1. Attention à bien établir l’existence de dol et de fraude pour justifier une demande de nullité de contrat, en se basant sur des preuves tangibles et claires.
2. Il est recommandé de vérifier attentivement les documents et les éléments de preuve avant de réclamer des paiements ou des dommages et intérêts, afin de s’assurer de la légitimité de la demande.
3. Il est conseillé de prouver clairement l’intention malicieuse et la conscience de l’acharnement procédural pour obtenir une condamnation pour procédure abusive, en évitant les demandes non fondées ou excessives.
L’affaire concerne un litige entre la société Artiris, spécialisée dans le conseil en relations publiques et commerciales dans le domaine de la parfumerie, et les sociétés BBDA, Fighting Fish, Fix Studio et Noir, actives dans la production de films publicitaires et la communication pour les marques de luxe. Un contrat d’apporteur d’affaires a été conclu entre Artiris et les sociétés du Groupe Quad, mais des désaccords sont survenus concernant le paiement des commissions dues. Le tribunal de commerce de Nanterre a rendu un jugement déboutant certaines demandes des parties et les condamnant à payer des sommes au titre des frais de justice. Les parties ont interjeté appel et formulé de nouvelles demandes devant la cour. La société Artiris demande le paiement des commissions dues, des dommages-intérêts et la condamnation des autres parties, tandis que les sociétés BBDA, Fix Studio, Fighting Fish et Noir contestent ces demandes et demandent des indemnisations pour procédure abusive. La société Noir demande également des dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur l’irrecevabilité
La société Noir a formé appel incident du jugement qui l’a déboutée de sa fin de non-recevoir. Elle fait valoir, au visa de l’article 32 du code de procédure civile, qu’elle n’est pas partie au Contrat ni même intéressée à celui-ci et que, dès lors, la société Artiris est dépourvue d’un intérêt à agir à son encontre dans le cadre d’une action en responsabilité contractuelle, que cette dernière ne dispose pas davantage de cet intérêt à agir au titre de son éventuelle responsabilité délictuelle également recherchée par la société Artiris. Elle expose à cet égard que ses prestations ont été fournies directement à la société The Harmonist sans l’intermédiation de la société Artiris. Elle sollicite l’infirmation du jugement sur ce point et invite la cour à déclarer l’action de la société Artiris irrecevable à son encontre.
La société Artiris ne s’exprime pas spécialement sur ce point. Elle sollicite, par ailleurs, la condamnation de la société Noir solidairement avec les autres sociétés du ‘Groupe Quad’ concernées au paiement de commissions et de dommages et intérêts au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil.
La société BBDA, la société Fix Studio et M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, n’ont pas formé appel incident de la décision du tribunal qui les a déboutés de leur demande d’irrecevabilité et ne s’expriment pas sur ce point.
Sur la demande de paiement de la somme de 290.000 €
La société Artiris sollicite l’infirmation du jugement qui l’a déboutée de sa demande de paiement de la somme de 290.000 € par les sociétés BBDA, Fix Studio, M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, et la société Noir, solidairement, au titre des commissions générées par les prestations fournies à la société The Harmonist et dues sur le fondement du contrat d’apporteur d’affaires en date du 27 janvier 2016 (le Contrat).
– Sur la nullité du Contrat et subsidiairement l’inopposabilité de la clause litigieuse aux intimées
La société BBDA, la société Fix Studio et M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, intimés, pour s’opposer à la demande de paiement, sollicitent devant la cour la nullité du Contrat, prétention dont ils ont été déboutés par les premiers juges. Au visa des articles 1109, 1110 et 1116, alinéa 1, anciens du code civil, ils soutiennent que M. [O], représentant légal de la société Artiris, a ajouté subrepticement une clause au Contrat viciant leur consentement obtenu ainsi par dol et fraude, en vue d’obtenir le paiement de commissions indues. Subsidiairement, ils sollicitent de la cour de déclarer que cette clause leur est inopposable.
Sur le droit de la société Artiris au paiement de la somme de 290.000 €
La société Artiris reproche au ‘groupe Quad’ une exécution déloyale du Contrat. Elle affirme avoir été évincée de la relation qu’elle avait créée entre son client, la société The Harmonist, et les sociétés composant le groupe Quad, ce à compter du mois de juillet 2016 à l’issue de la présentation de son client à M. [M] [X], représentant de la société Noir. Elle soutient que le groupe Quad a confié directement la gestion de ce client à la société Noir en s’abstenant de respecter son obligation de paiement des commissions dues au titre d’apporteur d’affaires prévues au Contrat.
Sur les dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale
La société Artiris sollicite la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice du fait de l’exécution déloyale par les intimées du contrat d’apporteur d’affaires du 27 janvier 2016. Elle fait valoir que l’inexécution par le groupe Quad de ses obligations contractuelles lui a causé un préjudice certain résultant en l’occurrence de la rupture des relations commerciales de cette dernière avec son client la société The Harmonist.
