Expertise judiciaire préventive : enjeux de preuve et responsabilité professionnelle.

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Expertise judiciaire préventive : enjeux de preuve et responsabilité professionnelle.

L’Essentiel : Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M] ont assigné l’entreprise AIMABLE COUVERTURE pour obtenir la désignation d’un expert judiciaire, suite à des problèmes de fumée dans leur salon. Un ramonage effectué en 2022 s’est révélé inefficace, laissant le tube en zinc de la cheminée complètement bouché. Une expertise amiable a confirmé la mauvaise exécution du ramonage, entraînant des travaux réparatoires estimés à 1.915 euros. Le tribunal a ordonné une expertise judiciaire, considérant que les plaignants avaient un motif légitime. Les dépens et une provision de 2.000 euros pour l’expert ont été mis à leur charge.

Contexte de l’affaire

Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M] ont assigné l’entreprise AIMABLE COUVERTURE devant le tribunal judiciaire d’Évry pour obtenir la désignation d’un expert judiciaire. Cette action a été engagée suite à des problèmes rencontrés avec une cheminée acquise en 2013 et un ramonage effectué en 2022.

Les faits allégués

Les plaignants ont constaté des problèmes de fumée dans leur salon en mars 2023, ce qui les a conduits à faire appel à une autre entreprise de ramonage. Cette dernière a révélé que le tube en zinc de la cheminée était complètement bouché. Une expertise amiable a confirmé que le ramonage avait été mal exécuté, nécessitant des travaux réparatoires estimés à 1.915 euros.

Déroulement de la procédure

L’affaire a été renvoyée à plusieurs audiences, où les plaignants ont maintenu leurs demandes et présenté des pièces justificatives. L’entreprise AIMABLE COUVERTURE a exprimé des réserves concernant la demande d’expertise judiciaire.

Décision du tribunal

Le tribunal a ordonné une expertise judiciaire, considérant que les plaignants avaient justifié d’un motif légitime pour établir la preuve des faits avant tout procès. La provision pour le coût de l’expertise a été mise à la charge des plaignants.

Conséquences financières

Les dépens ont été laissés à la charge de Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M], en l’absence de partie succombante. Le tribunal a également fixé une provision de 2.000 euros à consigner pour la rémunération de l’expert, avec un délai de huit semaines pour effectuer cette consignation.

Instructions pour l’expert

L’expert désigné devra examiner les désordres affectant la cheminée, déterminer leur origine et fournir des éléments permettant au tribunal de statuer sur les responsabilités. Il devra également évaluer les travaux nécessaires et leur coût, tout en tenant compte des urgences potentielles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour demander une expertise judiciaire avant tout procès ?

La demande d’expertise judiciaire avant tout procès est fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile, qui stipule :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. »

Cet article précise que la partie qui souhaite obtenir une expertise doit démontrer la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

Dans le cas présent, Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M] ont justifié leur demande par la production de plusieurs documents, tels que la facture d’achat de la cheminée, le certificat de ramonage, et les rapports d’expertise amiable.

Ces éléments montrent la vraisemblance des désordres affectant la cheminée, ce qui constitue un motif légitime pour ordonner une expertise judiciaire.

Comment sont répartis les dépens dans le cadre d’une expertise judiciaire ?

Les dépens sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui indique :

« Les dépens comprennent les frais de justice exposés par les parties pour la conduite de l’instance. »

Dans cette affaire, le juge a décidé de laisser les dépens à la charge de Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M], en l’absence de partie succombante.

Cela signifie que, bien que l’expertise ait été ordonnée dans leur intérêt, il n’y a pas eu de partie perdante dans le cadre de cette demande, ce qui justifie que les dépens soient à leur charge.

Cette décision est conforme à la logique selon laquelle les mesures d’expertise sont destinées à éclairer le juge pour un éventuel procès au fond, mais les frais associés à cette mesure sont à la charge de la partie qui les sollicite.

Quelles sont les obligations de l’expert judiciaire dans le cadre de sa mission ?

Les obligations de l’expert judiciaire sont définies dans les articles 232 à 248 et 263 à 284-1 du Code de procédure civile. Ces articles précisent que l’expert doit :

– Se rendre sur les lieux et examiner les désordres allégués.
– Entendre contradictoirement les parties et se faire communiquer tous documents nécessaires.
– Fournir un rapport détaillant l’origine, les causes et l’étendue des désordres, ainsi que les responsabilités encourues.

