Expertise médicale ordonnée pour évaluer l’invalidité et la consolidation d’un assuré.

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Expertise médicale ordonnée pour évaluer l’invalidité et la consolidation d’un assuré.

L’Essentiel : Monsieur [J] a assigné la SAS KEREIS et la SA BPCE VIE pour obtenir une expertise judiciaire sur son taux d’invalidité, suite à une incapacité de travail due à un Covid long. L’assurance, souscrite via KEREIS, ne couvre que les invalidités supérieures à 33 %. Le juge a mis hors de cause KEREIS FRANCE, gestionnaire du contrat, et a ordonné une expertise à la charge de Monsieur [J]. L’expert, le docteur [X], devra examiner les documents médicaux et déterminer l’état de santé de Monsieur [J], avec un rapport attendu dans les six mois suivant le versement d’une provision de 1 500 euros.

I – FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Monsieur [J] a assigné la SAS KEREIS et la SA BPCE VIE devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux le 5 septembre 2024. Il demande une expertise judiciaire pour déterminer son taux d’invalidité et réclame 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Le demandeur a souscrit un prêt immobilier avec une assurance auprès de BPCE VIE via KEREIS. L’assurance couvre le prêt pendant l’arrêt de travail, mais ne maintient la couverture qu’en cas de taux d’invalidité supérieur à 33 %. Monsieur [J] a contracté un Covid long, entraînant une incapacité de travail depuis le 13 décembre 2020, mais la prise en charge par KEREIS a cessé le 18 septembre 2023, date de consolidation retenue par le médecin conseil. Il conteste cette date et demande une expertise.

L’affaire a été renvoyée à l’audience du 2 décembre 2024. Les parties ont conclu, Monsieur [J] dans son acte introductif, tandis que BPCE VIE et KEREIS FRANCE ont demandé la mise hors de cause de KEREIS FRANCE et ont contesté la demande d’expertise.

II – MOTIFS DE LA DÉCISION

La SAS KEREIS FRANCE a été mise hors de cause car elle n’est pas l’assureur mais le gestionnaire du contrat d’assurance souscrit par Monsieur [J]. En l’absence de motif légitime, sa mise hors de cause a été prononcée. Concernant la demande d’expertise, Monsieur [J] a justifié un motif légitime pour obtenir une mesure d’instruction. L’expertise sera réalisée aux frais du demandeur, qui a un intérêt à ce que la mesure soit menée à son terme. Les dépens seront provisoirement supportés par le demandeur, qui ne pourra pas prétendre à une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

III – DÉCISION

Le juge des référés a prononcé la mise hors de cause de la SAS KEREIS FRANCE et ordonné une mesure d’expertise. L’expert désigné, le docteur [X], devra examiner divers documents médicaux et contractuels, définir la nature de l’affection de Monsieur [J], relater son histoire médicale, procéder à un examen clinique, et déterminer si son état de santé est consolidé. L’expert pourra entendre des sachants et dresser un pré-rapport. Monsieur [J] devra consigner une provision de 1 500 euros pour l’expertise, et l’expert devra déposer son rapport dans un délai de six mois après le versement. Monsieur [J] conservera la charge des dépens, sauf à les intégrer dans son préjudice matériel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du code de procédure civile dans le cadre d’une demande d’expertise judiciaire ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Dans le cas présent, Monsieur [J] a justifié d’un motif légitime pour demander une expertise judiciaire.

Il a contesté la date de consolidation retenue par le médecin conseil et a produit des éléments qui montrent que son état de santé n’était pas consolidé.

Ainsi, le juge des référés a considéré que la demande d’expertise était fondée, permettant d’établir des preuves nécessaires à la résolution du litige.

Cette mesure d’instruction est donc essentielle pour éclairer le tribunal sur les éléments médicaux et contractuels en jeu, sans préjuger des responsabilités des parties.

Quelles sont les conséquences de la mise hors de cause de la SAS KEREIS FRANCE ?

La mise hors de cause de la SAS KEREIS FRANCE repose sur le fait qu’elle n’est pas l’assureur mais un gestionnaire délégataire du contrat d’assurance souscrit par Monsieur [J].

