Expertise et obligations des assureurs : enjeux de la preuve précontentieuse

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Expertise et obligations des assureurs : enjeux de la preuve précontentieuse

L’Essentiel : Le 28 août 2024, le tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné une expertise sur l’immeuble situé à [Adresse 4]. Demandée par le Syndicat des copropriétaires et Monsieur et Madame [C], l’expertise a été confiée à Monsieur [I] [B]. Le 19 décembre, le Syndicat a assigné AXA FRANCE IARD pour faire reconnaître les opérations d’expertise comme communes. Lors de l’audience du 7 janvier 2025, AXA a exprimé des réserves mais n’a pas contesté l’expertise. Le tribunal a décidé que les opérations seraient communes à AXA, tout en précisant qu’il ne pouvait contraindre sa présence à la réunion d’expertise.

Exposé du Litige

Le 28 août 2024, le président du tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné une mesure d’expertise concernant l’immeuble situé à [Adresse 4] à [Localité 7]. Cette mesure a été demandée par le Syndicat des copropriétaires et Monsieur et Madame [C], et a été confiée à l’expert Monsieur [I] [B]. Les parties concernées, incluant Monsieur [Z] [U], Madame [P] [U] et la compagnie d’assurances CARDIF IARD, ont été informées de cette décision.

Le 19 décembre 2024, le Syndicat des copropriétaires a assigné la société AXA FRANCE IARD, l’assureur de l’immeuble, pour faire reconnaître les opérations d’expertise comme communes et opposables. L’assignation incluait une demande d’injonction pour que la société AXA assiste à la réunion d’expertise prévue le 13 janvier 2025.

Lors de l’audience du 7 janvier 2025, le Syndicat des copropriétaires a réaffirmé sa demande. AXA FRANCE IARD a exprimé ses réserves sans s’opposer à l’expertise, tout en rappelant les missions de l’expert, notamment l’examen des désordres et la recherche des causes des infiltrations d’eau.

Motifs de la Décision

Conformément à l’article 145 du code de procédure civile, le tribunal a reconnu qu’il existait un motif légitime pour ordonner l’expertise, étant donné la probabilité de faits pouvant influencer un litige futur. L’expertise concerne un sinistre lié à une fuite d’eau dans l’immeuble, et AXA FRANCE IARD est l’assureur en vertu d’une garantie « Dommage » souscrite par le syndicat.

Le tribunal a donc décidé que les opérations d’expertise seraient communes à AXA FRANCE IARD. Cependant, il a précisé qu’il ne pouvait pas contraindre la société à assister à la réunion d’expertise du 13 janvier 2025. De plus, la demande d’AXA concernant certains aspects de la mission de l’expert n’a pas été considérée comme une prétention au sens du code de procédure civile.

Décisions Prises

Le tribunal a déclaré que les opérations d’expertise ordonnées seraient communes à AXA FRANCE IARD. Il a également ordonné que le Syndicat des copropriétaires communique à AXA toutes les pièces produites et les notes de l’expert. L’expert devra convoquer AXA à la prochaine réunion d’expertise pour qu’elle puisse prendre connaissance des diligences effectuées et formuler ses observations.

Un délai supplémentaire d’un mois a été accordé à l’expert pour déposer son rapport, et une provision de 500 euros a été fixée pour sa rémunération, à consigner par le Syndicat dans un délai de trois semaines. En cas de non-consignation, l’extension de la mission de l’expert à AXA sera caduque.

Le tribunal a également informé les parties de la possibilité d’utiliser l’outil de gestion dématérialisée Opalexe pour l’expertise. Si la décision est portée à la connaissance de l’expert après le dépôt de son rapport, ses dispositions deviendront caduques. Enfin, le tribunal a décidé de ne pas faire droit à la demande d’injonction pour la présence d’AXA à la réunion d’expertise.

