L’Essentiel : La S.A.S. JOURDANIERE NATURE a engagé des travaux d’aménagement paysager pour le groupe REALITES, mais a rencontré des difficultés de paiement, réclamant 409 332,27 € au total. En raison de retards, elle a assigné plusieurs sociétés du groupe, demandant le paiement de sommes dues avec intérêts. Les défenderesses ont contesté ces demandes, arguant de l’irrecevabilité des poursuites et du non-respect des procédures contractuelles. Le juge a constaté que les demandes excédaient ses pouvoirs et que l’exigibilité des paiements était contestée. En conséquence, le tribunal a débouté la S.A.S. JOURDANIERE NATURE et l’a condamnée à verser des indemnités aux défenderesses.
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PRESENTATION DU LITIGELa S.A.S. JOURDANIERE NATURE a été engagée pour réaliser des travaux d’aménagement paysager pour des projets gérés par le groupe REALITES. Elle a rencontré des difficultés de paiement, réclamant un total de 409 332,27 € pour l’ensemble des travaux, dont 48 995,96 € spécifiquement pour un chantier de la S.C.C.V. PLACIS VERT. En raison de ces retards, elle a assigné en référé plusieurs sociétés du groupe, demandant le paiement de diverses sommes avec intérêts et indemnités. DEMANDES DE LA DEMANDERESSELa S.A.S. JOURDANIERE NATURE a demandé le paiement de plusieurs montants dus par les défenderesses, incluant des intérêts au taux légal et des indemnités de recouvrement. Elle a également justifié la mise en cause des associées de la S.C.C.V. PLACIS VERT en raison de la solvabilité douteuse de la société débitrice et des délais de paiement qui ont affecté sa trésorerie. REPLIQUE DES DEFENDERESSESLes défenderesses ont contesté les demandes, arguant que les poursuites contre les associées étaient irrecevables sans titre exécutoire. Elles ont également souligné que la S.A.S. INVESTISSEMENT & PROMOTION IMMOBILIERE avait cédé ses parts avant l’assignation, rendant les demandes inapplicables. De plus, elles ont mis en avant le non-respect des procédures contractuelles par la demanderesse. MOTIFS DE LA DECISIONLe juge a constaté que les demandes de la S.A.S. JOURDANIERE NATURE excédaient les pouvoirs du juge des référés, n’ayant pas été formulées à titre provisionnel. De plus, le paiement de la dernière facture n’était pas exigible à la date de l’audience, et l’exigibilité des intérêts et pénalités était contestée en raison de l’absence de documents justificatifs. Par conséquent, toutes les prétentions de la demanderesse ont été rejetées. DECISIONLe tribunal a débouté la S.A.S. JOURDANIERE NATURE de toutes ses demandes et l’a condamnée à verser des indemnités aux défenderesses pour couvrir les frais engagés, ainsi qu’à supporter les dépens de la procédure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions d’exigibilité des paiements dans le cadre d’un contrat de construction ?La question de l’exigibilité des paiements dans le cadre d’un contrat de construction est régie par l’article 19.3 du Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG), qui stipule que : « En cas d’accord de l’entrepreneur et du maître de l’ouvrage sur le bon d’acompte proposé par le maître d’œuvre, le règlement des acomptes mensuels devra intervenir dans les 45 jours fin de mois date de réception par le maître de l’ouvrage du certificat de paiement/bon d’acompte établi par le maître d’œuvre. » Ainsi, pour qu’un paiement soit exigible, il est nécessaire que le bon d’acompte ait été reçu par le maître d’ouvrage, et que le délai de 45 jours soit respecté. Dans le cas présent, la S.A.S. JOURDANIERE NATURE n’a pas pu justifier que le bon d’acompte avait été remis dans les délais requis, ce qui a conduit à la décision de rejet de ses demandes de paiement. Quels sont les effets de la sommation de payer sur l’exigibilité des intérêts de retard ?L’article 1231-6 du Code civil précise que : « Le débiteur est en retard lorsqu’il n’exécute pas son obligation à l’échéance convenue. Il est tenu de réparer le préjudice causé par ce retard. » Cependant, pour que des intérêts de retard soient dus, il est nécessaire que la créance soit exigible. Dans le cas présent, la S.A.S. JOURDANIERE NATURE a émis une sommation de payer, mais l’exigibilité des intérêts de retard a été contestée en raison de l’absence de production des bons d’acompte. En effet, l’absence de ces documents a conduit à la conclusion que les intérêts de retard ne pouvaient pas être réclamés, car la créance n’était pas encore exigible au moment de la sommation. Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité des demandes contre les associés d’une société ?L’article 1844-1 du Code civil stipule que : « Les associés d’une société ne sont tenus des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports. » Dans le cadre de la présente affaire, les défenderesses ont soutenu que les poursuites engagées contre les associées de la S.C.C.V. PLACIS VERT étaient irrecevables, car elles ne pouvaient être engagées qu’à condition de disposer d’un titre exécutoire. L’absence d’un titre exécutoire a conduit à l’irrecevabilité des demandes contre les associés, ce qui a eu pour effet de limiter les recours de la S.A.S. JOURDANIERE NATURE et de renforcer la position des défenderesses. Comment se détermine la charge des dépens dans une procédure civile ?L’article 696 du Code de procédure civile dispose que : « La partie qui succombe est condamnée aux dépens. » Dans cette affaire, la S.A.S. JOURDANIERE NATURE a été déboutée de l’ensemble de ses prétentions, ce qui a entraîné sa condamnation aux dépens. Cette règle vise à garantir que la partie qui a perdu la procédure supporte les frais engagés par la partie gagnante, ce qui a été appliqué dans le jugement rendu par le juge des référés. |
Minute N° 2024/
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
du 21 Novembre 2024
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S.A.S. JOURDANIERE NATURE
C/
S.A.R.L. FINANCIERE REALITES
Société SCCV PLACIS VERT
S.A.S. INVESTISSEMENT & PROMOTION IMMOBILIERE
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copie exécutoire délivrée le 21/11/2024 à :
la SELARL ARES – RENNES
copie certifiée conforme délivrée le 21/11/2024 à :
la SELARL ARES – RENNES
la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX
dossier
MINUTES DU GREFFE
DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
(Loire-Atlantique)
_________________________________________
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
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Président : Pierre GRAMAIZE
Greffier : Eléonore GUYON
PRONONCÉ fixé au 21 Novembre 2024
Ordonnance réputée contradictoire, mise à disposition au greffe
ENTRE :
S.A.S. JOURDANIERE NATURE (RCS RENNES 419 244 322), dont le siège social est sis [Adresse 8]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX, avocats au barreau de RENNES
DEMANDERESSE
D’UNE PART
ET :
S.A.R.L. FINANCIERE REALITES (RCS NANTES 519 587 596), dont le siège social est sis [Adresse 1]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Sophie SOUET de la SELARL ARES, avocats au barreau de RENNES
Société SCCV PLACIS VERT (RCS NANTES 833 518 905),
dont le siège social est sis [Adresse 2]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Sophie SOUET de la SELARL ARES, avocats au barreau de RENNES
S.A.S. INVESTISSEMENT & PROMOTION IMMOBILIERE
(RCS PARIS 812 051 613),
dont le siège social est sis [Adresse 3]
[Localité 6]
Non comparante
DÉFENDERESSES
D’AUTRE PART
PRESENTATION DU LITIGE
La S.A.S. JOURDANIERE NATURE s’est vue confier des travaux d’aménagement paysager dans le cadre de chantiers promus par des sociétés du groupe REALITES.
