Expertise demandée pour évaluer les conséquences d’un sinistre majeur.

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Expertise demandée pour évaluer les conséquences d’un sinistre majeur.

L’Essentiel : Dans cette affaire, un acheteur et une société exploitante ont assigné plusieurs assureurs devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. L’action vise à obtenir une expertise pour déterminer l’origine d’un incendie ayant détruit un camping, entraînant des pertes d’exploitation et des préjudices immatériels. Les demandeurs contestent les refus d’indemnisation de leur assureur et demandent une évaluation des préjudices. Les assureurs, en réponse, soutiennent qu’aucune faute ne leur est imputable. Le tribunal a finalement débouté les demandeurs de leur demande contre l’assureur principal, ordonnant une expertise limitée aux pertes d’exploitation et préjudices immatériels, tout en condamnant les demandeurs à verser des frais.

Contexte de l’Affaire

M. [K] [N] et la SARL ECUVEA DEVELOPPEMENT ont assigné les sociétés MAAF, [10], [11] CAMPING et ALTIMA ASSURANCE devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. Cette action vise à obtenir une expertise pour déterminer l’origine et la cause d’un incendie survenu le 12 juillet 2022, qui a détruit le camping où la société ECUVEA exploitait un fonds de commerce. Les demandeurs souhaitent également évaluer les dommages matériels, les pertes d’exploitation et les préjudices immatériels subis.

Les Demandes des Parties

Les demandeurs, M. [N] et la SARL ECUVEA, exposent avoir subi des pertes non indemnisées suite à l’incendie, notamment la cessation de leur activité commerciale. Ils contestent les refus d’indemnisation de leur assureur, la MAAF, et demandent une expertise pour évaluer les préjudices. Les autres parties, dont la MAAF et ALTIMA, ont formulé des objections à la demande d’expertise, en arguant qu’aucune faute ne leur était imputable et que les demandes d’évaluation étaient infondées.

Procédure Judiciaire

L’affaire a été renvoyée pour échange des conclusions des parties et a été fixée à l’audience du 6 janvier 2025. Les parties ont présenté leurs écritures, avec la MAAF demandant le rejet de la demande d’expertise et la condamnation des demandeurs à lui verser des frais. ALTIMA et [10] ont exprimé des réserves sur certains aspects de l’expertise, tandis que [11] CAMPING a soutenu la demande d’expertise concernant la perte de valeur du fonds de commerce.

Décision du Tribunal

Le tribunal a décidé de débouter M. [K] [N] et la SARL ECUVEA de leur demande contre la MAAF, la déclarant hors de cause. Il a ordonné une expertise limitée à l’évaluation des pertes d’exploitation et des préjudices immatériels, tout en excluant les demandes relatives à l’origine de l’incendie et à l’évaluation des travaux de remise en état. Les demandeurs ont été condamnés à verser des frais à la MAAF, et la charge des dépens leur a été laissée provisoirement.

Conclusion de l’Expertise

L’expert désigné devra convoquer les parties, examiner les documents comptables et établir un rapport sur les pertes d’exploitation et les préjudices immatériels. Le tribunal a fixé un délai de six mois pour la remise du rapport, avec des précisions sur la méthodologie à suivre. Les demandeurs doivent également consigner une provision pour couvrir les frais de l’expertise.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour ordonner une expertise judiciaire selon l’article 145 du code de procédure civile ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Ainsi, pour qu’une expertise judiciaire soit ordonnée, il faut qu’il existe un motif légitime justifiant la nécessité de conserver ou d’établir la preuve de faits qui pourraient influencer la décision du litige.

Dans le cas présent, les demandeurs ont sollicité une expertise pour évaluer divers préjudices liés à un incendie. Cependant, le tribunal a constaté qu’ils ne justifiaient pas d’un intérêt légitime pour certaines missions d’expertise, notamment celles relatives à l’origine de l’incendie, car une expertise était déjà en cours.

Quels sont les droits et obligations de l’assureur en matière d’indemnisation selon le contrat d’assurance ?