– La SAS ARTIRIS est condamnée aux dépens d’appel
– La SAS ARTIRIS doit payer à la SAS BBDA QUAD PRODUCTIONS, à la SAS FIX STUDIO, à M. [T] [S], ès qualités de liquidateur amiable de la SAS FIGHTING FISH, à la SAS NOIR la somme de 2.000 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile
Réglementation applicable
– Article 32 du code de procédure civile: « Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir. »
– Article 1109 ancien du code civil: « Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol. »
– Article 1116, alinéa 1, ancien du code civil: « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. »
– Article 1165 (devenu 1199) du code civil: « Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Anne-Laure DUMEAU
– Me Philippe CHATEAUNEUF
– Me Martine DUPUIS
– Me Gabriel BENREHOUMA
– Me Nicolas LIBERT
– Me Philippe CHATEAUNEUF
– Jean AITTOUARES
– Me Martine DUPUIS
– Me Yann GASNIER
Mots clefs associés
– Motifs
– Irrecevabilité
– Code de procédure civile
– Contrat
– Intérêt à agir
– Responsabilité contractuelle
– Responsabilité délictuelle
– Prestations
– Fin de non-recevoir
– Appel incident
– Paiement de commissions
– Dommages et intérêts
– Nullité du Contrat
– Clause litigieuse
– Dol
– Fraude
– Consentement
– Contrat d’apporteur d’affaires
– Contrat litigieux
– Contrat définitif
– Contrat précédent
– Unité économique
– Tout indissociable
– Effet relatif des contrats
– Groupe Quad
– Société Noir
– Société Artiris
– Société BBDA
– Société Fix Studio
– M. [T] [S]
– Liquidateur de la société Fighting Fish
– Paiement de la somme de 290.000 €
– Exécution déloyale
– Préjudice
– Rupture des relations commerciales
– Dommages et intérêts
– Procédure abusive
– Malice
– Mauvaise foi
– Erreur grossière
– Abus de l’exercice du droit
– Dépens
– Indemnité de procédure
– Article 700 du code de procédure civile
– Motifs: Raisons ou justifications d’une décision ou d’un acte
– Irrecevabilité: Caractère de ce qui ne peut être reçu, notamment en matière de procédure judiciaire
– Code de procédure civile: Ensemble des règles régissant la procédure judiciaire en matière civile
– Contrat: Accord de volontés entre deux ou plusieurs parties créant des obligations juridiques
– Intérêt à agir: Qualité requise pour pouvoir agir en justice
– Responsabilité contractuelle: Obligation de réparer le préjudice causé par la non-exécution ou la mauvaise exécution d’un contrat
– Responsabilité délictuelle: Obligation de réparer le préjudice causé par un acte illicite
– Prestations: Actions ou services fournis dans le cadre d’un contrat
– Fin de non-recevoir: Moyen de défense tendant à faire rejeter une demande en justice pour un motif de forme
– Appel incident: Recours formé par une partie intimée contre une décision rendue en première instance
– Paiement de commissions: Versement d’une rémunération pour la réalisation d’une prestation
– Dommages et intérêts: Réparation financière du préjudice subi
– Nullité du Contrat: Annulation rétroactive d’un contrat en raison d’un vice de consentement ou de forme
– Clause litigieuse: Disposition d’un contrat faisant l’objet d’un litige
– Dol: Tromperie intentionnelle visant à induire en erreur l’autre partie
– Fraude: Manœuvre délibérée visant à tromper l’autre partie
– Consentement: Accord de volontés nécessaire à la formation d’un contrat
– Contrat d’apporteur d’affaires: Accord par lequel une personne s’engage à fournir des clients ou des affaires à une autre en échange d’une rémunération
– Contrat litigieux: Contrat faisant l’objet d’un litige entre les parties
– Contrat définitif: Accord final et irrévocable entre les parties
– Contrat précédent: Accord antérieur à un autre contrat
– Unité économique: Ensemble d’éléments économiques constituant une entité distincte
– Tout indissociable: Ensemble de biens ou de droits qui ne peuvent être séparés
– Effet relatif des contrats: Principe selon lequel un contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties signataires
– Groupe Quad: Ensemble de sociétés liées entre elles
– Société Noir: Nom d’une société
– Société Artiris: Nom d’une société
– Société BBDA: Nom d’une société
– Société Fix Studio: Nom d’une société
– M. [T] [S]: Nom d’une personne
– Liquidateur de la société Fighting Fish: Personne chargée de la liquidation d’une société
– Paiement de la somme de 290.000 €: Versement d’une somme d’argent spécifique
– Exécution déloyale: Accomplissement d’une obligation de manière contraire aux règles de loyauté
– Préjudice: Dommage subi par une personne du fait d’un acte ou d’une omission
– Rupture des relations commerciales: Cessation des relations commerciales entre deux parties
– Procédure abusive: Utilisation de la procédure judiciaire de manière malveillante ou excessive
– Malice: Intention de nuire ou de tromper
– Mauvaise foi: Absence de bonne foi dans la conduite des affaires
– Erreur grossière: Faute manifeste ou évidente
– Abus de l’exercice du droit: Utilisation abusive d’un droit pour causer un préjudice à autrui
– Dépens: Frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Indemnité de procédure: Somme allouée à une partie pour compenser ses frais de procédure
– Article 700 du code de procédure civile: Disposition légale permettant au juge d’allouer une somme à la partie qui a obtenu gain de cause pour ses frais de justice.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56C
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 MAI 2024
N° RG 22/01569 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VCAJ
AFFAIRE :
SAS ARTIRIS
C/
[T] [S]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 4
N° RG : 2019F01399
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Anne-Laure DUMEAU
Me Philippe CHATEAUNEUF
Me Martine DUPUIS
TC [Localité 12]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS ARTIRIS
RCS Paris n° 815 224 688
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne-Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Gabriel BENREHOUMA substituant à l’audience Me Nicolas LIBERT du cabinet LEALTA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
****************
Monsieur [T] [S] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la SAS FIGHTING FISH
[Adresse 1]
[Localité 6]
SAS B.B.D.A agissant sous le nom commercial QUAD PRODUCTIONS
RCS [Localité 12] n° 393 375 191
[Adresse 3]
[Localité 8]
S.A.S. FIX STUDIO
RCS [Localité 12] n° 399 866 607
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentés par Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 et Jean AITTOUARES de la SELARL OX, Plaidant, avocat au barreau de Paris
S.A.S. NOIR
RCS Paris n° 800 611 279
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Yann GASNIER du cabinet YG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de Paris
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Mars 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSÉ DES FAITS
La société Artiris a pour objet le conseil en relations publiques et commerciales dans le domaine de la parfumerie.