Conclusion

Les dépens sont laissés provisoirement à la charge du Syndicat des copropriétaires, et l’ordonnance est exécutoire par provision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour ordonner une mesure d’expertise en référé ?

L’article 145 du Code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. »

Cet article précise que pour justifier d’un motif légitime, la partie doit démontrer la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

Dans le cas présent, l’expertise a été ordonnée en raison d’un sinistre lié à une fuite d’eau dans l’immeuble, et il est reconnu que la société AXA FRANCE IARD est l’assureur de cet immeuble.

Ainsi, le Syndicat des copropriétaires a légitimement demandé que les opérations d’expertise soient communes à l’assureur, justifiant ainsi la mesure d’expertise ordonnée par le juge.

Le juge peut-il contraindre une partie à assister à une réunion d’expertise ?

La décision du juge indique clairement qu’il n’a pas le pouvoir de faire injonction à la société AXA FRANCE IARD d’assister à la réunion d’expertise prévue.

Cette position est fondée sur le principe selon lequel le juge des référés ne peut pas imposer des obligations à une partie qui ne sont pas expressément prévues par la loi ou par les règles de procédure.

L’article 4 du Code de procédure civile précise que :

« Il est interdit au juge de statuer par voie d’injonction sur des demandes qui ne sont pas formulées par les parties. »

Dans ce contexte, la demande d’injonction formulée par le Syndicat des copropriétaires a été jugée irrecevable, car elle ne correspondait pas à une prétention au sens de cet article.

Quelles sont les obligations de l’expert dans le cadre de l’expertise ordonnée ?

L’expert désigné a pour mission d’examiner les désordres allégués, de les décrire en indiquant leur nature et leur étendue, ainsi que de rechercher les causes des désordres, notamment l’origine des infiltrations d’eau.

Il doit également fournir des éléments techniques et de fait permettant au juge de déterminer les responsabilités éventuelles encourues.

Ces obligations sont essentielles pour garantir que l’expertise soit complète et utile à la résolution du litige.

L’expert doit donc agir avec diligence et impartialité, en veillant à ce que toutes les parties soient informées des diligences accomplies et puissent formuler leurs observations.

Quelles sont les conséquences d’un défaut de consignation de la provision pour l’expert ?

La décision précise que si le Syndicat des copropriétaires ne consigne pas la somme de 500 euros, la mission de l’expert sera caduque et privée de tout effet.

Cette disposition est conforme aux règles de procédure qui exigent que les frais d’expertise soient couverts pour garantir le bon déroulement de la procédure.

En effet, l’article 1er de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative à l’expertise judiciaire stipule que :

« Les frais d’expertise sont à la charge de la partie qui en a demandé la désignation, sauf décision contraire du juge. »

Ainsi, le non-respect de cette obligation de consignation peut entraîner des conséquences graves pour la partie qui a sollicité l’expertise, compromettant ainsi la possibilité d’obtenir une décision sur le fond du litige.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

REFERES

ORDONNANCE DE REFERE RENDUE LE 09 Janvier 2025

N°R.G. : 24/02950
N° Portalis DB3R-W-B7I-2DBK

N° Minute :

Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], représenté par son syndic la S.A.S. FONCIA

c/

S.A. AXA FRANCE IARD

DEMANDERESSE

Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], représenté par son syndic :
S.A.S. FONCIA
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Bertrand JOLIFF de la SELEURL JOLIFF AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D0730

DEFENDERESSE

S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Maître Nathanaël ROCHARD de la SELARL LAMBARD & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire: P0169

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : François PRADIER, 1er Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Flavie GROSJEAN, Greffier

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 07 janvier 2025, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour :

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance en date du 28 août 2024, le président du tribunal judiciaire de Nanterre statuant en référé, sur requête du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 7] et de Monsieur et Madame [C], a ordonné une mesure d’expertise confiée à Monsieur [I] [B], au contradictoire de Monsieur [Z] [U], Madame [P] [U] et de la compagnie d’assurances CARDIF IARD.

