L’Essentiel : Le 5 mars 2010, M. [V] [N] a été victime d’un accident de la circulation, entraînant une indemnisation de 325 862,30 euros par la SA GMF assurances. En raison de l’aggravation de son état de santé, il a demandé une expertise judiciaire, ordonnée le 7 juin 2020. Le rapport a confirmé cette aggravation. Le 15 septembre 2021, M. [V] [N] a obtenu une provision de 75 000 euros. En octobre 2023, il a sollicité une nouvelle expertise et une provision de 2 000 euros. Le 1er février 2024, le juge a ordonné une expertise et condamné la SA GMF à verser 1 500 euros.
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Accident de la circulationLe 5 mars 2010, M. [V] [N] a subi un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la SA GMF assurances. Une quittance indemnitaire définitive a été établie le 3 novembre 2015, s’élevant à 325 862,30 euros. Demande d’expertise judiciaireEn raison de l’aggravation de son état de santé, M. [V] [N] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble pour ordonner une expertise. Le 7 juin 2020, le juge a ordonné une mesure d’expertise confiée au docteur [O] [K]. Le rapport de l’expert, déposé le 10 novembre 2020, a confirmé l’aggravation de l’état de M. [V] [N], sans toutefois établir la consolidation. Provision pour réparation des préjudicesM. [V] [N] a de nouveau sollicité le juge des référés pour obtenir une provision à valoir sur la réparation définitive de ses préjudices. Par ordonnance du 15 septembre 2021, la SA GMF assurances a été condamnée à verser 75 000 euros à M. [V] [N] en raison de l’aggravation de son état de santé. Nouvelles demandes et ordonnance de février 2024Le 6 et 9 octobre 2023, M. [V] [N] a de nouveau saisi le juge des référés pour ordonner une nouvelle expertise et obtenir une provision de 2 000 euros. Par ordonnance du 1er février 2024, le juge a ordonné une expertise médicale, désigné le docteur [O] [K], et condamné la SA GMF assurances à verser 1 500 euros à titre de provision ad litem, ainsi qu’une somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Appel de la SA GMF assurancesLa SA GMF assurances a interjeté appel de l’ordonnance en date du 5 avril 2024, demandant la désignation d’un autre expert que le docteur [K]. M. [N] a répliqué en demandant que l’appel soit déclaré sans objet et non fondé. Décision de la courLa cour a déclaré incompétente pour statuer sur la demande de changement d’expert, considérant que le choix de l’expert relève du pouvoir discrétionnaire de la juridiction. Elle a également condamné la SA GMF assurances à une amende civile de 500 euros pour appel abusif et à verser 2 500 euros à M. [V] [N] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la procédure applicable pour contester la désignation d’un expert judiciaire ?La contestation de la désignation d’un expert judiciaire est régie par les articles 234 et 235 du code de procédure civile. L’article 234 stipule que « les parties peuvent demander la récusation de l’expert désigné par le juge, pour cause de lien de parenté, d’alliance ou d’intérêt avec l’une d’elles ». De plus, l’article 235 précise que « la demande de récusation doit être formée par écrit, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la désignation de l’expert ». Dans le cas présent, la SA GMF assurances a contesté la désignation du docteur [K] en appel, mais la cour a jugé que cette contestation ne pouvait pas être examinée dans le cadre de l’appel, car elle aurait dû être formulée par la procédure de récusation. Ainsi, la cour a déclaré incompétente pour statuer sur la demande de changement d’expert, car la désignation de l’expert relève du pouvoir discrétionnaire du juge, et les parties ne peuvent contester ce choix qu’en respectant la procédure de récusation. Quelles sont les conditions pour qu’un appel soit considéré comme abusif ?L’article 559 du code de procédure civile définit les conditions dans lesquelles un appel peut être considéré comme abusif. Il stipule que « lorsqu’un appel principal est dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés ». Pour qu’un appel soit qualifié d’abusif, il faut qu’il soit exercé de manière à faire obstacle à la bonne administration de la justice, ou qu’il soit manifestement voué à l’échec. Dans cette affaire, la cour a constaté que la SA GMF assurances avait exercé une voie de recours vouée à l’échec, car elle aurait pu utiliser la procédure de récusation pour contester la désignation de l’expert. Cette faute a été qualifiée d’abus, entraînant la condamnation de la SA GMF assurances à une amende civile de 500 euros pour appel abusif. Quels sont les fondements juridiques pour la condamnation aux dépens et aux frais d’avocat ?La condamnation aux dépens est régie par l’article 696 du code de procédure civile, qui dispose que « la partie perdante est condamnée aux dépens ». En ce qui concerne les frais d’avocat, l’article 700 du même code prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ». Dans le cas présent, la cour a condamné la SA GMF assurances aux dépens de l’instance d’appel, ainsi qu’à verser à M. [V] [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700, en raison des frais engagés pour sa défense. Cette décision est conforme aux principes de la procédure civile, qui visent à garantir que la partie qui succombe dans ses prétentions supporte les frais de la procédure. |
N° Minute :
C1
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL CDMF AVOCATS
la SELARL GERBI AVOCAT VICTIMES ET PRÉJUDICES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 28 JANVIER 2025
Appel d’une ordonnance (N° R.G. 23/01608) rendue par le tribunal judiciaire de Grenoble en date du 1er février 2024, suivant déclaration d’appel du 5 avril 2024
APPELANTE :
La Compagnie GMF ASSURANCES, société anonyme immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 398 972 901, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Rebecca BRAZZOLOTTO, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
M. [V] [N]
né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par Me Hervé GERBI de la SELARL GERBI AVOCAT VICTIMES ET PRÉJUDICES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Thibaut HEMOUR, avocat au barreau de GRENOBLE
Organisme AG2R PREVOYANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
non-représenté
Caisse CPAM DE L’ISERE (RCT), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 10]
[Localité 6]
non-représentée
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
Mme Ludivine Chetail, conseillère, faisant fonction de présidente
Monsieur Lionel Bruno, conseiller
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 novembre 2024, Mme Ludivine Chetail, conseillère qui a fait son rapport, assistée de Mme Solène Roux, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile.
Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.
Le 5 mars 2010, M. [V] [N] a été victime d’un accident de la circulation, impliquant un véhicule assuré par la SA GMF assurances.
Une quittance indemnitaire définitive a été régularisée le 3 novembre 2015 à concurrence d’une somme totale de 325 862,30 euros.
M. [V] [N] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble aux fins d’expertise en raison de l’aggravation de son état.
Par ordonnance du 7 juin 2020, le juge des référés a ordonné une mesure d’expertise judiciaire qui a été confiée au docteur [O] [K].
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 10 novembre 2020, concluant principalement à l’aggravation mais indiquant que la consolidation n’était pas acquise.
M. [V] [N] a de nouveau saisi le juge des référés afin d’obtenir une provision à valoir sur la réparation définitive de ses préjudices.
Par ordonnance du 15 septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble a condamné la SA GMF assurances à payer à M. [V] [N] la somme provisionnelle de 75 000 euros à valoir sur la réparation définitive de ses préjudices consécutifs à l’aggravation de son état de santé.
Par actes de commissaire de justice délivrés les 6 et 9 octobre 2023, M. [V] [N] a de nouveau saisi le juge des référés aux fins de voir ordonner une nouvelle mesure d’expertise judiciaire et condamner la SA GMF assurances à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de provision ad litem.
Par ordonnance en date du 1er février 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble a :
– ordonné une expertise médicale de M. [V] [N] ;
– désigné pour y procéder le docteur [O] [K] ;
– condamné la SA GMF assurances à verser à M. [V] [N] la somme de 1 500 euros à titre de provision ad litem ;
– condamné la SA GMF assurances à verser à M. [V] [N] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SA GMF assurances aux dépens.
Par déclaration d’appel en date du 5 avril 2024, la SA GMF assurances a interjeté appel de l’ordonnance en toutes ses dispositions.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 mai 2024, l’appelante demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien-fondée en ses demandes ;
– réformer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a désigné en qualité d’expert le docteur [K] ;
– statuant à nouveau, désigner tel expert qu’il plaira à l’exception du docteur [K].
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 juin 2024, M. [N] demande à la cour de :
– déclarer l’appel de la SA GMF assurances sans objet et non fondé ;
– confirmer l’ordonnance déférée ;
– condamner la SA GMF assurances au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SA GMF assurances au paiement d’une amende civile de 1 000 euros sur le fondement de l’article 559 du code de procédure civile ;
– condamner la SA GMF assurances aux dépens de l’instance d’appel, avec distraction de droit.
1. Sur la demande concernant la désignation de l’expert
Moyens des parties
La GMF assurances demande que l’expertise soit confiée à un autre expert que le docteur [K] aux motifs que celui-ci n’a pas respecté les règles de convocation lors de la précédente expertise, qu’il a refusé de modifier les dates de convocation à sa demande et qu’il ne respecte pas les règles de l’article 276 du code de procédure civile.
M. [N] réplique qu’en premier lieu l’appel est devenu sans objet dès lors que le docteur [K] a exécuté les termes de sa mission et diffusé un pré-rapport le 24 avril 2024. En second lieu, la cour d’appel ne peut, faute de fondement juridique, substituer un autre médecin expert au docteur [K].
Réponse de la cour
Selon l’article 232 du code de procédure civile, le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien.
Le choix de l’expert désigné pour accomplir la mission d’expertise relève du pouvoir discrétionnaire de la juridiction, de telle sorte que si les parties peuvent proposer la désignation d’un expert, elles ne peuvent contester le choix de celui-ci opéré par la juridiction qu’en recourant à la procédure de la récusation prévue par les articles 234 et 235 du code de procédure civile.
Il n’entre donc en l’espèce pas dans les pouvoirs de la cour d’appel de procéder au changement d’expert par la voie de l’appel, et ce d’autant que l’expert a d’ores et déjà accompli sa mission.
Aussi convient-il de déclarer la cour incompétente pour statuer sur la demande de changement d’expert de la SA GMF assurances.
2. Sur la demande d’amende civile
Moyens des parties
M. [V] [N] sollicite la condamnation de la SA GMF assurances à payer une amende civile aux motifs que l’appel principal relevé est manifestement abusif.
La SA GMF assurances ne réplique pas sur ce point.
Réponse de la cour
Selon l’article 559 du code de procédure civile, en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.
Seule une faute de l’appelant faisant dégénérer en abus l’exercice de la voie de recours qui lui était ouverte peut donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts pour appel abusif, voire à sa condamnation à une amende civile.
En l’espèce, la SA GMF assurances a exercé une voie de recours vouée à l’échec alors qu’elle pouvait user de la procédure de la récusation pour contester la désignation de l’expert.
Elle a ainsi commis une faute caractérisant un appel abusif et doit être sanctionnée d’une amende civile d’un montant de 500 euros.
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Se déclare incompétente pour statuer sur la demande de changement d’expert de la SA GMF assurances ;
Condamne la SA GMF assurances à payer une amende civile de 500 euros pour appel abusif ;
Condamne la SA GMF assurances à payer à M. [V] [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA GMF assurances aux dépens de l’instance d’appel ;
Autorise, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Me Hervé Gerbi, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Ludivine Chetail, conseillère de la deuxième chambre civile, faisant fonction de présidente, et par Mme Solène Roux, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
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