La société Arts & Sens, société mère de la précédente, a pour activité la conception et la fabrication de ‘packaging’ et de produits de parfumerie.
M. [Z] [O] est le dirigeant commun de ces deux sociétés.
La société BBDA, exerçant sous l’enseigne Quad Productions, (ci-après la société BBDA) , société de production de films publicitaires, la société Fighting Fish (en liquidation volontaire) et la société Fix Studio, société de post-production audiovisuelle, sont des sociétés, juridiquement distinctes, animées par le même représentant légal M. [T] [S]. Le capital de ces trois sociétés est détenu en partie par une société holding NPC exerçant sous le nom de ‘Quad Group’ qui produit, au travers d’autres filiales des oeuvres de fiction pour le cinéma ou la télévision.
La société Noir est spécialisée dans la communication pour les marques de luxe, le ‘packaging’, l’édition d’art et la production de films. Elle a été créée et est dirigée par M. [M] [X] qui est, par ailleurs, réalisateur de films publicitaires pour son propre compte.
Le 27 janvier 2016, les sociétés BBDA, Fighting Fish et Fix Studio d’une part (dénommées ensemble contractuellement le ‘Groupe Quad’) et Artiris d’autre part ont conclu un contrat dénommé ‘CONTRAT D’APPORTEUR D’AFFAIRES’ (le Contrat), dont l’objet est de régir les termes et conditions de rémunération de la société Artiris en sa qualité d’apporteur d’affaires aux autres parties contractantes.
Le Contrat, à effet rétroactif au 1er septembre 2015, est à durée déterminée d’une année renouvelable par tacite reconduction au 1er janvier de chaque année, pour des périodes successives d’un an. Chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sans indemnité, moyennant un préavis de 3 mois notifié par lettre AR.
La société Noir n’est pas signataire du Contrat.
Concomitamment à la signature du Contrat, M. [Z] [O] a présenté la société The Harmonist (nouvelle marque de parfumerie) à la société BBDA pour lui confier une mission de communication et de développement de son identité visuelle en France.
La société The Harmonist a passé commande d’un film publicitaire (‘Alchimiste’) auprès de la société BBDA avec M. [M] [X] comme réalisateur, la société BBDA assurant la gestion du projet avec l’assistance de M. [Z] [O]. La société Artiris a perçu les commissions correspondantes à ces prestations en application du Contrat.
En juin 2016, la société The Harmonist a demandé à M. [M] [X] de réfléchir à de nouvelles actions de communication. A cette fin, le 15 juin 2016, une réunion s’est tenue entre M. [Z] [O], M. [M] [X] et une représentante de la société The Harmonist.
Par courriel du 11 octobre 2017 adressé à M. [T] [S], M. [O] a sollicité de ce dernier de procéder au calcul de la rémunération d’apporteur d’affaires prévue au Contrat pour l’ensemble des productions visuelles et audiovisuelles, produit et réalisé depuis le mois de juillet 2016 pour la société The Harmonist, M. [Z] [O] précisant ‘En effet, il va de soi, que les productions réalisées par Noir, société dirigée par ton associé [H] [G], détenue par [M] [X] et par le Groupe Quad via sa société NPC, entre [sic] dans le cadre de notre accord’.
Le 14 mai 2018, par courrier RAR destiné à la société Artiris, reçu le 18 mai 2018, M. [T] [S], ès-qualités de représentant légal des sociétés BBDA et Fix Studio et de liquidateur de la société Fighting Fish, a résilié le Contrat sous réserve du préavis de 3 mois.
Le 26 juillet 2018, la société Artiris a, par l’intermédiaire de son conseil, mis en demeure vainement les sociétés BBDA, Fighting Fish et Fix Studio, par courrier RAR, d’avoir à payer la somme minimale de 289.505 € sous réserve d’établir les comptes entre les parties.
La société Artiris a, alors, assigné les sociétés Fix Studio et BBDA par actes d’huissier de justice du 22 juillet 2019, M. [T] [S], liquidateur de la société Fighting Fish, par acte du le 1er août 2019, et la société Noir par acte du 30 juillet 2021.
Par jugement du 21 janvier 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– Débouté la SAS Noir de sa demande d’irrecevabilité ;
– Débouté la SAS BBDA Quad Production, Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish de leur demande d’annulation du contrat du 27 janvier 2016 ;
– Débouté la société Artiris de sa demande de condamnation solidaire de la SAS BBDA Quad Production, Fix Studio, de M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish et de la SAS Noir au paiement de la somme de 290.000 € ;
– Débouté la société Artiris de sa demande de communication de tous éléments comptables au titre des prestations effectuées par la SAS BBDA Quad Production, Fix Studio et Fighting Fish et par la SAS Noir, pour le compte du client The Harmonist, sur la période du 1er septembre 2015 au 18 août 2018 ;
– Débouté la société Artiris de sa demande de condamnation solidaire de la SAS BBDA Quad Production, Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish et de la SAS Noir au paiement de la somme de 25.000 € au titre de dommages et intérêts ;
– Débouté la SAS BBDA Quad Production, Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish de leur demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société Artiris ;
– Débouté la SAS Noir de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société Artiris;
– Condamné la société Artiris à payer aux sociétés SAS BBDA Quad Production, Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish la somme de 2.000 € chacun au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la société Artiris à payer à la SAS Noir la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la société Artiris aux entiers dépens.
