront caduques,

LAISSONS à chacune des parties la charge des dépens qu’elle a exposés.

FAIT À NANTERRE, le 13 JANVIER 2025

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT
Philippe GOUTON, Greffier
David MAYEL, Vice-président


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