En effet, le tribunal a constaté que la SAS KEREIS FRANCE n’avait pas d’obligation de prise en charge, ce qui est fondamental dans le cadre de la responsabilité contractuelle.

Cette décision est conforme aux principes du droit des contrats, notamment l’article 1134 du code civil, qui stipule que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »

Ainsi, la SAS KEREIS FRANCE ne peut être tenue responsable des obligations découlant du contrat d’assurance, ce qui limite les recours de Monsieur [J] à l’égard de cette société.

Comment se justifie la décision de ne pas accorder d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que :

« Dans toutes les instances, le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a décidé que Monsieur [J] ne pouvait prétendre à aucune indemnité au titre de cet article.

Cette décision est fondée sur le fait que les dépens de l’instance seront provisoirement supportés par le demandeur, qui pourra ultérieurement les inclure dans son préjudice matériel.

Ainsi, le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder une indemnité immédiate, car les frais engagés par Monsieur [J] pourraient être pris en compte dans le cadre d’une éventuelle réparation future de son préjudice.

Cette approche vise à éviter une double indemnisation et à garantir que les frais soient traités dans le cadre de l’ensemble du litige.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

58G

N° RG 24/02035 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZKKQ

5 copies

EXPERTISE

GROSSE délivrée
le 13/01/2025
à la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE
Me Benjamin MULLER

COPIE délivrée
le 13/01/2025
au service expertise

Rendue le TREIZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ

Après débats à l’audience publique du 02 Décembre 2024

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

DEMANDEUR

Monsieur [N] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Benjamin MULLER, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSES

S.A. BPCE Vie
[Adresse 6]
[Localité 7]
représentée par Maître Stéphane MILON de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A.S. KEREIS France
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Stéphane MILON de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocats au barreau de BORDEAUX

I – FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Par actes du 05 septembre 2024, Monsieur [J] a fait assigner la SAS KEREIS et la SA BPCE VIE devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, au visa des articles 143 et suivants, 145 et 834 et suivants du code de procédure civile, afin de voir ordonner une expertise judiciaire pour déterminer notamment s’il est consolidé ou non et, dans l’affirmative, donner tous éléments permettant de déterminer le taux d’invalidité par la détermination préalable du taux d’invalidité fonctionnelle et du taux d’invalidité professionnelle, et de voir condamner la SAS KEREIS à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le demandeur expose qu’il a souscrit un prêt immobilier couplé à la souscription d’une assurance auprès de la compagnie BPCE VIE, via la société de courtage KEREIS ; que selon les dispositions contractuelles, l’assurance couvre le prêt pendant l’arrêt de travail, puis ne maintient sa couverture de l’assuré, une fois ce dernier consolidé, que si la conjugaison des taux d’invalidité fonctionnelle et professionnelle est supérieure à 33 %, sur appréciation de son médecin expert ; qu’il a contracté un Covid long entrainant une incapacité de travail à compter du 13 décembre 2020 et la prise en charge subséquente de l’emprunt immobilier par la SAS KEREIS ; que cette prise en charge a cependant cessé à compter du 18 septembre 2023, date de consolidation retenue par le médecin conseil ; qu’il a contesté le rapport de ce dernier et notamment la date de consolidation ; que son médecin conseil a considéré dans son rapport en date du 06 mars 2024 que son état n’était pas consolidé ; qu’il a un motif légitime à voir organiser une mesure d’expertise.

Appelée à l’audience du 21 octobre 2024, l’affaire a été renvoyée et retenue à l’audience du 02 décembre 2024.

Les parties ont conclu pour la dernière fois :

– Monsieur [J], dans son acte introductif d’instance,

– la SA BPCE VIE et la SAS KEREIS FRANCE, le 04 novembre 2024, par des écritures aux termes desquelles elles sollicitent la mise hors de cause de la SAS KEREIS FRANCE et formulent toutes protestations et réserves d’usage quant à la mesure d’expertise sollicitée tout en précisant la mission de l’expert, et concluent au rejet de la demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision se réfère à ces écritures pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

II – MOTIFS DE LA DÉCISION :

La mise hors de cause de la SAS KEREIS FRANCE

IL résulte des pièces et des débats que Monsieur [J] a souscrit un contrat d’assurance auprès de la SA BPCE VIE et que la SAS KEREIS FRANCE est intervenue en qualité de gestionnaire délégataire du contrat et non en qualité d’assureur, de sorte qu’elle ne saurait être débitrice d’une obligation de prise en charge.

