Expertise judiciaire : enjeux de preuve et de responsabilité en matière d’assurance incendie.

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Expertise judiciaire : enjeux de preuve et de responsabilité en matière d’assurance incendie.

L’Essentiel : Monsieur [W] [F] a subi un incendie dévastateur de son mobil-home à [Localité 5], entraînant une assignation de la MACIF pour désigner un expert. Lors de l’audience du 25 novembre 2024, il a réaffirmé sa demande d’expertise, soulignant l’incertitude sur l’origine de l’incendie. La MACIF a contesté cette demande, arguant d’un manque de motif légitime, tout en demandant 1.500 euros au titre de l’article 700. Le Juge a finalement statué en faveur de l’expertise, considérant qu’elle était nécessaire pour établir les faits et déterminer les responsabilités. Un expert a été désigné pour évaluer les dommages.

Contexte de l’Affaire

Monsieur [W] [F] a subi un incendie qui a détruit son mobil-home, situé sur sa parcelle à [Localité 5]. En conséquence, il a assigné la société d’assurance MACIF devant le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 8 mars 2024, demandant la désignation d’un expert pour établir les responsabilités liées à cet incident.

Déroulement de l’Audience

L’affaire a été examinée lors de l’audience du 25 novembre 2024, où Monsieur [W] [F] a réaffirmé sa demande d’expertise. Il a précisé qu’il était assuré auprès de la MACIF et que l’origine de l’incendie demeurait inconnue, justifiant ainsi sa demande d’expertise judiciaire.

Position de la MACIF

La société d’assurance MACIF a contesté la demande d’expertise, arguant que Monsieur [W] [F] ne prouvait pas l’existence d’un motif légitime pour justifier sa demande. De plus, la MACIF a demandé la condamnation de Monsieur [W] [F] à verser 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout en indiquant qu’elle ne s’opposait pas à la demande d’expertise sous réserve.

Décision du Juge

Le Juge des Référés a statué en faveur de la demande d’expertise, considérant qu’il existait un motif légitime pour établir la preuve des faits avant tout procès. Il a souligné que le litige présentait des aspects techniques nécessitant une expertise pour déterminer l’origine des désordres constatés.

Mission de l’Expert

L’expert désigné, Monsieur [U] [Y], a pour mission de se rendre sur les lieux, d’examiner l’état du mobil-home avant l’incendie, d’identifier les causes du sinistre, et d’évaluer les préjudices subis par Monsieur [W] [F]. Il devra également déterminer si des travaux urgents sont nécessaires pour prévenir l’aggravation des dommages.

Consignation et Rapport

Monsieur [W] [F] est tenu de consigner une somme de 4.000 euros pour couvrir les frais de l’expertise dans un délai de deux mois. L’expert devra déposer son rapport dans un délai de 12 mois suivant la consignation, et toutes les parties devront être informées des conclusions de l’expertise.

Conclusion de la Décision

Le Juge a rejeté toutes autres demandes et a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les frais de la procédure resteront provisoirement à la charge de Monsieur [W] [F], sauf s’ils sont inclus dans son préjudice global.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du Code de procédure civile dans le cadre d’une demande d’expertise judiciaire ?

L’article 145 du Code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé. »

Cet article permet donc à une partie de demander une expertise judiciaire avant le procès lorsque des éléments de preuve sont nécessaires pour établir les faits en litige.

Dans le cas présent, Monsieur [W] [F] a sollicité une expertise pour déterminer l’origine de l’incendie ayant détruit son mobil-home.

Le juge a constaté que le litige revêtait des aspects techniques nécessitant une expertise, ce qui constitue un motif légitime au sens de l’article 145.

Ainsi, la demande d’expertise a été jugée fondée, permettant d’établir les responsabilités et les préjudices éventuels.

Quelles sont les conséquences de la décision du juge des référés sur les frais de procédure ?

La décision du juge des référés a des implications sur les frais de procédure, notamment en ce qui concerne l’article 700 du Code de procédure civile, qui dispose que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le juge a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700, ce qui signifie que la MACIF n’a pas obtenu de condamnation à payer des frais à Monsieur [W] [F].

De plus, le juge a précisé que les frais de consignation et les dépens seraient laissés à la charge de Monsieur [W] [F], sauf à les inclure dans son éventuel préjudice global.

Cela implique que, bien que l’expertise ait été ordonnée, les frais associés à cette procédure devront être avancés par Monsieur [W] [F], ce qui peut avoir un impact sur sa situation financière.

Comment le juge a-t-il justifié la nécessité d’une expertise dans ce litige ?

Le juge a justifié la nécessité d’une expertise en se basant sur les éléments présentés par Monsieur [W] [F], notamment le procès-verbal d’audition et la proposition d’indemnisation.

Il a souligné que la demande d’expertise était fondée sur un motif légitime, car le litige comportait des aspects techniques qui nécessitaient une évaluation par un expert.