Selon les dispositions générales des contrats d’assurance, l’assureur est tenu d’indemniser l’assuré pour les pertes subies dans les limites des garanties souscrites. Dans le cas présent, la société MAAF a versé à la société ECUVEA des indemnités au titre de l’assurance multirisque professionnelle et de l’assurance TEMPO.

Il a été établi que la société ECUVEA a perçu une indemnisation de 11 723 euros pour la perte du mobil home et 59 700 euros pour la perte des marchandises.

Ces montants correspondent aux sommes prévues dans le contrat, déduction faite des franchises. Par conséquent, toute action à l’encontre de la MAAF sur ces bases semble vouée à l’échec, car les demandeurs n’ont pas justifié d’un droit à une indemnisation supplémentaire.

Quelles sont les conséquences de la qualité de locataire sur les demandes d’indemnisation ?

La qualité de locataire a des implications importantes sur les droits à indemnisation. En effet, dans le cas présent, les demandeurs, en tant que locataires, ne peuvent pas revendiquer d’indemnisation pour la perte de valeur du fonds de commerce, qui appartient à la société [11].

De plus, ils ne peuvent pas non plus demander l’évaluation du coût des travaux de remise en état des locaux, car ils ne sont pas propriétaires des biens immobiliers affectés par l’incendie.

Le tribunal a donc conclu que les demandeurs n’avaient pas d’intérêt légitime à solliciter une expertise pour ces points, ce qui a conduit à leur déboutement.

Quels préjudices peuvent être évalués dans le cadre d’une expertise judiciaire ?

Les préjudices pouvant être évalués dans le cadre d’une expertise judiciaire incluent les pertes d’exploitation et les préjudices immatériels consécutifs à un sinistre.

Dans cette affaire, les demandeurs ont justifié d’un motif légitime pour évaluer les pertes d’exploitation et de revenus subis pendant la période d’indisponibilité des locaux, ainsi que les éventuels préjudices immatériels, tels que le préjudice de jouissance lié à l’impossibilité d’utiliser les locaux et les frais de relogement temporaire.

Cependant, le préjudice moral a été exclu, car il relève du pouvoir d’appréciation du juge du fond. L’expertise a donc été ordonnée uniquement pour ces préjudices spécifiques, limités à la période du 18 juillet 2022 au 30 septembre 2022.

Quelles sont les implications des demandes annexes sur les frais de justice ?

Les demandes annexes, notamment celles relatives aux frais de justice, sont régies par l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit que « la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, les demandeurs ont été condamnés à verser à la société MAAF une somme de 1 500 euros sur le fondement de cet article, en raison de leur demande jugée infondée.

De plus, les demandeurs conservent provisoirement la charge des dépens, sauf à en intégrer le montant dans leur préjudice matériel, ce qui souligne l’importance de la gestion des frais dans le cadre d’une procédure judiciaire.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

64A

Minute

N° RG 24/01887 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZLEU

8 copies

EXPERTISE

GROSSE délivrée
le 03/02/2025
à la SELARL AUSONE AVOCATS
la SCP DEFFIEUX – GARRAUD – JULES
la SELAS ELIGE BORDEAUX
l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND
Me Guillaume SUFFRAN

COPIE délivrée
le 03/02/2025
au service expertise

Rendue le TROIS FEVRIER DEUX MIL VINGT CINQ

Après débats à l’audience publique du 06 Janvier 2025

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

DEMANDEURS

Monsieur [K] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Maître Daniel LASSERRE de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A.R.L. ECUVEA DEVELOPPEMENT
[Adresse 13]
[Localité 4]
représentée par Maître Daniel LASSERRE de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSES

S.A. MAAF
[Adresse 8]
[Localité 7]
représentée par Maître Marie-cécile GARRAUD de la SCP DEFFIEUX – GARRAUD – JULES, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A.R.L. [10]
[Adresse 12]
[Localité 4]
représentée par Me Guillaume SUFFRAN, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Jean-claude RADIER, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. [11] CAMPING
[Adresse 14]
[Localité 4]
représentée par Maître Thomas RIVIERE de l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A. ALTIMA ASSURANCES
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Dominique DUFAU, avocat au barreau de PARIS

I – FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Par actes des 11 juillet, 06, 07 et 08 août 2024, M. [K] [N] et la SARL ECUVEA DEVELOPPEMENT, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, ont fait assigner les sociétés MAAF, [10], [11] CAMPING et ALTIMA ASSURANCE devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de voir ordonner une expertise afin de rechercher l’origine et la cause de l’incendie, de décrire l’étendue des dommages matériels causés par l’incendie, d’évaluer le coût des travaux de remise en état des locaux et des équipements endommagés, de chiffrer la valeur des biens mobiliers détruits ou endommagés, d’évaluer les pertes d’exploitation et de revenus subis pendant la période d’indisponibilité des locaux, de déterminer les éventuels préjudices immatériels consécutifs à l’incendie (préjudice de jouissance lié à l’impossibilité d’utiliser les locaux, frais de relogement temporaire, préjudice moral éventuel).

Les demandeurs exposent que la société ECUVEA DEVELOPPEMENT, dont M. [N] est le gérant, exploitait un fonds de commerce d’épicerie, bazar, locations de vélos, sur le site du camping du [11] CAMPING en vertu d’un contrat de location gérance conclu le 27 août 2018 avec la société du même nom ; que le camping a été intégralement détruit en juillet 2022 lors de l’incendie survenu le 12 juillet 2022, qui trouve son origine dans l’incendie du véhicule FORD appartenant au camping [10] et assuré auprès de la société ALTIMA ASSURANCES ; que tant la société ECUVEA que M. [N], qui occupait avec sa famille, en qualité de locataire, une maison édifiée sur le camping, ont subi des pertes qui n’ont pas été intégralement indemnisées ; que la société ECUVEA notamment a été contrainte de cesser son activité, l’épicerie n’ayant pas été reconstruite ; que son assureur la MAAF lui a opposé un refus de la garantie « perte de valeur de fonds » et n’a remboursé que partiellement la valeur du mobil home ; qu’ils subissent des préjudices qu’il convient d’évaluer, dont l’indemnisation est susceptible d’incomber à la société MAAF et/ou au responsable de l’incendie .

L’affaire, fixée à l’audience du 28 octobre 2024, a été renvoyée pour échange des conclusions des parties et retenue à l’audience du 06 janvier 2025.

Les parties ont conclu pour la dernière fois :