Se plaignant d’un retard généralisé du paiement de ses factures atteignant 409 332,27 € pour l’ensemble des structures du groupe, et spécialement concernant le chantier de la résidence [Adresse 7] conduit par la S.C.C.V. PLACIS VERT un total de 48 995,96 € sur les 75 600 € du lot, de nature à justifier la condamnation des associés de cette société au titre de l’article L 211-2 du code de la construction et de l’habitation, la S.A.S. JOURDANIERE NATURE a fait assigner en référé la S.C.C.V. PLACIS VERT, la S.A.R.L. FINANCIERE REALITES et la S.A.S. INVESTISSEMENT & PROMOTION IMMOBILIERE par actes de commissaires de justice des 7 et 9 août 2024 afin de solliciter la condamnation :
– de la S.C.C.V. PLACIS VERT à lui payer la somme de 48 995,96 € avec intérêts au taux légal à compter d’une sommation du 2 juillet 2024 et celle de 200,00 € d’indemnité de recouvrement,
– de la S.A.S. INVESTISSEMENT & PROMOTION IMMOBILIERE au paiement d’une somme de 24 008,02 € avec intérêts au taux légal à compter d’une sommation du 2 juillet 2024 et de celle de 98,00 € d’indemnité de recouvrement,
– de la S.A.R.L. FINANCIERE REALITES au paiement d’une somme de 24 987,94 € avec intérêts au taux légal à compter d’une sommation du 2 juillet 2024 et de celle de 102,00 € d’indemnité de recouvrement,
– des défenderesses à lui payer une somme de 5 000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, y compris les frais de sommation de payer.
La S.A.S. JOURDANIERE NATURE fait valoir dans ses dernières conclusions que :
– la S.C.C.V. PLACIS VERT lui a imposé des délais de paiement sous forme de billets à ordre qu’elle a réglés, pour les trois premières factures le 31 août 2024, et pour la quatrième le 13 septembre 2024, la cinquième de 16 011,24 € restant impayée depuis l’émission du bon d’acompte en juillet 2024,
– c’est la défenderesse qui n’a pas respecté la procédure contractuelle du CCAG en imposant un règlement par billet à ordre,
– la mise en cause des associées était justifiée par l’absence de suite donnée à la sommation de payer, étant souligné que la société INVESTISSEMENT & PROMOTION IMMOBILIERE reste tenue des dettes antérieures à la cession de ses parts et qu’en tout état de cause, la mise en cause s’imposait pour rendre la décision opposable aux associées compte tenu de la solvabilité douteuse de la débitrice,
– les délais imposés ont considérablement fragilisé sa trésorerie et elle a agi sur l’incitation de son commissaire aux comptes.
Elle conclut à la condamnation de la S.C.C.V. PLACIS VERT au paiement :
– de la somme de 16 011,24 € outre intérêts au taux légal à compter de la sommation du 2 juillet 2024,
– des intérêts au taux légal sur la somme de 32 984,72 € du 2 juillet 2024 au 31 août 2024,
– de la somme de 200,00 € au titre des frais de recouvrement,
– de la somme de 5 000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– des dépens, y compris les frais de sommation de payer.
La S.C.C.V. PLACIS VERT et la S.A.R.L. FINANCIERE REALITES répliquent que :
– les poursuites engagées contre les associées de la S.C.C.V. PLACIS VERT sont irrecevables, dès lors qu’elles ne peuvent l’être qu’à la condition de disposer d’un titre exécutoire et non sur la simple délivrance d’une sommation de payer,
– l’abandon des prétentions contre les associées ne dispensera pas la demanderesse de verser une somme à la S.A.R.L. FINANCIERE REALITES sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– il est précisé que la S.A.S. INVESTISSEMENT & PROMOTION IMMOBILIERE a cédé ses parts à la S.A.R.L. FINANCIERE REALITES avant l’assignation, qu’elle en a informé le tribunal et que le défaut d’enregistrement de la cession est inopérant étant donné que les associés sont ceux au jour où un titre existe contre la S.C.C.V. PLACIS VERT ,
– en tout état de cause, la demande telle qu’elle était présentée conduisait à obtenir deux fois le montant de la créance,
– la demanderesse ne justifie pas du respect de la procédure fixée à l’article 19.3 du CCAG, la production d’une situation de paiement n’étant pas suffisante pour rendre son montant exigible, étant rappelé que le paiement intervient à 45 jours de la réception du certificat de paiement/bon d’acompte établi par le maître d’œuvre,
– la délivrance de la sommation et de l’assignation étaient inutiles, alors qu’elle avait indiqué que les situations seraient réglées le 30 août,
– la facture du 31 mars 2024 n’a été mise en paiement que le 13 septembre en raison de son envoi tardif et celle du 24 juin n’est manifestement pas exigible,
– les intérêts au taux légal et indemnités ne sont pas dus, faute de production des bons d’acompte,
– la dernière facture n’était pas due à la date de l’assignation, pas plus qu’elle ne l’est, même si un bon d’acompte était produit.