Par déclaration du 16 mars 2022, la société Artiris a interjeté appel limité de ce jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 février 2024, la société Artiris demande à la cour de :
– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 21 janvier 2022 en ce qu’il a débouté la société Artiris de sa demande de paiement de la somme de 290.000 € par les sociétés BBDA, Fix Studio, M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, et la société Noir au titre des commissions dues sur le fondement du contrat d’apporteur d’affaires en date du 27 janvier 2016 ;
– Infirmer le jugement du tribunal de commerce du 21 janvier 2022 en ce qu’il a débouté la société Artiris de sa demande de paiement de la somme de 25.000 € à titre de dommages-intérêts ;
Chefs du jugement critiqués :
‘- Déboute la société Artiris de sa demande de condamnation solidaire de la SAS BBDA Quad Production, Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish et de la SAS Noir au paiement de la somme de 290.000 € ;
– Déboute la société Artiris de sa demande de communication de tous éléments comptables au titre des prestations effectuées par la SAS BBDA Quad Production, Fix Studio et Fighting Fish et par la SAS Noir, pour le compte du client la société The Harmonist, sur la période du 1er septembre 2015 au 18 août 2018 ;
– Déboute la société Artiris de sa demande de condamnation solidaire de la SAS BBDA Quad Production, Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish et de la SAS Noir au paiement de 25.000 € au titre de dommages et intérêts ;
– Condamne la société Artiris à payer aux sociétés SAS BBDA Quad Production, Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish la somme de 2.000 € chacun au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
(…)
– Condamne la société Artiris à payer à la SAS Noir la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne la société Artiris aux entiers dépens’ ;
Statuant à nouveau,
– Condamner les sociétés BBDA, Fix Studio, M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, solidairement avec la société Noir, au paiement à la société Artiris de la somme de 290.000 € en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;
– Condamner les sociétés BBDA, Fix Studio, M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de Fighting Fish, solidairement avec la société Noir à payer à la société Artiris la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Artiris du fait de l’exécution déloyale du contrat d’apporteur d’affaires du 27 janvier 2016 ;
– Débouter les sociétés BBDA, Fix Studio, M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, et la société Noir de l’intégralité de leurs demandes ;
– Condamner les sociétés BBDA, Fix Studio, M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, et la société Noir à payer à la société Artiris, chacune, la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamer les sociétés BBDA, Fix Studio, M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, solidairement avec la société Noir aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 février 2024, la société BBDA, la société Fix Studio et M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, demandent à la cour de :
– Déclarer la société Artiris mal fondée en son appel principal et l’en débouter ;
– La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– Confirmer le jugement du tribunal de commerce du 21 janvier 2022 en ce qu’il a :
– Débouté la société Artiris de toutes ses demandes ;
– Condamné la société Artiris à payer aux sociétés Quad Productions, Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish la somme de 2.000 € chacun au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la société Artiris aux entiers dépens ;
– Infirmer le jugement du tribunal de commerce le 21 janvier 2022 en ce qu’il a :
– Débouté BBDA (Quad Productions), Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish de leur demande d’annulation du contrat du 27 janvier 2016 et, à titre subsidiaire, d’inopposabilité de la clause litigieuse ;
– Débouté BBDA (Quad Productions), Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish, de Ieur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Et statuant de nouveau,
– Prononcer l’annulation du contrat d’apporteur d’affaires du 27 janvier 2016 et, à titre subsidiaire, déclarer la clause litigieuse inopposable aux intimées ;
– Condamner la société Artiris à payer aux sociétés BBDA (Quad Productions), Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish la somme de 12.000 € chacun pour procédure abusive ;
En tout état de cause,
– Rejeter l’intégralité des demandes de la société Artiris ;
– Condamner la société Artiris aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Philippe Châteauneuf, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– Condamner la société Artiris à payer à BBDA (Quad Productions), Fix Studio et M. [T] [S] en tant que liquidateur de la société Fighting Fish la somme de 9.500 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 septembre 2022, la société Noir demande à la cour de :
– Recevoir la société Noir en son appel incident, y faisant droit ;
– Infirmer la décision attaquée en ce qu’elle a débouté la société Noir de sa demande d’irrecevabilité ;
– Infirmer la décision attaquée en ce qu’elle a débouté la société Noir de sa demande reconventionnelle de condamnation à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant de nouveau,
– Déclarer la société Artiris irrecevable, à défaut mal fondée, en toutes ses demandes formées à l’encontre de la société Noir ;
– Condamner la société Artiris à payer à la société Noir la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– Confirmer la décision pour le surplus et débouter la société Artiris de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner la société Artiris à payer à la société Noir la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l’irrecevabilité
La société Noir a formé appel incident du jugement qui l’a déboutée de sa fin de non recevoir. Elle fait valoir, au visa de l’article 32 du code de procédure civile, qu’elle n’est pas partie au Contrat ni même intéressée à celui-ci et que, dès lors, la société Artiris est dépourvue d’un intérêt à agir à son encontre dans le cadre d’une action en responsabilité contractuelle, que cette dernière ne dispose pas davantage de cet intérêt à agir au titre de son éventuelle responsabilité délictuelle également recherchée par la société Artiris. Elle expose à cet égard que ses prestations ont été fournies directement à la société The Harmonist sans l’intermédiation de la société Artiris. Elle sollicite l’infirmation du jugement sur ce point et invite la cour à déclarer l’action de la société Artiris irrecevable à son encontre.