L’expert doit également évaluer les travaux nécessaires pour remédier aux désordres et chiffrer leur coût.

Il est tenu de respecter un calendrier pour ses opérations et de rendre compte de l’avancement de ses travaux au magistrat chargé du contrôle des expertises.

Ces obligations garantissent que l’expertise est réalisée de manière rigoureuse et transparente, permettant ainsi au tribunal de statuer en connaissance de cause sur les responsabilités et les préjudices éventuels.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français

Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 31 décembre 2024
MINUTE N° 24/______
N° RG 24/00969 – N° Portalis DB3Q-W-B7I-QJ7S

PRONONCÉE PAR

Elisa VALDOR, Juge,
Assistée de Alexandre EVESQUE, greffier, lors des débats à l’audience du 26 novembre 2024 et de Fabien DUPLOUY, greffier, lors du prononcé

ENTRE :

Madame [F] [J] épouse [M]
demeurant [Adresse 3] [Localité 13]

représentée par Maître Sandrine PRISO de la SELARL SOCIETE D’AVOCAT GOGET-PRISO, avocate au barreau de l’ESSONNE

Monsieur [C] [M]
demeurant [Adresse 9] – [Localité 8] POLYNESIE FRANCAISE – TAH

représenté par Maître Sandrine PRISO de la SELARL SOCIETE D’AVOCAT GOGET-PRISO, avocate au barreau de l’ESSONNE

DEMANDEURS

D’UNE PART

ET :

Entreprise individuelle AIMABLE COUVERTURE, représentée par Monsieur [R] AIMABLE
dont le siège social est sis [Adresse 5] [Localité 4]

représentée par Maître Jérôme CHERUBIN, avocat au barreau de l’ESSONNE, substitué par Maître Lionel COHEN, avocat au barreau de l’ESSONNE

DÉFENDERESSE

D’AUTRE PART

ORDONNANCE : Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort.

**************
EXPOSE DU LITIGE

Par acte de commissaire de justice du 11 septembre 2024, Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M] ont fait assigner devant le Président du tribunal judiciaire d’Évry, statuant en référé, l’entreprise individuelle AIMABLE COUVERTURE, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, aux fins de voir désigner un expert judiciaire et réserver les dépens.

Au soutien de leur demande, Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M] exposent que :

suivant facture du 30 septembre 2013, ils ont fait l’acquisition d’une cheminée auprès de la SARL FUMI FLAMME moyennant la somme de 1.459,27 euros et ont fait appel à l’entreprise AIMABLE COUVERTURE le 1er mars 2022 afin qu’il soit procédé à un ramonage de ladite cheminée ;au mois de mars 2023 de la fumée provenant du salon est apparue, ils ont donc fait appel à une autre entreprise de ramonage laquelle a constaté que le tube en zinc était complètement bouché et que le tubage dépassait de 5cm ;une expertise amiable diligentée par leur assureur protection juridique a permis de constater que le ramonage a été mal exécuté, considérant nécessaire de procéder à des travaux réparatoires ainsi qu’à un ramonage du conduit en entier ;selon devis établi le 24 avril 2023 par la société ACC, le coût estimatif des réparations, comprenant la remise en état de la cheminée, du solin et de la couverture, s’élève à la somme de 1.915 euros TTC.
Appelée à l’audience du 8 octobre 2024 puis à celle du 25 octobre 2024, l’affaire a été utilement renvoyée à l’audience du 26 novembre 2024 au cours de laquelle Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M], représentés par leur conseil, ont maintenu leurs prétentions et moyens exposés à leur acte introductif d’instance et déposé leurs pièces telles que visées.

Lentreprise indivduelle AIMABLE COUVERTURE, représentés par son conseil, a formé oralement protestations et réserves sur la mesure sollicitée.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience ainsi qu’à la note d’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 31 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’expertise judiciaire

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

En l’espèce, Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M] justifient, par la production de la facture d’achat de la cheminée du 30 septembre 2013, du certificat de ramonage établi par l’entreprise AIMABLE COUVERTURE, des rapports d’expertise amiable des 11 avril, 10 mai et 16 octobre 2023, du courrier adressé par leur assureur protection juridique à l’entreprise AIMABLE COUVERTURE le 9 janvier 2024, du devis établi par l’entreprise ACC le 24 avril 2023 pour les travaux de remise en état à réaliser sur la cheminée, de la vraisemblance des désordres invoqués affectant la cheminée dont le ramonage avait été effectué par l’entreprise AIMABLE COUVERTURE et, ce faisant, d’un motif légitime pour obtenir la désignation d’un expert en vue d’établir, avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige.

