Évaluation des préjudices et respect des droits des parties dans le cadre d’une indemnisation suite à un accident de la circulation

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Évaluation des préjudices et respect des droits des parties dans le cadre d’une indemnisation suite à un accident de la circulation

Accident de la circulation

M. [L] [R] a été victime d’un accident de la circulation en 2014.

Jugement du tribunal correctionnel

Le 3 mars 2015, le tribunal correctionnel a déclaré M. [X] [J] coupable de blessures involontaires aggravées et a reçu les constitutions de partie civile de M. [R] ainsi que des consorts [R] et [U].

Condamnation et appel

Le 14 mai 2019, le tribunal a condamné M. [J] à verser à M. [R] diverses sommes en réparation de ses préjudices. Les parties civiles et l’assureur de M. [J] ont interjeté appel de cette décision.

Déchéance des pourvois

M. [S] [R], Mmes [D] [R] et [K] [U], parties civiles, n’ont pas déposé de mémoire dans le délai légal, entraînant leur déchéance de pourvois selon l’article 590-1 du code de procédure pénale.

Critique du préjudice corporel

Le premier moyen du mémoire ampliatif, proposé pour M. [L] [R], conteste l’évaluation de son préjudice corporel à 4 321 770,87 euros, dont seulement 330 259,60 euros pour la perte de gains professionnels futurs.

Argumentation sur la rente d’invalidité

Il est soutenu que le juge ne peut retenir un montant de rente différent de celui produit par l’organisme social, en l’occurrence la CPAM, qui a établi une rente d’invalidité capitalisée à 224 154,88 euros. La cour d’appel aurait ainsi méconnu le principe de réparation intégrale.

Violation du principe du contradictoire

Il est également avancé que le juge doit respecter le contradictoire et ne peut soulever un moyen d’office sans recueillir les observations des parties. En réactualisant la rente d’invalidité sans invitation des parties, la cour d’appel aurait violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Réponse de la Cour

La Cour rappelle que le juge doit faire observer le principe du contradictoire et que le préjudice doit être réparé dans son intégralité. L’arrêt attaqué a utilisé un barème de capitalisation 2022 pour actualiser la rente viagère, mais a déduit des arrérages la pension d’invalidité sans invitation des parties à s’expliquer.

Conséquences de la cassation

La cassation ne concerne que les dispositions relatives à l’imputation de la rente d’invalidité sur l’évaluation de la perte de gains professionnels futurs, tandis que les autres dispositions de l’arrêt seront maintenues.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 novembre 2024
Cour de cassation
Pourvoi n°
23-83.020
N° Q 23-83.020 F-D

N° 01314

ODVS
5 NOVEMBRE 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 NOVEMBRE 2024

MM. [L] et [S] [R], Mmes [D] [R] et [K] [U], parties civiles, ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 20 mars 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [X] [J] du chef de blessures involontaires aggravées, a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de MM. [L] et [S] [R], Mmes [D] [R] et [K] [U], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de SA [1], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [L] [R] a été victime en 2014 d’un accident de la circulation.

3. Par jugement du 3 mars 2015, le tribunal correctionnel a déclaré M. [X] [J] coupable de blessures involontaires aggravées et reçu les constitutions de partie civile de M. [R] et des consorts [R] et [U].

4. Le 14 mai 2019, le tribunal a, notamment, condamné M. [J] à payer à M. [R] diverses sommes en réparation de ses préjudices.

5. Les parties civiles et la société [1], assureur de M. [J], ont relevé appel de cette décision.

Déchéance des pourvois formés par M. [S] [R], Mmes [D] [R] et [K] [U]

6. M. [S] [R], Mmes [D] [R] et [K] [U], parties civiles, n’ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leurs pourvois par application de l’article 590-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le premier moyen du mémoire ampliatif, proposé pour M. [L] [R], critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a fixé son préjudice corporel à la somme de 4 321 770,87 euros dont 330 259,60 euros seulement au titre de la perte de gains professionnels futurs, alors :

« 1°/ que le recours des organismes sociaux pour les prestations qu’ils ont versées s’exercent sur les indemnités accordées à la victime dans la limite des chefs de préjudice que ces prestations réparent et dans la limite du montant de leur créance ; qu’il en résulte que le juge ne peut retenir dans sa décision un montant de rente différent de celui produit par l’organisme social ; qu’en l’espèce, la CPAM de l’Hérault a produit un décompte définitif de ses débours faisant état d’une rente d’invalidité pour un montant capitalisé de 224 154,88 euros ; qu’en prenant en compte et en déduisant du préjudice de M. [R] afférent à la perte de gains professionnels futurs une somme de 509 225,80 euros correspondant au montant, réactualisé par ses soins, de la rente d’invalidité de la CPAM, la cour d’appel a méconnu le principe de la réparation intégrale et violé l’article 1240 du code civil ;

2°/ que le juge doit en toute matière respecter le contradictoire et ne peut donc soulever un moyen d’office sans recueillir au préalable les observations des parties ; qu’en l’espèce, en procédant d’office à la réactualisation de la rente d’invalidité de la CPAM, sans inviter les parties à s’expliquer sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, ensemble l’article préliminaire du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaires du code de procédure pénale et 1240 du code civil.

8. Il se déduit des premiers de ces textes que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire.

9. Il résulte du dernier que le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

10. Pour actualiser au jour de la décision la rente viagère qui indemnise la perte de gains professionnels futurs de M. [R], l’arrêt attaqué énonce que le barème de capitalisation 2022 publié à la Gazette du Palais paraît le mieux adapté à assurer, sans perte ni profit pour le futur, la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime.

11. Le juge déduit ensuite des arrérages à échoir au titre de la perte de gains professionnels futurs la pension d’invalidité capitalisée sur la base de ce même barème.

12. En statuant ainsi, en prenant en compte et en déduisant du préjudice de la partie civile relatif à la perte de gains professionnels futurs un montant de rente capitalisé, réactualisé par ses soins, sans inviter les parties à s’expliquer sur ce point, en retenant en outre un barème autre que celui résultant des dispositions réglementaires impératives applicables, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquence de la cassation

14. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à l’imputation de la rente d’invalidité servie par la caisse primaire d’assurance maladie sur l’évaluation de la perte de gains professionnels futurs. Les autres dispositions seront donc maintenues.


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