La société Artiris ne s’exprime pas spécialement sur ce point. Elle sollicite, par ailleurs, la condamnation de la société Noir solidairement avec les autres sociétés du ‘Groupe Quad’ concernées au paiement de commissions et de dommages et intérêts au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil.
La société BBDA, la société Fix Studio et M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, n’ont pas formé appel incident de la décision du tribunal qui a débouté la SAS Noir de sa demande d’irrecevabilité et ne s’expriment pas sur ce point.
*
L’article 32 du code de procédure civile dispose qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
Devant la cour, la société Artiris ne met pas en cause la responsabilité délictuelle de la société Noir, contrairement à ce soutient cette dernière, mais sa responsabilité contractuelle, supposément partie au contrat d’apporteur d’affaires litigieux du fait de son appartenance alléguée au ‘Groupe Quad’, ainsi que cela résulte du dispositif et de la motivation de ses dernières écritures prises notamment au visa des seuls articles 1134 et 1147 anciens du code civil alors que devant les premiers juges la société Artiris avait recherché la responsabilité délictuelle de la société Noir (jugement entrepris page 4).
Il est constant que la société Noir n’est pas signataire du contrat d’apporteur d’affaires litigieux.
La société Artiris dispose toutefois d’un droit d’agir contre celle-ci au titre d’une obligation de payer des commissions prétendument souscrite par la société Noir, considérant qu’elle serait partie prenante au Contrat du fait de son appartenance alléguée au ‘Groupe Quad’ composé d’autres sociétés notamment signataires du Contrat, appréciation soumise au seul juge du fond.
Le jugement qui a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société Noir au motif que la société Artiris ne disposerait pas d’un intérêt à agir contre elle sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de paiement de la somme de 290.000 €
La société Artiris sollicite l’infirmation du jugement qui l’a déboutée de sa demande de paiement de la somme de 290.000 € par les sociétés BBDA, Fix Studio, M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, et la société Noir, solidairement, au titre des commissions générées par les prestations fournies à la société The Harmonist et dues sur le fondement du contrat d’apporteur d’affaires en date du 27 janvier 2016 (le Contrat).
– Sur la nullité du Contrat et subsidiairement l’inopposabilité de la clause litigieuse aux intimées
La société BBDA, la société Fix Studio et M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, intimés, pour s’opposer à la demande de paiement, sollicitent devant la cour la nullité du Contrat, prétention dont ils ont été déboutés par les premiers juges. Au visa des articles 1109, 1110 et 1116, alinéa 1, anciens du code civil, ils soutiennent que M. [O], représentant légal de la société Artiris, a ajouté subrepticement une clause au Contrat viciant leur consentement obtenu ainsi par dol et fraude, en vue d’obtenir le paiement de commissions indues. Subsidiairement, ils sollicitent de la cour de déclarer que cette clause leur est inopposable.
La société Artiris conteste le caractère frauduleux et dolosif de la modification apportée au Contrat. Elle fait valoir que les intimées ont manifesté leur accord, par voie de signature, sur le document comportant la clause litigieuse rédigée en termes clairs et non ambigus de sorte que la man’uvre frauduleuse n’est pas démontrée. Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté les intimées de leur demande tendant à l’annulation du Contrat et, à titre subsidiaire, à l’inopposabilité de la clause précitée.
La société Noir ne s’exprime pas spécialement sur ce point.
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L’article 1109 ancien du code civil dispose qu »Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol’.
L’article 1116, alinéa 1, ancien du même code prévoit que : ‘Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté’.
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Il appartient aux sociétés BBDA, Fix Studio et à M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, d’établir l’existence du dol et de la fraude allégués.
Contrairement à ce que les sociétés BBDA, Fix Studio et M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, soutiennent, il ne résulte pas des échanges accompagnés parfois des différentes versions du contrat litigieux (leurs pièces 7, 9, 12, 14 et 16), aboutissant à la signature par les parties concernées du Contrat portant la date manuscrite du 27 janvier 2016 (pièce 2 – Noir ; pièce 4 – Artiris), que la société Artiris a commis un dol ou une fraude à l’occasion de l’insertion d’une clause (figurant à la fin de l’article 1 du Contrat) rédigée en ces termes : « Les commissions d’ARTIRIS seront calculées sur tous les projets réalisés par les clients apportés, sans limite dans le temps ».
Le projet de contrat accompagnant le courriel du 3 février 2016 de Mme [D] (directrice financière de la société BBDA) à M. [O] ne fait pas mention de cette clause, ni celui renvoyé par ce dernier, le 19 février 2016, puis le 11 avril 2016. Ce dernier courriel, resté sans réponse, a fait l’objet d’une relance par M. [O] le 6 janvier 2017 pour signature. Mme [D] a répondu, le 10 janvier 2017, que cette version du 6 janvier 2017 comportait quelques erreurs (mention à tort de la société Art & Sens en signature) invitant M. [O] à lui renvoyer une version corrigée et signée.
Le courriel du 30 mai 2017 de M. [O] (pièce 16 précitée), en réponse à celui de Mme [D] du 10 janvier 2017, est accompagné d’un projet de contrat d’apporteur d’affaires, mentionnant comme les précédents la date dactylographiée du 27 janvier 2016 en préambule, mais in fine portant la date manuscrite du 10 septembre 2015 suivie de la signature de M. [Y] cette fois pour le compte de la société Artiris (et non plus Art & Sens).
L’article 1 de cette version du contrat litigieux datée manuscritement du 10 septembre 2015 mentionne la clause litigieuse.
