L’Essentiel : La société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production a assigné Media alarme en référé pour désigner un expert concernant des désordres dans la Salle Colonne, liés à des travaux effectués selon un contrat. Lors de l’audience, Orchestre colonne a contesté l’exception d’incompétence de Media alarme, qui a plaidé pour l’incompétence du tribunal judiciaire de Paris, invoquant un procès antérieur. Le tribunal a rejeté cette exception, mais a déclaré la demande d’expertise irrecevable, soulignant qu’un jugement antérieur avait déjà tranché le litige. Orchestre colonne a été condamnée aux dépens, sans application de l’article 700 du code de procédure civile.
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Contexte de l’affaireLa société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production a assigné la société Media alarme en référé le 22 novembre 2024, demandant la désignation d’un expert pour examiner des désordres dans la Salle Colonne, liés à des travaux effectués par Media alarme selon un contrat signé le 24 juin 2020. Arguments des partiesLors de l’audience du 11 décembre 2024, Orchestre colonne a demandé le rejet de l’exception d’incompétence soulevée par Media alarme, tout en insistant sur la recevabilité de sa demande d’expertise. En revanche, Media alarme a plaidé pour l’incompétence du tribunal judiciaire de Paris, arguant qu’un procès au fond avait déjà eu lieu et demandant le rejet de la demande d’expertise. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté l’exception d’incompétence, affirmant que le tribunal judiciaire était compétent pour statuer sur le litige. Cependant, il a déclaré la demande d’expertise irrecevable, car un procès au fond avait déjà été engagé, avec un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 13 octobre 2023, condamnant Orchestre colonne à payer une facture impayée à Media alarme. Éléments nouveaux et litigeOrchestre colonne a tenté de justifier sa demande d’expertise en présentant un rapport d’audit révélant des désordres dans les travaux de Media alarme. Toutefois, le tribunal a estimé que ces éléments nouveaux n’affectaient pas l’existence d’un procès déjà engagé, et que le litige concernait les mêmes désordres déjà écartés par le tribunal de commerce. Conclusion et dépensEn conséquence, la demande d’expertise a été jugée irrecevable, et Orchestre colonne a été condamnée aux dépens de la procédure. Cependant, le tribunal a décidé de ne pas appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, dispensant ainsi la demanderesse de toute condamnation supplémentaire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du tribunal dans le cadre de ce litige ?La compétence du tribunal est déterminée par l’article R. 211-4, I, 11° du code de l’organisation judiciaire, qui stipule que le tribunal judiciaire est compétent pour statuer sur les litiges relatifs aux marchés de travaux. En l’espèce, le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Media alarme, affirmant que le tribunal judiciaire était compétent pour statuer sur le litige en raison de la nature du marché de travaux signé par les parties. Ainsi, l’article R. 211-4 précise : « I. – Les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître des litiges relatifs aux contrats de construction, de travaux publics et de marchés de travaux. » Cette disposition confirme que le tribunal judiciaire est le forum approprié pour traiter les différends liés aux contrats de travaux, ce qui a conduit à la décision de rejeter l’exception d’incompétence. Quelles sont les conditions pour ordonner une expertise en référé ?L’article 145 du code de procédure civile énonce les conditions dans lesquelles une expertise peut être ordonnée en référé. Il stipule qu’une expertise peut être demandée s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir la preuve de faits pouvant influencer la solution d’un litige. Cet article précise : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » Cependant, il est également précisé que si un procès au fond a déjà été engagé, la demande d’expertise est irrecevable. Dans ce cas, la société Media alarme a soutenu que le litige avait déjà été tranché par le tribunal de commerce, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de la demande d’expertise. Comment la notion de litige est-elle définie dans le cadre de cette affaire ?La notion de litige est essentielle pour déterminer la recevabilité des demandes en justice. Dans cette affaire, le tribunal a constaté que le litige opposant les parties avait déjà été tranché par le tribunal de commerce, ce qui a des implications sur la demande d’expertise. Le tribunal a relevé que le jugement du tribunal de commerce du 13 octobre 2023 avait déjà statué sur les mêmes désordres et malfaçons invoqués par la société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production. Cela signifie que le même litige a été examiné et jugé, rendant la demande d’expertise irrecevable. L’article 145 du code de procédure civile, en lien avec la notion de litige, souligne que la demande d’expertise ne peut être formulée que si aucun procès au fond n’a été engagé. Dans ce cas, le tribunal a jugé que le litige était déjà tranché, ce qui a conduit à la décision de déclarer la demande d’expertise irrecevable. Quelles sont les conséquences de la décision sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ?La décision du tribunal a également des implications sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile. En vertu de cet article, la partie perdante peut être condamnée à payer une somme à l’autre partie pour couvrir les frais de justice. Dans cette affaire, la société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production a été condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais liés à la procédure. Cependant, le tribunal a décidé de ne pas appliquer l’article 700, dispensant ainsi la demanderesse de toute condamnation financière supplémentaire. L’article 700 du code de procédure civile stipule : « Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. » Ainsi, bien que la société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production ait été condamnée aux dépens, le tribunal a jugé équitable de ne pas lui imposer de frais supplémentaires au titre de l’article 700, tenant compte des circonstances de l’affaire. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/58029
N° Portalis 352J-W-B7I-C6JV6
N° : 7
Assignation du :
22 novembre 2024
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[1] 2 copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 15 janvier 2025
par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.