les demandeurs, par leur assignation introductive d’instance ;
la société MAAF, le 25 octobre 2024, par des écritures dans lesquelles elle sollicite le rejet de la demande d’expertise à son encontre et la condamnation in solidum des demandeurs à lui verser la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. Elle fait valoir qu’aucune faute ne peut lui être reprochée ; qu’elle a indemnisé les demandeurs en application des clauses contractuelles ; que les sommes versées correspondent aux garanties souscrites ; qu’aucune somme complémentaire n’est susceptible d’être sollicitée en exécution des contrats souscrits ou d’un prétendu défaut de conseil.
la société ALTIMA, le 18 décembre 2024, par des écritures aux termes desquelles elle indique ne pas s’opposer, sous toutes protestations et réserves d’usage, à la demande d’expertise, aux frais avancés des demandeurs et sous réserve que soient supprimés le chef de mission relatif à la recherche de la cause et de l’origine de l’incendie, celui relatif à la détermination de l’étendue des dommages matériels causés par l’incendie (alors qu’aucune preuve de l’existence du mobil-home n’est rapportée, que l’utilité d’un nouveau chiffrage n’est pas rapportée alors qu’une expertise amiable est intervenue, que le préjudice matériel ne porte en tout état de cause que sur du contenu mobilier et non de l’immobilier), celui relatif à l’évaluation du coût des travaux de remise en état des locaux et des équipements endommagés faute d’intérêt à agir et de reconstruction, enfin celui relatif aux éventuels préjudices immatériels consécutifs, notamment le préjudice de jouissance lié à l’impossibilité d’utiliser les locaux, les frais de relogement temporaire, le préjudice moral éventuel, et que la période d’évaluation des pertes d’exploitation de la société ECUVEA DEVELOPPEMENT soit limitée à la période du 18 juillet au 30 septembre 2022 ; elle demande en outre que la mission soit complétée, et l’expert invité à préciser si les obligations légales de débroussaillement étaient respectées par l’établissement au regard de l’article L.134-6 du code forestier, les dépens étant réservés.
la société [10], le 25 octobre 2024, par des écritures aux termes desquelles elle indique ne pas s’opposer, sous toutes protestations et réserves d’usage, à la demande d’expertise, sous réserve que soient supprimés les chefs de mission visant à rechercher l’origine et la cause de l’incendie et à évaluer le coût des travaux de remise en état des locaux et des équipements endommagés, et que la période d’évaluation des pertes d’exploitation de la société ECUVEA DEVELOPPEMENT soit limitée à la fin de la saison 2022 ; elle fait valoir qu’une expertise est déjà en cours depuis 2022 pour déterminer l’origine et la cause de l’incendie, que les demandeurs, locataires de la maison et du fonds de commerce, ne justifient pas d’un intérêt à solliciter l’évaluation le coût des travaux de remise en état, et que l’évaluation de la perte d’exploitation ne doit porter que sur la période couverte par le contrat de location-gérance.
la société [11] CAMPING, le 24 décembre 2024, par des écritures aux termes desquelles elle indique s’associer à la demande d’expertise relativement à la perte de valeur du fonds de commerce d’épicerie dont elle est propriétaire, qu’il soit précisé que pour la mission de recherche de l’origine du sinistre, l’expert désigné fera appel à Messieurs [H] et [J] en qualité de sapiteurs, et qu’il soit choisi un expert différent pour la valorisation du préjudice, les frais irrépétibles et les dépens étant réservés. Elle expose qu’elle est seule titulaire du droit à indemnisation du fonds de commerce qui était sa propriété, ainsi que les murs ; qu’il existait un bungalow servant de réserve à l’épicerie qui a peut-être été utilisé comme logement de secours mais n’était pas destiné à l’habitation ; que l’expertise judiciaire demeure justifiée en l’absence d’acceptation expresse par toutes les parties, notamment ALTIMA, de la valorisation effectuée par expertise privée contradictoire.
La présente décision se reporte à ces écritures pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

II – MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, “s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé”.

sur la mise hors de cause de la MAAF :

La MAAF a été appelée dans la cause en sa qualité d’assureur de la société ECUVEA, qui a souscrit auprès d’elle une assurance TEMPO multirisque mobil home dans le cadre d’une résidence secondaire à usage privé, et une assurance multirisque professionnelle.

Il ressort des pièces produites par la MAAF, non contestées par les demandeurs, qu’au titre de l’assurance TEMPO, la société ECUVEA a perçu, après le sinistre, à titre d’indemnisation suite à la perte du mobil home, une somme de 11 723 euros correspondant à la somme prévue au contrat (11 250 euros valeur déclarée lors de la souscription – 121 euros de franchise contractuelle), de sorte que toute action à l’encontre de la MAAF sur ce fondement apparaît vouée à l’échec. Il en est de même de la demande d’évaluation de la valeur des biens détruits mobiliers détruits ou endommagés, garantis à hauteur de 1 053 et 2 527 euros, pour l’indemnisation desquels la MAAF indique sans être démentie que son expert en a vainement demandé les justificatifs, l’organisation d’une expertise sur ce point étant totalement inutile compte tenu de la destruction desdits biens mobiliers dont l’estimation ne peut être révisée que sur la base de justificatifs que les demandeurs sont manifestement dans l’incapacité de produire.

Au titre de l’assurance multirisque professionnelle, la MAAF indique avoir versé à la société ECUVEA, en indemnisation du préjudice subi du fait de la perte des marchandises, une somme de 59 700 euros correspondant à la somme prévue au contrat (60 000 euros valeur déclarée lors de la souscription – 300 euros de franchise contractuelle) qui l’a remplie de ses droits, de sorte que toute action à son encontre apparaît sur ce point manifestement vouée à l’échec.