Cette version est nécessairement antérieure à la version considérée comme définitive par les parties (pièce 2 – Noir ; pièce 4 – Artiris) laquelle ne porte plus la date dactylographiée du 27 janvier 2016 en tête du Contrat mais mentionne in fine la date du 27 janvier 2016, cette fois manuscrite (et non plus celle du 10 septembre 2015 dans la version précédente). Cette version définitive est revêtue de la signature de M. [O] (et non plus celle de M. [Y] ), pour la société Artiris, ainsi que celle de M. [S] pour le Groupe Quad (nom contractuellement donné aux trois sociétés signataires : BBDA, Fix Studio et Fighting Fish.
La clause litigieuse n’a donc pas été insérée subrepticement car elle figurait déjà dans une version précédente soumise à l’examen des sociétés signataires.
La cour relève, en outre, que M. [O], émetteur de ce courriel du 30 mai 2017, informe sa destinatrice ainsi:
‘…,
Il y avait en effet un Art & Sens qui traînait dans le contrat précédemment envoyé.
Veuillez donc le trouver à nouveau, modifié et signé par nos soins.
Auriez-vous la gentillesse de le faire signer par [T] [[S]]
…’.
Il s’en déduit que l’attention au moins de la société BBDA a été appelée sur l’existence de modifications apportées au projet de contrat (certes limitées à la présence non justifiée de la dénomination ‘Art & Sens’) invitant, néanmoins, à la relecture attentive de l’intégralité de cette version, composée uniquement de deux pages, permettant aux trois sociétés, toutes représentées par M. [T] [S], d’exprimer, le cas échéant, leur éventuel désaccord sur la présence de cette clause avant de signer ultérieurement la version définitive du Contrat.
Les sociétés BBDA, Fix Studio et M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, succombent à démontrer que l’insertion de la clause litigieuse résulte de manoeuvres tendant à obtenir la signature de la version définitive du Contrat sans que ces sociétés puissent s’en rendre compte. Elles ne peuvent prétendre que leur consentement a été surpris par dol ou fraude.
Le jugement qui a débouté les sociétés BBDA, Fix Studio et M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, de leur demande de nullité du Contrat ou subsidiairement d’inopposabilité de la clause litigieuse, sera confirmé sur ce point
– Sur le droit de la société Artiris au paiement de la somme de 290.000 €
La société Artiris reproche au ‘groupe Quad’ une exécution déloyale du Contrat. Elle affirme avoir été évincée de la relation qu’elle avait créée entre son client, la société The Harmonist, et les sociétés composant le groupe Quad, ce à compter du mois de juillet 2016 à l’issue de la présentation de son client à M. [M] [X], représentant la société Noir. Elle affirme que le groupe Quad a confié directement la gestion de ce client à la société Noir en s’abstenant de respecter son obligation de paiement des commissions dues au titre d’apporteur d’affaires prévues au Contrat. Elle soutient que la société Noir appartient au groupe Quad, animé par une société holding dénommée NPC, compte tenu des liens capitalistiques existants entre cette société et les autres sociétés de ce groupe (BBDA, Fix Studio, Fighting Fish), de l’existence d’une communauté d’intérêts entre les dirigeants de celles-ci, de la confusion entretenue par ces derniers dans l’utilisation de la dénomination ‘groupe Quad’, de l’exploitation d’une double adresse de messagerie (@quad.fr et @noir-paris.com) par la même personne, d’adresse commune pour les sièges sociaux.
Elle soutient que les sociétés du groupe Quad et la société Noir ont agi à son égard comme ne formant qu’une unité économique et un tout indissociable lors de la réalisation de l’ensemble des prestations effectuées pour le compte de son client, la société The Harmonist, qu’il s’agisse de la ‘première vague’ de ces prestations pour laquelle elle a perçu les commissions convenues (avant le mois de juillet 2016) ou de la seconde (après le mois de juillet 2016) pour laquelle elle réclame le paiement de commissions au titre du Contrat.
La société BBDA, la société Fix Studio et M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish, font valoir qu’ils n’ont produit qu’un film pour la société The Harmonist, les autres l’ayant été par la société Noir, et qu’à supposer même qu’elles qu’ils aient produit autre chose que ce film pour la société The Harmonist, la société Artiris ne pourrait prétendre à quelque nouvelle commission que ce soit puisque la société Noir ne fait pas partie du groupe Quad au sens contractuel ou au sens légal.
La société Noir rappelle qu’elle n’est pas partie au Contrat de sorte que la société Artiris n’est pas fondée à lui réclamer de paiement de commissions. Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point.
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Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
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La cour comprend que la somme de 290.000 € réclamée par la société Artiris correspond au montant des commissions générées par les prestations supposément fournies à son client, la société The Harmonist, postérieurement au mois de juillet 2016, notamment par la société Noir si les termes du Contrat avaient été appliqués à cette dernière.
– Sur la condamnation solidaire de la société Noir au paiement
Ainsi qu’il a été dit précédemment, la société Artiris recherche la responsabilité contractuelle et non délictuelle de la société Noir.
Il lui appartient de démontrer que la société Noir qui n’est pas signataire du Contrat en a, cependant, accepté les termes et conditions, en ce compris le paiement d’une commission d’apporteur d’affaires à la société Artiris en contrepartie de prestations rendues à la société The Harmonist, au même titre que les parties signataires au point d’être considérée comme telle.
L’existence de liens capitalistiques entre plusieurs sociétés ou de communauté d’intérêts entre personnes physiques exerçant leur activité au sein de ces sociétés ne suffit pas à considérer que la société Noir était une partie contractante au Contrat.