DEMANDERESSE
La S.C.O.P. ORCHESTRE COLONNE COOPERATIVE OUVRIERE DE PRODUCTION
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Maître David RAMIREZ MONCADA, avocat au barreau de PARIS – #C1956
DEFENDERESSE
La S.A. MEDIA ALARME
Chez DOCTIL
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Alexandra SEIZOVA, avocat au barreau de PARIS – #C2392
DÉBATS
A l’audience du 11 décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Vu l’assignation en référé délivrée le 22 novembre 2024 par la société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production aux fins de voir désigner un expert concernant les désordres allégués affectant la Salle Colonne, [Adresse 3] à [Localité 2], en lien avec des travaux réalisés par la société Media alarme en exécution d’un contrat du 24 juin 2020 ;
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l’audience par la société Media alarme aux fins d’incompétence du président du tribunal judiciaire de Paris au profit du président du tribunal de commerce de Paris, de rejet de la demande d’expertise et, subsidiairement, de protestations et réserves et de condamnation de la demanderesse au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
En application de l’article R. 211-4, I, 11°, du code de l’organisation judiciaire et eu égard à la nature du marché de travaux signé par les parties, le tribunal judiciaire serait compétent au fond pour statuer sur le litige, de sorte que l’exception d’incompétence sera rejetée.
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il ressort de ces dispositions qu’une expertise ne peut être ordonnée que si un procès au fond n’a pas été engagé avant la saisine du juge des référés et que, dans le cas contraire, la demande est irrecevable.
La société Media alarme sollicite le rejet de la demande d’expertise au motif qu’un procès au fond a déjà eu lieu entre les parties, demande qui s’analyse en une irrecevabilité.
Il ressort en effet du jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 octobre 2023 versé aux débats que le juge du fond a déjà été saisi du litige opposant les parties et, plus encore, qu’il a déjà statué en condamnant la société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production à payer à la société Media alarme la somme de 6.975,84 euros TTC au titre de sa facture impayée.
Le tribunal de commerce de Paris était saisi par la société Media alarme d’une demande en paiement du solde de sa facture afférente au contrat du 24 juin 2020 signé par les parties et relatif à l’installation par la société Media alarme d’une alarme incendie dans les locaux de la société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production situés [Adresse 3] à [Localité 2] pour un montant de 9.922 euros HT.
Devant le tribunal de commerce, la société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production a exposé qu’elle refusait de régler ce solde au motif qu’elle avait constaté plusieurs dysfonctionnements et malfaçons affectant les travaux.
Ces dysfonctionnements et malfaçons, qui ont été écartés par le tribunal de commerce, sont précisément ceux invoqués au soutien de la demande d’expertise.
La demanderesse expose que des éléments nouveaux sont intervenus postérieurement à la décision du tribunal de commerce car elle a fait réaliser un rapport d’audit des travaux de la société Media alarme, lequel a mis en évidence d’importants désordres, malfaçons ou non-façons affectant ses installations. Mais ces éléments de preuve nouveaux sont sans incidence sur l’existence d’un procès au fond déjà engagé au sens de l’article 145 du code de procédure civile précité.
La société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production soutient également que l’objet de la procédure ayant abouti à la décision du 13 octobre 2023 est différent de celui de l’éventuel procès au fond qui pourrait avoir lieu après dépôt du rapport de l’expert. Mais il n’en est rien dès lors que le tribunal de commerce a écarté les moyens pris des désordres affectant les travaux qui étaient soulevés et a mis un terme au litige opposant les parties en condamnant la demanderesse au paiement du solde de sa facture.
Il s’agit en conséquence du même litige, de sorte qu’en présence d’un procès futur au fond déjà engagé et jugé, la demande d’expertise in futurum est irrecevable.
La demanderesse sera tenue aux dépens.
L’équité commande toutefois de la dispenser de toute condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Rejetons l’exception d’incompétence soulevée par la société Media alarme ;
Déclarons irrecevable la demande d’expertise formée par la société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production ;
Condamnons la société Orchestre colonne coopérative ouvrière de production aux dépens de la présente instance ;
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait à Paris le 15 janvier 2025.
Le Greffier, Le Président,
Arnaud FUZAT Rachel LE COTTY
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