L’article 145 du Code de procédure civile exige que le litige soit suffisamment caractérisé pour ordonner une mesure d’instruction.

Dans ce cas, le juge a estimé que les circonstances entourant l’incendie et les dommages subis par le mobil-home justifiaient une expertise pour déterminer l’origine du sinistre et les responsabilités éventuelles.

Ainsi, la décision d’ordonner une expertise a été prise dans le but de garantir une instruction complète et équitable du litige.

Quelles sont les obligations de l’expert judiciaire selon la décision rendue ?

La décision du juge des référés a défini plusieurs obligations pour l’expert judiciaire, qui sont cruciales pour la bonne conduite de l’expertise.

L’expert doit notamment :

– Se rendre sur les lieux en présence des parties et de leurs conseils, ou après les avoir dûment convoqués.

– Visiter les lieux et en faire une description détaillée.

– Déterminer l’état du mobil-home avant l’incendie et rechercher les causes du sinistre, en précisant si celles-ci résultent de faits volontaires ou d’une cause accidentelle.

– Évaluer les préjudices de toute nature, directs et indirects, matériels et immatériels, résultant des dommages.

– Proposer une base d’évaluation des préjudices subis par Monsieur [W] [F].

Ces obligations visent à garantir que l’expertise soit exhaustive et permette au juge de disposer de toutes les informations nécessaires pour trancher le litige.

L’expert doit également établir un rapport et communiquer ses conclusions aux parties, ce qui est essentiel pour la transparence de la procédure.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

62B

Minute n° 24/

N° RG 24/00608 – N° Portalis DBX6-W-B7I-YZRN

5 copies

EXPERTISE

GROSSE délivrée
le 30/12/2024
à Me Laurianne BAL DIT SOLLIER
la SCP TMV

COPIE délivrée
le 30/12/2024
à

2 copies au service expertise

Rendue le TRENTE DECEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Après débats à l’audience publique du 25 Novembre 2024,

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Charlène PALISSE, Greffière.

DEMANDEUR

Monsieur [W] [F]
né le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 10] (Moselle)
[Adresse 8]
[Localité 5]

Représenté par Maître Laurianne BAL DIT SOLLIER, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, Maître Laurent MASCARAS, avocat plaidant, de l’Association MASCARAS CERESIANI LES AVOCATS ASSOCIES, avocat associé au barreau de TOULOUSE

DÉFENDERESSE

MACIF
Société d’assurance à forme mutuelle dont le siège social est :
[Adresse 2]
[Localité 9]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Pierrick CHOLLET de la SCP TMV, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSÉ DU LITIGE

Déplorant un incendie détruisant son mobil-home, Monsieur [W] [F] a, par acte du 8 mars 2024 fait assigner la société d’assurance MACIF devant le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux afin de voir désigner un expert au visa de l’article 145 du Code de procédure civile.

L’affaire a été appelée à l’audience du 25 novembre 2024, au cours de laquelle Monsieur [W] [F] a maintenu ses demandes.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [W] [F] expose qu’il est propriétaire de la parcelle “[Cadastre 6] feuille 000AN01″ sur la commune de [Localité 5] sur lequel il avait déposé un mobil-home qui aurait été détruit par un incendie dont l’origine serait inconnue. Monsieur [W] [F] indique être assuré auprès de la MACIF et sollicite donc une expertise judiciaire afin d’établir les responsabilités encourues.

La société d’assurance MACIF a indiqué s’opposer à la demande d’expertise au motif que Monsieur [W] [F] ne démontrerait pas l’existence d’un motif légitime de nature à justifier sa demande et la MACIF sollicite la condamnation de Monsieur [W] [F] à payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire, la MACIF indique ne pas s’opposer à la demande sous les plus expresses protestations et réserves d’usage.

Il y a dès lors lieu de statuer par décision contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 145 du Code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

La mise en oeuvre de cette disposition suppose l’existence d’un litige dont l’objet et le fondement sont suffisamment caractérisés.

En l’espèce, il résulte des pièces produites aux débats par Monsieur [W] [F], et notamment le procés verbal d’audition et la proposition d’indemnisation, que la demande d’expertise est fondée sur un motif légitime puisque le litige revêt des aspects techniques qui nécessitent le recours à une telle mesure. En effet, la mesure d’instruction apparaît nécessaire, notamment pour connaître l’origine des désordres constatés.

Dans ces conditions, et sans que la présente décision ne comporte de préjugement quant aux responsabilités et garanties encourues, il sera fait droit à l’expertise sollicitée, la mission de l’expert étant celle précisée au dispositif de la présente décision.