A cet égard, le fait pour la société Noir d’appartenir à une ‘unité économique’ ou ‘un tout indissociable’, à supposer cette appartenance démontrée, ne permet pas à la société Artiris de qualifier de partie contractante la société Noir. En effet, la société Noir est investie de sa propre personnalité morale, distincte de celle des autres sociétés appartenant supposément à cette ‘unité’ ou à ce ‘tout’. En outre, en application du principe de l’effet relatif des contrats posé par l’article 1165 (devenu 1199) du code civil, la convention conclue par les trois sociétés signataires (BBDA, Fix Studio, Fighting Fish) ne peut obliger la société Noir.
Il résulte des documents produits par la société Artiris que la société Noir, présidée par M. [M] [X], est détenue minoritairement (29%) par la société holding NPC, le capital de cette dernière se répartissant entre M. [T] [S] (13,75 %), les consorts [R] (72,5 %) et M. [M] [X] (12,5 %). L’existence de liens capitalistiques direct entre la société Noir et les autres sociétés signataires du Contrat n’est pas établie.
Il s’en déduit que la société Artiris, qui ne précise pas ce qu’elle entend par ‘unité économique’, ne peut soutenir que l’ensemble de ces sociétés formerait un ‘tout indissociable’ alors que la société NPC ne détient qu’une participation minoritaire au capital de la société Noir et que le président de cette dernière (M. [M] [X]) ne dispose que de 12,5% du capital de la société NPC sans détenir directement de participations au sein des sociétés BBDA, Fix Studio et Fighting Fish (en liquidation).
La société Artiris déplore, par ailleurs, la ‘confusion totale’ entretenue par ses adversaires entre M. [M] [X] et le Groupe Quad. M. [M] [X] aurait agi comme seul ‘interlocuteur clef’ au nom de ce groupe dans le cadre des prestations fournies par la société Noir à la société The Harmonist.
Le dossier révèle que la société BBDA a pour nom commercial ‘Quad Productions’, que le Contrat identifie les trois sociétés signataires sous le vocable unique de ‘Le Groupe Quad’, et qu’il n’est pas contesté que la société NPC utilise la dénomination ‘Quad Group’.
La cour constate que la société Artiris invoque la notion de groupe Quad dans son argumentation sans nécessairement respecter cette distinction typographique créant à son tour une certaine confusion. Dans l’emploi des mots quad et groupe quad, la cour appliquera les définitions et associations d’entités en fonction de la typographie utilisée et identifiée au paragraphe précédent.
Non sans contradiction, la société Artiris dont la demande est notamment dirigée contre la société Noir, soutient (page 18 de ses écritures) qu’elle n’a jamais voulu ‘contacter’ la société Noir mais s’être adressée directement à M. [M] [X] dont les réalisations sont mentionnées sur le site de la société BBDA sans aucune référence à la société Noir. Elle en déduit que M. [M] [X] a agi pour Le Groupe Quad (les trois sociétés signataires du Contrat) dans le cadre de ses prestations au profit de la société The Harmonist.
La société Artiris ne peut à la fois soutenir que la société Noir a exposé sa responsabilité contractuelle au motif allégué qu’elle s’est comportée comme partie prenante au Contrat et par ailleurs prétendre que M. [M] [X] s’est présenté comme agissant au nom du Groupe Quad (les parties signataires du Contrat), indépendamment de la société Noir qu’il préside, au point que la société Artiris a pu croire que les prestations fournies par M. [M] [X] à son client, la société The Harmonist, étaient réalisées par Le Groupe Quad.
Il ne peut être déduit de la seule utilisation de deux messageries différentes pour une salariée (Mme [P] [A] : [Courriel 11] et [Courriel 10]@noir-paris.com) qu’il existe une confusion d’activité entre les sociétés BBDA et Noir conduisant à considérer que cette dernière est partie au Contrat alors que la société Artiris ne justifie pas que M. [M] [X] disposerait également d’une messagerie ‘@ quad.fr’, que Mme [A] qui a rejoint la société BBDA collabore depuis longtemps en qualité de producteur exécutif, chargé de ‘fabriquer’ le film (line producer), avec M. [M] [X] lui-même réalisateur de films (pièce 33 – Artiris), que le cumul de ces deux fonctions ne permet pas d’établir la confusion reprochée.
A cet égard, la cour constate que M. [Z] [O] utilise constamment dans ses échanges avec ses interlocuteurs de la société BBDA (M. [T] [S], Mme [B] [D]) la messagerie [Courriel 9] avec un bloc de signature ‘Directeur Associé ART & SENS’ alors que la société Art & Sens n’est pas signataire du Contrat.
Ainsi, dans le contexte, l’emploi de telle ou telle adresse de messagerie correspond à une commodité fonctionnelle sans entraîner de conséquences juridiques.
Il sera relevé, par ailleurs, que d’une part les sociétés signataires, d’autre part la société Noir ne disposent pas du même siège social.
Enfin, la société Artiris n’établit pas que la société Noir a exprimé le souhait d’adhérer volontairement au Contrat.
De ce qui précède, il se déduit, contrairement à ce que soutient la société Artiris, que la société Noir ne peut être considérée comme une partie au Contrat en ce qu’elle appartiendrait au Groupe Quad composé des trois sociétés (BBDA, Fix Studio et Fish Fighting) signataires du Contrat, seules redevables d’une commission d’apporteur d’affaires au titre des affaires générées par les prestations qu’elles ont pu fournir à la société The Harmonist.
Dès lors, il importe peu d’établir que la société Noir a fourni ou non des prestations à la société The Harmonist.