Elles concluent à l’irrecevabilité et au rejet des demandes formées contre les associées avec condamnation de la demanderesse aux dépens correspondant à leur mise en cause et au paiement d’une somme de 1 200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile à la S.A.R.L. FINANCIERE REALITES ainsi qu’au rejet de la demande formée contre la S.C.C.V. PLACIS VERT avec condamnation de la demanderesse au paiement à cette dernière d’une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La S.A.S. INVESTISSEMENT & PROMOTION IMMOBILIERE, citée par acte conservé à l’étude de commissaire de justice après vérification de son siège, n’a pas comparu. Son représentant légal a écrit pour signaler que ses parts sociales dans la S.C.C.V. PLACIS VERT ont été cédées le 4 juillet 2024 à la S.A.R.L. FINANCIERE REALITES.
Ni dans l’assignation ni dans les dernières conclusions, la S.A.S. JOURDANIERE NATURE n’a cru devoir former ses demandes en paiement à titre provisionnel, de sorte que ses demandes en paiement de factures et intérêts, telles qu’elles sont formulées, même au visa de l’article 835 du code de procédure civile, excèdent les pouvoirs du juge des référés.
En outre, seul un état d’acompte de 15 209,60 € pour les travaux de juillet 2024 portant le cachet du maître d’œuvre, ne comportant aucune date, a été produit le 9 octobre 2024, alors qu’aucun autre n’a été versé aux débats pour les factures précédentes.
Or l’article 19.3 du cahier des clauses administratives générales, qui fait la loi des parties, stipule qu’en cas d’accord de l’entrepreneur et du maître de l’ouvrage sur le bon d’acompte proposé par le maître d’œuvre, le règlement des acomptes mensuels devra intervenir dans les 45 jours fin de mois date de réception par le maître de l’ouvrage du certificat de paiement/bon d’acompte établi par le maître d’œuvre.
Il en résulte qu’à la date de l’audience des débats du 17 octobre 2024, le paiement de la dernière facture émise par la demanderesse, et dont le bon d’acompte du maître d’œuvre n’a été remis au maître de l’ouvrage que le 9 octobre 2024, n’était pas encore exigible.
De même, en dépit de la sommation de payer émise à propos des factures précédentes, l’exigibilité d’intérêts de retard et de pénalités de recouvrement est sérieusement contestée, en l’absence de production des bons d’acomptes du maître d’œuvre, l’émission de billets à ordre et leur paiement à l’échéance ne pouvant valoir reconnaissance de l’exigibilité d’intérêts.
Il convient donc de rejeter en l’état l’ensemble des prétentions de la demanderesse.
Etant déboutée, la demanderesse supportera la charge des dépens selon le principe de l’article 696 du code de procédure civile.
Si les inquiétudes de la demanderesse sont compréhensibles dans le contexte actuel de crise de la promotion immobilière, il n’en demeure pas moins que sa demande, précipitée, sans respecter les formes contractuelles et au surplus dirigée de manière superfétatoire contre les associées, a causé des frais inutiles, de sorte qu’il est équitable de fixer à 1 000,00 € l’indemnité qu’elle devra verser à la S.A.R.L. FINANCIERE REALITES et à 1 500,00 € celle qui sera due à la S.C.C.V. PLACIS VERT, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
DECISION
Déboutons la S.A.S. JOURDANIERE NATURE de l’ensemble de ses prétentions,
La condamnons à payer respectivement à la S.C.C.V. PLACIS VERT et à la S.A.R.L. FINANCIERE REALITES les sommes de 1 500,00 € et 1 000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la S.A.S. JOURDANIERE NATURE aux dépens.
Le Greffier, Le Président,
Eléonore GUYON Pierre GRAMAIZE
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