À ce stade de la procédure, et alors que la question du fond reste entière, tant les frais de consignation que les dépens seront laissés à la charge de Monsieur [W] [F], sauf à les inclure dans son éventuel préjudice global et il n’y a pas lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des Référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire, en premier ressort,

Vu l’article 145 du Code de procédure civile,

ORDONNE une mesure d’expertise, tous droits et moyens des parties réservés, et commet pour y procéder :

Monsieur [U] [Y]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Tél : [XXXXXXXX01]
[Courriel 11]

DIT que l’expert répondra à la mission suivante :

– se rendre sur les lieux en présence des parties et de leurs conseils ou après les avoir dûment convoquées ; se faire communiquer, dans le délai qu’il estimera utile de fixer, tous documents et pièces qu’il jugera nécessaires à l’exercice de sa mission, et notamment l’assignation, ainsi que tous documents contractuels, techniques et administratifs se rapportant au sinistre ;

– visiter les lieux et les décrire ;

– déterminer l’état du mobil home antériemement à la survenance du sinistre et préciser à quel usage il était affecté,

– Rechercher la ou les causes du sinistre, préciser notamment s’i1résulte de faits volontaires ou d’une cause accidentelle
dans ce dernier cas, préciser si le sinistre résulte de la vétusté, d’un défaut d’entretien, des conditions d’occupation; d’une non conformité aux normes de sécurité ou s’il a été aggravé pour l’une de ses causes,

– Donner son avis sur les préjudices. de toute nature, directs et indirects, matériels et immatériels résultant des dommages; notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état,

– Préciser si le rnobil- homme présente des dégâts ou dégradations de nature à compromettre sa structure et son usage, si les installations électriques, et de sécurité sont conformes et permettent un usage normal des activités compte tanu de leur destination,

– évaluer les moins – values résultant des dommages non réparables ,

– Dire si des travaux urgents sont nécessaires pour empêcher l’aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte; soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l’affirmative , à la demande d’une partie en cas de litige sur les travaux de sauvegarde ou de reconstruction nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra étre déposé aussitôt que possible ;

– donner tous éléments techniques et de fait permettant au juge de déterminer les responsabilités éventuelles encourues par les différents intervenants et, le cas échéant, déterminer, en précisant les motifs techniques présidant à son appréciation, qui a eu un rôle prépondérant, secondaire ou mineur ;

– donner au juge tous éléments techniques et de fait de nature à lui permettre de déterminer la nature et l’importance des préjudices subis par Monsieur [W] [F] et proposer une base d’évaluation;

– constater l’éventuelle conciliation des parties sans manquer dans ce cas d’en aviser le Magistrat chargé du Contrôle des Expertises;

– établir une note de synthèse et la communiquer aux parties et les inviter à formuler leurs dires et observations récapitulatifs dans un délai de deux mois pour ce faire, et répondre aux dires et observations formulés dans ce délai;

AUTORISE Monsieur [W] [F] à effectuer, à ses frais avancés, les mesures conservatoires utiles et nécessaires préconisées par l’expert judiciaire

DIT qu’au stade du pré-rapport, l’intégralité des chefs de mission doit avoir été traitée par l’expert judiciaire, dont la problématique des imputabilités 

RAPPELLE QUE, en application de l’article 276 du Code de procédure civile, les observations et dires précédents dont les termes ne seraient pas sommairement repris dans les dires récapitulatifs, seront réputés abandonnés par les parties,

INVITE l’expert à signaler aux parties dans le délai de deux mois à compter de la première réunion d’expertise, les intervenants à la construction dont la présence aux opérations lui semblerait utile, lesquels devront fournir à Monsieur [W] [F] les coordonnées de leurs assureurs lors de la DROC et lors de l’assignation,

DIT que l’expert ne pourra recueillir l’avis d’un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu’il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, adresse, et profession ainsi que, s’il y a lieu, leur lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêt avec elles,

FIXE à la somme de 4.000 € la provision que Monsieur [W] [F] devra consigner par virement sur le compte de la Régie du Tribunal Judiciaire de Bordeaux avec la mention du numéro PORTALIS située en haut à gauche sur la première page de l’ordonnance de référé dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque,et ce à moins que cette partie ne soit dispensée du versement d’une consignation par application de la loi sur l’aide juridictionnelle, auquel cas les frais seront avancés par le Trésor, 

DIT que l’expert doit établir un devis prévisionnel, l’ajuster en tant que de besoin en fonction de l’évolution de l’expertise, et veiller à ce que la somme consignée corresponde toujours aux coûts prévisibles de l’expertise, au besoin en demandant des consignations complémentaires,

DIT que l’expert devra déposer son rapport en un seul exemplaire au greffe du Tribunal Judiciaire, dans le délai de 12 mois suivant la date de la consignation,

DIT n’y avoir lieu à mettre hors de cause la MACIF,

REJETTE toutes autres demandes,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT que Monsieur [W] [F] conservera provisoirement les frais de la présente procédure, sauf à les inclure dans son éventuel préjudice global.

La présente décision a été signée par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente, et par Charlène PALISSE, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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