La société Artiris ne peut ainsi réclamer le paiement de commissions à la société Noir en vertu du Contrat auquel cette dernière n’est pas partie.
– Sur la condamnation solidaire des sociétés signataires du Contrat
Pour justifier de sa demande de paiement auprès des sociétés signataires du Contrat, la société Artiris produit un tableau (pages 6 et 7 de ses écritures) listant les prestations prétendument fournies par celles-ci à la société The Harmonist entre le mois d’août 2016 et le premier semestre 2018. Elle prétend l’avoir établi en s’appuyant sur une liste technique de tournage (sa pièce 43) ou sur des visuels de prestations (sa pièce 5) ou encore sur un extrait de site Internet (sa pièce 37).
Aucun de ces documents ne permet de constater que les prestations identifiées à ce tableau ont été fournies par les sociétés signataires du Contrat.
La liste technique ne concerne que le tournage du film ‘Alchimiste’ réalisé entre le 13 et le 22 octobre 2015 par M. [M] [X] et produit par la société BBDA pour le compte de la société The Harmonist. Cette prestation a fait l’objet d’une rémunération au profit de la société Artiris. Le visuel de prestations se présente sous forme de ‘planches contacts’ sans référence temporelle. Il ne permet pas de constater que les trois sociétés signataires du Contrat en sont à l’origine. L’extrait du site Internet, daté du 27 avril 2022, imprimé sur une page, mentionnant le site de la société Fix Studio (www.fixstudio.com) et présentant deux photographies qui selon l’appelante seraient extraites de deux films (‘PHILOSOPHY’ et ‘YIN TRANSFORMATION’) réalisés pour le compte de la société The Harmonist après le mois de juillet 2016 ne suffit pas à établir que ces films ont été produits par Le Groupe Quad.
Il résulte des échanges et des pièces communiqués aux débats que les prestations litigieuses réalisées après le mois de juillet 2016 ont été rendues soit par M. [M] [X], en qualité de réalisateur, soit par la société Noir en qualité de producteur à la demande de la société The Harmonist ainsi que cela résulte notamment de l’attestation établie par sa dirigeante le 3 septembre 2019 (pièce 5 – Noir) : ‘C’était exclusivement mon idée d’engager [M] [X] et sa société de production NOIR en vue de créer une série d’ouvrages imprimés et de films publicitaires pour la maison de parfums The Harmonist. Le seul rôle joué par [Z] [O] dans cette collaboration fut qu’à ma demande il a fait suivre à [M] [X] mon courriel (2 juin 2016 ci-joint) sur la philosophie et les concepts de la marque THE HARMONIST’. (traduction libre de l’anglais).
La société Artiris qui a formé appel de la décision des premiers juges la déboutant de sa demande ‘de communication de tous éléments comptables au titre des prestations effectuées par la SAS BBDA Quad Production, Fix Studio et Fighting Fish et par la SAS Noir, pour le compte du client la société The Harmonist, sur la période du 1er septembre 2015 au 18 août 2018″ ne soutient ni ne forme de prétention à ce titre au dispositif de ses dernières écritures.
La société Artiris ne justifie pas du bien-fondé de sa demande en paiement de commissions à l’encontre des sociétés signataires du Contrat.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Artiris de sa demande de paiement de la somme de 290.000 € à l’encontre des intimées.
Sur les dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale
La société Artiris sollicite la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice du fait de l’exécution déloyale par les intimées du contrat d’apporteur d’affaires du 27 janvier 2016. Elle fait valoir que l’inexécution par Le Groupe Quad de ses obligations contractuelles lui a causé un préjudice certain résultant en l’occurrence de la rupture des relations commerciales de cette dernière avec son client la société The Harmonist.
Les intimées (la société BBDA, la société Fix Studio et M. [T] [S], ès-qualités de liquidateur de la société Fighting Fish) et la société Noir ne répondent pas spécialement sur ce point mais sollicitent la confirmation du jugement entrepris qui a débouté la société Artiris de l’ensemble de ses demandes.
Au regard de la solution retenue par la cour il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la procédure abusive
Les sociétés BBDA, Fix Studio et M. [T] [S], en tant que liquidateur de la société Fighting Fish, sollicitent la condamnation de la société Artiris à leur payer la somme de 12.000 € chacun pour procédure abusive.
La société Noir sollicite à l’encontre de la société Artiris la somme de 10.000 € pour procédure abusive.
La société Artiris ne s’explique pas spécialement sur ce point mais sollicite le débouté de l’ensemble des demandes des intimées.
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Le droit d’action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu’en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que la condamnation à dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l’intention malicieuse et de la conscience de l’acharnement procédural voué à l’échec.
Le caractère non fondé des prétentions de la société Artiris ne suffit pas à caractériser l’abus de l’exercice de ce droit.
Les intimées ne justifient pas de cet abus.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ainsi qu’en celles relatives à l’indemnité de procédure.
La société Artiris sera condamnée aux dépens d’appel.
La société Artiris sera condamnée à verser une indemnité de procédure de 2.000 € à chacune des intimées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 21 janvier 2022,
y ajoutant,
Condamne la SAS ARTIRIS aux dépens d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SAS BBDA QUAD PRODUCTIONS, de la SAS FIX STUDIO, de M. [T] [S], ès qualités de liquidateur amiable de la SAS FIGHTING FISH,
Condamne la SAS ARTIRIS à payer à la SAS BBDA QUAD PRODUCTIONS, à la SAS FIX STUDIO, à M. [T] [S], ès qualités de liquidateur amiable de la SAS FIGHTING FISH, à la SAS NOIR, chacun, la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le conseiller,