Compte tenu des termes du contrat, la MAAF peut par ailleurs soutenir utilement que la société ECUVEA n’est pas fondée à lui réclamer d’indemnisation pour la perte de valeur du fonds de commerce qui ne lui appartenait pas, ni au titre de la perte d’exploitation prévue sous condition de reprise d’activité, l’épicerie n’ayant pas été reconstruite.

En conséquence, faute pour les demandeurs de justifier d’un motif légitime à l’attraire aux opérations d’expertise, ils seront déboutés de leur demande à l’encontre de la MAAF.

sur la mission :

Les demandeurs sollicitent une expertise aux fins, d’une part, de rechercher l’origine et la cause de l’incendie, et d’autre part de décrire l’étendue des dommages matériels causés par l’incendie, d’évaluer le coût des travaux de remise en état des locaux et des équipements endommagés, de chiffrer la valeur des biens mobiliers détruits ou endommagés, d’évaluer les pertes d’exploitation et de revenus subis pendant la période d’indisponibilité des locaux, de déterminer les éventuels préjudices immatériels consécutifs à l’incendie (préjudice de jouissance lié à l’impossibilité d’utiliser les locaux, frais de relogement temporaire, préjudice moral éventuel).

Ils ne justifient cependant d’aucun motif légitime pour solliciter une expertise aux fins de rechercher l’origine, la cause et l’étendue de l’incendie survenu le 12 juillet 2022 alors que cette mission mobilise depuis plus de deux ans un collège d’experts spécialisés désignés par ordonnance du juge des référés du 31 août 2022, dont les opérations sont toujours en cours.

Ils ne justifient par ailleurs d’aucun intérêt à solliciter une expertise aux fins d’évaluer le coût des travaux de remise en état des locaux et des équipements endommagés, alors qu’ils ne sont pas propriétaires, mais seulement locataires, des biens immobiliers affectés par l’incendie, qui appartiennent à la société [11], seule titulaire du droit à indemnisation de leur valeur.

Le seul bien dont ils revendiquent la propriété est un mobil home dont l’existence n’est pas établie avec certitude, de nombreux mobil-homes étant par ailleurs exploités par la société [11] qui

déclare rester dans l’attente des documents justifiant des droits des demandeurs sur un bungalow. En tout état de cause, comme indiqué supra, il ressort des pièces produites par la société MAAF que la société ECUVEA a perçu l’indemnisation intégrale prévue au contrat, et qu’une mesure d’expertise est en l’état dénuée de toute utilité.

Les demandeurs justifient en revanche d’un motif légitime à voir évaluer les pertes d’exploitation et de revenus subis pendant la période d’indisponibilité des locaux et déterminer les éventuels préjudices immatériels consécutifs à l’incendie (préjudice de jouissance lié à l’impossibilité d’utiliser les locaux, frais de relogement temporaire) à l’exclusion du préjudice moral qui relève du pouvoir d’appréciation du juge du fond.

Il y a lieu en conséquence d’ordonner une expertise à cette fin, précision étant faite que l’évaluation des pertes d’exploitation et pertes de revenus subis par la société ECUVEA pendant la période d’indisponibilité des locaux ne peut porter que sur la saison 2022 (du 18 juillet 2022 au 30 septembre 2022), le contrat de location gérance consenti à la société ECUVEA ayant été conclu pour les saisons 2019/2020/2021/2022, de sorte qu’il devait prendre fin le 30 septembre 2022 et que la demanderesse ne peut se prévaloir d’un préjudice au-delà de cette date.

La société [11] s’associe à la demande d’expertise relativement à la perte de valeur du fonds de commerce d’épicerie dont elle est propriétaire. Même si la réalisation d’une expertise privée contradictoire n’est pas en soi un obstacle à la réalisation d’une expertise judiciaire, encore faut-il que la demande en soit argumentée et étayée. En l’état, la société [11] ne produit aucune pièce ni ne formule aucune critique pertinente de l’évaluation amiable réalisée, de sorte qu’en l’absence de motif légitime, sa demande sera rejetée.