Par conséquent, en l’absence de motif légitime, il convient de prononcer la mise hors de cause de la SAS KEREIS FRANCE.

La demande d’expertise

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, “s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé”.

En l’espèce, Monsieur [J], par les pièces qu’il verse aux débats, justifie d’un motif légitime pour obtenir qu’une mesure d’instruction soit, dans les termes et conditions figurant au dispositif de la présente décision, ordonnée au contradictoire de la SA BPCE VIE, sans aucune appréciation des responsabilités et garanties encourues.

L’expertise sera réalisée aux frais avancés du demandeur, qui a seul intérêt à voir la mesure menée à son terme.

Les autres demandes

Les dépens de l’instance seront provisoirement supportés par le demandeur, qui pourra ultérieurement les inclure dans son préjudice matériel. De ce fait, le demandeur ne peut prétendre à aucune indemnité par application de l’article 700 du code de procédure civile.

III – DÉCISION

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant par décision contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et à charge d’appel ;

MET HORS DE CAUSE la SAS KEREIS FRANCE ;

ORDONNE une mesure d’expertise et désigne pour y procéder le docteur [X] [I],
[Adresse 3]
courriel : [Courriel 8]

DIT que l’expert répondra à la mission suivante :

1) Se faire remettre tous documents médicaux et contractuels détenus par les divers sachants;

2) Définir la nature de l’affection ayant nécessité un arrêt de travail à compter du 13 décembre 2020 ;

3) Relater l’histoire médicale détaillée de l’affection faisant l’objet du sinistre ainsi que ses suites et conséquences et les dates des :
– premiers signes fonctionnels,
– première consultation médicale et première consultation spécialisée,
– premiers examens complémentaires,
– traitement, nature et résultat,
– hospitalisations et arrêts de travail en rapport ;

4) Procéder à l’examen clinique de l’assuré et en faire le compte-rendu ;

5) Après avoir pris connaissance de la définition contractuelle de l’incapacité temporaire totale de travail (article 9.3.1 de la notice d’assurance), dire si l’état de santé de Monsieur [J] correspond ou a correspondu à cette définition et, dans l’affirmative, pour qu’elle période ;

6) Dire si l’état de santé de Monsieur [J] est consolidé et, dans l’affirmative, fixer la date de consolidation ;

7) Après avoir pris connaissance de la définition contractuelle de l’invalidité permanente totale (IPT) et invalidité permanente partielle (IPP) (artcile 9.3.2 de la notice), déterminer les taux d’incapacité fonctionnelle et professionnelle de Monsieur [J] au moyen du tableau à double entrée figurant dans la notice d’assurance ;

8) Dire que l’expert pourra entendre tout sachant et pourra s’adjoindre l’assistance de tout spécialiste de son choix ;

9) Dire que l’expert dressera pré-rapport de ses opérations et l’adressera aux parties pour leur permettre de faire valoir leurs observations ;

10) Dire que le secret médical ne saurait être opposé à l’expert par les divers sachants ;

FIXE à la somme de 1 500 euros la provision que le demandeur devra consigner par virement sur le compte de la Régie du tribunal judiciaire de Bordeaux (Cf code BIC joint) mentionnant le numéro PORTALIS (figurant en haut à gauche sur la première page de la présente ordonnance) dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque;

DIT que l’expert déposera son rapport dans le délai de six mois à compter du versement de la consignation ;

DÉSIGNE le Juge chargé du contrôle des expertises pour suivre le déroulement de la présente expertise ;

DIT que Monsieur [J] conservera provisoirement la charge des dépens, sauf à en intégrer le montant dans son préjudice matériel et le déboute de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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