En conséquence, il y a lieu d’ordonner une expertise judiciaire dans les termes du dispositif.

Les mesures réclamées avant tout procès sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne sont pas destinées à éclairer le juge qui les ordonne mais le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite en vue d’un éventuel procès au fond.

En conséquence la provision à valoir sur le coût de cette expertise sera mise à la charge de Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M].

Sur les dépens

Les dépens ne peuvent être réservés.

En l’absence de partie succombante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, il y a lieu de laisser les dépens à la charge de Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M], dans l’intérêt desquels la mesure d’expertise est ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe, en premier ressort,

DONNE ACTE à l’entreprise individuelle AIMABLE COUVERVURE de ses protestations et réserves sur la demande d’expertise judiciaire formée par Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M] ;

ORDONNE une expertise judiciaire, au contradictoire de l’ensemble des parties et désigne pour y procéder :

Monsieur [Z] [V]
expert près la cour d’appel de PARIS
[Adresse 12]
[Localité 4]
Port. : [XXXXXXXX02]
Email : [Courriel 10]

lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;

avec mission de :

se rendre sur les lieux [Adresse 3] à [Localité 13] après y avoir convoqué les parties,
entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués ou entendus et se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
examiner les désordres allégués affectant la cheminée installée sur la propriété de Madame [M] et Monsieur [C] [M] et décrit dans le rapport d’expertise amiable et en rechercher l’origine,
en détailler l’origine, les causes, l’étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions,
dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l’art,
fournir tous éléments techniques et de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues,
après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d’exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d’un maître d’œuvre, le coût de ces travaux,
fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d’évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état,
dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l’aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l’affirmative, à la demande d’une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible,
• faire toutes observations utiles au règlement du litige.

DIT qu’en cas d’urgence reconnue par l’expert, la partie la plus diligente pourra nous en référer pour être autorisée à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l’expert, lequel dans ce cas déposera un pré-rapport précisant la nature et l’importance des travaux ;

FAIT injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu’elles adresseront à l’expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

DIT que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 code de procédure civile et qu’il déposera son rapport en un exemplaire original sous format papier et en copie sous la forme d’un fichier PDF enregistré sur un CDROM au greffe du service du contrôle des expertises du tribunal judiciaire d’EVRY sis [Adresse 6] à [Localité 7], dans le délai de six mois à compter de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle (en fonction d’un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties) ;

DIT que l’expert devra, dès réception de l’avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l’expiration d’un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera à une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d’éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu’à l’issue de cette première réunion il adressera un compte rendu aux parties et au juge chargé du contrôle :

en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations,en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent, en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées,en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse.
INVITE les parties à utiliser la voie dématérialisée via l’outil OPALEXE pour leurs échanges contradictoires avec l’expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure dans le but de limiter les frais d’expertise ;

DIT que, sauf accord contraire des parties, l’expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l’ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction ;

DIT que l’expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile et rappelons qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ;

DESIGNE le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents ;

DIT que l’expert devra rendre compte à ce magistrat de l’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies et qu’il devra l’informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l’exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;

FIXE à la somme de 2.000 (deux mille) euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M] entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, [Adresse 6] à [Localité 7] ([Courriel 11] / Tél : [XXXXXXXX01] ou 80.06), dans le délai de huit semaines à compter de la délivrance de la présente ordonnance par le greffe aux parties, sans autre avis ;

DIT que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;

DIT qu’en déposant son rapport, l’expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération ;

LAISSE les dépens à la charge de Madame [F] [M] née [J] et Monsieur [C] [M] ;

RAPPELLE que la présente est exécutoire par provision ;

REJETTE toute demande plus ample ou contraire.

Ainsi fait et prononcé par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2024, et nous avons signé avec le greffier.

Le Greffier, Le Juge des Référés,


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