La société ALTIMA quant à elle demande que la mission soit complétée, et l’expert invité à dire si les obligations légales de débroussaillement étaient respectées par l’établissement exploité par la SARL ECUVEA [N] eu regard de l’article L.134-6 du code forestier. Outre que cette demande est sans lien direct avec la mission retenue, il ressort des pièces et débats que la question a déjà évoquée à plusieurs reprises dans le cadre d’autres investigations, que des réponses ont été apportées, et il n’apparaît pas que l’expert soit ici en mesure d’y apporter des réponses supplémentaires. La demande sera rejetée.

L’expertise sera donc réalisée dans les termes précisés au dispositif, à l’exclusion de tout autre, et aux frais avancés des demandeurs, qui ont seuls intérêt à voir la mesure menée à son terme.

sur les demandes annexes :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société MAAF les sommes, non comprises dans les dépens, exposées par elle dans le cadre de l’instance. Les demandeurs seront condamnés à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandeurs conserveront provisoirement la charge des dépens, sauf à en intégrer le montant dans leur préjudice matériel..

III – DÉCISION

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant par décision contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et à charge d’appel ;

Vu l’article 145 du code de procédure civile,

DEBOUTE M. [K] [N] et la SARL ECUVEA DEVELOPPEMENT de leur demande à l’encontre de la société MAAF qui sera déclarée hors de cause

ORDONNE une mesure d’expertise et désigne pour y procéder

Monsieur [T] [B]
[Adresse 6]
[XXXXXXXX01] – [Courriel 9]

DIT que l’expert répondra à la mission suivante :

1°) Convoquer les parties et leurs conseils

2°) Se faire communiquer tous documents comptables afin de déterminer:

la perte d’exploitation et la perte de revenus subies par la société ECUVEA pendant la période du 18 juillet 2022 au 30 septembre 2022 du fait de l’incendie survenu le 12 juillet 2022 ;
les éventuels préjudices immatériels consécutifs à l’incendie (préjudice de jouissance lié à l’impossibilité d’utiliser les locaux, frais de relogement temporaire)
DIT que l’expert devra adresser aux parties un document de synthèse, ou pré-rapport ;
– fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d’un délai de 4 à 5 semaines à compter de la transmission du rapport ;
– rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà du terme qu’il fixe.

DIT que l’expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement :
– la liste exhaustive des pièces par lui consultées ;
– le nom des personnes convoquées aux opérations d’expertise en précisant pour chacune d’elle la date d’envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation ;
– le nom des personnes présentes à chacune des réunions d’expertise ;
– la date de chacune des réunions tenues ;
– les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties ;
– le cas échéant, l’identité du technicien dont il s’est adjoint le concours, ainsi que le document qu’il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport)

DIT que l’original du rapport définitif sera déposé au greffe, tandis que l’expert en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil, dans un délai de 6 mois à compter de sa saisine, sauf prorogation expresse ;

DIT que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 264 et suivants du code de procédure civile et qu’en particulier, il pourra s’adjoindre, en cas de besoin, un sapiteur de son choix dans une spécialité autre que la sienne ;

DÉSIGNE le juge chargé du contrôle des expertises pour suivre le déroulement de la présente expertise ;

FIXE à la somme de 3 000 euros la provision que M. [K] [N] et la SARL ECUVEA DEVELOPPEMENT devront consigner par virement sur le compte de la Régie du tribunal judiciaire de Bordeaux (Cf code BIC joint) mentionnant le numéro PORTALIS (figurant en haut à gauche sur la première page de la présente ordonnance) dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

CONDAMNE M. [K] [N] et la SARL ECUVEA DEVELOPPEMENT à payer à la société MAAF la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que M. [K] [N] et la SARL ECUVEA DEVELOPPEMENT conserveront provisoirement la charge des dépens, sauf à en intégrer le montant dans leur préjudice matériel ;

La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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