Par acte en date du 19 décembre 2024, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 7] a assigné à heure indiquée la société AXA FRANCE IARD, en sa qualité d’assureur de l’immeuble du [Adresse 4] à [Localité 7], devant cette juridiction, aux fins de lui voir déclarer commune et opposable les opérations d’expertise ordonnées par l’ordonnance de référé du 28 août 2024.

Aux termes de cette assignation, le demandeur sollicite également qu’il soit fait injonction à la défenderesse d’assister à la prochaine réunion d’expertise prévue le 13 janvier 2025 à 08h30 aux domiciles des consorts [C] et [U], situés [Adresse 4].

L’affaire étant venue à l’audience du 07 janvier 2025, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 7] a réitéré les termes de son assignation.

La société AXA FRANCE IARD a formulé ses plus expresses protestations et réserves, sans faire état d’opposition particulière à la mesure d’expertise.

Elle demande par ailleurs de rappeler que dans la mission dévolue à l’expert, ce dernier doit :

– examiner les désordres allégués, les décrire en indiquant leur nature et leur étendue,
– rechercher les causes des désordres (origine des infiltrations d’eau),
– donner les éléments techniques et de fait permettant au juge de déterminer les responsabilités éventuelles encourues,

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

En l’espèce, l’expertise ordonnée concerne un sinistre lié à une fuite d’eau dans l’immeuble du [Adresse 4] à [Localité 7], dont il n’est pas contesté que la compagnie AXA FRANCE IARD en est l’assureur actuel au titre d’une garantie « Dommage » souscrite par le syndicat des copropriétaires.

Ce dernier justifie dès lors d’un motif légitime de rendre communes les opérations d’expertise en cours à la société défenderesse.

En revanche, le juge n’a pas le pouvoir de faire injonction à celle-ci d’assister à la prochaine réunion d’expertise qui doit se tenir le 13 janvier 2025 à 8h30.

D’autre part la demande de la société AXA tendant à ce qu’il soit rappelé certains chefs de la mission confiée à l’expert ne saurait être assimilée à une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur celle-ci.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé par décision mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Déclarons communes à la société AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de l’immeuble du [Adresse 4] à [Localité 7], les opérations d’expertise ordonnées par l’ordonnance de référé du 28 août 2024 ayant désigné Monsieur [I] [B] en qualité d’expert ;

Disons que le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 7] communiquera sans délai à la société AXA FRANCE IARD l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert ;

Disons que l’expert devra convoquer la société AXA FRANCE IARD à la prochaine réunion d’expertise au cours de laquelle elle sera informée des diligences déjà accomplies et invitée à formuler ses observations ;

Impartissons à l’expert un délai supplémentaire d’un mois pour déposer son rapport ;

Fixons à la somme de 500 euros la provision complémentaire à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 7] entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, [Adresse 1], dans le délai de trois semaines à compter de la présente ordonnance, sans autre avis ;

Disons que, faute de consignation par le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 7] de la part de cette consignation lui revenant dans ce délai impératif, l’extension de la mission de l’expert à la société AXA FRANCE IARD sera caduque et privée de tout effet;

Informons la partie intéressée qu’elle pourra être invitée par l’expert à l’utilisation d’Opalexe, outil de gestion dématérialisée de l’expertise ;

Disons que dans l’hypothèse où la présente décision est portée à la connaissance de l’expert après dépôt de son rapport, ses dispositions seront caduques ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande tendant à faire injonction à la partie défenderesse d’assister à la prochaine réunion d’expertise qui doit se tenir le 13 janvier 2025 à 8h30 ;

Laissons provisoirement les dépens à la charge du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 7] ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

FAIT À NANTERRE, le 09 Janvier 2025.

LE GREFFIER,

Flavie GROSJEAN, Greffier
LE PRESIDENT.

François PRADIER, 1er Vice-président


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